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Sobriquets et dictions des villages de Lorraine
(Note renumérotées)
 


Journal de la Société d'Archéologie Lorraine et du Musée historique lorrain.
Septembre et octobre 1882.

SOBRIQUETS ET DICTONS APPLIQUÉS AUX NOMS ET AUX HABITANTS DE QUANTITÉ DE VILLAGES DU PAYS.

La note publiée, il y a quelque temps, par M. le Dr Fournier dans le Journal de la Société d'Archéologie (1), au sujet des railleries dont les habitants de Rambervillers (Vosges) sont l'objet, m'a fait songer à des documents de même nature (sobriquets et dictons) que j'ai recueillis dans le cours de mes excursions, sur un assez grand nombre de localités de notre pays.
«  Il est bien peu de régions en France qui n'aient une petite ville, un village, devenus l'objet des railleries du voisinage, soit que le nom de la localité, le caractère des habitants ou bien un fait historique, aient suffi à jeter le ridicule sur cette population». J'ajouterai qu'en Lorraine, ce n'est pas seulement une ville ou un village d'une région qui se trouve dans ce cas ; sur certains points, c'est chaque localité, c'est le plus humble des hameaux qui se voit gratifié d'un ou de plusieurs de ces sobriquets donnés par les habitants des villages voisins, par moquerie, dérision ou dédain. Ces épithètes sont, en général, plus naïves, plaisantes, ridicules ou burlesques que piquantes, offensantes ou injurieuses.
La verve maligne et gouailleuse de nos ancêtres s'est exercée de cette façon originale non seulement sur «  le caractère et les habitudes des habitants, sur leurs monuments publics » (2), mais encore sur une foule de sujets les plus divers, notamment sur la topographie et le nom du lieu, sur les mœurs des habitants, la culture du sol, les récoltes, le bétail, la basse-cour, etc.
Les épithètes employées consistent le plus souvent dans l'apposition d'un nom d'animal à celui de la localité, dans le but probable de gratifier les habitants du caractère le plus saillant de l'animal indiqué. Néanmoins, pour beaucoup de ces noms d'animaux mêmes, la signification qu'on a voulu y appliquer à l'origine ne se dégage pas très facilement, et la recherche de cette signification est encore bien plus difficile quand le sobriquet est rendu en patois par un qualificatif de signification actuellement inconnue, sorte d'archaïsme du dialecte local : alors le sens échappe absolument.
Déjà, dans uns conférence faite l'an dernier à Nancy, à la Société de géographie, j'ai touché quelques mots de cette question, et, à la suite de la publication du Bulletin, quelques personnes se sont demandé si les habitants de certaines des localités visées ne se trouveraient pas blessées de ces appellations singulières.
Si quelques esprits étroits, susceptibles plus que de raison, se formalisaient de cette publication, je me bornerais à dire d'abord que je n'invente rien, que j'ai relevé et noté ce que chacun sait ou peut apprendre en parcourant les régions que je signale. Ensuite, mettant moi-même toute susceptibilité de côté, je commence par décliner les titres de mon propre village. J'ajouterai qu'aujourd'hui ces sobriquets ne signifient plus rien, car l'esprit ou les travers de caractère des habitants qui ont pu y donner lieu autrefois, sont bien changés; les relations fréquentes ont fait disparaître les préventions, les inimitiés, les rancunes, les haines même de clocher à clocher. Les renseignements que je fournis n'ont donc plus qu'un intérêt purement archéologique, on ne doit pas y trouver autre chose.
Ces dénominations bizarres, parfois grotesques, remontent-elles à une époque bien reculée ? Il est assez difficile de préciser. Que quelques-unes, comme celles de Ludres, de Saulxerotte, village relativement moderne, et d'autres, soient peu anciennes, c'est incontestable; mais il me semble que le plus grand nombre remonte assez loin. Beaucoup, du reste, sont exprimées, je l'ai dit, en vieux patois; n'est-ce pas là un indice sérieux à l'appui de mon hypothèse ?
Comment ces sobriquets ont-ils pris naissance ? comment nous ont-ils été transmis à travers les âges ? N'est-ce pas là d'abord le produit de cet esprit gaulois moqueur, railleur, vantard ? N'est-il pas permis, en outre, d'en chercher le secret dans ces anciennes rivalités de clocher à clocher dont j'ai déjà parlé, causées et entretenues par tant de causes diverses, telles que les guerres locales, les revendications si fréquentes de droits d'usage, de vaine pâture, de parcours et autres, qui occasionnèrent une foule de procès au siècle dernier et furent le sujet de rixes, souvent sanglantes, sur le théâtre même des revendications ? Ces rixes entre pâtureaux, usagers et autres, étaient, de plus, fréquemment portées sur un autre théâtre par les jeunes gens, dans les rapports, dans les fêtes patronales. Commencées ordinairement au bal ou à l'auberge par les épithètes malsonnantes que je rapporte, les discussions dégénéraient bien vite en voies de fait. On quittait alors la fête et, à quelques pas de là, la mêlée devenait générale. Les horions et les coups de poings y pleuvaient drus; battants et battus se retiraient de la bagarre plus ou moins contusionnés ou meurtris, souvent aussi avec les habits de fête en lambeaux; mais souvent aussi la lutte n'était que suspendue, on se promettait de la continuer à la première occasion, à la prochaine fête, au plus prochain rapport. Les vaincus tâchaient de se présenter plus nombreux pour avoir l'avantage et sortir vainqueurs de la querelle.
Ces rixes entre jeunes gens et pâtureaux ont à peu près disparu aujourd'hui, mais elles ne sont pas encore bien éloignées de nous et la génération contemporaine a encore été témoin de plus d'un de ces spectacles qui parfois n'avait rien de bien divertissant.

Sobriquets.

CANTON DE COLOMBEY.

Allain-aux-Bœufs; les GODINS (les bouvillons), les Bœufs (3). La dénomination de bœuts, appliquée au nom officiel et à titre de sobriquet, vient, selon toute apparence, de ce que sur la façade de l'ancienne église romane, démolie en 1759, on avait sculpté en relief l'image des deux bœufs qui avaient, à l'époque de la construction de l'édifice, charroyé la plus grande partie des matériaux. Allain est déjà en possession de cette partie complémentaire «  aux beufz » dans un titre, déposé aux archives de la commune, remontant à 1525.
Allamps, les Bors (4) (c'est-à-dire gens de petite taille). Cette expression peut désigner aussi, en patois, les grenouilles et autres batraciens qui coassent au printemps.
Bagneux, les gros bœufs.
Colombey-les-Belles, les blancs-becs, les pigeons blancs. La Description de la Lorraine, de 1779, donne : Colombey-eux-Belles-Femmes, et cette forme resta le nom officiel du bourg jusque dans la première moitié de ce siècle, où la municipalité réclama contre cette désignation et obtint en partie gain de cause, par suite des plaisanteries dont les dames du lieu, gîte d'étape, étaient l'objet de le part des militaires de passage.
Crépey, les fous. (Voir au chapitre des dictons.)
Fécocourt, les mangeurs de vaches, les buveurs de goutte.
Germiny, aux trois châteaux, aux belles filles et au bon vin.
Gibeaumeix, L'CUE D'TORÉ (le cul de taureau). Allusion probable à la situation topographique de la localité.
Saulxures-lès-Vannes, les lucifer (SOCHER LOS LECIFER)
Selaincourt, les hauts bonnets (les riches?).
Thuilley-aux-Groseilles (5), les BOCATTES (les chèvres); allusion à l'élevage des chèvres dans ce lieu, à cause des haies nombreuses qu'on trouve sur le territoire.
Uruffe, les canards.
Vandeléville, les COLUVRIS; allusion aux pierriers de la côte qui renferment, en quantité, des couleuvres et des vipères.
Vannes, les PAILOTTES; allusion aux anciennes petites cloches de cette localité.

CANTON DE TOUL-SUD

Bicqueley, les corbeaux.
Bulligny les chats crevés.
Blénod-lès-Toul, les VICHAUX (putois). Autrefois on disait Blénod-aux-Oiqnons (voir Description de la Lorraine de 1779); c'est encore aujourd'hui la désignation vulgaire. Les oignons dont il est ici question ne sont pas ceux de la variété potagère, bien que, dans ce bourg, cette culture maraichère soit assez importante; c'est d'une variété sauvage qui croît spontanément et en abondance, surtout dans les vignes au pied de la côte ; elle fait le désespoir des vignerons, qui ne peuvent s'en débarrasser complètement.
Crézilles, les BAIBIES (les bavards?)
Gye, les cochons.
Maizières-lès-Toul, les grands talons (les fées? les sorciers?)
Mont-le-Vignoble, les COULEUIES (sorte de vase sans fond garni de toile pour couler le lait) ; allusion à l'habitude qu'avaient autrefois, dit-on, les maris de porter le lait au marché à Toul.
Ochey, les CAIDANTS (?)
Sexey-aux-Forges, les voleurs.

CANTON DE TOUL-NORD.

Boucq, les BOUQUINS ; allusion au nom de la localité {?)
Bruley, les trop CUEIES (cuits) id.
Ecrouves, les loups.
Foug, les FOOUINS.
Grandmenil, les chiens : LOS CHINS DE GRANDMÉNIN.
Lagney, les MAQUAS (?), les MIQUÉS (?), les grands talons (v. Maizières).
Laneuveville-derrière-Foug, les pous de hais.
Laye-Saint-Remy, les LIGEAUX (les menteurs).
Lucey, les BOCONS (?) les GRIMÉS (potage au lait et à la farine).
Ménil-la-Tour, les OUÈTES poulains.
Pagney-derrière-Barine, les sangliers.
Sanzey, les chats crevés.
Trondes, les MAQUINS (verrats), les LAOUE-HAIRAOUE (les loups-garous). Cette dernière expression sert aussi à caractériser le langage guttural patois de la région

CANTON DE DOMÈVRE-EN-HAYE.

Andilly, les RNADOOUE DE BLIE (RNADOOUE vient du verbe patois RNADER, rendre, vomir).
Mandres-aux-quatre-Tours, trois cents (sans) cloches.
Minorville, les HARROUARDS (?), les fous.

CANTON DE THIAUCOURT.

Bouillonville, les LAJAINES (les lézards).
Essey, les CAQUETS ( les bavards ? ), les veaux, les bœufs.
Euvezin; les CORNAS (nom donné à une grosse branche de chêne desséchée sur l'arbre).
Pannes, les PONAS (?).
Remenauville, les CAROTTES (?).

CANTON DE VÉZELISE.

Autrey, les chapons.
Clérey, les mouches.
Dommarie, les canaris.
Eulmont, les LANVAOUE (les orvets). - C'est l'Orvet commun ou Anguis, appelé encore Envoye, de la famille des reptiles.
Frolois, les cochons.
Goviller, les SAHIERS (sorte de petit baquet en sapin, de la dimension d'un seau, avec lequel on trait les vaches et on porte à manger aux porcs).
Houdelmont, les bourriques.
Houdreville, les veaux, les barbeaux.
Pierreville, les ORCAS (les oies).
Praye, les BOIBOIS (bon, bonasse).
Pulligny, les loups; allusion à la maison dite des Loups que l'on remarque dans cette localité, vieille construction ornée de loups pour gargouilles.
Thelod, les CUEIES (les cuirs), expression de mépris.
Vaudémont, petite ville et grand renom; allusion à son passé historique.
Vézelise, le pot de chambre de la Lorraine; allusion probable à la situation topographique de cette petite ville, bâtie dans des vallons resserrés, au confluent du Brénon (6) et de l'Uvry.
Viterne, les TAYEUIES (écuelle de bois avec laquelle on puise le vin dans la cuve à la vendange ou au pressoir).
Xeuilley, les CHAIRPOUGNOTTES (sorte de large panier grossièrement fait, sans anse).

CANTON DE NANCY-OUEST.

Chavigny, les coucous.
Ludres, les rôtisseurs ; allusion au supplice affreux de l'abbé Marchal, au siècle dernier.
MéréviIle, les grandes oreilles (les ânes ?)
Messein, les sarrazins (7).
Neuves-Maisons, les mésanges.
Pont-saint-Vincent, les PAQUANTS (?)

Autres localités du département.

Ancerviller (c. de Blâmont), les COVA (?)
Athienville (c. d'Anacourt), les messieurs.
Borville (c. de Bayon), les bêles.
Ceintrey (c. d'Haroué), les chardonnerets.
Fraimbois (c. de Gerbéviller), les fous.
Frémonville, (c. de Bayon), les gourmands.
Hoéville (c. de Lunéville-nord), les pauvres.
Rosières-aux-Salines (c. de St-Nicolas), les OUA-OUA; nom donné aux goitreux, surtout aux malheureux crétins qui étaient nombreux autrefois dans cette petite ville, bâtie sur les marnes irisées, dans la région du plâtre.
Serres (c. de Lunéville-nord}, les HÈRES; ce mot, en patois, n'a pas la même signification qu'en français: ici il est synonyme de riche, d'opulent.
Verdenal (c. de Blâmont), les corbeaux .
Villacourt (c. de Bayon), les ours.

Vosges.

Autigny (c. de Coussey), les RAOUA.. (cris du chat).
Chermisey (id.), les VOSSES (les guêpes).
Jubainville (id.), les COBIOTTES (les bûchettes).
Maxey-sous-Brixey (c. de Coussey), les CULS CROTTÉS.
Punerot (id.), les VÉIOTS (les petits veaux).
Seraumont (id.), les BOEILLOTTES {les cruches, les burettes à huile).
Aouze (c. de Châtenois), les sorciers (8).
Haillainville (c. de Châtel), les HÈRES (voir Serres).
Lerrain (c. de Darney), les BOQUINS (les boucs).
Rainville (c, de Châtenois), les boulies.
Mirecourt les hoche-culs, à cause que «  cet oiseau est tant vulgaire que les bords du Madon en sont tout couverts». (Voy. Mém. de la Soc. d'Arch. lorr. ann. 1877.)
Puzieux ( c. de Mirecourt), les fous.
Rambervillers, les têtes de veau (Voy. J. de la Soc. d' Arch., mai 1882), cinq clochers, quatre cents (sans) cloches.
Vallois (c. de Darney), les MIQUÉS (?)

Meuse.

Avillers (c. de Fresnes-en-Woëvre), les CATOUCHES (?)
Brixey-aux-Chanoines (c. de Vaucouleurs), les QUÉCI- QUÉCI (cri des grenouilles.)
Doncourt-aux-Templiers ( c. de Fresnes), les BACAQUÉS (les têtards).
Hannonville-sous-les-Côtes (id.), les CARAMCAMAN (?)
Nonsard (c. de Vigneulles), les ORCA (les oies).
Saint-Maurice-sous-Côtes (id.), les COUTIA (?).
Woël (c. de Fresnes), les COULAOUE D'AWE.

AIsace-Lorraine.

Bourgaltroff (près de Dieuze), les BACAOUÉ (les têtards).
Dieuze, les foireux (état de celui qui est affecté de la diarrhée).
Garrebourg (près de Phalsbourg), les fous.
Guébling (près de Dieuze), les LINA (?).
Ranguevaux (près de Thionville), il y a plus de sorciers que de chevaux.
Vergaville (près de Dieuze), les fous.

Des dictons.

Arrondissement de Toul.

BARISEY-LA-CÔTE (c. DE COLOMBEY).
Quand les blés sont en Châtillon,
Les gens de Barisey marient leurs filles et leurs garçons.
La saison de la côte de Châtillon étant la plus fertile et la plus étendue, les gens de Barisey, cette année-là, remplissent leurs greniers et peuvent faire de hautes tesses. Autrefois, une haute TESSE, un fumier élevé et bien natté, une armoire bien pleine da linge et bien rangée, étaient trois des conditions premières fort recherchées lorsqu'il était question de conventions matrimoniales.

COLOMBEY-LES-BELLES.
Pigeon blanc,
Ta mère t'a.... eu en volant;
Le diable a passé,
Il t'a amassé par charité.

CHOLOY (c. DE TOUL SUD).
Cette localité est le siège d'une Académie ; mais qui s'en doute dans la capitale de notre ancienne Lorraine ? Pour n'avoir pas un grand renom, elle n'en est pourtant pas moins bruyante (ne pas la confondre, en conséquence avec celle d'Amadan), et les échos d'alentour attestent de la qualité de l'organe des artistes .... musiciens qui la composent. Elle ne se recrute guère que dans les villages de Choloy, Ménillot et Domgermain; néanmoins, elle compte encore quelques agrégés dans les côtes de TouJ. Ses membres, outre l'organe remarquable dont ils sont doués, ont encore Je privilège de porter... la croix sur le dos et de longues oreilles sur le chef... On l'a compris, il est ici question d'une Académie... de roussins d'Arcadie. L'élevage de la race asine est, en effet, assez répandue dans les localités que je viens de citer, mais on ne la trouve guère que là, et, dans le pays toulois, quand quelqu'un dit ou fait une grosse sottise, on l'envoie à l' Académie de Choloy.

CRÉPEY (c. DE COLOMBEY).
Cette localité est, comme on le sait, l'objet de nombreuses plaisanteries; on fait sur ses anciens habitants des contes désopilants; mais je me hâte d'ajouter que d'autres localités, en Lorraine, disputent à Crépey l'honneur d'avoir donné naissance à ces anecdotes burlesques, à savoir : Minorville (c. de Domèvre), Fraimbois (c. de Gerbéviller), Garrebourg (c. de Phalsbourg), Puzieux (c. de Mircourt), Ruaux, (c. de Plombières), et d'autres encore qui m'échappent. Je n'ai pas l'intention de donner ces contes ici, ce serait trop long et hors de proportion avec le titre de ce travail. Je me bornerai à quelques dictons, sur celle localité, qu'on se plaît à répéter au moment de la fête patronale (la Nativité de la Vierge, le 8 septembre).
Dès le mercredi qui précède ce jour, attendu avec impatience, les bonnes gens de Crépey célèbrent l'arrivée de leur fête en ces termes :
«  Ç'AT D'MAIN LAI VAILLE DE L'AIVANT-VAILLE, DE LAI GRANDE, DE LAI TANT SI BOUNE NOTIVITOTAI QU'ON MAINGE DE LAI SOUPE HHÔIANTE » (soupe grasse et glissante).
Et le jour de la fête, les cloches carillonnent ce refrain:
Quiche on foue,
Jambon on pou;
Que d'belles tètes
Et d'maigres pous !
Traduction :
Quiche au four,
Jambon dans le pot;
Que de belles têtes
Et de maigres pots !
Puis les cloches, continuant à carillonner sur le bourdon en volée, célèbrent ainsi le commerce, résultat de l'industrie particulière de la localité :
Tourtous mairchands (bis)
De raimons (9) (bis)
J'ajouterai que, de tout temps, Crépey a passé pour un village privilégié sous le rapport du beau sexe, et qu'il y a toujours eu, parait-il, quantité de filles à marier. En sorte que quand un jeune homme de la région cherche à s'établir, on lui dit d'aller à Crèpey avec un cheval attelé à une herse qu'il promènera par le village. On lui assure que chaque dent de sa herse accrochera et lui ramènera une jouvencelle toute prête à l'épouser.

CRÉZILLES (c. DE Tour.-Sun).
Cresie,
C'n'ot qu'dos baibies ;
Los moutie,
C'n'ot qu'dos chaivies ;
Los mageons,
C'n'ot qu'dos bâtons ;
Çooue qu'sont d'dos,
C'n'ot qu'dos larrons;
Ç'ooue qu'sont d'fuë (fuer, dehors)
C'n'ot qu'dos rèchtes d'moussuës.
Traduction :
Crézilles,
Ce n'est que des bavards :
Leur moutier (clocher),
Ce n'est quo des chevilles ;
Leurs maisons,
Ce n'est que des bâtons ;
Ceux qui sont dedans,
Ce n'est que des larrons ;
Ceux qui sont dehors,
Ce n'est que des restes de messieurs.

EUVEZIN (c. DE THIAUCOURT).
Dans les environs de cette localité, quand une cuisinière se demande quels légumes elle va mettre dans le pot-au-feu, on lui répond : faites comme à Euvezin,
Mettez des naveaux (navets) dans le pot,
Parce que les naveaux se pourriront,
Et que les fèves se conserveront.

GIBEAUMEIX (c. DE COLOMBEY).
Les gens de Gibeaumeix se disent :
Nous mangeons de bon blé,
Mais ceux d'Uruffe viennent nous le voler.

LAGNEY (c. DE TOUL-NORD).
Le jour de la fête, les cloches carillonnent ce refrain :
Quiche on foue,
Jambon on pou;
Si j'nons rin,
Je n'douvons rin.
J'ons duë bon vin clos nos tonnés (tonneaux)
Mà c'not qu'poue nos èmés (amis).
Et pendant les offices de la fête patronale, l'enfant de chœur, porteur de l'encensoir se dit :
GANGUIANT NOUT' GANGUIEURE (10), POUE NOUT' SI GRAND SAINT CLÉMOT (saint Clément, patron).

MONT-L'ETROIT (c. DE COLOMBEY).
On dit, dans ce village et les environs, en voyant un jeune homme robuste, bien membré :
Voilà un gros garçon qui serait bon
Pour aller labourer à la côte de Chapion.
Allusion à Ja difficulté de labourer les terres fortes de cette côte.

OCHEY (c. DE TOUL-SUD).
Le jour de la fête, les cloches carillonnant, on chante ce refrain :
Nos tioches sinant
Coum' dos vialans :
Tourtout riban,
Dûe rouge, dûe bian.
Si j'nans rin,
Je n'douvans rin;
Si j'ans hiec,
Je I'payons bin.
J'ans das belles chainattes,
J'ans das belles naivattes.
Traduction :
Nos cloches sonnent
Comme des violons :
Tout est ruban (chez nos jeunes filles)
Du rouge, du blanc,
Si nous n'avons rien,
Nous ne devons rien ;
Si nous avons quelque chose,
Nous le payons bien.
Nous avons de belles œillettes,
Nous avons de belles navettes.
Allusion à la beauté du son des cloches, à la coquetterie des jeunes filles, à la stérilité du territoire et à la culture de l'œillette et de la navette, autrefois très répandue dans cette localité.
Au XVIIe siècle, on désignait cette localité sous le nom d'Ochey-aux-Chardons; du reste, les TREICHES d'Ochey sont connus et en renom dans le pays, quoiqu'aujourd'huy on en trouve peut-être moins là qu'ailleurs. On dit encore d'une terre aride : SOGNE COUM' LOS TREICHES D'OCHEY.
Si l'on veut parler d'un placement de fonds peu assuré, hypothèque dans de mauvaises conditions, on dit : c'est une hypothèque sur les friches d'Ochey, comme on dirait sur les brouillards de la mer.

ROYAUMEIX (c. DE DOMÈVRE).
R'haumêhïe, Ios ouêtes painés (les sales jupons)
Qu'nont point d'awe pouo Ios bier (d'eau pour les laver).
Allusion à la malpropreté des gens d'autrefois et au manque d'eau qui se fait sentir dans les sècheresses prolongées.

SAULXEROTTE (c, DE COLOMBEY).
SAUCWRATTE, L'PUE PAURE VILLAIGE D'AU DIAIBE, autrement dit : le plus pauvre village de n'importe où, comme on dit vulgairement, quand on veut se débarrasser d'un importun auquel on doit peu d'égards : Va-t' en au diable !
On dit ensuite des jeunes filles de ce hameau :
Elles s'en vont toujours grognant,
Se plaignant du mal des dents.
Mais, quand arrive la fête patronale, celles-ci se requinquent, et si alors on leur demande d'où elles sont.: elles répondent d'un ton pincé :
Nous sommes de Sauxirette.

TOUL
Urbs pia, urbs prisca, urbs fidelis.
Ville pieuse, ville ancienne, ville fidèle,
Autrefois on l'appelait encore ville sonnante, allusion aux cent cloches que renfermaient ses paroisses et ses nombreuses maisons religieuses.
On fait aussi, dans le pays toulois, ce jeu de mots :
Il y a autant de Foug (fous)
Que de Pierre (pierres) à Toul.
En patois, Fooue rime parfaitement avec Tooue, ce qui signifie qu'il y a autant de distance d'une de ces localités à Toul que de l'autre.

URUFFE (c. DE COLOMBEY).
Ai Yaireuf,
L'diabe y creve.
Traduction :
A Uruffe
Le diable y crève (de faim).
Allusion à la stérilité du territoire.

Arrondissement de Nancy.
BENNEY (c. D'HAROUÉ).
Quand la plaine de Benney et celle de Vézelise sont emblavées
La Lorraine ne doit pas craindre d'être affamée.
C'est une allusion à la fertilité de cette région agricole, très productive.

NANCY:
Qui avait autrefois maison à Nancy, avait château en Lorraine, pour signifier que chaque seigneur lorrain qui avait donjon féodal au village, tenait à avoir pignon dans la capitale du duché (11).

PIERREVILLE (c. DE VÉZELISE).
Peutes gens,
Peut'affans,
Traduction :
Vilaines gens,
Vilains enfants.
Allusion à la laideur des anciens habitants.

SAFFAIS (c. DE SAINT-NICOLAS).
Le dernier village du monde,
autrement dit, le dernier créé. Voici l'explication de ce dicton : Autrefois, dit-on, Dieu termina la création du monde par la formation de ce village, alors il s'écria, en patois du pays (notez-le bien) : « Ç'A FAIT ». De là l'origine du nom (Saffais) de la localité.

XEUILLEY (c. DE VEZELISE).
Dans cette localité, le jour de la fête patronale, quand arrive l'heure du diner, le chef de famille crie aux siens:
Y aitache tortos ?
Tiageons nos oches !
Traduction :
Y sommes-nous tous !
Fermons nos portes;
dans la crainte probable que quelque étranger ne vienne solliciter de partager le diner.
Là doit être conséquemment en honneur cette prière avant le repas, qu'on répète quelquefois en riant, en se mettant à table :
Bénédicité.
J'sons aissé ; Prions l'bon Diûë
Qui n'en venausse pûe,
Traduction :
Benedicite,
Nous sommes assez;
Prions le bon Dieu Qu'il n'en vienne plus.

Vosges.

BOUZEMONT (c. DE DOMPAIRE).
Qui peut aller à Bouzemont sans monter
A la plus belle fille du monde sans la demander

DOMPAIRE.
Qui va à. Dompaire sans affaire,
Peut aller par toute la terre.

EPINAL.
Ce n'serôm' lai fore d'Epinau si in' pieuvôm'
Allusion au mauvais temps très fréquent, le jour de la foire d'Epinal.

GÉRARDMER.
Sans Gérardmer et un peu Nancy, que serait-ce de la Lorraine ? Tel est le superbe dédain des anciens habitants de Gérardmer, qui comptaient leur localité comme la première de la Lorraine, Nancy pour la seconde, et les autres... pour peu de chose, sinon pour rien.

GREUX (c. DE COUSSEY).
Greux los bocqueïes (les boucs)
Qu'nont qu'eun' ch'minge de cueïe
Qu'ot co piéïne de peuïe.
Traduction :
Greux les boucs
Qui n'ont qu'une chemise de cuir
Qui est encore pleine de pous.

MARTIGNY-LÈS-GERBONVAUX (c. DE COUSSEY).
Martigny aux voleurs,
Pris pour midi, pendus pour une heure,
Quand on y crie « au voleur ! » tout le monde se sauve !
La tradition explique ainsi cette qualification malsonnante : Lorsque l'église était encore champêtre et que la paroisse était administrée par un curé du nom de Thiéblay, les vases sacrés disparurent un jour ; on les supposa volés. Plusieurs individus de la localité furent accusés de ce vol sacrilège ; la maréchaussée vint les prendre un matin pendant la messe, et l'on prétend que, le même jour, pour une heure du soir, ils étaient pendus :. .. Les vases prétendus volés furent, dit-on, retrouvés, lors de la démolition de l'église, vers 1760; ils avaient été enfouis derrière le maître-autel.

MIDREVAUX (c. DE COUSSEY).
On trouve, à Midrevaux,
Plus de sorciers que de blancs chevaux.
Près de ce village, la vallée de Harvaux a la réputation d'avoir été hantée par les sorciers. Ensuite, une grotte appelée la Roche-Sarrazine, sur le territoire, était, suivant la tradition, le refuge de personnages appelés sarrazines ou sarzines étrangères à la localité, qui venaient y mendier et passaient pour sorcières ; elles ne se mêlaient aucunement avec la population.

HAILLAINVILLE (c. DE CHATEL), les HÈRES.
On dit dans les villages du voisinage :
Il vaut mieux être cheval, à Haillainville, que femme de hère. C'est une allusion à la rivalité qui existe entre les habitants de ce lieu pour savoir qui aura les plus beaux chevaux, qu'on élève et qu'on soigne avec la plus grande attention.

Telles sont les notes que j'ai recueillies surtout dans la contrée que j'habite ; j'ai fait aussi, comme on peut s'en apercevoir, quelques emprunts aux départements voisins, et même à l'Alsace-Lorraine, pour montrer que ces sobriquets et ces dictons ne sont pas particuliers à la région que j'ai parcourue. Bien que les documents que je fournis soient assez nombreux, je ne prétends pas, néanmoins, être complet, même pour nos environs. C'est dire combien ce champ serait vaste à exploiter, combien de documents on pourrait recueillir, si l'on voulait entrer, sur ce sujet, dans une étude détaillée.
E. OLRY.

(1) Voy. n° 5. Mai 1882.
(2) Voy. n° 5. Mai 1882,
(3) Je ferai remarquer que, dans le langage vulgaire patois, on dit également : AILAlN LOS GODINS, AILAIN LOS BUES et LOS GODINS d' AILAIN. LOS BUES d'AILAIN; ALLO LOS BOTS et Los BOTS B'ALLO. La seconde façon de s'exprimer est même la plus fréquemment employée. Cette remarque n'est point particulière à Allain ; elle s'applique à la plus grande partie des noms de villages qui vont suivre.
(4) Quand le sobriquet peut se rendre en français, c'est la forme que j'adopte de préférence. Mais je ferai remarquer que, dans le langage vulgaire, il est presque toujours rendu en patois.
(5) C'est, selon toute apparence, une allusion aux groseilliers sauvages que l'on rencontre fréquemment dans les haies nombreuses disséminées sur tout le territoire.
(6) Le Brénon est aussi l'objet d'un jeu de mots dans la région où il coule, indiquant le peu d'importance de ce cours d'eau. Quand une mère va coucher son enfant et qu'elle veut l'engager à faire ... pipi, elle lui dit : Faites Brénon...
(7) On rencontre fréquemment cette désignation dans notre pays, surtout pour indiquer des cantons où existent des ruines gallo-romaines.
(8) On prétend que les sorciers d'Aouze et ceux du voisinage se réunissaient souvent, pendant la nuit, dans la prairie qui s'étend entre cette localité et Soncourt, et qu'ils s'y livraient à des rondes diaboliques. Aussi, après le crépuscule, ne passait-on autrefois qu'en tremblant dans le voisinage de cette prairie.
(9) Quelquefois on remplace RAIMONS par HAMDELEURES (balais).
(10) Ailleurs, un dirait de même : BAMBlONS NOUT' BAMBIEURE, pour ; balançons notre balançoire (encensoire).
(11) Voy. Journal de la Société d'Archéologie lorraine, année 1864, page 117

 

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