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4 juillet 1949 - Déraillement du Paris-Strasbourg à Emberménil
 


Le Rhône
(Journal du Valais suisse)

5 juillet 1949
Le rapide Strasbourg-Paris a déraillé lundi après-midi à proximité du village d'Embermenil (Meurthe et Moselle). Il y aurait 5 morts et 50 blessés

 

Le Confédéré
(Journal du Valais suisse)

6 juillet 1949
Une catastrophe sur la ligne Paris-Strasbourg
Le rapide Strasbourg-Paris a déraillé à proximité du village d'Embermenil (Meurthe-et-Moselle).
Le mécanicien, qui venait d'aborder une courbe, sentant soudain une résistance anormale, freina aussitôt son convoi qui marchait à 110 km à l'heure, mais il était trop tard pour éviter l'accident.
Le wagon-restaurant et celui qui le suivait, qui étaient respectivement en troisième et quatrième position ont été couchés suivant un angle de 45 degrés. Une rupture d'attelage se produisit alors et le cinquième wagon, arraché de ses boggies et projeté sur le côté, glissa par la vitesse acquise, se couchant sur les rails de la voie parallèle où il se rabota littéralement sur une centaine de mètres.
C'est des débris de cette voiture que l'on retira les restes absolument méconnaissables des morts, dont le nombre est estimé à cinq ou six.
Les autres wagons se sont couchés sur place et quelques-uns de leurs occupants ont été blessés.
La locomotive du rapide a continué à rouler environ un kilomètre, entraînant à sa suite les wagons qui étaient restés dans leur position normale.
En plus des 5 ou 6 morts, on compte entre 40 et 50 blessés, dont certains grièvement. L'accident serait dû à une dilatation des rails causée par la chaleur

 

Nouvelliste valaisin

6 juillet 1949
Le rapide Strasbourg-Paris déraille
Cinq morts
Une cinquantaine de blessés
Lundi, à 13 h. 10, le rapide Strasbourg-Paris a déraillé à proximité du village d'Embermenil (Meurthe-et-Moselle).
Le mécanicien, qui venait d'aborder une courbe, sentant soudain une résistance anormale, freina aussitôt son convoi, qui marchait à 110 km. à l'heure, mais il était trop tard pour éviter l'accident.
Le wagon-restaurant et celui qui le suivait, qui étaient respectivement en troisième et quatrième positions, ont été couchés suivant un angle de 45 degrés. Une rupture d'attelage se produisit alors et le cinquième wagon (3e classe), arraché de ses boggies et projeté sur le côté, glissa par la vitesse acquise, se couchant sur les rails de la voie parallèle, où il se rabota littéralement sur une centaine de mètres.
Des débris de cette voiture l'on retira les restes, absolument méconnaissables, des morts, que l'on estime être cinq ou six.
Les autres wagons se sont couchés sur place et quelques-uns de leurs occupants ont été blessés.
La locomotive du rapide a continué à rouler pendant environ un kilomètre, entraînant à sa suite les wagons qui étaient restés dans leur position normale.
On compte entre 40 et 50 blessés, dont certains grièvement. Les trois postiers ambulants sont parmi les blessés.
L'accident serait dû à une dilatation des rails causée par la chaleur.
Aux dernières nouvelles, il n'y aurait pas de Suisse parmi les victimes.
Un Polonais, M. Stephan Halacziewitz, serait le seul étranger tué.
Deux autres morts ont encore pu être identifiés : Mariette Sustrant, de Paris, et Sillas Katz, de Strasbourg.

 

Journal Officiel de la République française
Assemblée Nationale
7 juillet 1949

J'ai reçu de M. Jean Crouzier une demande d'interpellation sur les conditions dans lesquelles a pu se produire le 4 juillet l'accident de chemin de fer, en gare d'Embermenil, causant de nombreuses Victimes

 

Journal Officiel de la République française
Assemblée Nationale
13 juillet 1949

M. Jean Crouzier. Je demande la parole,
M. le président. La parole est à M. Crouzier,
M. Jean Crouzier. Mesdames, messieurs, j'ai demandé à interpeller le Gouvernement sur les conditions dans lesquelles s'est produite, le 4 juillet dernier, la catastrophe de chemins de fer d'Emberménil.
Il s'agit d'une question importante et urgente. J'entends démontrer que cet accident qui a fait six morts et cinquante blessés n'est dû ni à la fatalité, ni, comme le prétend la S.N.C.F., à la déformation de la voie sous l'action de la chaleur solaire. Je prouverai, au contraire, par des faits Irréfutables, que certaines responsabilités sont engagées.
L'intérêt, et la sécurité de tous les usagers du chemin de fer sont en jeu. Au moment où viennent d'être réduits, dans des proportions importantes, les crédits d'entretien de la S.N.C.F., une catastrophe comme celle d'Emberménil prend une signification particulière.
Il est à craindre que si certaines mesures urgentes concernant l'entretien de la voie et du matériel ne sont pas prises immédiatement, d'autres accidents ne soient à redouter.
Nous perdons assez de temps en débats stériles dans cette enceinte, mes chers collègues, pour ne pas consacrer une heure à l'examen d'un problème aussi grave que celui de la sécurité des voyageurs.
Il n'est pas possible que l'Assemblée nationale refuse de mettre à son ordre du jour, au début d'une de ses séances, sinon de cette semaine, puisque nous nous séparons demain soir, du moins de la semaine prochaine, la discussion de mon interpellation.
Ce débat sera très court. Je m'engage à limiter mon intervention à un quart d'heure.
Je demande instamment au Gouvernement d'accepter ma proposition. Il sera ainsi amené à s'expliquer sur la cause réelle de la catastrophe d'Emberménil. Il ne faudrait pas que la population de la région de Lunéville, qui a vu de près cet accident et qui sait à quoi s'en tenir à son égard, ait le sentiment que le ministre des travaux publics cherche, par son silence, à couvrir certaines responsabilités et certaines négligences.
Un refus d'ouvrir ce débat peut être gros de conséquences. Il faut que le Gouvernement s'en rende compte. (Applaudissements à droite.)
M. le président. La parole est à M. Kriegel-Valrimont.
M. Maurice Kriegel-Valrimont. Je me permets d'insister auprès de l'Assemblée pour qu'elle inscrive à son ordre du jour la discussion de mon interpellation sur l'accident qui s'est produit récemment en Meurthe-et-Moselle.
Cet accident a succédé à un autre qui a eu lieu quelques semaines plus tôt.
Dans les deux cas ces accidents ont causé des morts, de nombreux blessés et ont provoqué une très vive émotion.
Il n'est pas possible que le Gouvernement ne donne pas, sur cette suite d'accidents, les éclaircissements que réclament les populations intéressées.
Il n'est pas possible que le Gouvernement, au moment où il réduit certains crédits destinés à l'équipement de nos chemins de fer, au moment où l'on n'apporte pas le soin nécessaire à la sauvegarde de vies françaises, refuse de donner à l'Assemblée les explications qu'elle doit connaître.
C'est pourquoi, après avoir déposé, le soir de cet accident, une demande d'interpellation, j'insiste pour que les explications indispensables soient données.
Le deuxième accident a eu lieu sur une ligne de grande circulation qui devrait être normalement et constamment entretenue.
On n' a pas encore fourni les indications les plus générales sur ses causes.
On ne sait, pas encore si cet accident est dû à la dilatation des voies, au mauvais entretien des traverses ou des wagons, à l'absence de certaines mesures de précaution.
L'Assemblée doit avoir le souci de la vie des voyageurs et faire connaître au Gouvernement qu'elle ne peut supporter que des dépenses aussi importantes que les dépenses militaires soient engagées, sans que l'on donne au pays toutes les garanties de sécurité auxquelles la population a droit, surtout quand on connaît la politique suivie à l'égard de l'Allemagne.
Cette région est spécialement sensible à ces défaillances.
Dans ces conditions, j'insiste pour que le Gouvernement accepte de fixer une date pour cette interpellation.
Il est vrai, comme on vient de le dire, qu'il n'est pas nécessaire que ce débat soit long. Mais il serait intolérable que les explications exigées par ces accidents ne soient pas fournies à l'Assemblée,

 

Journal Officiel de la République française
Assemblée Nationale
3 décembre 1949

Travaux publics, transports et tourisme.
M. le président, M. Pierre-Grouès demande à M. le ministre des travaux publics, des transports et du tourisme, à la suite de l'accident ferroviaire de Paris-Strasbourg à Emberménil le 4 juillet 1949, et étant donné les négligences graves que l'enquête a pu révéler relativement à l'entretien des voies, quelles mesures ont été prises pour rechercher les responsables et pour empêcher le enouvellement de semblables catastrophes. (Question n° 8.)
La parole est à M. le sous-secrétaire d'Etat aux finances et aux affaires économiques.
M. le sous-secrétaire d'Etat aux finances et aux affaires économiques. D'après les renseignements - actuellement obtenus, il apparaît que les causes de l'accident doivent être recherchées dans le regrettable concours des circonstances suivantes :
Première raison: affaiblissement par le soufflage des joints d'une section de voie qui n'était pas en très bon état. Un chantier de soufflage mesuré des joints était en effet en cours d'exécution à cet endroit.
Deuxième raison : forte chaleur qui a provoqué la fermeture totale de plusieurs joints et facilité ainsi les déformations de la voie.
Troisième raison : défectuosité de la machine remorquant le train, une locomotive 241 A 21 du dépôt de Bar-le-Duc, dont le ressort de rappel de boggie avait une tension insuffisante.
Il est probable que c'est le concours de ces diverses circonstances qui a causé l'accident, sans qu'on, puisse préciser exactement l'élément qui a joué un rôle déterminant. Des mesures seront prises dès que l'enquête, fort complexe, qui n'est pas encore terminée, aura permis de dégager des conclusions définitives et absolument précises.
M. le président. La parole est à M. Albert Schmitt, suppléant M. Pierre-Grouès.
M. Albert Schmitt. Je remercie M. le sous-secrétaire d'Etat des renseignements qu'il a bien voulu nous fournir, car ils me permettent de faire une première constatation.
Vous vous rappelez, mes chers collègues, qu'à l'occasion de l'accident d'Emberménil, il avait été question, dans la presse, de certaines négligences imputables aux techniciens et au personnel de la voie. On a raconté de fort jolies histoires sur les traverses qui étaient en état de défectuosité navrante et on avait constaté, paraît-il, que la responsabilité de l'accident incombait surtout au petit personnel.
Je suis heureux de constater à mon tour, à la lumière des déclarations de M. le ministre, qu'il n'en est rien et je me plais à rendre hommage au labeur dès techniciens et du petit personnel, c'est-à dire notamment au travail des cantonniers.
Je crois qu'il est de mon devoir, à cette occasion, de signaler le deuxième accident qui s'est produit au même endroit, car, si l'opinion publique a été fortement émue, c'est parce que deux accidents ont eu lieu en l'espace de deux jours au même endroit.
Le 4 juillet s'est produit l'accident qui a causé malheureusement plusieurs victimes - cinq morts et un certain nombre de blessés - accident dont les causes d'après les renseignements que j'ai obtenus de la Société nationale des chemins de fer français, ne sont nullement dé terminées ni concluantes.
Mais le deuxième accident est, parait-il, dû à une rupture de rail qui date du temps de la guerre. Je me permets alors de demander au Gouvernement de vouloir bien poursuivre l'enquête, car il est inadmissible que, cinq ans après la libération, une rupture de rail, qui a failli causer d'innombrables d égal s et un certain nombre de victimes supplémentaires deux jours -après l'accident précédent et au même endroit, n'ait pas été constatée par les techniciens de la Société nationale des chemins de fer français.
Je prends acte, par ailleurs, des déclarations que vous avez faites, monsieur le sous-secrétaire d'Etat, et ]e vous fais confiance pour continuer l'enquête au sujet du deuxième accident auquel j'ai fait allusion.


Est-Républicain
5 juillet 1949

6 MORTS 40 BLESSÉS
A 110 à l’heure le rapide STRASBOURG-PARIS déraille à Emberménil

Emberménil (de nos envoyés spéciaux) :
Trois mois après Port-d’Atelier, un nouvel accident de chemin de fer vient d’endeuiller notre région.
Six morts. Une quarantaine de blessés. Si le chiffre des victimes n’est pas plus élevé, on le doit sans aucun doute au fait qu’il s’agit cette fois d’un déraillement et non pas d’un tamponnement. Aussi, et surtout, au fait que le convoi accidenté était formé de wagons métalliques qui ont parfaitement résisté au choc. C’est heureux, car le train était bondé de voyageurs.
C’est peu avant 13 heures - à 12 h. 48 exactement - qu’une partie du rapide Strasbourg-Nancy-Paris, qui avait quitté Strasbourg à 11 h. 27 et devait arriver à Nancy à 13 h. 25, est sortie des voies, à une centaine de mètres avant la gare d’Emberménil, 12 kilomètres environ avant Lunéville.

Du ”shimmy”
Le convoi quittait une courbe assez prononcée, roulant à une vitesse moyenne de 110 à l’heure, quand le mécanicien perçut des vibrations anormales. (Quelque chose dans le genre de ce que les automobilistes connaissent bien sous l’appellation de « shimmy ».) Cette expression devait d’ailleurs être employée devant nous par un rescapé qui avait nettement perçu, lui aussi, quelque chose d’insolite dans la courbe.
Le mécanicien freina, mais il était déjà trop tard, une rupture d’attelage s’était produite, brutale, coupant le train en deux. La locomotive et les deux premières voitures (lre et 2e classe) continuèrent normalement sur leur lancée, s’immobilisant un kilomètre plus loin.

Le wagon-restaurant sort des rails
Que s’était-il passé ?
Pour une raison officiellement non encore déterminée - mais qu’on a de fortes raisons de croire être une dilatation des rails sous l’action caniculaire de la chaleur - le wagon-restaurant, qui se trouvait le troisième, sortit des rails, enfonçant ses roues profondément et s’immobilisant, fortement incliné, dans le ballast, sur la gauche de la voie. Le quatrième wagon (une voiture mixte 2e et 3e classes, de construction allemande), comme soudé au wagon-restaurant, se bloqua dans les mêmes conditions, mais en s’inclinant davantage sur le talus.

Un wagon renversé parcourt 100 mètres sur le ballast
Mais la cinquième voiture devait subir un sort beaucoup plus rude et ce sont ses occupants qui pâtirent le plus de l’accident. Le wagon-restaurant et son suivant faisant office de buttoir, la cinquième voiture (3e classe) eut ses boggies arrachés ; elle se coucha sur la voie de droite et « ripa » dans cette position Sur une centaine de mètres, à la manière d’une luge, dépassant les 3e et 4e voitures immobilisées sur le côté gauche. Ce sont les voyageurs de ce wagon qui, projetés hors des portières, ont été écrasés, déchiquetés entre l’énorme masse et le ballast.
Derrière, deux autres voitures de 3e classe et le fourgon postal déraillaient, arrachaient les traverses, mais demeuraient debout. Dans tous les compartiments et dans les couloirs, les voyageurs et les bagages projetés pêle-mêle occasionnèrent quelques blessures plus ou moins sérieuses. Mais grâce, répétons-le, à la rigidité des carrosseries métalliques, le pire fut évité.

Des débris informes
Aussitôt, de la gare toute proche, des témoins de l’accident donnèrent l’alarme au village et à Lunéville. Le bras en partie arraché, le contrôleur du rapide, ayant réussi à se dégager du cinquième wagon dont il venait d’achever le contrôle, courut jusqu’à la gare. Quand il y parvint, on s’aperçut qu’il avait, collé dans le dos, un morceau sanguinolent de cervelle humaine... De tous les compartiments, des gens hagards, couverts de sang, des enfants terrorisés et hurlants, sortirent, cependant que les voyageurs demeurés de sang-froid organisaient les premiers secours.
Sur plus de cent mètres, des débris humains informes étaient répandus sur les rails et les traverses rougis de sang. Membres arrachés, troncs broyés, lambeaux de chair impossibles à identifier, et qu'on recouvrit rapidement d’un peu de foin prélevé dans un champ voisin.

Les secours s'organisent rapidement
De service à la gare d’Emberménil, M. Aupetit se trouvait sur le quai lorsque se produisit l’accident. A son appel, M. Fournier, facteur-enregistrant, accourut, ainsi que le chef de gare qui déjeunait.
Vite, M. Fournier ferma les « carrés », car un train montait. Des secours furent aussitôt mandés par téléphone.
Quelques instants plus tard, toute la population d’Emberménil venait seconder les efforts des rescapés qui, déjà, s’empressaient autour des blessés.
M. Thomas, maire d’Emberménil, et M. le docteur Martignon, de Lagarde, furent au nombre de ceux qui se prodiguèrent les premiers sans compter.
Bientôt, avec une rapidité digne de tous éloges, les secours venaient de Lunéville, de Sarrebourg, de Nancy.
De Lunéville, quatorze Secouristes de la Croix-Rouge arrivaient en un temps record avec quarante brancards, sous la direction-de M. Dalainzy. Les sapeurs-pompiers les suivaient avec deux voitures, sous les ordres du capitaine Prud’homme et du lieutenant Schoepfer ; puis une camionnette de la Faïencerie, avec M. Debus, directeur technique : une camionnette des établissements Villard et Weill ; MM. les docteurs Simon, Bichat et Lassale. Des Lunévillois, comme Mme Bohême, MM. Beylstein père et fils, s'étaient empressés d’offrir leurs services et leurs voitures pour le transport des blessés M. Roger Marchal, directeur du service des travaux, avait, de son côté, amené une quinzaine d’hommes. Le bureau de garnison dépêchait rapidement sur place un nombre respectable de véhicules, ainsi qu’un important détachement du 31e dragons.
De Nancy, les sapeurs-pompiers arrivaient avec deux ambulances et un fourgon, sous les ordres du capitaine Duroc. Les docteurs Thomas, de Blâmont, et Gaillard, de Bénaménil, étaient venus entre temps rejoindre le docteur Martignar. MM. les abbés Denis, curé de Vaucourt ; Gérardin, curé de Laneuveville-aux-Bois et d’Emberménil, et Petit, vicaire de Saint-Maur de Lunéville, s'affairaient à leur côté, ce pendant que les gendarmes, sous les ordres de M. le capitaine Ravey et de M. l’adjudant-chef Rollin, assumaient le service d’ordre.
A 14 h. 30, des équipes de déblaiement venues de Nancy et de Sarrebourg étaient à l’œuvre. Elles devaient être puissamment aidées par les militaires du 31e dragons, que dirigeaient personnellement le général de Linarès et le colonel Gouze de Saint-Martin.
Peu à peu les blessés étaient dirigés, les uns sur l’hôpital de Lunéville, où le docteur Bohême leur prodiguait aussitôt ses soins, les autres sur l’hôpital de Sarrebourg.
Tout Lunéville était en émoi et le public se pressait tant autour de l’hôpital que de la gare pour obtenir des nouvelles.
Le mouvement des voitures de secours et des autos particulières avait également provoqué une grande effervescence à Marainviller et Laneuveville-aux-Bois.

Le préfet sur les lieux
Immédiatement prévenu, M. Samama, préfet de Meurthe-et-Moselle, se rendit sans tarder sur les lieux, où il retrouvait M. Jacquet, sous-préfet de Lunéville. On notait également la présence des personnalités suivantes : M. le général de Linarès, commandant la 2e division d’infanterie ; M. le docteur Lionel-Pèlerin, sénateur, maire de Nancy ; M. Crouzier, député ; M. le colonel Gouze de Saint-Martin, commandant d’armes de Lunéville ; M, le commandant Durieux, commandant la compagnie de gendarmerie de Meurthe-et-Moselle ; M. le capitaine Ravey, commandant la section de Lunéville, ainsi que le lieutenant commandant celle de Sarrebourg ; M. Bourion, commissaire de police de Lunéville ; M. le chanoine Pourel, archiprêtre de Lunéville, etc...
L’enquête a été aussitôt entreprise sous la direction de M. Terrible, inspecteur de l’Exploitation, à Nancy.

Les voyageurs indemnes poursuivent leur voyage
Lorsque tout le monde fut à son poste, les voyageurs indemnes purent reprendre place dans les deux wagons de tête qui n’avaient pas quitté les rails. MM. Druost, chef de section, et Lozier. chef de district à Lunéville, réunissaient sans plus tarder tous les éléments susceptibles de servir l’enquête.
Celle-ci devait d’ailleurs être ouverte officiellement autour de 15 heures, aveo l’arrivée sur place de MM. Althoffer, juge d’instruction, et Husson, juge à Lunéville, qu’accompagnait leur greffier M. Bezancenet.

Des traverses marquées d’une croix blanche
Touchant les causes de l’accident, on ne peut émettre jusqu’alors que des hypothèses. Un fait ne manque pas de frapper : à cet endroit, les traverses sont marquées d’une croix blanche, ce qui indique qu’elles étaient à remplacer. Les rails ont-ils travaillé ? Si oui, les techniciens pensent que la chaleur n’y est pas étrangère.

Dans la chapelle de bois sur des brancards...
Les restes des morts furent relevés par des secouristes de la Croix- Rouge, et transportés sur huit civières à la chapelle provisoire d’Emberménil, localité très éprouvée par cette guerre, comme elle l’avait déjà été par celle de 1914- 1918.
Les victimes étaient méconnaissables et leur identification ne put être faite sur-le-champ, aucune pièce d’identité n’ayant été retrouvée sur elles. Sur les civières, dans cette chapelle de bois, au fond de laquelle un Christ étend ses bras, les pitoyables débris composent un spectacle qu’on ne peut supporter et qui défie toute description. Seules les familles pourront rendre possible l’identification. On ne peut, en effet, se fier aux objets ramassés pêle-mêle avec les morceaux de chair. C’est ainsi qu’un sac à main gisait sur la voie, au milieu de débris humains. Il fut réclamé par une voyageuse qui n’était pas blessée. Ce fait montre que l’identification devra être conduite avec précaution.
M. l’abbé Petit, vicaire à Saint-Maur de Lunéville, a relevé quelques indices : initiales sur des bagues notamment, qui aideront à la reconnaissance des morts.
Les restes déposés à la chapelle provisoire d’Emberménil, paraissent être ceux de quatre femmes et d’un homme. Parmi les femmes se trouveraient la tante et la fiancée d’un jeune Strasbourgeois, M. Suss, qui voyageait avec elles et qui les vit tomber sur la voie. Lui s’en tira avec une commotion ; le soir même, après, avoir été réconforté par M. Dalainzy, président de la Croix-Rouge, il repartit par le train pour Strasbourg.

Veillée funèbre
A 18 heures, un fourgon des Pompes funèbres amenait cinq cercueils à l'église et on procédait à mise en bière des restes déchiquetés. Le couvercle des cercueils n’était pourtant pas vissé en vue de l’identification par les familles. M. l’abbé Gérardin, curé d’Emberménil, aidé de ses paroissiens, a édifié une chapelle ardente et, dans la soirée, des âmes pieuses et des employés de la S.N.C.F. ont veillé.

Le récit d’un témoin
Un Nancéien qui se trouvait dans le rapide, dans la seconde voiture avant le wagon-poste, nous a fait ce récit :
« J’étais assis. Je causais avec un compagnon. Tout à coup, j’eus l’impression que ça tanguait. Habitué à voyager, je me dis aussitôt : « On y va ! » Pétrifié, je me cramponnai comme je le pus. Déjà les bagages quittaient les filets et tombaient sur les voyageurs. Le wagon s’immobilisa. Je compris qu’un accident venait de se produire. Hébété, je regardai d’abord dans le couloir pour voir s’il y avait des blessés. Il y en avait, mais peu atteints, me sembla-t-il. Des cris s’élevaient. Je sortis du train et vis l’affreux tableau. C’est à ce moment que je m’aperçus que nous étions près d’une gare. Des employés de la gare arrivaient en courant. Des voyageurs indemnes se portaient au secours des blessés. Le mécanicien se précipitait vers nous. Le chef convoyeur du wagon postal était atteint. Il ne voulait pas abandonner les sacs postaux et valeurs dont il avait la garde. Il fallut presque le faire sortir de force. Encore voulut-il, auparavant, signer quelques papiers pour se garantir. Un cheminot du convoi fut admirable. Il était blessé à la main ; de la chair humaine était collée à son dos. Il s’empressa auprès des blessés, lui aussi... »

LA LISTE DES VICTIMES

Dans la soirée d'hier, on était parvenu à identifier, non sans mal, deux des cinq victimes transportées à la petite chapelle d’Emberménil. Il s’agissait de Mlle Mariette Sustraut, 52 ans, 17, rue du Champ-de-Mars, à Paris, et de Mlle Katz Silas, 18 ans, chez Mme Doberer, 4, rue Sainte-Hélène, à Strasbourg.
Pour aider à l’identification des trois autres victimes, voici d’elles un bref signalement :
Il y a d’abord une femme âgée de 60 à 70 ans. Elle portait une chaîne en or avec deux médailles : l’une à l’effigie du pape Pie XI, une autre médaille et un scapulaire.
Une autre femme avait au doigt une alliance en platine, inscrustée de pierres précieuses. La malheureuse était enceinte.
Enfin, un homme, avec une chevalière gravée aux initiales F. W. ou J. M. (la gravure était mauvaise).

LES BLESSÉS

Une des blessées transportées à l’hôpital de Lunéville ne devait pas tarder à succomber. C’était une jeune fille de 20 ans, Mlle Thérèse Jeanjean, fille du colonel Jeanjean, commandant la place de Sarrebourg. Une autre blessée devait être amputée d’une jambe : Mme Geneviève Goury, née Blanrue, 21 ans, demeurant 25, rue Saint-Michel, à Nancy.
Mme Goury est employée comme secrétaire dans les bureaux de la Reconstruction et de l’Urbanisme. Elle est mariée depuis un an. Elle avait pris le train samedi pour aller voir son mari à l’école des maîtres vérificateurs de Colmar. Et c’est en revenant qu’elle a été victime de l’accident.
L’hôpital de Lunéville devait recevoir une trentaine d’autres blessés plus ou moins graves, dont quelques uns purent être reconduits chez eux après pansement. Voici la liste de tous les blessés soignés par l’hôpital :
Mme Jeanjean, épouse du colonel Jeanjean, Sarrebourg ; Mme Cauchy, 56, rue de la Rochefoucault, Paris ; Mlle Muhr Georgette, Molsheim (Bas-Rhin) ; Mme Yvonne Eckert, Strasbourg ; Mlle Marie Rapp, 26, avenue de la Robertsau, Strasbourg ; Mme Fassnacht, 29, avenue de la Forêt-Noire, Strasbourg ; Mlle Thérèse Mayer, Hargen, près Saverne ; Mme Gazon Juliette, 58 ans, Affracourt (M.-et-M.) ; Mlle Laccourege Arlette, de la Bastille, Castel-Amanoux (Lot-et-Garonne) ; Mme Kromer, née Lucienne Colinot, 94, rue Heurault, Auberviliers (Seine) ; Mme Suzy Epstein et sa fille. Strasboug ; Mme veuve Godard, 2, rue du Grenier- à-Sel, à Châlons-sur-Marne ; Mlle Colette Aubertin, à Flin ; Mme Foltz Doris, 102, boulevard Arago, Paris.
MM Fischer Georges, 12, rue Lerozier, Paris (15e) ; Tschupp Paul, 7, place de la Liberté, Sarrebourg ; Grosjean Aimé, 6, rue G.-Taral, Bobigny (Seine), postier ambulant ; Parisot Gilbert, 4, Porte Ménilmontant, Paris (20e) ; Laval Henri, 4, rue Thiers, Rennes ; Trouve Raymond, Mehun-sur-Yèvre (Cher) ; Buchesenschutz Paul, chez Mme Sutter, 13, rue de Serre, Nancy ; Jeanjean Jacques, 10 ans, 15, rue de la Division-Leclerc, Sarrebourg ; Jeanjean François, 19 ans, Sarrebourg; Kromer Léon, 94, rue Heurault, Aubervilliers (Seine); Margne André, 7, rue Durnouf, Paris (19e) ; Halacziewitz Stephan, Polonais, venant de Rastatt ; Jeandel Camille, 9, rue Emile-Gebhart, Nancy ; Rœser, à Briey ; colonel Berenger, en retraite, à Marseille, boulevard Perrin.
A cette liste déjà trop longue, il convient d’ajouter un certain nombre de voyageurs qui, atteints superficiellement, reçurent des soins sur place ou même dans les pharmacies de Lunéville.
M. Samama, préfet de Meurthe- et-Moselle, le général de Linarès, M. Jaquet sous-préfet de Lunéville, le colonel Gouze de Saint-Martin, et M. Bisiaux, maire de Lunéville, sont allés rendre visite aux blessés à l’hôpital de Lunéville.

A l’hôpital de Sarrebourg
M. Cathal, préfet adjoint de la Moselle ; M. Robert Sérot, président du Conseil Général ; M. Mourer sous-préfet de Sarrebourg, et M. Emile Peter, maire de Sarrebourg, se sont rendus hier, vers 19 heures, à l’hôpital Saint-Nicolas à Sarrebourg, au chevet des quelques blessés de l’accident d’Emberménil, hospitalisés à Sarrebourg.
M. Cathal eut un mot de réconfort pour chacun.
Parmi les blessés, nous relevons les noms de : Mlle Marie Scholl, demeurant à Walscheid, née le 9 avril 1897, qui a été amputée du bras gauche ; Mlle Marie Schlosser, née le 22 janvier 1932, blessée au bras gauche avec fracture du coude, originaire de Walscheid ; Mlle Henriette Gribia, âgée de 19 ans, originaire de Foug, près de Toul, avec des blessures sans gravité à la tête ; M. Robert Rœser, né le 3 septembre 1928, demeurant à Bischheim, avec blessures au bras gauche et fracture du coude ; M. Tschupp, directeur des contributions directes à Sarrebourg, blessé assez gravement aux deux jambes.

Certaines des victimes se rendaient-elles au Congrès Eucharistique de Nancy ? On peut le supposer car parmi les débris humains non identifiés qui reposent dans la chapelle ardente d’Emberménil, on a trouvé un fascicule du congrès rédigé en langue allemande.

Son sixième accident de chemin de fer !
M. Raymond Cuvelier, demeurant 60, rue Nationale, a Paris (13e), est serveur à la Compagnie des wagons-lits « C’est la sixième fois en 14 ans que je suis rescapé d’une catastrophe ferroviaire », nous apprend-t-il avec une certaine philosophie.
« J'achevais le premier service, nous déclare-t-il, le second devant débuter à partir de Nancy. J’allais servir le café aux 27 clients qui achevaient leur repas, lorsque le choc, brutal, terrible, se produisit. Je fus projeté au fond du wagon avec mon plateau et ma cafetière, tandis que tous les voyageurs s’entassaient violemment du même côté au milieu de la vaisselle et des verres brisés. »
« Je n’eus qu'un souci : empêcher la panique. « Que personne ne bouge, criai-je. Ce n’est rien. » Mais il y avait là deux enfants en compagnie de leur maman. Leurs cris étaient inhumains. Rapidement, je constatai qu’il n’y avait pas de blessés sérieux. Seul, un monsieur d’un certain âge, légion d'honneur à la boutonnière, et qui avait fait, sous le choc, une cabriole impressionnante, m’a paru très gravement atteint à la tête et sans doute a l'intérieur du corps. »
Parmi le personnel du wagon-restaurant quelques bosses et quelques plaies. Le « chef » a été brûlé au bras et blessé à l'épaule.

Le reportage photographique que nous publions sur l’accident d’Emberménil a été réalisé par M. Odinot, photographe à Lunéville, et M. Bollaert reporter-photographe à « L’Est Républicain ».

LES BRAVES
Nous avons dit plus haut que le premier geste du contrôleur avait été, bien que blessé et perdant son sang en abondance, de courir à la gare voisine pour faire prendre les mesures de sécurité.
Dans leur wagon postal, en queue du convoi, les ambulants, occupés a trier le courrier, avaient été projetés au sol et sérieusement touchés. Quand les sauveteurs voulurent les évacuer, ils refusèrent d’abandonner la garde de leur courrier. Il fallut que les médecins se fâchent ; « Votre vie avant tout », et que l’assurance leur soit donnée qu’une garde vigilante veillerait sur les sacs postaux, pour que les postiers acceptent de se laisser transporter en ambulance à l'hôpital de Lunéville.
Ajoutons que le courrier a été entièrement sauvé.

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Est-Républicain
6 juillet 1949

Le déraillement d’Emberménil
4 corps identifiés
Douze heures après la catastrophe un rail s'affaisse au passage d'un train : ACCIDENT ÉVITÉ
Lunéville. - La catastrophe d’Emberménil a mis en émoi toute la région de Lunéville. On a fort commenté hier les circonstances du déraillement. Que l’accident ait été occasionné par la chaleur, peu de personnes le croient. Ceux qui ont constaté l’état des traverses de la voie, marquées d’une croix blanche, pensent qu’il faut voir là la cause première.
Les travaux de déblaiement ont été menés rapidement. Lundi, vers 18 heures, une grue arrivait de Metz avec son personnel et. pour 19 heures, le wagon qui s’était couché et avait le plus souffert était rangé sur le quai. Deux autres grues, venues un peu après de Nancy et Strasbourg avec leurs équipes, retiraient les trois voitures enfoncées dans le ballast. En même temps commençaient les travaux de réfection.
Eclairés par des phares à acétylène, une équipe de 120 hommes du service de la voie travailla toute la nuit, sous la direction de M. Druost, chef de section. Dans la journée de mardi, ils étaient au nombre de 150.

Fausse alerte
Lundi, vers 23 heures, un raccordement provisoire était réalisé avec la voie venant de Strasbourg, ce qui permit le passage de l'express 18 se dirigeant sur Paris et passant à Lunéville à minuit 43. Naturellement, le convoi franchit le lieu de l’accident à une vitesse très réduite. Cependant, par le poids, un rail devait céder, et une forte secousse précipita les voyageurs les uns sur les autres, mais, fort heureusement, aucun d'eux ne fut blessé.
L'émotion qui les étreignit fut d’autant plus vive qu'ils étaient tous au courant de la catastrophe survenue douze heures plus tôt. Le train put continuer sa route avec un peu de retard.
Les voies étaient définitivement déblayées mardi à 5 h. 30 du matin, et dès 7 heures, tous les trains de voyageurs se dirigeant vers Sarrebourg circulaient sur la voie de service, les trains de Paris étant détournés par Metz.
Les deux lignes étaient remises en état pour 17 h. 30, mais les trains ne circulaient encore qu'à une vitesse très réduite. Aujourd’hui, le trafic se fera normalement.

Les dégâts
Les wagons qui, fort heureuse ment, étaient en tôle, n’ont apparemment pas souffert. Seule, la carrosserie du wagon qui a été traîné sur une centaines de mètres est sérieusement endommagée.
Les boggies se sont détachés du second au moment de son soulèvement, mais les quatre autres, dont la voiture poste et le wagon restaurant, rangés à présent sur une voie de garage, ont seulement quelques vitres brisées et les soufflets détériorés.

A la chapelle ardente
La petite chapelle provisoire de la commune d’Emberménil a été tendue de noir et une chapelle ardente a été dressée par les soins de M. l’abbé Gérardin, curé de Laneuveville-aux-Bois et Emberménil. Devant l’autel sont exposés les cinq cercueils où reposent les restes des malheureuses victimes. Les cheminots se relaient pour monter une garde d’honneur.
Un nombreux public, venu des villages environnants et de toute la région, a défilé durant toute la journée de mardi devant les corps.
Mgr Fleury, évêque de Nancy et de Toul, accompagné de M. le vicaire général Froment et de M. le chanoine Hartmann, est venu s’incliner devant les dépouilles mortelles.
La petite chapelle a également reçu la visite des familles venues se recueillir sur leurs disparus. Les obsèques auront lieu aujourd’hui, à 9 h. 30, à Emberménil.

Identification difficile
Quatre nouveaux corps ont été identifiés : Mlle Mariette Sustraud, 52 ans, 17 chemin du Champ-de-Mars, à Paris, et sa nièce, Mlle Silas Katz, 18 ans, habitant chez Mme Dorbel, 4, rue Sainte-Hélène, à Strasbourg ; Mme Camille Caillaud, née Lévy, 66 ans, 2, rue Pierre-Levée, â Paris, et Gilbert-Georges Weiss. 16 ans, 13, rue des Lentilles, à Schiltigheim.
Seule, une femme paraissant âgée de 65 à 70 ans n’a pas encore ou être identifiée.
L’identification de Mlles Sustraud et Katz furent relativement faciles puisque le neveu de la première voyageait avec elles et assista à leur mort.
Pour Gilbert Weiss, c’est grâce à une chevalière aux initiales de son père qu’il portait à un doigt que son cousin a pu le reconnaître.
Venant de Strasbourg, Mme Caillaux avait au doigt une alliance en brillant où manquait un éclat de diamant qu’elle avait mis dans une enveloppe. Ce sont ces deux objets qui ont permis à sa belle-sœur de l’identifier.
Enfin, la levée du corps de la sixième victime, Mlle Jeanjean, a eu lieu hier à l’hôpital de Lunéville.
Les bagages des voyageurs ont été déposés en gare de Lunéville. Après inventaire, ceux portant une adresse seront adressés aux intéressés. Les autres pourront être réclamés par leurs propriétaires.

Les blessés hospitalisés à Lunéville
Voici la liste des blessés qui étaient hospitalisés, hier, à Lunéville :
MM. Margne André et Blondot Marcel, tous deux de Paris (blessures à la tête et côté gauche) ; Grosjean Aimé, Bobigny (contusions) ; Parisot Gilbert, Paris (contusions internes) ; Buchsenschutz Paul, Chagny (Hte-Saône), (fracture épaule gauche) ; Fischer Georges, Paris (fracture bras gauche) ; Juteau Auguste, Paris (côtes fracturées) ; colonel Henri Berenger, Marseille (contusions à la tête et au corps).
Mmes Juteau Auguste, Paris (commotion) ; Goury Jean, 25, rue Saint-Michel, Nancy (blessée au pied droit) ; Gouchy Paul, Paris (blessée à la jambe droite) ; Gazon, à Affracourt (plaie genou droit) ; Berenger Henri, Marseille (contusions).
Mlles Muhr Georgette, Molsheim (contusions à une jambe) ; Comte Geneviève, Aubervillers (amputation jambe gauche) ; Rapp Marie, Strasbourg (fracture bras gauche); Eckert Yvonne, Strasbourg (contusions internes).
Trois de ces personnes sont gravement atteintes ; six le sont sérieusement.
Dans la liste parue hier matin, il a été indiqué par erreur que Mme Goury, de Nancy, avait été amputée d’une jambe. Mme Goury, blessée aux pieds, est dans un état relativement satisfaisant.
C’est Mlle Geneviève Comte, âgée de 20 ans, et domiciliée à Aubervilliers (Seine), qui a dû subir l'amputation d’une jambe. Son courage, son cran, sont dignes d’admiration.
Dans la matinée d'hier, M. Jaquet, sous-préfet ; M. Gravier, sénateur ; M. Bisiaux, maire de Lunéville, et S.E. Mgr Fleury, évêque de Nancy et de Toul, qu’accompagnait M. le vicaire général Froment, se rendirent au chevet des blessés pour leur prodiguer des paroles de sympathie.

Trois blessés ont quitté l’hôpital de Sarrebourg
Mlle Marie Scholl, de Waldscheid, qui a subi l’amputation du bras gauche, et M. Tschupp, receveur de l’Enregistrement, soignés à l’hôpital de Sarrebourg, sont en bonne voie de guérison.
Les autres victimes admises dans cet hôpital dans la journée de lundi : Mlle Marie Schlosser, de Walscheid ; Mlle Henriette Gribia, de Foug,- près de Toul, et M. Robert Rœser, de Bischeim, ont regagné leur domicile respectif en fin d’après-midi d’hier.

Deux demandes d’interpellation
M. Jean Crouzier, député de Meurthe-et-Moselle, a fait déposer sur le bureau de l’Assemblée Nationale une demande tendant à interpeller le gouvernement « sur les conditions dans lesquelles s’est produit l’accident de chemin de fer survenu le 4 juillet, à Emberménil ».
On sait que, la veille, M. Kriegel-Valrimont, député communiste de Meurthe-et-Moselle, avait déposé une même demande.

Jamais deux sans trois!
Cette fois, le Paris-Strasbourg abordait à 90 à l'heure la gare d'Emberménil
Le sang-froid d’un contrôleur évite une nouvelle catastrophe
Un troisième accident, qui aurait pu avoir les plus graves conséquences, a failli se produire, hier, vers midi, au moment où le train rapide qui quitte Paris à 8 heures passait en gare d’Emberménil.
Le convoi roulait à environ 90 kilomètres à l’heure en approchant de cette dernière station, lorsque des ouvriers travaillant sur la voie, affolés à la vue d’une pareille vitesse, firent signe de ralentir. Ce que voyant, 1e contrôleur tira la sonnette d’alarme.
Le train s’immobilisa peu avant l’endroit où s’était produit le premier accident de la veille.
Le mécanicien a déclaré que la gare n’étant pas couverte, il n’avait vu aucun signal lui ordonnant de ralentir. De l’avis des experts, le rapide aurait dû rouler à une dizaine de kilomètres à l’heure au maximum.
Dès qu’ils ont eu connaissance de sa conduite, les voyageurs ont tenu à féliciter le contrôleur.


Est-Républicain
8 juillet 1949

L’enquête sur le déraillement
LUNEVILLE (de notre rédaction). - Le juge d’instruction de Lunéville a nommé un expert, M. Marchal, directeur des travaux municipaux, en vue de faire l’examen des traverses sur les lieux de l’accident du Strasbourg-Paris. D’autre part, le juge d’instruction a ordonné la saisie des wagons en vue d’une expertise.
Les boggies seront également examinés afin de rechercher les responsabilités sur le plan pénal.
La bande Flamant qui a été saisie indiquerait qu'au moment de l’accident le train roulait à 109 kilomètres à l’heure.
De leur côté, les gendarmes et la police judiciaire continuent leur enquête.


Est-Républicain
13 juillet 1949

L’accident d’Emberménil devant l’Assemblée Nationale
Un débat immédiat vainement réclamé par Crouzier et Kriegel-Valrimont
En fin de sa séance d’hier après-midi, l’Assemblée Nationale a décidé de suspendre ses travaux ce soir, après avoir terminé le débat sur la Sécurité sociale, et de les reprendre mardi prochain.
Intervenant à ce sujet. M. Jean Crouzier (P R L M-et-M) protesta contre le fait que son interpellation sur la catastrophe de chemin de fer d’Embermeml ne sera pas discutée cette semaine. Il indiqua qu’il démontrerait que cet accident, qui a fait six morts et cinquante blessés, n’est dû ni à la fatalité, ni, comme le prétend la SNCF, à une déformation de la voie sous l’action de la chaleur solaire ; il prouvera, au contraire, par des faits irréfutables, que certaines responsabilités sont engagées.
« Nous perdons assez de temps ici en débats stériles, s écria M. Crouzier. pour que l’on ne nous refuse pas d’examiner, pendant une heure un problème aussi grave que celui de la sécurité des voyageurs On a le sentiment que le Gouvernement cherche à couvrir des négligences et des responsabilités »
M. Kriegel Valrimont (communiste M.-et-M), auteur d’une demande d’interpellation sur le même sujet, insista lui aussi pour qu’il y ait un débat, aucune indication véritable n’ayant été donnée sur les causes exactes de l’accident.
M. Edouard Herriot répondit qu’il n’y avait aucune opposition de principe pour un débat de ce genre, mais que la Conférence des présidents, en raison de la sur charge de l’ordre du jour, avait décidé de refuser jusqu’à nouvel ordre toute interpellation. Et l’affaire en resta là.


Est-Républicain
3 décembre 1949

L’ACCIDENT du Strasbourg-Paris à Emberménil a été évoqué hier au Palais-Bourbon
L’abbé Pierre Grouès. député M.RP. de Meur the-et-Moselle. avait demandé au ministre des Travaux Publics, à la suite de l’accident du Strasbourg-Paris. à Emberménil, le 4 juillet dernier, « étant donné les négligences que l’enquête avait révélées relativement à l’entretien des voies », quelles mesures ont été prises pour rechercher les responsabilités et pour empêcher le renouvellement de semblables catastrophes.

Un « regrettable concours de circonstances »
Une réponse lui a été donné» hier après-midi devant une Assemblée Nationale réduite à 40 membres. Ni l’auteur de la demande ni le ministre intéressé n’étaient présents. C’est, on ne sait trop pourquoi, M. de Tinguy, sous-secrétaire d’Etat aux Finances. qui a expliqué qu’on se trouvait devant « un regrettable concours de circonstances » : affaissement par soufflage d'une section de la voie qui n’était pas en très bon état ; fortes chaleurs qui, agissant sur les joints, avaient entraîné une déformation de la voie; enfin, défectuosité de la locomotive, un ressort de rappel de boggie étant insuffisamment tendu. On ne peut dire quel fut l’élément déterminant. L’enquête n'est d'ailleurs pas achevée.
M. Albert Schmitt député M. R.P. du Bas-Rhin, donna la réplique au sous-secrétaire d'Etat. Tout en lç remerciant de sa réponse, et en se félicitant que, contrairement a certains bruits, l'accident du 4 juillet ne fut pas dû à des négligences des techniciens ou du personnel de la voie, il fit observer qu’un autre accident s'était produit au même endroit, deux jours plus tard, accident qui aurait eu pour cause la rupture d'un rail. Or, cette rupture remonte à l'époque de l’occupation. et il est inadmissible que cinq ans après la libération elle n’ait pas été constatée.

On a le temps...
L'incident en resta là, et le reste de la journée tut consacré à la réforme de la banque de Madagascar, et au statut des agents communaux type des débats avec lesquels « on amuse le tapis », tandis que l’étude des grandes questions ne fait pas le moindre progrès. Mais rien ne presse, n'est-ce pas ? André BALLET.
 

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