Revue d'Alsace
Ed. Colmar, 1851
La bataille de Turckheim - Ch. Gérard
Laissant derrière lui son
infanterie, Turenne régla, à Lorquin, la marche et l'itinéraire
de toutes ses troupes. Il les divisa en plusieurs détachements,
les mit sous le commandement de vieux officiers, formés à son
école, expérimentés et résolus, et les dirigea, par des routes
différentes, mais peu éloignées des montagnes, vers un même
point. Il marqua les endroits où chaque corps irait loger,
désigna les haltes de repos, combina tous les mouvements de son
armée avec un tel ordre et une telle précision, qu'en
vingt-quatre heures il pouvait l'avoir entièrement réunie sous
sa main. Pour rester maître de son secret, il poussa la
précaution jusqu'à laisser ignorer aux détachements qu'ils se
rendaient au même but. Dans cette armée disciplinée, les chefs
eux-mêmes ne se préoccupaient que de leur mission propre et
déterminée. Le rendez-vous général assigné à tous les corps
était Belfort.
Alors Turenne rassembla les trente escadrons de Saulx-Tavannes,
neuf escadrons de dragons et huit bataillons d'infanterie. Avec
ce corps, il partit, le 5 décembre, de Lorquin, malgré la neige
épaisse qui tombait, traversa les bois de Sainte-Agathe et de
Ciray, passa à Blâmont et prit, le soir, son quartier à l'abbaye
de Domèvre. Il en repartit le lendemain. Mais, au lieu de passer
par Lunéville et de redescendre le long de la Meurthe, il
pouvait gagner une marche, en tirant brusquement sur la gauche
et en coupant à travers le pays.
Il s'engagea, sans hésiter, dans des chemins rustiques, étroits
et boueux, longea les villages de Couvay, de Herbévillé,
de Mignéville, de Hablainville, de Brouville et de Gélacourt,
traversa la Meurthe à Baccarat, et établit son quartier à
Domptail, d'où il écrivit très-brièvement à Louvois (1). Il y
séjourna jusqu'au 9, laissant reposer sa cavalerie, qu'il avait
étendue jusque vers Remberviller.
(1) Lettre du 8 décembre 1674. (Dépôt de la
guerre.)
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