II
Plus de sept ans s'étaient
écoulés depuis que Chrétienne avait, bien malgré
elle, quitté ce pays. Elle le trouvait
politiquement très changé. Pendant les six
premières années, tout le pouvoir avait
appartenu à ce comte de Vaudémont qu'elle avait
si longtemps maintenu dans une condition
subalterne, et c'est lui qui avait signé les
lettres patentes. Son fils Charles était, en
1559, devenu majeur, non du fait de son âge,
seize ans moins un mois, mais du fait de son
mariage, la Coutume de Lorraine, titre IV,
article 12, déclarant majeures toutes personnes
mariées. Le contrat avait été signé le 19
janvier, le mariage religieux célébré le 22, et
c'est le contrat seul qui avait produit la
majorité puisque, dès le lendemain 20, Charles
III signait ses premières lettres patentes (46).
Dès lors, il gouverne, mais comme il est en
France et y restera encore plusieurs mois, il y
a une sorte de partage, sinon du pouvoir, du
moins des fonctions. : Charles signe quelques
actes importants, par exemple la nomination d'un
chef du Conseil, d'un grand maître des finances,
d'un premier chambellan, d'un secrétaire d'Etat,
ou le don d'une forêt (47) ; Vaudémont, qui
réside à Nancy ou à Nomeny, et qui agit, non
plus comme tuteur, mais comme lieutenant général
de son neveu, signe les actes beaucoup plus
nombreux qui règlent des affaires secondaires.
Aucun document n'émane plus de Chrétienne, sauf
ces lettres patentes du 31 octobre 1559 qui
constatent sa présence à Nancy, mais c'est là le
don d'une prébende en la collégiale de Deneuvre,
et nous avons expliqué plus haut qu'elle avait
toujours conservé la collation des bénéfices
ecclésiastiques.
Il est à remarquer que le duc et sa mère sont
rentrés en même temps en Lorraine, peut-être à
pareil jour, puisque Charles III est à Nancy le
3 novembre au plus tard (48). A-t-il tenu à être
dans sa capitale pour y recevoir sa mère, ou
bien a-t-il craint qu'arrivant la première, elle
ne s'installe au pouvoir et ne fasse quelques
difficultés de le lui restituer ?
Si la Lorraine est changée, Chrétienne ne l'est
pas moins. Brantôme nous affirme qu'elle est
encore belle, mais elle n'est plus jeune,
puisqu'elle a trente-huit ans, et les projets de
la remarier, continuels dans les premières
années de son veuvage, ont cessé. C'est le lieu
d'énumérer ces projets dont plusieurs paraissent
n'avoir été que des bruits publics sans
consistance, comme il s'en produit toujours, et
de notre temps encore, au sujet des princesses
du sang. En 1547, on parle de son mariage, avec
le fils de Sigismond-Auguste, roi de Pologne, et
comme elle va alors à la diète d'Augsbourg, on
veut que ce soit pour arranger cette union
désirée par l'empereur (49). Selon Brantôme,
François, fils aîné de Claude, duc de Guise,
aurait désiré l'épouser et lui en aurait parlé ;
très fière, elle aurait répondu qu'elle ne
voulait pas devenir la femme d'un cadet de la
maison de Lorraine après l'avoir été de l'aîné ;
Guise, blessé de ce mépris, aurait, en 1552,
conseillé à Henri II de la traiter avec rigueur
(50). Chrétienne était veuve depuis juin 1545
et, en décembre 1549, François de Guise épousa
Anne d'Esté, fille du duc de Ferrare ; c'est
donc entre ces deux dates que se placerait cette
demande en mariage, qui reste hypothétique,
puisqu'elle n'est rapportée que par Brantôme,
trop friand d'anecdotes pour s'inquiéter
beaucoup si elles sont vraies. En 1550,
Chrétienne va à une nouvelle diète d'Augsbourg,
et alors il est question de l'unir au duc
d'Holstein, frère du roi de Danemark ; il semble
que Charles-Quint désirait cette union, mais
elle refuse de voir Holstein et M. Zeller croit
qu'elle rêvait d'épouser son cousin germain,
l'infant don Philippe, qui sera Philippe II,
veuf depuis 1545 de Marie de Portugal, et qui
n'épousera Marie Tudor qu'en 1554 (51). En 1551,
c'est à Emmanuel-Philibert, fils aîné du duc de
Savoie, que Charles-Quint veut donner sa nièce
(52). Ce prince l'avait bien servi à la guerre,
et il était tout à fait dans la manière de cet
empereur de récompenser les services par des
mariages brillants, sans trop se préoccuper de
l'avis des intéressées ; d'ordinaire les
princesses de sa famille acceptaient docilement
ses décisions, mais cette fois il ne réussit
pas, peut-être parce que Chrétienne savait plus
jeune qu'elle de six ans celui qu'on lui
destinait. Enfin, en 1553, un ambassadeur de
Venise annonce que Frédéric, électeur palatin,
beau-frère de Chrétienne, songe à marier
celle-ci à Albert, margrave de Brandebourg.,
afin d'exciter ce prince contre le roi
usurpateur du Danemark (53).
Maintenant qu'il n'est plus question de
Chrétienne, trop âgée pour convoler de nouveau,
c'est à ses filles, encore bien jeunes, Renée
quinze ans, Dorothée quatorze, que les faiseurs
de nouvelles veulent donner des époux. François
II a été sacré à Reims le 18 septembre 1559 ;
Charles 111 et sa femme Claude assistaient à la
cérémonie, après laquelle le roi et Marie Stuart
les reconduisent jusqu'à Bar-le-Duc. Il faut
trouver un motif secret à cette démarche bien
naturelle et Chantonnay, ambassadeur du roi
catholique auprès du roi très chrétien, s'en
charge : dans une lettre à la duchesse de PRime,
il indique que la duchesse douairière de
Lorraine viendra aussi à Bar avec ses filles et
qu'on traitera du mariage de celles-ci avec les
fils du duc François de Guise (54). Nous verrons
plus loin que ces deux jeunes filles se
marieront, non pas en France, mais en Allemagne,
unions bien conformes aux sentiments
impérialistes de leur mère.
Car celle-ci est toujours aussi attachée à sa
famille maternelle, c'est-à-dire à la maison
d'Autriche, et elle le prouve lorsque son cousin
germain, qui sera deux ans plus tard l'empereur
Maximilien II, est couronné roi des Romains. En
plein hiver, elle entreprend un long voyage pour
assister à la cérémonie qui se fait à Francfort
le 24 novembre 1562. Ce qui lui vaut une mission
de Catherine de Médicis, avec laquelle elle est
alors en relations amicales, et qui la qualifie
« ma soeur ». La reine l'approuve de n'avoir pas
emmené avec elle sa belle-fille Claude, puis
sachant que Maximilien a des sympathies pour le
protestantisme, elle prie la duchesse
d'expliquer à lui et aux princes allemands les
causes de la récente guerre de religion et de
démentir ce que le prince de Condé leur a fait
croire (55).
D'autre part, Chrétienne va à Reims avec son
fils et sa bru pour le sacre de Charles IX, qui
a lieu le 5 mai 1561, et elle fait dans la ville
cette entrée pompeuse qui choque un peu
Catherine de Médicis (56). A-t-elle donc
renoncé, peut-être à la prière de Charles III et
de Claude, à son attitude hostile envers la
maison de Valois ? Va-t-elle enfin observer
cette neutralité dont l'oubli lui avait valu de
si cruelles épreuves ? Il s'en faut. Si elle a
maintenant des rapports de courtoisie avec les
souverains de la France, si elle leur rend à
l'occasion de menus services, elle reste
toujours Habsbourg dans le fond de sa pensée et
de son cœur, et ne songe qu'à être utile aux
deux branches de cette maison, celle de Madrid
et celle de Vienne. On le vit bien en 1564 dans
deux circonstances : au mois de mars, le
cardinal Granvelle, principal ministre de
Philippe II, se rendant des Pays-Bas en
Franche-Comté, devait nécessairement traverser
la Lorraine, mais ne comptait point passer par
Nancy. La duchesse lui envoya un de ses
gentilshommes pour l'engager à s'arrêter dans
cette ville et il fit un détour en vue de la
satisfaire. Il ne resta pas plus de vingt-quatre
heures à Nancy, les 18 et 19 mars, mais cela
suffit à Chrétienne pour se plaindre de beaucoup
de personnes : de sa bru qui représentait à la
cour de Lorraine l'influence française, du roi
de France et de sa mère auxquels elle prêtait
des desseins pervers, de son cousin, Philippe
II, et de son oncle, l'empereur Ferdinand Ier,
qui ne lui témoignaient pas assez d'attachement
et ne paraissaient pas s'intéresser à ses
projets sur le Danemark. Granvelle et Chrétienne
se connaissaient depuis longtemps, puisqu'ils
avaient négocié ensemble à Cercamp et à
Cateau-Cambrésis, qu'auparavant ils avaient
fréquenté la cour de Bruxelles ; ils n'eurent
pas de peine à s'entendre pour contrebattre
l'influence française en Lorraine (57).
Puis, un fils, qui sera le duc Henri II, était
né, le 8 novembre 1563, du mariage de Charles
III et de Claude de France. Dans les familles
princières, le choix des parrains et des
marraines avait toujours une signification
politique. On le vit bien pour le baptême
d'Henri, qui se fit à Bar-le-Duc, le 7 mai 1564.
Le roi Charles IX et sa mère Catherine devaient
tenir l'enfant sur les fonts, mais Chrétienne
proposa - et imposa - en outre le roi Philippe
II et elle-même, de sorte que le jeune Henri
aurait deux parrains et deux marraines, au
mépris d'un décret du concile de Trente qui
interdisait cette pluralité. La théologie était
sacrifiée à la politique. Elle aurait voulu
faire échouer cette cérémonie, car se rappelant
ses épreuves de 1552, elle se figurait que, sous
prétexte du baptême, Charles IX viendrait avec
une forte armée et mettrait la main sur la
Lorraine. Rien de tel ne se produisit. La cour
de France arriva à Bar dès le 1er mai avec une
suite nombreuse ; on y voyait le poète officiel,
Pierre de Ronsard, qui ne manqua pas d'écrire
des vers de circonstance. Le roi donna des fêtes
splendides qui laissèrent aux habitants du
Barrois mouvant une haute idée de la puissance
française. Philippe II, qui résidait alors à
Madrid, était représenté par le comte de
Mansfeld, gouverneur du Luxembourg ; ce
personnage subalterne et peu accompagné fit
assez piètre figure et Chrétienne, nous l'avons
dit en retraçant son caractère, trouva mesquine
la bague de 3.400 écus qu'il lui offrit au nom
de son maître. Sur tous les points, la maison
d'Autriche était éclipsée par la maison de
France, au grand dépit de l'orgueilleuse
duchesse. Elle manifesta sa mauvaise humeur en
se disant malade et en arrivant avec ses deux
filles au dernier moment (58).
Si Chrétienne n'a pas toujours à se louer de la
cour de France, ni même des cours de Vienne et
de Madrid, en revanche elle a les meilleurs
rapports avec la cour de Rome. Dans les
instructions qu'il donne en 1567 à Piersanti,
son envoyé en Lorraine, le pape, saint Pie V,
loue sa vertu, sa prudence, sa piété, son zèle
pour la foi catholique. Elle-même, écrivant à ce
pape en 1566, proteste que son fils et elle
seront toujours de dévoués serviteurs du
Saint-Siège et mettront tous leurs soins à
maintenir leurs sujets dans la foi catholique
(59). Vers le même temps, un acte pontifical
permet à Chrétienne, à son fils et à ses filles
de choisir un clerc qui aura le pouvoir pour les
absoudre de toute censure ecclésiastique (60).
La duchesse tenta d'utiliser ces bonnes
dispositions de la cour de Rome pour faire
aboutir une entreprise de son fils. Depuis
l'occupation de Toul par la France en 1552,
l'évêque de Toul, qui était alors Toussaint d'Hocédy,
était fort embarrassé par le temporel de son
évêché : il lui fallait le défendre contre les
attaques des huguenots, contre les pillages des
armées qui passaient sans cesse dans cette
région frontière, contre les officiers du roi de
France qui voulaient s'en emparer. Il s'avisa,
en 1562, de le vendre au duc de Lorraine qui
était plus que lui de force à le protéger. Mais
l'accord du duc et de l'évêque ne suffisait pas
pour réaliser ce transfert de territoire : le
chapitre de Toul protesta avec énergie en 1563,
le pape et l'empereur cassèrent la cession en
1564. Chrétienne écrivit à Pie V, à son oncle,
Ferdinand Ier, pour les prier de renoncer à leur
opposition, mais n'obtint rien ; Rome alla
jusqu'à menacer d'excommunication Charles III et
Hocédy s'ils persistaient dans leur dessein, et
l'évêque, effrayé, révoqua la cession en 1565.
Le 24 mars de cette année, Chrétienne écrivait
encore à Granvelle pour le faire intervenir dans
cette négociation (61).
Toutes ces affaires si variées ne suffisaient ni
à l'activité de Chrétienne, ni à son ambition ;
elle en eut encore une autre qui fut son « grand
dessein » et sa pensée de tous les instants :
récupérer le trône de Danemark qui avait été
ravi à son père, Christiern II, en 1523, après
quatre ans seulement de règne. Quand elle était
encore fort jeune, sa tante, la reine de
Hongrie, avait déjà fait, en 1539, une tentative
pour conquérir le Danemark avec l'aide des ducs
de Mecklembourg et d'Oldenbourg, et le rendre à
ses nièces ; elle avait échoué (62). Ni elle ni
son frère n'avaient été découragés, car, en
1546, Charles-Quint écrit à Marie pour lui
signaler des négociations en vue d'assurer à
leurs nièces au moins une indemnité ; il est au
reste d'avis de faire la sourde oreille, preuve
qu'il envisage une reconquête totale (63).
Pendant les vingt-cinq ans où elle gouverne les
Pays-Bas, Marie de Hongrie a des relations
extrêmement tendues avec le Danemark ; il y a
des actes de piraterie continuels entre Danois
et Néerlandais, et le roi de Danemark ferme le
Sund aux marins des Pays-Bas. Chrétienne est
donc encouragée par l'exemple de son oncle et de
sa tante à revendiquer sa couronne.
Cependant elle se tient tranquille tant qu'elle
gouverne la Lorraine, ayant assez à faire dans
ses duchés et étant trop loin pour agir sur le
Danemark. Mais quand son fils gouverne, elle a
des loisirs. De plus, en 1559, elle apprend en
même temps la mort de son père Christiern II, et
celle de Christiern III, fils de celui qui
l'avait renversé. Dans l'été de 1560, elle fait
le voyage d'Heidelberg pour se concerter au
sujet des affaires du Danemark avec sa sœur
aînée, Dorothée, veuve depuis 1556 de l'électeur
palatin (64). Elle n'aboutit pas. En 1562, le
nouveau roi de Danemark, Frédéric II, lui fait
des avances et propose une entrevue pour arriver
à une réconciliation. Il charge le porteur de sa
lettre, un certain Paul de Zara, de s'entendre
avec Chrétienne, - « Votre Dilection », comme il
l'appelle, - sur le lieu de cette entrevue,
Munster ou Oldenbourg, et sur l'époque. Pour ne
pas s'y rendre, Chrétienne prétexte les affaires
de France ; la première guerre de religion vient
d'éclater, son fils est le beau-frère du roi
Charles IX, le cousin du duc de Guise, qui
commande l'armée ; elle ne peut s'absenter en un
pareil moment (65). Il est clair que, pas plus
que son oncle et sa tante, elle ne veut
envisager une transaction.
Puisqu'elle repousse tout accommodement, elle
est conséquente avec elle-même, mais insoucieuse
des droits de sa sœur aînée en prenant hardiment
le titre de reine de Danemark. Dans un acte de
1563, elle se qualifie : « Chrestienne, par la
grâce de Dieu, royne née de Dennemarck, Suède,
Norvègue, etc., duchesse douairière de Lorraine,
Bar, Milan, etc. » (66). Et cette prétention est
reconnue de divers côtés : en 1569, dans une
lettre à la duchesse de Nemours, Catherine de
Médicis appelle Chrétienne « la royne de
Danemark » (67). Elle a ce même titre dans la
dédicace d'un livre italien qui décrit en 1568
le mariage de sa fille Renée avec le duc de
Bavière (68). Enfin, on lit Christiana regina
sous son portrait dans une fresque du cloître de
Saint-Dié, qui commémore son passage dans cette
ville en mai 1547, mais a dû être peinte quelque
temps après (69).
Elle ne s'en tient pas là. Elle forme des plans
pour se mettre en possession de son royaume ét
des mémoires lui sont présentés par des
personnes expertes pour lui expliquer les
préparatifs à faire. Le cardinal Granvelle et le
baron de Bollwiller, un capitaine alsacien qui
est très dévoué à la maison d'Autriche et à
Chrétienne en particulier, examinent ces
mémoires et donnent leurs avis qui sont
encourageants (70). Ces mémoires paraissent
rédigés en 1564, ils ne sont pas signés, mais la
duchesse devait connaître parfaitement leurs
auteurs. Le moment est favorable pour agir,
écrit l'un d'eux, car le roi qui occupe le trône
de Danemark paye ses soldats en si mauvaise
monnaie, n'ayant pas cours en Allemagne, que
personne ne veut plus entrer à son service. Un
autre conseille de s'assurer l'appui du roi de
Suède et du « Moscovite », c'est-à-dire du tsar
Ivan le Terrible. Quatre autres mémoires sont
restés manuscrits, ils n'ont aucune date, mais
leurs auteurs, sauf un, se font connaître : l'un
est Pierre Oxe, sans doute un Danois, qui est
très attaché à Chrétienne et qu'elle fit nommer
chambellan du duc et capitaine de Schaumbourg.
Un autre a pour titre « Articles de l'homme
congneu sur le négoce que l'on scait », et
exprime l'opinion de l'évêque d'Osnabruck. Le
troisième est rédigé par Guillaume de Grombach
et Joachim Zitzeritz ; le dernier, œuvre
d'Herbert von Langsen, traite, non plus du
Danemark, mais de la Suède qu'il faut enlever au
roi Gustave Vasa qui la tyrannise (71).
Rien de tout cela n'aboutit ; l'argent et les
alliés manquaient sans doute, et ni le duc
Charles III, ni l'empereur, ni le roi d'Espagne,
ne voulaient risquer leurs forces dans une
entreprise aussi lointaine et aussi incertaine.
En 1569, Granvelle avertit Philippe II que
Chrétienne songe toujours à recouvrer le
Danemark, que constamment elle lui écrit ou lui
fait écrire par son conseiller, Silliers, pour
qu'il prenne cette entreprise à cœur. Je lui ai
répondu, ajoute-t-il, que le roi a déjà assez
d'affaires sur les bras (72). Mais Chrétienne ne
renoncera pas à ses vues sur le Danemark ; Elle
pensera à ce pays jusqu'à la fin de sa vie,
quand, retirée en Italie, âgée et malade, elle
est moins que jamais en état de conquérir un
royaume.
Ainsi, malgré ses capacités réelles, Chrétienne
n'avait pas réussi dans ses entreprises au
dehors. Vers la fin de son séjour en Lorraine,
elle eut une compensation par le brillant
mariage de sa fille aînée Renée, Il avait été
question de plusieurs partis pour cette jeune
fille, par exemple, en 1565 et 1566, du roi de
Suède, de don Juan d'Autriche, du duc d'Urbin
(73), mais ces projets n'avaient pas abouti ;
elle avait maintenant environ vingt-quatre ans,
âge auquel la plupart des princesses d'alors
étaient mariées depuis longtemps. En 1567 parut
un autre prétendant, le prince bavarois
Guillaume, fils du duc Albert V, qui sera duc
lui-même en 1579 sous le nom de Guillaume V et
sera surnommé le Pieux, ou le Religieux, à cause
de son attachement extrême à l'Eglise
catholique. Le dévouement à cette Eglise n'était
pas moindre dans la maison de Lorraine et ces
convictions communes rapprochaient les deux
familles et facilitaient leur alliance. Il y
avait du reste un intermédiaire puissant,
l'empereur Maximilien II, qui était proche
parent des deux époux (74). Le contrat fut
passé, le 3 juin 1567, à Munich (75). Peu après,
et au plus tard en septembre, le prince bavarois
vint en Lorraine pour voir celle qui lui était
destinée et pour la cérémonie des fiançailles
qui se fit sans doute à Blâmont, résidence
habituelle de la mère de Renée (76). Le mariage
fut célébré le 22 février 15'68 (77), dans la
résidence de l'époux, c'est-à-dire à Munich, où
Chrétienne était venue avec ses deux filles, où
s'était rendu aussi le comte de Vaudémont avec
sa femme et sa fille Louise, la future reine de
France, qui tenait la traîne de la mariée (78).
Le contrat de mariage ne fut ratifié par
Chrétienne et Charles III que le 28 décembre
1568 (79).
Tout cela, ce sont en quelque sorte les affaires
étrangères de la duchesse douairière. Il faut
voir comment elle se comporte dans l'intérieur
du duché. Pour y réussir, il serait bon de
connaître exactement où elle réside, mais nous
ne le savons que bien mal. Faute de documents,
il y a de telles lacunes dans son itinéraire
qu'on ne peut sans imprudence en tirer des
conclusions. Il semble qu'elle se partage le
plus souvent entre Nancy, la capitale des deux
duchés, et Blâmont, la capitale de son douaire,
sauf à paraître quelquefois dans d'autres
villes, Bar-le-Duc, Châtel-sur-Moselle,
Gondrecourt, par exemple. Si elle vient
fréquemment à Blâmont, très petite ville où les
distractions ne doivent pas être nombreuses, c'e
n'est pas que l'administration de ce comté
réclame sa présence, c'est que là elle est seule
maîtresse et ne rencontre aucune contradiction.
A Nancy, il en va autrement. Chrétienne s'en
explique à Granvelle quand il passe en Lorraine
en mars 1564 et laisse voir qu'elle s'entend mal
avec sa bru, Claude de France ; elle se plaint
qu'on la dessert auprès de la reine-mère,
Catherine de Médicis, en lui répétant que sa
fille n'a pas ce qui convient à son rang. C'est
faux, affirme Chrétienne, car en un an elle a
dépensé plus de 60.000 francs, rien que pour ses
menus plaisirs (80). Grave accusation, et qui
semble au moins exagérée, car en 1562, Claude
n'a reçu du mois d'août au mois de décembre que
14.565 francs pour toute sa dépense, ordinaire
et extraordinaire (81). Au vrai, Chrétienne et
Claude appartiennent à deux générations
différentes, qui n'ont pas les mêmes idées, les
mêmes goûts, et qui se comprennent mal. Surtout
elles représentent deux politiques différentes,
l'espagnole et la française, qui, en dépit de la
paix de Cateau-Cambrésis, continuent à
s'affronter.
Malgré ces difficultés avec Claude, la duchesse
douairière reste en bons termes avec Charles, et
quand celui-ci s'absente de ses Etats, ce qui
est fréquent dans les premières années du règne,
il confie la régence à sa mère. Peu de temps
après sa rentrée en Lorraine, Charles III est
prié par son beau-frère, François II, de venir
le voir à Paris. Il accepte d'autant plus
volontiers qu'à ce moment ses sujets insistent
pour qu'il prête le serment habituel de
respecter leurs privilèges ; il espère se
soustraire à leurs instances en s'éloignant. Au
début de 1560, en février sans doute (82), il
promulgue des lettres patentes disant : Il nous
est souvent nécessaire de nous absenter de nos
duchés, et par suite de les confier à une
personne sûre. Nous avons supplié notre mère, la
duchesse douairière Chrétienne, de bien vouloir
assumer cette charge, parce qu'elle nous a
toujours porté affection de bonne mère et parce
qu'elle est « congnoissante et versée ès plus
haultes négoces d'entre les plus grandz princes
chrestiens ». Elle a bien voulu condescendre à
notre requête et nous l'avons établie régente et
gouvernante en nos pays. Nous ordonnons à tous
nos vassaux et sujets de lui obéir comme à nous
même et nous promettons à notre mère d'avoir
pour agréable tout ce qui sera ordonné par elle.
Voilà Chrétienne heureuse et glorieuse, car elle
est de nouveau au pouvoir et elle y est seule,
elle n'a même plus pour la limiter le très
faible contrôle de son beaufrère, Nicolas, qui
signait après elle les lettres patentes.
Maintenant, ces lettres portent une seule
signature, la sienne. Elle est plus maîtresse en
Lorraine qu'elle ne l'a jamais été, mais ce
n'est que pour un temps assez court. Les lettres
émises par elle sont comprises entre le 14 mars
et le 31 août 1560, ce qui fait cinq mois et
demi de régence, - de règne. Toutes ces lettres
sont pareilles quant à leurs formules ; la
suscription est : « Chrestienne de Danemarck,
duchesse douairière de Calabre, Lorraine, Bar,
Gueldre, Milan, comtesse de Blâmont, régente et
gouvernante ès pays de nostre très cher et très
amé filz, Charles, par la grâce de Dieu duc de
.... à tous deux qui ces présentes verront,
salut. » Et à la fin, on lit : « Car tel est
nostre vouloir. En tesmoing de quoy, nous avons
à ces présentes signées de nostre main fait
mectre et appendre le grand seel die nostre dict
filz. » Quant à la date, Chrétienne ne se
conforme pas dans ces lettres à l'usage lorrain
qui était de commencer l'année à la fête de
l'Annonciation (25 mars) ; elle la commence à
Pâques, non pas sans doute parce que c'est
l'usage de France, mais parce que c'est l'usage
de ce Brabant où elle a été élevée (83). Elle
est si habituée à ce style de Pâques qu'elle lui
restera fidèle jusqu'à la fin de sa vie, quand
elle résidera en Italie où ce style n'a jamais
été en vigueur.
Pendant ce laps de moins d'une demi-année,
Chrétienne promulgua cinquante lettres patentes.
Vingtdeux traitent de menues affaires
administratives, nominations de fonctionnaires
et de prébendiers, acensements, confirmations
d'acquêts, autorisations diverses. Trois
seulement de ces actes méritent une mention : le
11 mai, Chrétienne renouvelle pour trois ans, à
Gérard Fredeau, le bail de l'impôt sur la sortie
des marchandises (84) ; Le 4 août, elle crée à
Bussang, aux sources de la Moselle, un marché
franc tous les samedis, dans l'intérêt des
ouvriers qui travaillent aux mines nouvellement
découvertes en ce lieu (85) ; le 17 août, elle
prescrit aux religieux de l'ordre de saint
François, qui errent dans le pays, au scandale
de tous, de rentrer dans leurs couvents, ou bien
d'exhiber les dispenses qu'ils prétendent avoir
(86). Les vingt-huit autres lettres sont des
lettres de rémission pour meurtre. Dans le
chapitre sur la justice, nous avons noté que
lorsqu'elle exerçait la tutelle, Chrétienne
usait de son droit de grâce avec mesure et
discernement. Maintenant, elle paraît avoir le
pardon beaucoup plus facile et c'est ceci,
plutôt qu'un accroissement subit de la
criminalité, qui explique ce nombre élevé de
lettres de rémission dans un temps si court.
Beaucoup des meurtres dont il s'agissait étaient
commis depuis longtemps et leurs auteurs,
craignant une punition sévère, s'étaient enfuis
des duchés. Apprenant que Chrétienne était
régente et qu'elle se montrait clémente, les
coupables rentrèrent, lui présentèrent leurs
suppliques et reçurent d'elle des lettres de
rémission qu'ils n'auraient sans doute pas
obtenues de son fils. Faire grâce n'était-il pas
pour la duchesse une façon d'affirmer son
pouvoir ?
La duchesse fut encore régente à deux reprises,
en août 1561 et en juillet 1566 (87). Mais ces
nouvelles régences furent beaucoup plus brèves
et ne furent pas marquées par une aussi grande
activité de la titulaire. C'est sans doute dans
l'un de ces cas que Charles III transmit le
pouvoir à sa mère par des lettres sans date, où
il la loue de s'être « employée à la
pacification universelle de toute l'Europe,
selon qu'il est notoire » (88).
Précisément peut-être parce qu'elle s'était
montrée indulgente à des meurtres dont beaucoup
avaient été commis au sortir des cabarets,
Chrétienne se montra sévère pour ces maisons,
causes de tant de disputes, de tant de sang
versé. Une première ordonnance, du 21 août 1560,
est faite pendant cette longue régence dont il
vient d'être question et doit s'appliquer aux
deux duchés de Lorraine et de Bar ; elle
interdit la fréquentation des cabarets, à peine
de 30 francs d'amende. Une seconde, du 22 août
1565, établit la prison en cas de récidive ; la
dernière, du 6 mars 1566, porte l'amende de 30 à
50 francs (89). N'ayant pas le texte, mais
seulement de brèves analyses de ces diverses
ordonnances, nous ne savons pas si les deux
dernières sont faites pour l'ensemble de l'Etat
lorrain, ou seulement pour le douaire de la
duchesse. Ce qui reste acquis, c'est que cette
femme fut un adversaire décidé ^ de l'ivrognerie
et par suite un précurseur.
Bien qu'elle n'eût plus qu'à de rares
intervalles un Etat à gouverner et son prestige
à maintenir, elle menait grand train et avait à
son service un personnel nombreux et de choix.
Il est curieux de comparer les maisons de
Chrétienne, duchesse douairière, et de Claude,
duchesse effective. Celle-ci a autour d'elle
huit dames d'honneur et huit demoiselles
d'honneur (90) ; en 1561, sa belle-mère a douze
demoiselles d'honneur ; elle a en outre huit
gentilshommes dont le plus en vue est ce
Français émigré, M. de Montbardon, que nous
avons déjà cité plusieurs fois, trois
conseillers, deux aumôniers, un médecin, un
chirurgien, un apothicaire ; elle a aussi des
pages et quantité d'hommes et de femmes dans les
emplois inférieurs (91). Une maison aussi
nombreuse coûte cher ; le compte de Pierre Jault,
secrétaire et trésorier de Chrétienne, compte
allant du 14 décembre 1560 au 12 novembre 1563,
inscrit pour ce laps de temps 50.382 fr. 11 gros
de gages et 195.992 fr. 1 gros d'autres
dépenses; au total 246.375 fr. de Lorraine (92).
Pour faire face à ces grosses dépenses,
Chrétienne a des ressources variées : en 1562,
le trésorier général de Lorraine lui verse
21.900 fr. pour son entretien et celui de ses
deux filles pendant les 365 jours de l'année, à
raison de 60 fr. par jour (93). Bien entendu,
cette sorte de pension lui est payée
régulièrement tous les ans. Elle ne couvre que
les dépenses ordinaires, les dépenses
exceptionnelles donnant lieu à des allocations
supplémentaires. Ainsi, en 1561, Chrétienne
reçoit 6.000 fr. de l'argentier de son fils au
moment de partir « pour le voyage de Reims »,
c'est-à-dire pour le sacre de Charles IX,
célébré dans cette ville le 5 mai 1561 (94).
Elle peut ainsi tenir son rang à cette imposante
cérémonie et fait à Reims cette entrée qu'a
décrite Brantôme, dans un carrosse superbe
traîné par quatre chevaux blancs de toute beauté
attelés de front (95). Puis elle a les revenus
de son douaire, composé de deux fiefs d'étendue
inégale, Blâmont et Deneuvre. Elle les
administre avec soin et voulant connaître
l'étendue de ses droits sur ces terres, elle se
fait remettre, en avril 1564, tous les titres
qui les concernent ; quand elle les restitue un
an après, en mai 1565, au Trésor des chartes de
Lorraine, elle a eu le temps de les étudier de
près (96). Cette même année, elle fonde à
Blâmont un bureau de charité qui donne aux
voyageurs pauvres la passade, c'est-à-dire un
repas et un gîte (97). En 1569, elle favorise la
translation à Domêvre, dans le Blâmontois, de
l'abbaye de chanoines réguliers de Saint-Sauveur
(98).
Tout près de Baccarat, qui appartenait à
l'évêché de Metz, Deneuvre était le chef-lieu
d'une prévôté lorraine et possédait une
collégiale où le corps du duc François Ier,
l'époux de Chrétienne, avait été déposé plus
d'un an, en attendant qu'on pût célébrer les
funérailles. C'est aussi à Deneuvre qu'avait été
passé, le 6 août 1545, le pacte de tutelle entre
la duchesse et son beau-frère, Nicolas, évêque
de Metz. De tels souvenirs devaient attacher
Chrétienne à cette bourgade. Elle fit
reconstruire, de 1586 à 1589, le pont de pierre
lancé sur la Meurthe, qui avait été emporté par
une crue (99). Le bois de la Moncelle était
resté, semble-t-il, indivis entre Metz et
Lorraine et les habitants de Baccarat et de
Deneuvre y avaient des droits d'usage sur
l'étendue desquels s'élevaient de fréquentes
disputes entre ces deux communautés. Pour y
mettre fin, Chrétienne passa, en 1567, avec
l'évêque de Metz, un traité qui lui assurait la
pleine propriété de 500 jours de ce bois (100).
Cette princesse résidait assez souvent à
Deneuvre, et, désirant lui ètre agréables, des
étymologistes improvisés, comme la Renaissance
en a produit beaucoup, prétendirent que ce nom
de lieu venait de Danorum opus et que le village
et son château auraient donc été construits par
de lointains compatriotes de Chrétienne de
Danemark. On sait maintenant que la forme la
plus ancienne de ce nom est Danubrium, qui se
lit dans des chartes de ia première moitié du
XIIe siècle, et qui parait venir du celtique,
Dano-briga, le château de Danos (101).
Et, enfin, Chrétienne posséda quelque temps et
exploita à son profit Rosières-aux-Salines. Le
28 mars 1563, Charles III lui fit une donation
viagère de la saline, de la ville et de la
prévôté de ce lieu pour l'indemniser de ce que
lui avait coûté l'éducation de ses deux sœurs
(102). Le cadeau n'était pas de grande valeur,
car l'exploitation de la saline était arrêtée
depuis 1484, mais Chrétienne la restaura, fit
reprendre le travail et mit sur la grande porte
ses armes avec une inscription qui relatait ses
titres, y compris celui de reine de Danemark, et
apprenait aux passants qu'on lui devait le
rétablissement de cette saline (103). Le 17 mai
1585, elle fit une ordonnance pour régler la
marche de l'exploitation et déterminer les
attributions des officiers attachés à la saline
(104). Que se passa-t-il ensuite ? Chrétienne
s'aperçut-elle que l'entreprise rapportait peu,
ou même coûtait, que Rosières ne pouvait pas
lutter contre la concurrence des autres salines
lorraines ? Nous ne le savons pas ; ce qui est
certain, c'est que, dès le 30 décembre 1565,
elle rétrocédait la saline à son fils et que, le
15 janvier 1566, celui-ci lui assignait en
compensation une rente viagère de 4.000 écus au
soleil, soit 16.000 francs de Lorraine, sur la
caisse du trésorier général (105). De plus,
Charles qui, en 1562, lui avait donné, sa vie
durant, la jumenterie de Portieux, près de
Rosières, transforma, le 1er juin 1566, ce don
viager en pur don, de façon qu'elle pût engager
ou vendre cette jumenterie s'il lui plaisait
(106).
Il reste à énumérer quelques faits plutôt
anecdotiques que politiques relatifs à
Chrétienne pendant cette période de sa vie. On a
peu de renseignements sur son état de santé ; il
semble pourtant que, dans l'été de 1566, étant à
Blâmont, elle a fait une maladie assez sérieuse
pour inquiéter son fils et déranger ses projets.
Il se trouvait alors à la cour de France ; il en
partit en poste au mois de juillet pour se
rendre à Blâmont, et après un séjour de peu de
durée dans cette ville, il en repartit au mois
d'août, également en poste, pour retourner à la
cour, après avoir distribué 50 écus d'or aux
gens de la maison de sa mère (107).
Précédemment, en novembre 1562, Charles III est
passé à Blâmont quand il se rendait à Francfort
pour le couronnement de Maximilien II. Comme
Chrétienne assistait également à cette
cérémonie, il est probable que la mère et le
fils ont fait route ensemble de la Vezouse au
Mein. Mais avant, ils eurent une affaire de
famille à régler : Nicolas, comte de Vaudémont,
l'extuteur de Charles III, se plaignait de
n'avoir pas reçu tout ce qui devait lui revenir
dans la succession de son père. Pour le
satisfaire, Charles III lui donna
Pont-Saint-Vincent qu'il réunit à son comté de
Chaligny, et ce don fut inscrit dans une
convention signée à Blâmont le 21 novembre 1562
(108). Chrétienne a dû assister à ces
négociations qui se passaient chez elle et, avec
sa dextérité de diplomate accomplie, aider à la
conclusion de l'arrangement entre l'oncle et le
neveu.
Mazarin se faisait gloire d'avoir donné Colbert
à Louis XIV ; Chrétienne a pu se louer d'avoir
donné à son fils Thierry Alix, ce remarquable
fonctionnaire, qui, comme greffier, puis
président de la Chambre des comptes de Lorraine,
rendit de signalés services, et qui trouva
encore le temps de rédiger d'utiles travaux
historiques et géographiques. C'était un protégé
de Chrétienne qui l'avait connu jeune et aidé
dans ses études. Alix est probablement l'auteur
d'un Discours sur la souveraineté du duché de
Lorrame composé en 1564 ; il y plaide la cause
de sa protectrice, disant au duc qu'il ne doit
se fier qu'à ses père et mère pour la direction
de sa politique ; comme Charles III n'a plus de
père, c'est donc de sa mère seule qu'il lui faut
prendre conseil (109). Celle-ci fut
reconnaissante et, lorsqu'en 1569 Alix fut nommé
président de la Chambre des comptes, le duc
déclara faire ce choix sur le conseil de sa mère
(110).
Les grands personnages étaient souvent priés,
d'être parrains ou marraines d'enfants
appartenant à d'autres familles, parfois à des
familles très modestes. A notre connaissance,
Chrétienne se prêta deux fois à faire ces
fonctions. En novembre 1562, il s'agit d'une
fille d'une des premières maisons du duché,
Christine Claude, fille de feu Olry du Châtelet,
seigneur de Deuilly, et de Jeanne de Scépeaulx,
qui est baptisée dans l'église de la collégiale
Saint-Georges de Nancy. Selon l'usage d'alors,
on lui donna un parrain, qui est Nicolas de
Lorraine, l'oncle du duc, et deux marraines,
Chrétienne, la duchesse douairière, et Claude,
la duchesse régnante. L'enfant, qui faisait sous
de tels auspices son entrée dans la vie, fit
bien son chemin ; elle devint demoiselle
d'honneur des filles de Charles III et épousa
ensuite Jean d'Haussonville, seigneur de
Saint-Georges (111). En 1567, Chrétienne est
marraine du fils d'un simple sommelier de
Lunéville, Jacques Waltin, auquel elle donne le
prénom de Chrétien (112).
CHAPITRE XII
CHRÉTIENNE EN BAVIÈRE ET EN ITALIE
I. Chrétienne en Bavière (1568-1575), puis de
nouveau en Lorraine (1575-1578). - II.
Chrétienne en Italie (1578-1590). - III. Sa mort,
ses funérailles.
I
Le mariage de sa fille Renée
avec le prince héritier de Bavière fut un
événement décisif dans la vie de Chrétienne de
Danemark en lui assurant un point d'appui et au
besoin un asile hors de cette Lorraine où elle
ne Ise plaisait guère. Nous avons dit les
raisons multiples qui la mettaient en mauvais
termes avec la noblesse lorraine, et par suite
avec toute la nation, puisqu'en Lorraine la
noblesse dirigeait l'opinion. Il serait utile de
connaître aussi quels rapports elle pouvait
avoir avec son fils et sa belle-fille ; par
malheur, ces rapports nous pouvons plutôt les
soupçonner que les connaître. Il n'y a, pour
cette période de l'histoire lorraine, ni
mémoires, ni journaux intimes qui nous
révéleraient les secrets de la cour et de la
famille ducale ; les lettres missives ne
manquent pas, mais ne touchent guère à ces
questions délicates. Les hauts personnages qui
les écrivent gardent sur leurs dissentiments une
discrétion fort louable en somme, mais fort
décevante pour nous. Nous avons vu qu'en 1564,
Chrétienne se plaint au cardinal Granvelle de sa
belle-fille. Le motif avoué de ces plaintes est
que la jeune femme dépense trop ; leur vraie
raison nous paraît être que Claude a de
l'influence sur son mari et que l'influence de
cette fille de France combat celle de
Chrétienne, toute dévouée à l'Empire et à
l'Espagne. En 1567, un Belge, le prévôt
Morillon, écrivant au cardinal Granvelle, lui
parle de la manière d'être de Charles III avec
sa mère « à laquelle il est fort subject et
obéissant » (113). Le duc avait alors
vingt-quatre ans ; il est peu probable qu'il se
laissât mener aussi docilement que le croit cet
étranger dont le témoignage nous atteste surtout
l'esprit de domination de la duchesse
douairière.
Le mariage de Renée de Lorraine a été béni à
Munich le 22 février 1568. Sa mère l'avait
accompagnée jusque-là, ce qui est normal. Ce qui
l'est moins, c'est que, la cérémonie faite,
Chrétienne est restée en Bavière. De Munich elle
adresse des lettres les 28 février et 1er avril
1568 à Chantonnay, frère du cardinal Granvelle,
et l'un des meilleurs diplomates de Philippe II
(114), le 29 avril, même année, au roi Charles
IX (115). En 1569, elle est toujours en Bavière,
elle y est même malade, comme nous le dirons à
la fin de ce chapitre, et nous l'y trouvons
encore l'année suivante. En effet, le 14 juin
1570, Charles III confère la régence de ses
duchés à sa femme Claude pour aller visiter sa
mère « estant détenue de maladie au pays de
Bavière » (116). Et alors, elle a élu domicile à
Friedberg, sur le Lech, près d'Augsbourg ; il y
a là un château du XVIe siècle qui fut la
résidence habituelle de plusieurs princes de la
maison de Bavière. Elle écrit de Friedberg à
Chantonnay les 16 mai et 18 juin 1570 (117). En
1571, toujours de Friedberg, elle envoie des
instructions les 28 février, 9 et 11 juin, à
Louis de La Mothe, maître des requêtes de son
fils (118) ; le 20 décembre, elle donne l'ordre
d'apurer les comptes de son douaire, et Nicolas
Gouttière, un de ses serviteurs, fait deux
voyages pour lui porter, à Friedberg, des fruits
de ses jardins de Blâmont (119). D'autre part,
de janvier à juin 1571, une vingtaine de lettres
lui sont adressées à Friedberg, en Bavière
(120). En 1572, elle écrit de Friedberg à son
fils le 2 avril et le 17 décembre ; de même en
1573, le 18 février, puis elle est le 12 juin à
Gœppingen, en Wurtemberg (121), mais pour
revenir bientôt en Bavière, car nous avons le
compte des dépenses qu'elle fit dans ce pays
d'avril à juillet 1573 (122). Nous voyons aussi
que Charles III donne 300 fr., en 1573, à un
charretier, pour mener à Friedberg cinq pièces
de vin qu'il lui envoie (123).
A la fin de cette même année se produit un
événement qui aurait pu la ramener en Lorraine :
Catherine de Médicis, accompagnant son fils
Henri, qui va prendre possession du trône de
Pologne, séjourne à Blâmont du 29 novembre au 3
décembre 1573, et c'est là que la mère et le
fils se séparent. Chrétienne de Danemark
est-elle venue à Blâmont, qui lui appartient en
propre, pour y recevoir ces hôtes illustres ? Il
ne semble pas, car elle n'est nommée ni dans les
Mémoires de Marguerite de Valois, ni dans ceux
de Cheverny, qui rapportent brièvement ce séjour
à Blâmont (124). Sans doute son fils s'est-il
chargé de faire les honneurs du domaine maternel
et Chrétienne est-elle restée en Bavière,
boudant à la fois la cour de France et la cour
de Lorraine, comme elle l'avait fait dix ans
auparavant quand ces deux cours avaient été
réunies pour le baptême de son petit-fils à
Bar-le-Duc. En 1574, elle est encore en Bavière,
car elle écrit de Friedberg à son fils le 7
juillet, et sa plus jeune fille, Dorothée, qui
l'avait accompagnée en Allemagne, écrit du même
lieu, le 8 novembre, au chapitre de Saint-Dié
(125). En 1575, toujours de Friedberg, elle
donne des ordres, le 28 février, pour
l'apurement des comptes de son douaire, et, le
26 avril, elle accorde une pension annuelle de
10 écus à sa lavandière, Pentecoste César (126).
Cette même année, Charles III qui a fait peindre
par Médard Chuppin, son peintre attitré, les
portraits de ses fils, Henri et Charles, les
envoie à sa mère en Bavière (127).
Et c'est peu après, à la fin de 1575, que
Chrétienne revient en Lorraine. Pour l'y décider
- ou l'y résigner - il ne faut pas moins qu'un
événement d'importance, le mariage de sa seconde
fille. Il semble que ce retour fut préparé par
des négociations entre la, mère et le fils, car
en cette année, Charles III lui dépêche
successivement Adrien de Garancières, maréchal
des logis de son hôtel, puis un très haut
personnage, African, baron d'Haussonville,
maréchal de Barrois, dont le voyage coûte un
millier de francs (128). Enfin, elle se décide,
et cette fois le duc lui envoie son muletier,
Pierre Andrault, avec huit mulets pour ramener
ses bagages (129). Chrétienne arrive à Nancy en
novembre 1575, après une absence de près de huit
ans (130). Elle ne devait pas y retrouver sa
belle-fille, Claude, qui était morte le 20
février précédent.
Dorothée avait trente ans accomplis, elle
épousait Eric ou Ernest, duc de Brunswick et de
Lunebourg, qui, élevé dans le luthéranisme,
s'était fait catholique et mis au service de
Philippe II. C'est sans doute à la cour de
Munich que les futurs époux s'étaient rencontrés
et avaient sympathisé. Le contrat fut signé à
Nancy le 30 novembre 1575 ; le mariage fut
célébré à Nancy également, en la collégiale
Saint-Georges, le 20 décembre. Il fut honoré de
la présence d'une reine, Elisabeth d'Autriche,
veuve de Charles IX, qui retournait dans sa
famille en traversant la Lorraine (131).
Chrétienne dut être fort satisfaite de la
présence de sa petite-cousine à cette fête et du
mariage même. Si son fils avait pris femme dans
la maison de France qu'elle n'aimait pas,, ses
deux filles étaient mariées à des princes de ce
Saint-Empire qui avait toutes ses prédilections
et leurs époux étaient des champions déterminés
de la cause catholique qu'elle-même soutenait de
son mieux.
Après ce mariage de sa fille, la duchesse reste
deux ans et demi dans les Etats de son mari et
de son fils. On a peu d'indications sur cette
période de sa vie. Elle entretient avec sa
famille autrichienne une correspondance suivie
dont il nous reste quelques bribes : en décembre
1576, des lettres de la veuve de Maximilien II,
mort le 12 octobre de cette année, et de son
fils, Rodolphe II, qui la remercient de ses
condoléances, réclament ses prières pour le
défunt et promettent de lui rendre service en
toute occasion, comme cet empereur lui-même l'a
toujours fait (132) ; deux lettres de don Juan
d'Autriche des 2 février 1577 et 5 février 1578,
qui la mettent au courant de ce qui se passe aux
Pays-Bas et la remercient de sa bonne volonté
pour les affaires du roi d'Esipagne (133).
Elle-même écrit de Pont-à-Mousson, le 19 mai
1577, à son gendre, le duc de Bavière, une
lettre de simple politesse qui ne nous apprend
rien (134). A la fin d'août 1577, Charles III
est à Blâmont, donc chez sa mère (135). C'est
sans doute la dernière fois qu'il y vient,
puisque, l'été suivant, celle-ci partira pour
l'Italie. Sait-il déjà ce projet de voyage et
est-il venu pour l'en entretenir, peut-être pour
essayer de l'en dissuader ? Enfin, nous voyons
que, le 6 mai 1578, à Deneuvre, Chrétienne
affranchit la maison qu'un de ses bourgeois de
Blâmont possède à Frémonville (136), dernier
acte, à notre connaissance, qu'elle signe avant
de quitter la Lorraine.
II
Car, pendant l'été de 1578,
Chrétienne part pour l'Italie avec l'intention
ferme, semble-t-il, de s'y fixer et d'y terminer
sa vie. Quels peuvent être les motifs de cet
exode ? Brantôme, à la fin de la notice qu'il
lui consacre, explique qu'elle avait fait des
vœux aux sanctuaires d'Italie, et qu'étant
affligée de la goutte, elle voulait être à
portée des bains où elle pourrait se soigner
(137). Ce sont là sans doute les raisons
officielles répandues dans le public, et qui
sont faibles. Il ne manquait pas en Lorraine de
sanctuaires vénérés où la duchesse aurait pu
satisfaire sa piété ; il n'y manquait pas non
plus de stations thermales réputées. Les eaux de
Plombières étaient alors bien connues, puisque
le mari de Chrétienne en avait usé en 1545, et
que, sans parler d'autres baigneurs moins
illustres, Montaigne fera, en 1580, le long
voyage de Bordeaux à Plombières pour venir s'y
baigner. Non loin de la Lorraine, les eaux de
Spa n'étaient pas moins renommées, car le duc
Charles III et son fils, le cardinal évêque de
Metz, y feront diverses cures à la fin du XVIe
siècle. Le climat de la Lorraine n'est pas
toujours agréable, mais ne pouvait guère
effrayer une femme née dans le froid Danemark et
élevée en Belgique. Elle avait en Lorraine une
petite souveraineté, Blâmont et Deneuvre, avec
des revenus assurés. Enfin, elle ne pouvait plus
arguer de dissentiments avec sa bru, puisque
celle-ci était morte depuis trois ans. Les mêmes
raisons qui expliquaient sa retraite en Bavière
dix ans auparavant la décidèrent sans doute à
partir pour l'Italie : elle souffrait,
croyons-nous, d'être confinée dans
l'administration de son douaire, de ne pas
gouverner son fils et l'Etat lorrain, de voir
Charles entretenir d'étroits rapports avec la
maison de France qu'elle n'aimait pas, et aller
tous les ans à Paris. Enfin, son esprit inquiet
et susceptible la faisait ne se trouver bien que
là où elle n'était pas, et, après avoir goûté de
la Lorraine, des Pays-Bas, de la Bavière, elle
voulut essayer de l'Italie, se rappelant
peut-être qu'elle y avait passé une année de sa
prime jeunesse, comme femme de François Sforza,
et pensant y retrouver cette fraîcheur
d'impressions et cette allégresse qui ne
dépendent pas du lieu qu'on habite, mais de
l'âge qu'on a.
Il semble que Chrétienne se rendit en Italie en
passant par le col du Brenner et par Trente, car
en cette année 1578, le duc paye 72 francs à un
homme de Blâmont pour la dépense qu'il a faite
de Trente à Nancy en ramenant son coche, ceci en
plus des 60 écus que Chrétienne lui avait remis
à Trente (138), Ce col du Brenner, qui s'ouvre à
1.367 mètres de haut, est du reste un des plus
praticables des Alpes et cet itinéraire fit sans
doute passer la duchesse par Munich où elle put
voir encore une fois sa fille Renée. C'est en
plein été qu'elle fit ce voyage, puisqu'à la fin
d'une lettre du 26 août, le cardinal Granvelle,
qui était alors à Rome, annonce à Marguerite de
Parme que Chrétienne vient d'arriver à Milan
(139). Elle commença, en vue de recouvrer la
santé, par faire un pèlerinage à Notre-Dame de
Lorette, près d'Ancône ; la maladie l'empêcha de
pousser jusqu'à Rome et le pape Grégoire XIII
lui écrivit pour lui exprimer ses regrets de ne
pas l'avoir vue (140). Et après, elle alla
s'établir dans cette ville de Tortone, au sud du
Pô, sur la route de Milan à Gênes, que son
premier mari, François Sforza, lui avait
attribuée comme douaire. Tortone, dit Moréri
dans son Dictionnaire, est une des plus petites
et des plus pauvres villes d'Italie ; aussi
est-ce sans doute par raillerie que les gens du
pays prirent L'habitude de l'appeler Madame de
Tortone, « pas beau nom pourtant, ny digne
d'elle », observe Brantôme (141). Et cependant,
elle faisait assez grande figure en Italie pour
causer, en 1580, une plaisante mésaventure au
cardinal Granvelle. Celui-ci, qui résidait alors
à Madrid, avait écrit à Marguerite de Parme,
retirée en Italie, une lettre sur le dos de
laquelle il n'y avait que « A Madame ». Au vu de
cette adresse, le service des postes du temps
n'hésita pas à faire remettre la lettre à
Chrétienne. Par bonheur, ajoute Granvelle, il
n'y avait rien dans cette lettre qui ne pût être
lu (142).
Dans ce douaire de Tortone, la duchesse
prétendait être complètement maîtresse. Dès
1564, elle demandait au cardinal Granvelle,
quand il passa à Nancy, de le posséder en toute
souveraineté et non pas comme vassale de
Philippe II (143). Elle revint à la charge par
l'entremise de Jean de Pange, qui fut
ambassadeur de son fils auprès, du roi
catholique de 1580 à 1582, et prétendit que
Tortone lui appartenait en pleine propriété et
devait après elle rester au même titre dans la
maison de Lorraine. Philippe consentit seulement
que la ville pût être transmise à sa fille
Dorothée (144). C'est là tout ce que nous savons
sur ce douaire italien dont les titres et les
comptes, s'ils existent encore, doivent être
conservés dans la péninsule.
Nous sommes mieux informés sur l'administration
par Chrétienne de son douaire lorrain. Malgré
l'éloignement, elle est consultée jusqu'à la fin
de sa vie sur les plus minimes affaires, par
exemple, en 1586 sur la vente des blés de ses
greniers, en 1587 sur une difficulté relative à
l'aide, en 1588 sur la nomination d'un clerc
juré à Blâmont et de chanoines dans la
collégiale de cette ville. Ses ambitions ont dû
se restreindre à un étroit domaine, mais restent
toujours aussi tenaces. Le compte de ses
recettes et de ses dépenses pour 1589 nous a été
conservé (145) ; on y voit qu'elle touche chaque
année 27.750 fr. sur la saline de Salone, 16.000
fr. pour celle de Rosières, et que la taxe des
lettres patentes scellées du grand sceau de son
fils lui rapporte 2.612 fr. Avec les produits
des terres de Blâmont et de Deneuvre, la recette
totale de cette année se monte à 74.431 fr. ; la
dépense est de 53.988 fr., dont 12.614 fr.
envoyés en deux fois à la duchesse, à Tortone,
et 25.000 fr. qui ont été versés au sieur de
Châtenoy, trésorier des guerres de Charles III ;
il reste donc un reliquat de 20.443 fr., qui
seront portés en recette au compte de l'année
suivante, 1590. Ainsi, les finances de
Chrétienne sont dans une situation prospère, au
moins en cette année 1589. En outre, quand est
levée une aide générale octroyée par les Etats,
les sommes perçues sur Blâmont et Deneuvre ne
sont pas pour le duc, mais pour sa mère, qui les
inscrit en recettes dans son compte de 1585
(146). En revanche, celle-ci, nous venons de le
dire, octroie de fortes subventions à la caisse
militaire de son fils.
Entre la Lorraine et Tortone, il y avait dans
les deux sens une correspondance administrative
continuelle. Les agents de Chrétienne dans son
douaire lui envoient des rapports détaillés sur
l'état de ses affaires ; ainsi, en 1585,
Dominique Jacquemin, avocat à Nancy, lui rend
compte du voyage qu'il a fait à Blâmont et à
Deneuvre pour visiter ses greniers (147), et
d'autres agents s'excusent d'avoir tardé à ouïr
les comptes de ces deux domaines, en faisant
valoir qu'ils étaient occupés ailleurs au
service du duc, qu'ensuite la peste s'est
déclarée à Nancy et les a dispersés (148).
Chrétienne, de son côté, écrit en 1582 à ses
conseillers en Lorraine, qu'elle leur adjoint un
Gênois, Gieronimo Bozomo, pour les aider à
apurer les comptes de ses receveurs (149). Le 20
mars 1587, elle promulgue trois ordonnances
applicables à tout son douaire : la première se
propose d'y prévenir la disette, et, pour ce
faire, la duchesse ne voit pas de meilleur moyen
que de sévir une fois de plus contre les
taverniers et cabaretiers, et de limiter
étroitement le nombre des convives aux repas de
baptêmes, de noces, et de funérailles. La
seconde est dirigée contre l'usure et défend de
percevoir ùn intérêt annuel supérieur à 7 %. La
troisième assure le respect du dimanche et
interdit de s'occuper ce jour-là d'oeuvres
serviles, sous peine d'une amende qui est de 10
fr. pour le premier délit, de 25 et de 50 fr. en
cas d'e récidives (150). Et le 26 avril 1590,
quatre mois avant de mourir, Chrétiènne nomme
encore prévôt de Deneuvre son sommelier, Nicolas
Billon (151).
Ses sujets lorrains lui doivent divers
bienfaits. En 1588, informée du courage avec
lequel, l'année précédente, les bourgeois de
Blâmont avaient défendu leur ville contre les
Allemands, elle leur permit de porter de 15 à 20
deniers la gabelle qui se levait, au profit de
leur communauté, sur chaque mesure de vin vendue
à Blâmont (152). A une date que nous ne pouvons
préciser, elle manda à son receveur de Deneuvre
de verser tous les ans 96 fr. à un régent qui
serait capable d'enseigner les enfants de ce
bourg ; après sa mort, les habitants de Deneuvre
supplièrent le duc de confirmer sa donation, et
un arrêt du Conseil du 10 juin 1591 maintint
cette allocation destinée à « instruire la
jeunesse ez bonnes lettres et en toute piété et
vertu » (153). Comme autres œuvres pies,
Chrétienne bâtit près de Deneuvre, au lieudit La
Rochotte, une chapelle sous l'invocation de
sainte Marie-Madeleine, et le pape Grégoire XIII
confirma cette fondation par une bulle des ides
de décembre 1579 (154) ; elle donna, en 1589,
deux cents francs aux carmes de Baccarat et cent
aux sœurs grises de Lunéville. Chaque année,
elle alloue cent francs à chacun des couvents
des cordeliers de Nancy et de Raon-l'Etape et
des clarisses de Pont-à-Mousson et de
Bar-le-Duc, et quatre-vingts francs à la
collégiale Saint-Georges de Nancy pour chanter
un Salve Regina tous les samedis et aux fêtes de
la Vierge (155).
Si la duchesse veille à la bonne administration
de son douaire, elle continue à s'intéresser au
petit Etat lorrain et à la famille ducale, écrit
et reçoit des lettres nombreuses et n'ignore
rien de ce qui se passe. Les lettres qui nous
restent d'elle et de ses correspondants sont
certainement une faible portion de ce qu'ils ont
écrit ; elles nous permettent du moins de nous
faire une idée des questions traitées.
Chrétienne a dû adresser bien des missives à son
fils, le duc Charles III ; des deux que nous
avons encore, toutes deux de 1587, l'une, où
elle dit son espoir de le voir ceindre bientôt
la couronne de France, nous paraît un faux assez
maladroit (156) ; nous n'avons aucune raison de
suspecter l'autre où elle recommande à Charles
le marquis Gabriel de Malespine, gentilhomme
italien qui a servi le roi de France et va
maintenant servir en Lorraine (157). Les lettres
de subalternes sont nombreuses : en 1588, c'est
une humble femme, Mayelle Geoffroy, sans doute
attachée au service des petites filles de
Chrétienne, qui l'assure que celles-ci sont en
bonne santé et que Mesdames Catherine et
Elisabeth se perfectionnent en toute vertu (158)
; puis, Michel Bouvet, secrétaire des
commandements, homme résolument optimiste, qui
affirme que Mademoiselle de Bouillon, princesse
de Sedan, est réduite au désespoir par l'avance
des troupes lorraines et ne peut se tirer du
péril qu'en épousant le comte de Vaudémont,
troisième fils du duc de Lorraine, que l'armée
navale d'Espagne a remporté une victoire sur
celle d'Angleterre (159) ; cette lettre est du
18 août 1588, et, à cette date, le désastre de
l'Invincible Armada était complet. Le 23
décembre de la même année, Claude Guérin,
surintendant de Chrétienne dans son douaire
lorrain, lui mande que Nancy est ravagé par une
maladie contagieuse et que Charles III a, depuis
huit ou neuf semaines, une fluxion des jambes
(160).
Dans les dernières années de leurs vies, ces
deux femmes qui ne s'aimaient guère, Chrétienne
de Danemark et Catherine de Médicis, unirent
leurs efforts pour marier l'aînée des filles de
Charles III, qui était leur petite-fille à
toutes deux. Née en 1565, élevée à la cour de
France, Christine de Lorraine avait vingt ans et
ses aïeules voulaient la donner à
Charles-Emmanuel de Nemours (161). Sans qu'on
sache bien pourquoi, ce projet n'aboutit pas, et
peu après fut négociée une autre alliance avec
Ferdinand de Médicis, grand-duc de Toscane.
Résidant en Italie, Chrétienne était toute
désignée pour servir d'intermédiaire. Aussi
quand, en février 1589, Charles III envoie à
Florence, pour négocier ce mariage, un de ses
chambellans, Jean de Lenoncourt, bailli de
Saint-Mihiel, il lui recommande de passer par
Tortone à son retour et d'y prendre les ordres
de Chrétienne (162). A ce moment, Catherine
venait de mourir, mais son fils, Henri III,
quoiqu'aux prises avec la Ligue, trouva le temps
de s'intéresser à l'avenir de sa nièce et les
pourparlers réussirent. Le contrat fut signé à
Blois, le 25 février 1589, et le mariage par
procuration se fit le lendemain (163). Il
fallait une femme de la maison de Lorraine pour
conduire Christine à son mari ; s,a mère était
morte depuis longtemps et sa grand'mère en trop
mauvaise santé pour affronter ce voyage. Sa
tante Dorothée se chargea de cette mission ;
elle alla chercher Christine à Lyon et
l'accompagna à Florence où la cérémonie
définitive fut célébrée le 30 avril (164). Ce
mariage nécessita l'envoi, entre Nancy et
Tortone, de nombreux messagers, dont les
dépenses de voyage sont inscrites dans le
registre de comptes du trésorier général de
Lorraine pour 1589 (165).
En 1590 encore, diverses communications sont
échangées. En mai, le sieur de Reynette met
Chrétienne au courant de ce qui se passe en
France où Henri IV vient de gagner la bataille
d'Ivry et bloque Paris ; en juin,
Charles-Philippe de Croy, marquis d'Havré, lui
écrit que Charles III assiège Marsal avec 14
canons, 4.000 hommes de pied, 1.500 cavaliers
(166). Jean Terrel, secrétaire du duc, est
envoyé à Lyon, puis à Tortone ; Gleysenove,
autre secrétaire, reçoit 250 écus pour aller à
Tortone, puis à Florence (167).
Nous venons de nommer la seconde fille de
Chrétienne, Dorothée ; celle-ci avait perdu, en
novembre 1584, son mari, Eric, duc de Brunswick
; dès lors, elle réside souvent à Tortone,
auprès de sa mère, et quand elle est en
Lorraine, elle la renseigne sur ce qui se passe.
Les lettres de Dorothée n'ont pas été
conservées, mais nous avons encore huit lettres
de la duchesse à sa fille (168), écrites de 1581
à 1589, et le contenu de ces lettres laisse un
peu soupçonner ce qu'étaient les lettres de
Dorothée. En 1581, Chrétienne explique à sa
fille qu'elle lui écrit en italien, n'ayant
auprès d'elle personne qui sache écrire en
français, ce qui nous fait voir qu'elle dictait
au moins quelquefois ses lettres ; en 1582, elle
s'excuse de ne pas lui écrire plus souvent,
gênée qu'elle est par son âge et par sa mauvaise
santé. En octobre 1588, elle lui demande comment
se passent les Etats de Blois.
Chrétienne ne limite pas ses relations à la
Lorraine. Elle a d'excellents rapports avec la
cour de Rome, et, en 1578, Grégoire XIII lui
écrit pour la louer de sa piété, de son zèle
religieux, de son dévouement au Saint-Siège
(169). En 1586, Sixte-Quint lui permet, en
raison de son état maladif, l'usage de la viande
et du laitage pendant le Carême et l'autorise à
se faire dire la messe dans son oratoire quand
elle réside à Tortone (170). Elle fait donner
par ce même pape, en 1589, une prébende à son
chapelain, Laurent del Bosco (171). Elle a des
rapports fréquents avec son cousin, le roi
catholique, car, en 1585, elle ne paye pas moins
de 403 fr. à Philippe de La Voyepière, banquier
à Lyon, qui se charge die faire parvenir ses
paquets en Espagne et aussi ailleurs; (172). En
1588, elle sert d'intermédiaire dans une assez
singulière tractation : le sieur Allegris,
commis aux finances du roi d'Espagne aux
Pays-Bas, verse au sieur de Châtenoy, trésorier
de Chrétienne en Lorraine, 38.900 écus d'Italie,
qui font en monnaie de Lorraine 179.920 fr., et
Châtenoy transmet cette somme au trésorier
général du duc de Lorraine (173).
Mais ce sont surtout le Danemark et la Suède qui
l'occupent et qui la passionnent. L'âge n'a
diminué ni ses ambitions ni ses espérances, et
par une curieuse inconséquence, cette femme qui
prétend ne pouvoir vivre qu'en Italie, pense
sans cesse à aller régner sur des pays
septentrionaux. On a vu au chapitre précèdent
que le baron de Bollwiller avait favorisé ses
prétentions ; elle le récompense, en 1581, par
une pension annuelle de 300 écus, faisant 1.425
fr. de Lorraine (174). En 1588, encore, un de
ses agents, Simon Losson, lui adresse un rapport
sur l'état du royaume de Danemark, où,
assure-t-il, la noblesse est fort irritée contre
le roi (175). Elle est du reste encouragée dans
ses desseins par Grégoire XIII, qui voit dans le
succès de cette princesse si dévouée au
Saint-Siège, un moyen de rétablir le
catholicisme en Suède, et qui lui adresse, le 28
avril 1581, une lettre pressante (176). C'est
sans doute cette intervention du pape qui achève
de la décider. Sa soeur aînée, Dorothée, est
morte en 1580 sans laisser d'enfants. Chrétienne
est donc seule prétendante et ne fait tort à
personne en affirmant ses droits ; par une
déclaration rédigée en latin et datée de Tortone,
et du 28 juillet 1581, elle prend le titre de
reine de Danemark, Suède et Norvège (177). Par
suite, voici la suscription pompeuse qui se lit
au début de lettres patentes du 30 septembre
1582 : « Crestienne, par la grâce de Dieu, royne
de Dannemarck, Suède, Norvègue, des Goths,
Vandales, Esclavons, duchesse de Slesvick,
Holstein, Storman, Dietmarsch, Lorraine, Bar et
Millan, marquise de Dorthonne, comtesse d'Oldembourg,
d'Elmenhorst, Blâmont, et dame de Deneuvre »
(178).
Il ne suffisait pas de prendre ce titre de
reine, il fallait le faire admettre par les
puissances, ce qui n'alla pas sans difficulté,
entre autres avec le cousin de la nouvelle
Majesté, Philippe II. A son habitude, celui-ci
tergiversa, de sorte qu'en 1584, la question
n'était pas encore résolue ; un secrétaire
d'Etat, don Juan de Idiaquez, demande au
cardinal Granvelle si Chrétienne peut sceller
ses lettres au roi d'un cachet où elle prend le
titre die reine de Danemark. Et Granvelle répond
à Idiaquez : puisqu'on apostille ces pièces et
qu'on y inscrit la décision du roi, c'est
presque comme si on lui reconnaissait ce titre.
En effet, lorsque d'autres prennent des titres
auxquels ils n'ont pas droit, on les invite à
refaire leurs suppliques (179).
En Lorraine, il fut plus facile à Chrétienne de
faire admettre sa nouvelle dignité et une des
pièces du Palais Ducal de Nancy en a conservé le
souvenir. Le 16 février 1587, le contrat de
mariage de Jean, baron d'Haussonville, avec
cette Claude-Chrétienne du Châtelet, dont nous
avons dit au chapitre précédent qu'elle était la
filleule de la duchesse douairière, ce contrat
était signé dans le Palais Ducal « en la chambre
appelée vulgairement de Sa Majesté de Dannemarc
estant au bout de la gallerie au dessus du jeu
de paulme » (180).
Pour mieux affirmer sa dignité de reine,
Chrétienne donna à l'un de ses secrétaires
italiens, Carlo Civaleri, les titres prestigieux
de conseiller d'Etat, grand chancelier,
surintendant de sa maison (181).
III
Il nous faut ici faire un
retour en arrière pour réunir les quelques
indications que nous avons sur la santé de
Chrétienne de Danemark. Cette santé paraît avoir
été normale pendant la première moitié de sa vie
; elle se maria à vingt ans, eut trois enfants
en quatre ans et ne semble pas avoir souffert de
ces naissances rapprochées. C'est vers l'âge de
quarante ou quarante-cinq ans qu'elle commence à
être éprouvée par divers maux. Elle était fort
goutteuse, écrit Brantôme, qui l'a bien connue
(182), et la goutte fut, autant peut-être que le
mal de Naples, le fléau du XVIe siècle.
L'arthritisme, dont la goutte est une des
manifestations, était commun chez les Habsbourg
; Charles-Quint, l'oncle de Chrétienne, en fut
affligé de si bonne heure qu'il lui fallut
abdiquer à cinquante-six ans, étant à bout de
forces, et qu'il mourut deux ans plus tard. Le
mal fut aggravé chez lui par des excès de table
; y eut-il pareille erreur de régime chez sa
nièce, nous ne savons.
Nous avons dit plus haut qu'en 1566, Chrétienne
paraît avoir fait une maladie sérieuse ; l'année
suivante, une de ses amies, la comtesse d'Aremberg,
passe en Lorraine pour la voir et la trouve en
si triste état qu'on suppute ce qui arriverait
si elle mourait (183). En 1569, le cardinal
Granvelle écrit à Philippe II avoir reçu une
lettre de Silliers, secrétaire et homme de
confiance de la douairière, l'avisant que
celle-ci est gravement malade en Bavière (184).
Le mal dure encore en 1570, puisque son fils
donne la régence à sa femme Claude pour venir la
voir (185). Admettons qu'elle se porte mieux les
années suivantes, mais le 7 février 1574, son
gendre, Guillaume de Bavière, adresse au
cardinal Granvelle une lettre rédigée en latin
que nous résumons : je ne puis me dispenser de
vous faire savoir en quel misérable état de
santé j'ai trouvé ma belle-mère, la duchesse
douairière de Lorraine. Le pire, c'est qu'en
elle le moral est aussi affecté que le physique,
et cela vient du long retard du règlement de ses
affaires avec le roi catholique. Je vous prie
d'intervenir afin de hâter ce règlement (186).
On est tenté de croire que le prince bavarois
exagère pour apitoyer le roi d'Espagne, mais six
mois plus tard, un bref du pape, en date du 17
juillet 1574, nous apprend que Chrétienne ne
peut plus, pour raisons de santé, s'appliquer à
la lecture de l'office divin, qu'elle le
remplace par la récitation du Rosaire ; qu'en
conséquence, le pape attache à cet exercice une
indulgence spéciale (187). Le 13 janvier 1576,
ayant à répondre à une lettre d'Henri III,
Chrétienne dicte sa réponse à un secrétaire,
grave atteinte au protocole d'alors, qui veut
qu'on n'adresse au roi que des lettres
autographes. Elle s'en excuse sur ce que «
estant en continuelle infirmité qui me rende si
débile que ne me puis beaucoup ayder de la
plume... » (188). Elle a sans doute les doigts
déformés par la goutte. En octobre 1578, le pape
lui mande qu'il l'aurait vue avec plaisir si sa
santé lui avait permis de venir à Rome (189) ;
en mai 1579, Chrétienne écrit à sa fille
Dorothée qu'elle est trop mal portante pour lui
faire une longue lettre (190) ; en octobre de la
même année, elle explique que son voyage de
Lorraine en Lombardie l'a beaucoup fatiguée à
cause de la maladie dont elle est éprouvée
depuis si longtemps (191). Toutes ces
indications concourent à prouver que la santé de
Chrétienne est de plus en plus délabrée et font
comprendre qu'elle n'ait pas atteint sa
soixante-dixième année.
Les années suivantes, on ne trouve plus
semblables plaintes ; sans doute le climat de
l'Italie et l'usage des eaux ont apporté
quelques améliorations à sa santé. C'est à
l'automne de 1590 que la situation s'aggrave.
Dans le compte du trésorier général de cette
année, on voit qu'une somme de 1.436 fr. a été
versée à Jean des Porcelets de Maillane,
chambellan du duc et gouverneur de Toul, pour
les frais du voyage qu'il a fait à Tortone à
cause de la maladie de la reine de Danemark ; il
est parti le 11 septembre et n'est revenu qu'à
la fin de novembre (192). Or, le jour où
Maillane partait pour ce long voyage, la mère de
Charles III venait de mourir. Voici, en effet,
ce qu'on lit dans l'Obituaire du couvent des
cordeliers de Nancy, document quasi officiel,
aussi digne de foi, quand il s'agit die
personnes de la maison ducale, qu'un registre
d'état civil de maintenant :
Quarto idus septembris (10 septembre) 1590,
obiit Tortone in partibus Lombardiae serenissima
domina, domina Christiana Austriae,
illustrissimi ducis Francisci a Lotharingia
charissima conjux, ac Daniae regina... cujus
corpus illinc delatum cum sponso in choro
ecclesise nostrae tumulatum jacit (193).
Maillane est donc arrivé trop tard, et s'il est
resté si longtemps en Italie, c'est qu'il a dû
s'occuper du transport de la dépouille mortelle
et du règlement de la succession de la défunte.
Il avait reçu des instructions qui prévoyaient
le décès et sont résumées dans les lettres
patentes du 9 septembre 1590 lui donnant tout
pouvoir pour agir au cas où ce décès se produira
(194). Instructions d'autant plus nécessaires
qu'alors Charles III est constamment éloigné de
Nancy ; en juin 1590, il assiège et prend Marsal
; en août, il est aux eaux de Spa pour se
soigner ; en octobre, il prend Villefranche sur
la Meuse, près de Stenay ; puis il assiège
Sainte-Menehould. Le 20 juillet, le duc avait
nommé son fils, Charles, cardinal-évêque de
Metz, son lieutenant général pendant toutes ces
absences (195), et c'est celui-ci, nous allons
le voir, qui réglera les obsèques de son aïeule.
Il avait été décidé de ramener en Lorraine le
corps de Chrétienne. Ce transport a dû se faire
peu de temps après sa mort, quand les passages
des Alpes étaient encore praticables ; Maillane
étant resté en Italie pour liquider la
succession, le convoi funèbre était conduit par
Francesco Visconti, maître d'hôtel de
Chrétienne, dont les documents français écrivent
le nom Viscomte ou Vice-comte, et il était
arrivé à Deneuvre avant le 14 novembre. Ce
jour-là, les surintendants du comté de Blâmont
et de la terre de Deneuvre écrivent au receveur
de Deneuvre que le cardinal de Lorraine estime
convenable de retenir Visconti pour qu'il
assiste aux services funèbres qui se feront en
l'église collégiale de ce lieu ; ils lui
recommandent donc de régler toutes les dépenses
qui seront faites par ce maître d'hôtel et par
ses serviteurs, et aussi de payer honnêtement
les prêtres qui participeront à ces services
(196).
Le corps de Chrétienne resta dans la collégiale
de Deneuvre jusqu'au 23 avril 1591. Est-ce parce
que ce bourg était sa résidence préférée en
Lorraine, ou parce que, quarante-cinq ans
auparavant, le corps de son mari, mort à
Remiremont, y avait été amené et y était resté
assez longtemps, nous ne savons. Toujours par
ordre du cardinal de Lorraine, quarante-huit
livres de cire jaune furent délivrées en 1590
pour les cierges qui brûleront autour de son
catafalque, et en 1591, on brûle encore
cinquante-six livres de cire (197). Enfin, le 23
avril 1591, le corps fut transféré à Nancy (198)
et inhumé à côté du duc François Ier dans le
chœur de l'église des cordeliers, comme
l'indique l'obituaire de ce couvent dans la
notice que nous avons reproduite plus haut. Il
semble que cette inhumation ne donna lieu à
aucune cérémonie importante, et on ne voit pas
que la cour de Lorraine ait pris Le deuil.
Lepage explique cette abstention en disant que
le duc était alors à la tête de ses troupes, en
guerre contre les partisans d'Henri IV (199).
C'est une erreur ; il a passé ce mois d'avril
1591 à Nancy ; toutes les lettres patentes qu'il
lui arrive de rendre sont datées de cette ville
et il ne reste qu'un petit nombre de jours pour
lesquels on ne peut affirmer où il se trouve
(200). S'il n'a pas voulu donner à ces obsèques
l'éclat habituel, c'est très probablement pour
un motif d'économie. Il était en pleine guerre
depuis plusieurs années, il venait de dépenser
des sommes énormes pour entretenir ses armées,
se voyait à court d'argent, obligé de prélever
sur ses sujets des emprunts forcés ; il lui
était impossible de faire à sa mère une pompe
funèbre analogue à celle que Chrétienne avait
faite à François 1er, et qui avait dû entraîner
une forte dépense.
Plus tard, fut affectée spécialement à la
sépulture des membres de la maison de Lorraine,
la Chapelle ducale, dite Chapelle ronde,
commencée en 1607 où 1608, bénite en 1612. Les
restes de François et de sa femme y furent
transférés et réunis dans le même mausolée, sur
lequel une inscription courte et équitable
conserve le souvenir de Chrétienne (201). Ce
transfert a dû se faire dès 1611, car un mémoire
de cette année relate la fourniture par le
menuisier ducal de quatre cercueils pour le duc
Antoine et Renée de Bourbon, pour le duc
François et Chrétienne de Danemark, et indique
que ces cercueils sont déposés « au caveau sous
la neuve chapelle joindant l'église des
cordeliers » (202). C'est là que le libraire
Nicolas vit, en 1742, Chrétienne dans son
cercueil, et constata que le corps était peu
décomposé (203).
S'il n'avait fait à sa mère que des obsèques
très simples, Charles III ne tarda pas à fonder
pour elle un service anniversaire. Ses lettres
patentes du 5 juillet 1592 déclarent que « comme
prince chrestien et catholicque », il établit
quatre services funèbres, chacun composé de
vigiles et de trois messes hautes, pour chacune
des quatre personnes suivantes : le duc Antoine
et Renée de Bourbon, ses aïeux, le duc François
Ier et Chrétienne de Danemark, ses père et mère.
Ces services seront célébrés au jour
anniversaire de leur mort, et ici Charles
indique le 11 septembre comme le jour du décès
de sa mère (204). Nous avons dit plus haut que
l'obituaire des cordeliers date cet événement du
10. Il est difficile de choisir entre deux
documents également qualifiés, et mieux vaut les
concilier en admettant que Chrétienne est morte
dans la nuit du 10 au 11 septembre 1590. Et
c'est le 11 septembre que sera célébré son
anniversaire dans les années suivantes (205).
La liquidation de sa succession fut longue. Elle
avait pour trésorier un Italien nommé Desiderio
Basso; en 1593, Charles III chargea de vérifier
ses comptes son secrétaire d'Etat, Jean Voillot,
et Francisco Carcano qui était son agent à
Milan. Ceux-ci reconnurent que les recettes
faites par Basso s'élevaient à 41.742 livres
milanaises, et que sa dépense était de 23.700
livres. Le compte ainsi arrêté ne fut ouï et
approuvé par la Chambre des comptes de Lorraine
que le 20 décembre 1602 (206). Quelques-unes de
ces dépenses déjà anciennes méritent d'être
relevées : 100 ducatons faisant 570 1. à Jean
Colombas, argentier de la reine de Danemark, que
le duc lui octroie en récompense de ses services
; 132 1. pour le transport de Milan à Strasbourg
de trois coffres contenant la chapelle de ladite
reine et diverses hardes (207). Mais, pour en
avoir fini avec le trésorier de sa mère, Charles
III n'était pas à l'abri de toute réclamation.
En 1596, un Génois, Jean-Baptiste Raggio,
prétend que Chrétienne devait 10.000 écus à son
oncle défunt et demande à les toucher (208). En
1600, se payent encore des pensions accordées
par Chrétienne à Asselin, prévôt de La Chaussée,
et à Geneviève Padouant, sa femme (209).
ADDITIONS ET CORRECTIONS
Au terme de cette étude sur
Chrétienne de Danemark, nous ne pouvons pas nous
empêcher de penser que, dans ses longues années
de retraite en Bavière, puis à Tortone, cette
princesse aurait eu le temps d'écrire des
mémoires qui eussent été pleins d'intérêt, car
elle avait connu beaucoup de personnages de
premier plan, assisté à des événements graves,
pris part à des négociations décisives. Ç'eût
été une façon agréable d'occuper ses loisirs, et
aussi une occasion d'exhaler ses rancunes, qui
étaient nombreuses, et c'est ce que font la
plupart des mémorialistes. Mais ce n'était pas
encore la mode pour les femmes d'écrire leurs
mémoires ; les plus anciens mémoires féminins
qu'on ait en France sont ceux de Marguerite de
Valois, la première femme d'Henri IV, qui est
d'une génération plus récente. Il semble que si,
après sa mort, des Porcelets de Maillane ou
Voillot avaient trouvé dans ses papiers une
rédaction de ce genre, ils n'auraient pas manqué
de l'envoyer à leur maître. Il y a donc peu de
chances de retrouver dans quelque bibliothèque
d'Italie des mémoires ou une ébauche de mémoires
de Chrétienne de Danemark.
La princesse dont ce livre retrace la vie est
appelée Christine par tous les historiens
lorrains. Ce sont les écrivains hommes d'Eglise
du XVIIIe siècle, Benoit Picart, le père Hugo,
dom Calmet dans ses deux éditions qui, les
premiers, l'ont nommée ainsi. Et les historiens
du XIXe siècle, de Digot à Pfister, lui ont
conservé ce nom.
Mais toutes les lettres missives de la mère de
Charles III - dont nous avons publié un certain
nombre dans la Revue historique de la Lorraine
de 1931 et dans l'Annuaire de la Société
d'archéologie de Metz de 1931 - sont signées «
Chrestienne ». Ses lettres patentes, encore plus
nombreuses, portent « Chrestienne » au
commencement de la suscription et en signature.
Nous lui avons donc restitué ce nom, le seul
qu'elle ait porté et sous lequel elle ait été
connue.
Au temps de Chrétienne de Danemark, l'année
commençait en France à Pâques, fête mobile, en
Lorraine à l'Annonciation (25 mars). C'est
seulement en 1564 pour la France, en 1580 pour
la Lorraine, qu'il fut prescrit de commencer
l'année au 1er janvier. Pour l'époque antérieure
à ces deux termes, nous corrigeons toutes les
dates qui sont comprises entre le 1er janvier et
les fêtes de Pâques ou de l'Annonciation,
c'est-à-dire que nous ajoutons une unité au
millésime des événements ou des documents, de
manière à ramener ces dates anciennes à notre
usage actuel. Nous n'avons pas cru nécessaire,
chaque fois que nous faisons cette correction,
de le spécifier.
Dans le registre de comptes B 1094, fol. 99,
nous voyons qu'en 1553, Nicolas, comte de
Vaudémont, accorde 600 francs « pour certaines
et raisonnables causes » à Marguerite du
Châtelet, secrète en l'église de Remiremont. Ne
serait-ce pas pour l'indemniser des tracas que
lui avait causés le procès soutenu par elle
contre les autres chanoinesses et que nous avons
analysé aux pages 86-88 ?
Page 93, il est question du procès de Claudine
Boussart en 1545 ; dans B 1084, fol. 84 v°, est
inscrite une dépense de 200 francs en sa faveur.
C'est donc que la pension qui lui avait été
assignée en 1543 (non par Renée de Bourbon,
morte dès 1539, mais par le duc Antoine)
continuait à lui être payée comme il convenait,
puisque son innocence était reconnue.
Page 130, ligne 2, lire : secrétaire au lieu de
: successeur.
Page 138, note 1, lire : Arch. M.-et-M., B 1113,
fol. 32.
Page 146, note 1, lire : Boutaric au lieu de :
Boustric.
(1) Arch.
M.-et-M., B 2,7, fol. 204, 223 v°, 152 v°, 212,
B 3268, B 3406, fol. 22 v°, B 30, fol. 240 v°, B
33, fol. 174 v°, B 3411, B 32, fol. 97.
(2) Ibid., B 3408, fol. 25 ; PARIS,
Négociations, p. 42, 43.
(3) Ibid., B 33, fol. 65.
(4) HENNE, t. X, p. 2,60-274 ; CALMET, Hist. de
Lorr., t. V, p. 714.
(5) GRANVELLE, Papiers d'Etat, t. IV, p. 485, n.
2.
(6) Arch. M.-et-M., B 27, fol. 204, 223 v°, 212,
152 v°.
(7) Ibid., B. 30, fol. 240 v°.
(8) Ibid., B. 33, fol. 174 v°.
(9) Ibid., B. 32, fol. 97.
(10) Ibid., B 681, N° 23.
(11) GRANVELLE, Papiers d'Etat, t. IV, p.
699-702.
(12) ROMIER, t. II, p. 222-223.
(13) Arch. M.-et-M., B 1094, fol. 113.
(14) Ibid., B 3408.
(15) Ibid., B 1110, fol. 50.
(16) Ibid., B 1092, fol. 55.
(17) D'après le Dénombrement de Thierry Alix, p.
105-107.
(18) ROMIER, t. II, p. 266.
(19) Ibid., t. II, p. 251, 268-269 ; DE THOU, t.
II, p. 563.
(20) B. N., Coll. lorr., 253, fol. 22.
(21) DE RUBLE, p. 3-5, 14.
(22) Ibid., p. 6, 10.
(23) CALMET, Hist. de Lorr., t. VII, preuves,
col. 193.
(24) DE RUBLE, p. 18 ; cf. dans les Papiers
d'Etat de Granvelle, t. V, p. 411-419, les
lettres échangées entre Chrétienne d'une part,
Le connétable et le cardinal de Lorraine de
l'autre.
(25) DE RUBLE, p. 19-21.
(26) Ibid., p. 23.
(27) Ibid., p. 25-26.
(28) GRANVELLE, Papiers d'Etat, t. V, p. 538.
(29) ROMIER, t. II, p. 344.
(30) DUMONT, Corps diplomatique, t. V, 1re
partie, p. 40.
(31) ROMIER, t. II, p. 344-3415.
(32) DE THOU, t. II, p. 660-665.
(33) BRANTÔME, t. IX, p. 626.
(34) DE THOU, t. II, p. 563.
(35) Papiers d'Etat de Granvelle, t. V, p. 228.
(36) Ibid., t. V, p. 582-584.
(37) Ibid., t. V, p. 228-229.
(38) BRANTÔME, t. IX, p. 621.
(39) Laubespine au roi, le 27 juillet 150'9,
dans PARIS, Négociations, p. 42-43.
(40) CALMET, Hist. de Lorr., t. V, col. 714-715
; GRANVELLE, Corresp., t. I, p. 12,6 ; PIRENNE,
Hist. de Belgique, t. III, p. 395.
(41) PARIS, Négociations, p. 66.
(42) GACHARD, p. 399.
(43) GRANVELLE, Corresp., t. VI, p. 60, 66.
(44) Lettre sans date, qui doit être de juillet
1559, dans les Papiers d'Etat de Granvelle, t.
V, p. 623.
(45) Ibid., t. V, p. 625.
(46) J.S.A.L., 1895, p. 172.
(47) Arch. M.-et-M, B 33, fol. 21, 22, 23, 24
v°, 37.
(48) Ibid., B 33, fol. 71.
(49) ZELLER, dans M.S.A.L. 1923-25, p. 362, n.
1.
(50) BRANTÔME, t. IX, p. 627.
(51) ZELLER, ibid., p. 380, n. 1.
(52) ROMIER, t. I, p. 484.
(53) DRUFFEL, t. IV. p. 204, n. 3.
(54) MAGNIENVILLE, p. 69, 164.
(55) Lettre du 5 décembre 1562, dans lies
Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 441. -
Quelques semaines plus tard, Chrétienne écrit à
Catherine qu'elle a fait sa commission, (Ibid.,
t. 1, p. 443, n. 1).
(56) BRANTÔME, t. IX, p. 630 ; PARIS,
Négociations, p. 867, où Charles IX lui-même
atteste la présence de la duchesse dans une
lettre à son ambassadeur en Espagne.
(57) PFISTER, Le cardinal Granvelle à Nancy,
dans M.S.A.L., 1910, p. 297-314.
(58) CALMET, Hist. de Lorr., t. V, col. 737-739
; PFISTER, article précité ; divers articles du
chanoine Auguste HUMBERT, dans les Annales de
l'Est de 1928 et 1929, et dans le Bulletin de la
Société des Lettres de Bar-le-Duc de 1926 et
1928.
(59) Mgr BONNARD, p. 35, 36, 349.
(60) B. N., Coll. lorr., 28, f. 217. - Ce
document n'est pas daté, il doit être antérieur
à 1568, date du mariage de Renée, fille aînée de
la duchesse.
(61) Eug. MARTIN, t. II, p. 17-18 ; Mgr.
BONNARD, p. 35-37 ; PIMODAN, p. 46-53 ; CALMET,
Hist. de Lorr., t. III, preuves, col. 432.
(62) HENNE, t. VII, p. 275-277.
(63) DRUFFEL, t. I. p. 26.
(64) RAHLENBECK, p. 36 ; Arch. M.-et-M., B 3271.
(65) B. N., Coll. lorr., 2,9, fol. 100, 101.
(66) Mandement du 10 juillet 1568 au prévôt de
Blâmont (Arch. M.-et-M., B 3277).
(67) Lettres de Catherine de Médicis, t. III, p.
229.
(68) J.S.A.L., 1879, p. 145.
(69) M.S.A.L., 1887, p. 220-227.
(70) Papiers d'Etat de Granvelle, t. VII, p.
558-588.
(71) Ces quatre mémoires sont réunis dans un
manuscrit de lia Collection de Lorraine à la B.
N. consacré à Chrétienne, le ms. 29, fol. 46,
94, 98, 104 ; le mémoire de Langsen est
antérieur à 1560, date de la mort de Gustave
Vasa.
(72) Correspondance de Granvelle, t. III, p.
463.
(73) Papiers d'Etat de Granvelle, t. IX, p. 661
; Correspondance du même, t. II, p. 185. - Le
mariage avec le roi de Suède eût scellé une
alliance grâce à laquelle ce roi devait
conquérir le Danemark et la Norvège, garder
celle-ci et rendre le Danemark à Chrétienne.
(74) Selon Rahlenbeck, p. 36, ce sont les
Jésuites qui auraient fait ce mariage pour avoir
un appui en Allemagne, mais cet historien étant
porté à voir partout les intrigues des Jésuites,
il n'y a pas lieu de retenir cette assertion.
(75) CALMET, Hist. de Lorr., t. V, coll. 748.
(76) DEDENON, p. 28. - Un compte de 1568 (B
3277) parle de réfections au château de Blâmont
en vue de ce mariage ; il faut, croyons-nous,
entendre : fiançailles. Un autre oompte (B 8639)
mentionne le passage à Sainte-Marie-aux-Mines,
Saint-Dié et Raon, du prince de Bavière et de sa
mère.
(77) Il n'y a pas lieu de faire à cette date la
correction du style ; en Allemagne, l'année
commençait alors au 1er janvier.
(78) La description du mariage est dans le
J.S.A.L., 1879, p. 142-148, d'après une relation
allemande de l'époque.
(79) CALMET, Hist. de Lorr., t. V, col. 748.
(80) Papiers d'Etat de Granvelle, t. VII, p.
43:8.
(81) Compte incomplet de l'argentier du duc pour
1562 (Arch. M.-et-M., B 1132, fol. 22-23). - Les
menus plaisirs devaient faire partie de la
dépense extraordinaire.
(82) Ces lettres sont datées de « l'an de grâce
1559, avant Pasques, usage de Toul », ce qui les
met dans les premiers mois de 1560 de notre
calendrier, et probablement en février, puisque
Chrétienne fait acte de gouvernement au milieu
de mars. On les trouve aux Arch. M.-et-M., B
416, fol. 100, B 417, fol. 6 v°. Elles sont
publiées par Magnienville, p. 166-168.
(83) GIRY, p. 1218.
(84) Arch. M.-et-M., B 33, fol. 152 v° ;
ROGÉVILLE, t. II, p. 275. - A cette question des
droits de sortie se rapporte aussi une lettre
missive que Chrétienne écrit, le 18 juin 1560,
au gouverneur de Metz (Annuaire de la Société
d'archéologie de Metz, 1931, p. 151).
(85) Arch. M.-et-M., B 33, fol. 177.
(86) Ibid., B 33, fol. 178 v°.
(87) Ibid., B 486, a, 76, p. 28 ; B 719, n° 24.
(88) Ibid., B 416, fol. 100 v°.
(89) ROGÉVILLE, t. I, p. 115.
(90) MAGNIENVILLE, p. 83-84.
(91) Arch. M.-et-M1., B 1134, fol. 23-30, 37-45,
57 v°.
(92) Ibid., B 1140.
(93) lbid., B 1130, fol. 63.
(94) Ibid., B 1134, fol. 5.
(95) BRANTÔME, t. IX, p. 630.
(96) Arch. M.-et-M., B 578, n° 48 ; B 709, n°
72.
(97) DEDENON, p. 28.
(98) Ibid., p. 30.
(99) BERNHARDT, p. 151, 283-284.
(100) B. N., Coll. lorr., 28, fol. 207.
(101) C'est l'opinion exprimée par un grand
celtisant, Henri D'ARBOIS DE JUBAINVILLE, dans
les Mém. de l'Acad. de Stanislas, 1887, p. 79.
(102) Arch. M.-et-M., B 315, fol. 98.
(103) LEPAGE, Statistique Meurthe, t. II, p.
493.
(104) Arch. M.-et-M., B 881, n° 79.
(105) Ibid., B 37, fol. 133.
(106) Ibid., B 37, fol. 130.
(107) Ibid., B 1143, fol. 197, 216 v°.
(108) FOURNIER, p. 133.
(109) Recueil de documents sur l'histoire de
Lorraine, t. I, 1855, p. 192 ; M.S.A.L., 1857,
p. 116-117.
(110) Ibid., p. 119.
(111) Arch. M.-et-M., H 9108.
(112) Ch. DENIS, p. 1.
(113) Correspondance de Granvelle, t. II, p.
493.
(114) Bibliothèque de Besançon, collection
Granvelle, ms. 56, fol. 12 et 20.
(115) R.H.L., 1931, p. 25.
(116) MAGNIENVILLE, p. 176.
(117) Bibliothèque de Besançon, collect.
Granvelle, ms. 58, fol. 24, 42.
(118) B.N., Coll. lorr. 28, fol. 99 ; R.H.L.,
1931, p. 27 ; Annuaire de la Soc. d'archéologie
de Metz, 1931, p. 153.
(119) Arch. M.-et-M., B 3427, fol. 1, 35 v°.
(120) B.N., Coll. lorr. 29, fol. 162-200.
(121) R.H.L., 1931, p. 28-30 ; Arch. M.-et-M., B
3431.
(122) Ibid., B 1162.
(123) Ibid., B 1161, fol. 299.
(124) Mém. de Marguerite, p. 36-37 ; Mém. de
Cheverny, dans Collect. Michaud et Poujoulat,
lre série, t. X, p. 472.
(125) R.H.L, 1931, p. 30 ; Mém. de l'Acad. de
Stanislas, 1935-1936, p. 55.
(126) Arch. M.-et-M., B 3434, fol. 1 ; B.N.,
Coll. lorr., 28, fol. 253.
(127) Arch. M.-et-M., B 1166, fol. 357.
(128) Ibid., B 1166, fol. 288-289.
(129) lbid., B 1166, fol. 282.
(130) J.SA.L., 18716, p. 111.
(131) Pour plus de détails, voir notre
biographie de Dorothée dans les Mém. de l'Acad.
de Stanislas. 1935-1936, p. 38, 57.
(132) B. N., Coll. lorr., 29, fol. 148
(traduction française).
(133) Correspondance de Granvelle, t. VI, p.
521, t. VII, p. 572.
(134) B.S.A.L., 1904, p. 287.
(135) Arch. M.-et-M., B 565, n° 36.
(136) Ibid., B 578, n° 94. - Frémonville, canton
de Blâmont.
(137) BRANTÔME, t. IX, p. 632.
(138) Arch. M.-et-M., B 3286, fol. 102.
(139) Correspondance de Granvelle, t. VII, p.
149.
(140) Mgr BONNARD, p. 48.
(141) BRANTÔME, t. IX, p. 632.
(142) Correspondance de Granvelle, t. VIII, p.
71.
(143) M.S.A.L., 1910', p. 307.
(144) DAVILLÉ, Prétentions de Charles III, p.
37-38 ; Correspondance de Granvelle, t. X, p.
65.
(145) Arch. M.-et-M., B 1220.
(146) Ibid., B 1207, fol. 7.
(147) B. N., Coll. lorr., 29, fol. 16-19.
(148) Ibid., fol. 7-14.
(149) Ibid., fol. 253.
(150) Arch. M -et-M., B 846, nos 19-21 ; la
première ordonnance est résumée par LEPAGE,
Communes Meurthe, t. I, p. 149-150. - Ces trois
ordonnances sont datées de Nancy, indication
certainement fictive.
(151) Ibid., B 5172.
(152) B. N., Coll, lorr., 29, fol. 27.
(153) Arch. M.-et-M., B 5174.
(154) Ibid., B 644, n° 65.
(155) Ibid., B 1220, fol. 9 v°.
(156) Voir l'étude que nous en avons faite dans
R.H.L., 1931, p. 14-32.
(157) TUETEY, t. II, p. 83.
(158) B. N., Coll. lorr., 28, fol. 259.
(159) Ibid., 28, fol. 223.
(160) Ibid., 28, fol. 233.
(161) Lettres de Catherine de Médicis, t. VIII,
p. 225, 372.
(162) LEPAGE, Instructions de Charles III, p.
93.
(163) DAVILLÉ, Prétentions de Charles III, p.
171.
(164) Mém. de l'Acad. de Stanislas, 1935-1936,
p. 44.
(165) Arch. M.-et-M., B 1217, fol. 336 v°, 378,
383, 385, 390 v°.
(166) B. N., Coll. lorr., 28, fol. 2-46, 248.
(167) Arch. M.-et-M., B 1225, fol. 258, 259.
(168) B. N., Coll. Lorr., 28, fol. 34-67. - Ces
lettres ont dû entrer à la B.N. avec les autres
papiers de Dorothée, qui sont volumineux ; voir
ce que nous en disons dans les Mém. de l'Acad.
de Stanislas, 1935-1936, p. 51-52.
(169) Mgr BONNARD, p. 48.
(170) B.N., Coll. lorr., 28, fol. 218-219.
(171) Ibid., 28, fol. 237.
(172) Arch. M.-et-M., B 1207, fol. 15 v°.
(173) B.N., Coll. lorr., 235, fol. 163.
(174) Arch. M.-et-M., B 1207, fol. 10.
(175) B.N., Coll. lorr., 28, fol. 321.
(176) THEINER, t. II, p. 262.
(177) Arch. M.-et-M., B 416, fol. 102-103 ;
publiée par LEPAGE, dans le J.S.A.L., 1873, p.
170-171.
(178) Arch. M.-et-M., B 3442.
(179) Correspondance de Granvelle, t. XI, p.
294, 342, 351, 354.
(180) CALMET, Maison du Châtelet, preuves, p.
216.
(181) B. N., Coll. lorr., 28, fol. 314 ; 29,
fol. 2.
(182) BRANTÔME, t. IX, p. 632.
(183) Correspondance de Granvelle, t. II, p.
493.
(184) Ibid., t. III, p. 463.
(185) MAGNIENVILLE, p. 176.
(186) Correspondance de Granvelle, t. V, p. 27.
(187) B.N., Coll. lorr., 28, fol. 213.
(188) R.H.L., 1931, p. 31.
(189) B.N., Coll. lorr., 28, fol. 214.
(190) Ibid., 28, fol. 18.
(191) Ibid., 29, fol. 231 v°.
(192) Arch. M.-et-M., B 1223, fol. 373- v°. Ce
texte est reproduit par LEPAGE dans le J.S.A.L.,
1873, p. 164, avec une erreur de lecture qui a
quelque importance : là où il met « vers l'unzième
de septembre », il faut lire « dès l'unzième ».
(193) Biblioth. de Nancy, ms. 2133, fol. 93. -
Le Dictionnaire de MORÉRI, v° Lorraine, t. IV,
p. 1029, met à tort le décès de Chrétienne au 10
décembre, et cette erreur est reproduite dans
une note des Lettres de Catherine de Médicis, t.
VIII, p. 372.
(194) Arch. M.-et-M., B 59, fol. 269 v°.
(195) lbid., B 59, fol. 167 v°.
(196) Arch. M.-et-M., B 5172, publié par LEPAGE,
dans le J.S.A.L., 1873, p. 165-166. - Dans la
même liasse est un reçu d'un hôtelier de
Deneuvre, de 280 fr., qui lui ont été payés pour
la dépense de Visconti, de deux serviteurs et de
trois chevaux..
(197) Arch. M.-et-M., B 5172, B 5173, fol. 47
va.
(198) J.S.A.L., 1873, p. 168.
(199) Ibid., p. 169.
(200) Arch. M.-et-M., B 61, fol. 96-138.
(201) Publiée par LIONNOIS, t. I, p. 150.
(202) Arch. M.-et-M., B 7363.
(203) PAYARD, p. 350, note.
(204) R.H.L., 1931, p. 183.
(205) H. Roy, p. 87.
(206) Arch. M.-et-M., B 1237.
(207) Ibid., fol. 4 v°.
(208) B. N., Coll. Ion., 28, fol. 57.
(209) Arch. Meuse, B 1710.
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