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Tremblement de terre - 25 juillet 1855
 


L’Institut, journal universel des sciences
4 février 1857


SOCIÉTÉ D'HISTOIRE NATURELLE DE STRASBOURG.
(Extraits inédits des procès-verbaux).

[Pendant de longues années, nous avons inséré dans ce Recueil un compte rendu régulier des travaux de la Société d'histoire naturelle de Strasbourg, qui compte parmi ses membres la plupart des professeurs des nombreux établissements scientifiques que possède la ville de Strasbourg. Des circonstances qui nous sont inconnues, avaient interrompu depuis longtemps nos relations avec cette Société. Aujourd'hui, le secrétaire, M. A. Lereboullet, nous écrit que la Société a récemment exprimé le désir de voir ces relations rétablies, et, comme témoignage effectif de ce désir, il nous a envoyé, à la date du 19 janvier, trois notes qui ont été lues dans la dernière séance de la Société par M. Daubrée, professeur de minéralogie et de géologie à la Faculté des sciences de la ville. Nous nous empressons d'insérer ces trois notes en attendant celles qui les suivront, et nous profiterons de l'occasion pour déclarer ici de nouveau, que toute Société savante qui voudra recourir à la publicité toute spéciale de notre Recueil, nous trouvera toujours disposé à accueillir les communications inédites dont la publication sera de nature à intéresser le monde scientifique. ]
Dans la dernière séance de la Société, tenue en janvier 1857 (la date n'est pas indiquée) M. Daubrée a lu les trois notes suivantes :
1. Limite septentrionale du tremblement de terre du Valais du 25 juillet 1855. - « Si les contours des surfaces de l'écorce terrestre qui entrent journellement en vibration nous étaient connus, nous posséderions une notion fort utile qui pourrait permettre de remonter aux causes des tremblements de terre et peut-être même à certaines particularités sur la constitution de régions profondes où il nous sera toujours impossible de pénétrer par l'observation directe. Cette auscultation journalière du sol d'une partie des continents est aujourd'hui devenue plus facile que jamais, par la facilité des communications.
» A mesure que l'on s'éloigne du centre d'ébranlement, les secousses diminuent graduellement, et, vers les limites, elles deviennent si faibles qu'elles sont insensibles pour le plus grand nombre. L'absence de perception peut d'ailleurs résulter de ce que l'observateur se trouve sur une ligne nodale. Aussi, ai-je recours au contrôle d'un grand nombre d'observateurs, soit en France, soit en Allemagne, pour reconnaître une partie de ce contour.
» Le mouvement qui a produit l'effroi, le 25 juillet 1855, dans la vallée de Viége, dans une zone d'environ 70 kilomètres sur 40 kilomètres, a été sensible, sans être dévastateur, au-delà de ces limites. On sait, en effet, qu'il s'est étendu vers Vérone, Milan, Turin, Grenoble, Valence, Lyon et Dijon. Vers le Nord, il s'est propagé à Plombières, Épinal, Nancy, Toul, Liverdun, Pont-à-Mousson, Metz, Sarrebruck, Deux-Ponts, Wissembourg, Carlsruhe, Stuttgart, Gœppingen et tout le district du lac de Constance; rayonnant jusqu'à plus de 360 kilomètres du point de départ. En outre, en dehors de ce périmètre, le même tremblement de terre a été ressenti en des points isolés tels que Coucy-le-Chateau, Erbach dans l'Odenwald, Cobourg et la partie méridionale du Thuringenwald.
» Contrairement à ce qui arriverait si le mouvement se transmettait à travers des masses homogènes d'égale épaisseur, le contour s'écarte beaucoup d'une ligne régulière (comme on le voit sur une carte jointe à cette note mais non reproduite ici.) L'anomalie la plus remarquable est celle qui correspond à la chaîne des Vosges, car, des deux côtés de cette chaîne, en Alsace et en Lorraine, le mouvement a été ressenti en une multitude de points sans être sensible dans la plus grande partie de la région montagneuse, si ce n'est au fond d'e quelques vallées. Ainsi les secousses ont été bien constatées à Wissembourg, de même que dans les localités voisines qui sont situées au pied de la chaîne des Vosges, mais dans aucun des villages des montagnes on ne s'est aperçu du mouvement, bien que ces villages ne soient pas beaucoup plus élevés que les premiers. De même le mouvement a été très sensible à Saverne, du côté oriental de la chaîne, à Blamont et Baccarat du côté occidental, sans l'être à Cirey. Les villages situés au fond de la vallée de la Bruche ont éprouvé les secousses. Il en est de même du fond de la vallée de Villé, tandis que l'on n'a rien éprouvé dans les villages situés sur les flancs de cette même vallée, non plus qu'en aucun point du Ban-de-la-Roche.
» La rupture produite dans la propagation du tremblement de terre à la surface du sol par le massif de la chaîne des Vosges peut ne pas être en relation avec les fondements de cette chaîne, elle pourrait simplement résulter de ce qu'une secousse d'intensité très faible, comme elle l'est vers les limites de la surface ébranlée, tout au plus perceptible au fond des vallées, est amortie par un revêtement de roches ayant seulement 100 à 150 mètres d'épaisseur. C'est ainsi qu'aux environs de Metz et de Nancy, le plateau de l'oolithe inférieure a formé le long de la vallée de la Moselle comme une ligne d'arrêt pour le même tremblement de terre.
» Si l'on rapproche les tremblements de terre des siècles antérieurs, on reconnaît que la partie de la vallée du Rhin située à la hauteur de Strasbourg et de Carlsruhe a été, à diverses reprises, secouée par des ébranlements qui partaient des environs de Coblentz, de Mayence ou de Francfort, tandis que la haute Alsace et la Suisse n'éprouvaient aucun mouvement. Le plus ordinairement, c'est un fait inverse qui se manifeste; la contrée de Strasbourg vibre à l'unisson avec la région méridionale, la haute Alsace ou une partie de la Suisse, sans que le mouvement s'étende vers le Nord, comme dans le violent tremblement de terre du 18 octobre 1356, dans ceux du 25 juillet 1855 et du 29 septembre 1784. Ainsi, les secousses qu'éprouvent depuis quelques siècles la basse Alsace et la région adjacente de la France et de l'Allemagne partent de deux principaux centres d'agitation indépendants l'un de l'autre, d'une part la région volcanique des bords du Rhin, d'autre part la région du Jura et des Alpes; tantôt l'un, tantôt l'autre centre agit par ses contre-coups sur cette zone neutre. »

 

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