24 mai 1943
EFFROYABLE
crime à Xousse
UNE VEUVE EST ETRANGLEE PAR L'AMANT DE SA FILLE ET SA FILLE
ELLE-MEME
Lunéville, 23 mai (de notre rédaction). - Samedi après-midi, le
parquet de Lunéville s'est transporté à Xousse, pour procéder à
la reconstitution d'un crime effroyable, commis dans la matinée
du vendredi 14 mai, et découvert à l'issue d'une enquête très
serrée, menée par la gendarmerie, enquête qui devait aboutir aux
aveux complets des deux coupables, Levang Auguste, âgé de 23 ans
domestique de culture, et Marguerite Reutenauer, 17 ans, la
propre fille de la victime.
La veuve Reutenauer, née Hubert Marguerite, âgée de 37 ans, mère
de trois enfants, dont deux de 7 et 4 ans, exploitait une ferme
assez importante, située à l'entrée du village ; il y a quelques
mois, elle avait pris à son service Auguste Levang Celui-ci,
assez joli garçon, était devenu l'amant de la jeune Marguerite.
A ce titre, il se crut autorisé à dérober, de complicité avec
son amie, une certaine quantité de bouteilles de mirabelle et
des saucisses à sa patronne ; il fut condamné, pour ce fait, à
vingt jours de prison.
Levang et la jeune Marguerite avaient décidé de régulariser leur
union. La mère, s'opposant obstinément à ce projet, des scènes
violentes éclataient journellement entre elle et sa fille. C'est
alors que, pour mettre fin au conflit familial, le domestique et
sa maîtresse résolurent, d'un commun accord, de supprimer
l'obstacle
Le vendredi 14 mai. Mme Reutenauer se trouvait à l'étable,
occupée à traire une vache ; sa fille, à côté d'elle, épuisait
le pis d'une autre.
Levang survint alors, à pas feutrés, porteur d'une longue corde,
munie d un noeud coulant. Il lança la corde sur les épaules de
la cultivatrice, et tira de toute sa force. La malheureuse tomba
en poussant un cri. Levang tira plus fort et réduisit sa victime
au silence. La fille intervint alors. Elle se jeta sur sa mère
et lui immobilisa les bras et les jambes.
Quand la pauvre femme ne donna plus signe de vie, on dissimula
le cadavre sous la paille de l'étable, puis les deux misérables
allèrent déjeuner.
Ils s'en furent ensuite à la campagne, à la recherche d'un coin
perdu où ils pourraient enfouir leur victime. Ils trouvèrent, à
dix-huit cents mètres du village, une sape non comblée et c'est
dans celle-ci que, la nuit venue, ayant placé le cadavre sur une
charrette, ils le transportèrent avec la conviction de supprimer
ainsi la preuve matérielle de leur épouvantable crime.
Aux habitants de la commune qui s'étonnaient de la subite
disparition de Mme Reutenauer, le domestique et sa maîtresse
répondirent que la cultivatrice avait décidé de se retirer chez
son beau-frère, habitant une commune du Bas-Rhin.
Détail abject, aggravant si possible leur forfait : le premier
soin de Levang et de Marguerite Reutenauer, après le crime, fut
de rassembler les économies de la cultivatrice, dissimulées en
des coins d'armoire et le coffre d'un fourneau abandonné, en
tout une somme de 29.000 francs.
Après examen du cadavre par M. le docteur Miot, de Lunéville,
le parquet, composé de MM. Roch, procureur de l'État français ; Bardin, juge d'instruction ; le capitaine de gendarmerie
Debrosse et Contal, greffier, procéda à la reconstitution du
crime et reçut les aveux renouvelés d'Auguste Levang et de sa
complice.
Le sinistre couple a été conduit à Nancy et écroué a la prison
départementale, en attendant sa comparution. 24 octobre 1943
Le crime de Xousse sera évoqué
LUNDI PROCHAIN, DEVANT LA COUR D'ASSISES
Les sessions de la Cour d'assises de Meurthe-et-Moselle sont de
plus en plus courtes. Ainsi le rôle du quatrième trimestre ne
comporte qu'une seule affaire, mais dont la gravité est telle
que le ministère public demandera la peine de mort contre les
deux accusés.
Il s'agit de Marguerite Reutenauer, 18 ans, qui assassina sa
mère à Xousse, le 13 mai dernier de complicité avec son amant,
Auguste Levang, âgé de 24 ans.
Tous deux comparaîtront lundi prochain, à 14 heures, devant le
jury;
Levang, qui est d'origine alsacienne, fut en octobre 1942
embauché comme domestique de culture par Mme Marguerite
Reutenauer, 39 ans, veuve depuis peu de temps, et qui
exploitait, à Xousse, petite localité du canton de Blâmont, une
maison de culture assez importante, puisqu'elle disposait d'une
quarantaine d'hectares de terres labourables et de prés, avec
une dizaine de têtes de bétail et un cheval
Mme Reutenauer avait trois enfants L'aînée, Marguerite, née à
Strasbourg d'un père inconnu ne fut légitimée que quand sa mère
épousa six ans après Emile Reutenauer. De cette union naquirent
deux garçons âgés actuellement de 7 et 4 ans.
Levang, assez, joli garçon, ne tarda pas à devenir l'amant de
Marguerite Reutenauer déjà considérée comme une jeune fille
précoce. Des incidents ne tardèrent pas à éclater entre eux et
Mme Reutenauer.
Tout d'abord Levang, avec la complicité de Marguerite, déroba à
sa patronne des provisions qu'il vendit pour acheter des bagues
et autres objets en vue d'un mariage qu'il envisageait comme
prochain. Mme Reutenauer, ne sachant qui la volait, déposa une
plainte L'enquête de gendarmerie révéla que le coupable était
Levang, à qui le tribunal de Lunéville infligea, en mars
dernier. 20 jours de prison.
A l'expiration de sa peine, Levang n'en revint pas moins
travailler chez Mme Reutenauer qui. ayant besoin de
main-d'oeuvre, ne lui tint pas rigueur. Elle supporta également
que sa fille Marguerite alla passer les nuits dans la chambre de
Levang, mais dès qu'on lui parlait de mariage, elle ne voulait
plus rien entendre et de violentes discussions éclataient.
C'est alors que pour mettre fin au conflit familial, le
domestique et sa maîtresse résolurent, d'un commun accord, de
supprimer l'obstacle. Le 15 mai, vers 6 h. 30, Mme Reutenauer se
trouvait à l'étable, occupée à traire une vache ; sa fille, à
côté d'elle, épuisait le pis d'une autre Levang survint alors, à
peu feutrés, porteur d'une longue corde, munie d'un noeud
coulant. Il lança la corde sur les épaules de la cultivatrice et
tira de toute sa force La malheureuse tomba en poussant un cri.
Levang tira plus fort et réduisit sa victime au silence. La
fille se jeta sur sa mère et lui immobilisa les bras et les
jambes. Quand la pauvre femme, étranglée, ne donna plus signe de
vie, on dissimula le cadavre sous la paille de l'étable, puis
les deux misérables allèrent déjeuner. Ils s'en furent ensuite à
la campagne, A la recherche d'un coin perdu où ils pourraient
enfouir leur victime. Ils trouvèrent, à dix huit cents mètres du
village, une sape non comblée, et c'est dans celle-ci que, la
nuit venue, ayant placé le cadavre sur une charrette, ils le
transportèrent avec la conviction de supprimer ainsi la preuve
matérielle de leur épouvantable crime
Aux habitants de la commune qui s'étonnaient de la subite
disparition de Mme Reutenauer, le domestique et sa maîtresse
répondirent que la cultivatrice avait décidé de se retirer chez
son beau-frère habitant une commune du Bas-Rhin
Le premier soin de Levang et de Marguerite après le crime fut de
s'emparer des économies de la cultivatrice, dissimulées dans le
coffre d'un fourneau, et qui se montaient à 29,000 francs.
La gendarmerie s'étant préoccupée de la disparition de Mme
Reutenauer, obtint les aveux des coupables.
Levang est lui aussi un enfant naturel On croit que son père
aurait été un prisonnier russe travaillant, en Alsace pendant
l'autre guerre II a confié à Me Bourdault la lourde tâche de le
défendre devant la Cour d'assises. Marguerite Reutenauer a
chargé Me Robert Kalls de plaider pour elle. L'accusation sera
soutenue par M. le substitut général Orsat, et c'est M. le
conseiller Cuny qui présidera les débats. 26 octobre 1943
LE CRIME DE XOUSSE EVOQUE AUX ASSISES
Double condamnation à mort
Les graves soucis de l'heure présente ne semblent pas avoir
atténué la curiosité du public pour les causes criminelles.
Lundi après-midi, dès l'ouverture des portes, la grande salle
des assises fut rapidement garnie d'une foule avide de suivre
les procès des deux auteurs de l'effroyable crime de Xousse,
sans doute parce qu'il est fort heureusement rare de voir au
banc des accusés une jeune fille assez dénaturée pour avoir fait
assassiner sa mère par son amant.
Marguerite Reutenauer, qui n'avait pas encore 18 ans au moment
des faits, présente à la barre l'aspect d'une robuste fille de
ferme, aux joues replètes et colorées Tout en baissant la tête
d'un air contrit, elle glisse de côté un regard sournois. Pour
la circonstance, elle a eu la coquetterie de faire onduler ses
cheveux châtains.
Son amant et complice, Auguste Levang, âgé de 24 ans, mince,
élancé, est vêtu d'une vareuse bleue à fermeture éclair et d'un
pantalon de cheval qui lui donnent une allure sportive. Ses
cheveux, d'un blond roux, ses yeux enfoncés sous l'arcade
sourcilière, son nez retroussé, ne démentent pas la version qui
lui attribue comme père un russe prisonnier en Alsace lors de
l'autre guerre
Les deux accusés sont enfants naturels. Marguerite Reutenauer
n'a jamais su qui était son père. Elle avait, déjà sept ans
quand sa mère, ouvrière d'usine à Strasbourg épousa Emile
Reutenauer, qui acheta peu après une ferme de 40 hectares à
Xousse, canton de Blâmont. Parlant surtout en dialecte alsacien
ne fréquentant pas l'église puisqu'ils étaient de religion
protestante, les époux Reutenauer n'avaient pas beaucoup de
relation avec les autres habitants qui les considéraient
cependant comme des travailleurs acharnés et honnêtes.
Emile Reutenauer, qui était devenu le père adoptif de
Marguerite, décéda en 1942.
C'est pourquoi sa veuve se mit quelques mois après en quête d'un
domestique de culture.
Levang, dont la mère est décédée il y a quelques années, se
présenta et entra le 10 octobre 1942 au service de Mme
Reutenauer. Les cultivateurs qui l'avaient précédemment employé
ont donné sur lui des renseignements assez contradictoires.
Interrogeant les accusés, M. le conseiller Cuny constate que
Marguerite Reutenauer ne tarda pas à devenir la maîtresse de
Levang
M. le président. - Vous étiez une bonne ouvrière, mais on ajoute
que vous vous étiez révélée précocement vicieuse et très
autoritaire. Dès la mort du père, vous avez voulu diriger et
commander, ce qui occasionnait des disputes avec votre mère
vis-à-vis de laquelle vous vous montriez insolente et grossière.
Marguerite Reutenauer objecte qu'elle fut élevée très durement.
Ses parents, prétend-elle, ne lui témoignaient pas la même
affection qu'aux deux garçons âgés de 7 et 4 ans, nés de leur
mariage. Pendant quelques mois, Mme Reutenauer ignora que sa
fille passait ses nuits dans la chambre de Levang. Quand elle
l'apprit, il semble quelle s'y résigna facilement. Ce fut
seulement, quand on lui parla de mariage que des discussions
éclatèrent de plus en plus violentes.
Pour se débarrasser d'elle, Levang et Marguerite imaginèrent de
la dénoncer comme ayant conservé un fusil de chasse. Belle
occasion, pensèrent-ils, de prendre la direction de la ferme.
Une perquisition eut lieu, mais le fusil resta introuvable Le
coup était manqué. Les disputes reprirent de plus belle.
Marguerite menaçait de se suicider si Levang partait Elle
prétendit avoir droit à une part de la succession et alla
consulter un avoué.
- Quand donc me débarrasseras-tu de ma mère, disait-elle à
Levang.
Le 14 mai, nouvelle discussion entre Marguerite et sa mère, qui
lui administra des coups de balai.
- Cela ne peut pas continuer ainsi, il faut qu'elle disparaisse,
si nous ne la tuons pas, elle me tuera... », déclara la jeune
fille à son amant. Cette fois, on convint de faire le coup le
lendemain matin.
A 6 h. 30 alors que Mme Reutenauer procédait à la traite d'une
vache. Levang, survenant derrière elle, lui passa une corde au
cou et l'étrangla. Marguerite tenait les jambes de sa mère pour
l'empêcher de se débattre.
Alors que les deux garçonnets dormaient, ils cachèrent, le
cadavre. Le soir venu, ils le chargèrent sur une charrette et
allèrent à 1.500 mètres de la ferme le jeter dans une sape. Pour
expliquer la disparition de Mme Reutenauer, les accusés
prétendirent qu'elle était allée voir sa soeur en Alsace. Les
gendarmes enquêtèrent et recueillirent les aveux des coupables,
qui s'étaient hâtés de s'approprier les 29.000 francs
d'économies de Mme Reutenauer.
- Pourquoi l'avez-vous tuée ? demande M. le président.
- Parce qu'elle s'opposait, à notre mariage, répond Marguerite.
M. le président. - Il semble bien aussi que vous avez agi par
cupidité, vous aspiriez tous deux à exploiter la ferme.
Soumis à un examen mental, les accusés ont été reconnus
entièrement responsables.
Levang, dans une lettre qu'il avait cherché à faire parvenir
clandestinement à Marguerite, et qui fut interceptée à la
prison, disait notamment « que les médecins aliénistes étaient
plus fous que lui ».
M. l'avocat, général Orsat constate, dans son réquisitoire, que
ce crime odieux serait peut-être resté impuni si une voisine
n'avait pas entendu l'appel de secours poussé par Mme Reutenauer
alors qu'on l'étranglait.
Ce fut cette voisine qui éveilla les soupçons des gendarmes. Il
requiert un verdict impitoyable. Me Bourjault, pour Levang, et
Me Robert Kalls pour Marguerite Reutenauer, demandent à la Cour
de tenir compte du jeune âge des accusés et du fait que tous
deux, enfants naturels, furent élevés durement.
A 20 heures, la. Cour a rendu un arrêt condamnant les deux
accusés à la peine de mort. Levang et Marguerite Reutenauer, qui
n'avaient jusque là montré aucune émotion, versèrent alors
quelques larmes.
La session des assises est close.
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