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							 Le 
							Petit Parisien 
							1er juin 1931 
							Le centenaire de l'abbé Grégoire 
							est célébré en Sorbonne 
							M. Gaston Doumergue a présidé 
							hier la célébration du centenaire de l'abbé Grégoire 
							qui joua dans les assemblées de l'époque 
							révolutionnaire, aussi dans celles du Consulat et de 
							l'Empire, le rôle considérable que l'on connaît. 
							Déjà, l'autre jour, M. Paul Painlevé avait campé 
							éloquemment le grand conventionnel dans une salle du 
							Conservatoire des Arts-et-Métiers. Hier, à la 
							Sorbonne, ce fut M. Ferdinand Brunot, doyen 
							honoraire de la Faculté des Lettres de Paris, qui 
							prononça devant le Président de la République, le 
							panégyrique de l'ex-curé d'Imberménil. [*] 
							- Le grand Carnot, dit-il, le nommait en plaisantant 
							Grégoire l' «  Evangélique ». Et, de fait, il est 
							tout à l'honneur de l'abbé que, dès avant la 
							Révolution, il ait étendu sa doctrine aux sectateurs 
							des religions dissidentes et que le premier acte de 
							sa vie publique ait été cet Essai sur la 
							régénération physique, morale et politique des 
							juifs. 
							De ses travaux au comité de l'Instruction publique, 
							dit encore M. Brunot, résultèrent toutes sortes de 
							projets et aussi d'oeuvres fécondes. Comme tour le 
							monde alors, il aimait notre langue française qui 
							régnait depuis un siècle sur l'Europe et venait, en 
							1784, d'être reconnue par l'Académie de Berlin 
							langue universelle. Il comprit que, sous peine de 
							devenir langue morte, la langue devait s'accommoder 
							aux besoins du temps et au mouvement des esprits. Le 
							progrès ne consistait pas à avilir le peuple en lui 
							parlant l'idiome des halles, mais à l'élever. Il 
							convenait de rendre à l'idiome qui en avait besoin 
							ces mots de métiers, si pleins de sève, qui 
							vivifient les langues, et qu'il n'y avait plus de 
							raison de tenir à l'écart du dictionnaire, 
							maintenant que les artisans étaient devenus des 
							citoyens égaux en droits aux privilégiés de la 
							veille. La gloire de l'abbé Grégoire est d'avoir 
							aperçu que la nation républicaine ne pouvait point 
							vivre et s'organiser sans qu'on eut formé 
							l'éducation du peuple et son instruction. Et c'est 
							alors qu'il rédigea son célèbre rapport du 16 
							Prairial An II et qu'il dressa le plan d'une 
							association générale entre les savants, gens de 
							lettres et artistes de tous les pays qui est 
							l'ébauche de notre institut de coopération 
							intellectuelle. 
							- Aussi, dit en terminant le doyen de la Faculté des 
							lettres, quand le convoi du vieillard traversa le 
							quartier Latin, des jeunes gens, dans un élan 
							d'admiration reconnaissante, s'élancèrent sur le 
							char funèbre, dételèrent les chevaux et traînèrent à 
							bras le cercueil jusqu'au cimetière. Un cortège de 
							vingt mille personnes suivait. C'est au Panthéon, 
							ajoute M. Brunot, qu'il aurait dû conduire ce saint 
							de la Révolution.  
							[*] Concernant 
							l'orthographe «  Imbermesnil » ou «  Imbermesnil », on 
							lit dans une note de «  Couronne poétique de la 
							Lorraine», de Guerrier de Dumast (ed. Nancy, 1874) 
							: 
							«  ...Imbermesnil ... 
							On écrivait aussi Embermesnil; et telle est même 
							l'orthographe qui a prévalu. Mais il était de 
							tradition que l'E initial devait se prononcer comme 
							dans les mots Engaddi, Benjamin, Saint-Ouen, Agen; 
							car on avait toujours dit Imber (comme dans 
							Imbercourt, Imbervaux, etc. ) - et avec raison. 
							L'historien Noël, qui avait connu le célèbre curé, 
							ne lui avait jamais ouï phonétiser autrement le nom 
							de sa paroisse. Grégoire aurait eu les oreilles 
							écorchées s'il s'était vu condamné à entendre amb au 
							lieu d'imb. »  |