Mémoires de
l’Académie de Stanislas - 1903
LA MILICE EN LORRAINE AU XVIII SIÈCLE (1)
PAR M. PIERRE BOYÉ
CHAPITRE PREMIER
La milice sous Stanislas. - Établissement de la milice en
Lorraine (1741). - Circonstances et légitimité de cette mesure.
-Précédents invoqués. -Les neuf bataillons de milice proprement
dite. - Royal-Lorraine et Royal-Barrois. - Augmentations et
diminutions alternatives du contingent. - Abolition temporaire
du tirage au sort. - Les recrues provinciales (1759) - Le
Régiment de Nancy (1763-1767).
Stanislas, dit laconiquement Durival en
nous offrant un résumé des institutions militaires de la
Lorraine aux différentes époques, « Stanislas se prêta à ce qui
pouvait contribuer au service et à la gloire du roi son gendre
(2) ». Sous cette vague explication d'un contemporain,
comprenons que Louis XV et ses ministres imposèrent au pays,
pendant le règne transitoire où il eût dû garder l'illusion de
l'autonomie, l'une de ses plus lourdes charges ; lisons ce nom
maudit : la milice.
Aucun article de la Convention de Meudon n'autorisait, au cas où
le roi de Pologne eût exigé que l'on ne dépassât pas les clauses
du traité, une levée de troupes dans les Duchés, pour le compte
de la France. Durant la vie du souverain nominal, le Royaume
pouvait demander à sa nouvelle province de recevoir et
d'entretenir ses soldats. Il n'avait pas été prévu, le 30
septembre 1736, que les Lorrains contribueraient à
l'augmentation de ces forces, et paieraient, avec les autres
impôts, celui du sang.
Pas un instant, toutefois, on n'avait eu à Versailles l'ombre
d'une hésitation. La première mesure tentée en ce sens se
retrouve dans l'ordonnance du 6 avril 1740 (3), décidant la
création d'un régiment d'infanterie sous le litre de Gardes de
Lorraine. Les trois compagnies de bas officiers détachées, en
1737, de l'hôtel royal des Invalides, pour la garde du château
de Lunéville, manquaient de prestige aux yeux de Stanislas (4).
Le prince rêvait d'avoir vraiment des hommes à lui, recrutés
dans ses États, et de désigner des officiers de son choix. Ce
désir, dont il s'ouvre à la fin de 1739, servait trop les vues
de Louis XV pour qu'il n'y accédât pas. Tandis que Stanislas
compte donner ainsi plus d'éclat à sa maison et procurer des
emplois à sa noblesse, son gendre songe qu'il aura à sa
disposition un nouveau corps qui, en temps de paix, assurément,
rendra les honneurs au Duc-roi, mais qui ce en temps de guerre
ira à l'armée (5) ». Et, de fait, les Gardes lorraines (6)
séjourneront peu à la cour de Sa Majesté Polonaise. On prendra
soin de les dépayser, pour les former plus promptement aux
pratiques militaires françaises. Elles entreront en campagne. Ce
n'est qu'exceptionnellement qu'on les verra à Lunéville où, non
seulement les bas officiers dédaignés par Stanislas viennent les
remplacer, mais où, parfois, des détachements d'un autre
régiment d'infanterie leur sont à dessein substitués (7).
Au moment où les pourparlers s'engageaient entre Lunéville et
Versailles pour la création des Gardes de Lorraine, des
instructions du département de la Guerre avertissaient
l'intendant, à l'insu de Stanislas, que le roi était décidé à
rendre le service militaire obligatoire dans la Province. Les
hostilités avec l'Autriche hâtèrent une initiative que les
réflexions du. Commissaire départi sur les susceptibilités
locales faisaient prudemment retarder. « Il y a déjà du temps,
Monsieur, que vous êtes prévenu », écrit, le 10 août 1741, le
marquis de Breteuil à La Galaizière, « qu'il convient au service
du Roi de faire dans la Lorraine un établissement de milice sur
le même pied qu'il a été ordonné et qu'il existe en France.
Comme les circonstances des affaires publiques semblent exiger
de ne pas différer davantage cet établissement, par rapport au
secours que le Roi en pourra tirer, je viens d'écrire par son
ordre au roi de Pologne, pour l'en prévenir. Je présume que vous
avez déjà fait sur cette matière quelques dispositions, que vous
avez au moins par devers vous les dénombrement et état des feux
ou familles, pour pouvoir régler le nombre d'hommes qui sera
demandé. Je vous prie d'en faire un état général et de me
l'envoyer. Vous y joindrez un projet de l'ordonnance que le roi
croira convenable de faire rendre tant pour l'établissement que
pour la levée de cette milice. » Après être entré dans quelques
détails techniques, le ministre ajoutait: « Je vous prie de ne
pas perdre de temps à traiter tous ces différents points avec le
roi de Pologne, et de me mettre en état, le plus tôt possible,
d'en rendre compte au Roi (8). »
Toutes les précautions avaient bien été prises par l'actif
administrateur. Quant au prince dont la résistance eût
d'ailleurs été vaine, il n'éleva pas une objection. Le 21
octobre, une ordonnance en seize articles, revêtue de sa
signature, établissait la milice dans les duchés de Lorraine et
de Bar (9).
Pour donner à cette institution une apparente excuse, pour
prévenir les clameurs qui, sans ce détour, n'eussent pas manqué
de se faire entendre plus vives, on avait résolu de procéder
graduellement. Stanislas demandait des miliciens, mais pour que
ces hommes protégeassent leur terre natale contre les dangers
d'une invasion possible. Le roi, expliquaient des considérants
embarrassés : le roi étant averti que ses prédécesseurs avaient,
dans certaines conjonctures, cherché par différents moyens à
assurer la sécurité de leurs sujets, voulait de même veiller à
la tranquillité de son peuple. La levée prochaine qu'il
décrétait, n'était nullement une innovation. L'exemple de
Léopold formant de cette manière un corps de troupes sous le nom
d'arquebusiers, était rappelé. Raisons aussi faibles que
rapprochement peu exact. C'est par la voie de l'enrôlement qu'en
novembre 1720 Léopold avait ordonné, pour le maintien des
cordons sanitaires établis sur les confins du pays pendant la
peste de Marseille, la création de compagnies d'arquebusiers.
N'étant pas satisfait de ces hommes, le Duc les avait licenciés,
et l'ordonnance du 24 mars 1721 avait chargé les communautés de
fournir 3 000 soldats par la voie du sort (10).
Mais, quelle qu'eût été l'arrière-pensée de Léopold en mettant
sur pied cette milice, il l'avait supprimée le 2 janvier 1726,
l'année même - coïncidence remarquable - où l'ordonnance du 25
février réorganisait dans le Royaume les milices provinciales,
telles qu'elles devaient désormais prendre rang dans l'armée de
l'ancien régime. La milice de Léopold n'avait eu, au reste,
aucun rôle belliqueux. Le préambule de l'ordonnance de Stanislas
disait trop. D'autre part, les allégations en étaient
incomplètes. On omettait une sorte de milice mobile, instituée
jadis par Charles III et adoptée par son fils Henri II (11).
Pourquoi, surtout, évitait-on de rappeler un souvenir offrant
plus d'analogie avec la résolution qu'on s'efforçait de pallier:
la levée faite, pendant l'occupation du pays par Louis XIV et la
guerre de la ligue d'Augsbourg, de deux régiments de milice dans
la Lorraine, le Barrois et les Évêchés, afin de compléter
l'effectif de la campagne de 1693 (12) ? En réalité, aucune
assimilation n'était à faire. Les Duchés ignoraient la milice.
Le contingent demandé était de 3 600 hommes, répartis en six
bataillons (13). Des instructions de l'Intendant, en date du 28
octobre 1741, ayant complété les articles de l'ordonnance du 21
(14), les opérations préparatoires furent activées. Le 14
novembre, La Galaizière en personne inaugurait à Nancy le tirage
au sort, et les garçons de cinq ou six villages voisins
fournissaient les premiers miliciens (15). Le 1er février 1742,
Louis XV déclara prendre ces soldats à son service et à sa solde
(16). Au mois de juin suivant, toujours en présence du
Commissaire départi, les bataillons furent respectivement
assemblés dans les villes dont ils allaient prendre le nom: à
Bar-le-Duc, le 4 et le 5; à Étain, le 7; à Nancy, le 12; Epinal,
le 17; à Neufchâteau, le 20; et à Sarreguemines, le 25 (17).
Trois régiments en furent formés qui, de leurs colonels,
s'appelèrent : Croix, Polignac et Marainville, et prirent rang
parmi les autres régiments des milices provinciales françaises.
Croix, qui devint Montureux en 1744 (18), fut composé des
bataillons de Nancy et de Sarreguemines; Polignac, de ceux de
Bar et d'Étain ; Marainville, bientôt Ligniville, puis Thianges
en 1746 (19) et Mirecourt en 1750 (20), comprit les bataillons
d'Épinal et de Neufchâteau. Ces troupes, soi-disant destinées à
la défense de la Lorraine, sont aussitôt dispersées : les
bataillons du régiment de Croix sont envoyés à Landau; ceux de
Polignac et de Marainville, à Calais et à Givet (21).
Le plus difficile était fait. Au début de 1743, Stanislas est
censé estimer que les circonstances actuelles réclament une
augmentation de l'effectif des forces lorraines. Son ordonnance
du 25 janvier décide une levée supplémentaire de 1 800 hommes
(22), que, par la fiction dont il a déjà usé, le roi de France
admet également à son service, le 12 avril. On groupe ces hommes
en trois bataillons, ceux de Saint-Mihiel, de Mirecourt et de
Dieuze, assemblés dans ces localités les 2, 5 et 11 mai (23).
Dieuze grossira d'un tiers le régiment de Croix, Mirecourt celui
de Marainville, et Saint-Mihiel celui de Polignac.
On ne s'en tint pas là. Pour enlever d'autres hommes à la
Province, on eut recours à une combinaison intentionnellement
compliquée. Le 30 janvier 1744, Louis XV signe à Marly la
création, en vue de la campagne qui se prépare, d'un régiment
d'infanterie au titre de Royal-Lorraine (24). Officiers et
soldats des trois bataillons de 60 hommes qui doivent le
composer, sont tirés des neuf bataillons de milice, tandis
qu'une levée extraordinaire, décidée le 20 février, comble les
vides laissés par cet emprunt (25). Comme compensation,
Royal-Lorraine prend rang dans les troupes françaises à partir
du 21 octobre 1741 (26), jour de l'établissement des milices
lorraines, qu'il doit précéder. Formé à Bar, à la fin de mars,
puis assemblé sous les armes à Nancy. le 8 avril (27), le
nouveau régiment part le mois suivant pour l'armée du Rhin (28).
Les historiens nous montrent le roi de Pologne témoin aussi
attristé qu'impuissant de ces exigences successives. Il faut le
reconnaître, l'état d’esprit du monarque était autre. Le 14 juin
1742, Stanislas, de séjour à la Malgrange, avait assisté près de
Bon-Secours au défilé du bataillon de Nancy qui allait joindre
sur la Quiesch celui de Sarreguemines (29). Avant de s'éloigner,
Royal-Lorraine campa quelques jours à Lunéville. Sur l'ordre de
Leszczynski dont c'était la fête, des détachements vinrent
monter la garde au palais (30), et l'éclat des réjouissances
s'en trouva rehaussé. A ces spectacles, le prince puisait de
douces illusions. Il oubliait son rôle subalterne, la tutelle
lourde qui l'opprimait. Il avait une armée. Il la confiait à son
gendre. C'était là service d'allié. Aux emplois dans les divers
régiments lorrains, Stanislas avait, sinon le droit de
nomination pur et simple, du moins celui de présentation. Pour
les charges supérieures, les demandes affluaient. A chaque
création, des compétitions se produisaient, que le Duc-roi
aimait à trancher en faveur de ses protégés. Deux frères de son
Chancelier, déjà nommés, en 1740, lieutenant-colonel et
capitaine des grenadiers aux Gardes lorraines, ne furent-ils pas
placés à la tête de Royal-Lorraine, le comte de Mareil comme
colonel, avec M. de Rivray pour second. Les autres grades
devaient être invariablement accordés à des sujets lorrains. Le
roi de Pologne se plaisait à remplir les cadres, prenant de
préférence, selon la règle prescrite, les capitaines parmi les
officiers réformés ou retirés qui habitaient le pays; accordant
les lieutenances aux gentilshommes qu'il avait distingués, à de
bons serviteurs ou aux cadets de son école (31). Cette
prérogative le charmait. Plus il pouvait l'étendre, mieux il lui
semblait ressaisir la souveraineté dont il était dépouillé. Il
s'agissait d'ailleurs de subvenir aux besoins d'une guerre
contre une dynastie que Stanislas était loin d'aimer. Les
Habsbourg avaient combattu sa restauration sur le trône des
Piasts, et le souvenir laissé dans les Duchés par les
descendants de Gérard d'Alsace portait ombrage à leur
successeur. Le temps n'était pas où, avec cette mobilité propre
à son tempérament et à sa race, Leszczynski célébrerait, de ses
écrits et de sa bourse, l'alliance de Louis XV et de
:Marie-Thérèse. Il applaudissait alors très haut au projet «
d'étouffer » - ce sont ses termes - « la dernière étincelle de
la puissance autrichienne qui pourrait rallumer le feu de la
guerre et entretenir la reine de Hongrie dans l'espérance de
reconquérir ses États (32) ». Il ne se demandait pas s'il était
de bonne politique, ne fût-ce que par souci de sa popularité,
d'envoyer ainsi, au lendemain de l'annexion, les Lorrains
combattre un maitre qu'ils pleuraient encore.
Le 28octobre 1744, La Galaizière adressait d'Argenson un mémoire
où Stanislas proposait la levée dans les Duchés d'un régiment de
dragons, qui serait classé à la suite des autres régiments
royaux (33). Le projet n'aboutit pas. Mais, quand le 6 septembre
1745 le Duc-roi quitte Commercy pour la cour de France, nul dans
son entourage n'ignore que le prince compte faire donner comme
pendant à Royal-Lorraine un régiment qu'il a déjà baptisé
Royal-Barrois (34). Détail topique : les hésitations viennent du
secrétaire d'État de la Guerre, qu'un échange de dépêches avec
l'intendant a mis au courant de la situation de la Généralité
lorraine; qui sait le sourd mécontentement qui y gronde.
Stanislas insiste ; et parce que, au fond, son souhait répond
aux nécessités de l'heure, on s'y arrête. En vertu d'une
ordonnance du 1er novembre, Royal-Lorraine est réduit à deux
bataillons. Le troisième vient rejoindre à Pont-à-Mousson,
quartier d'assemblée, même nombre d'officiers, sergents et
soldats, choisis dans les neuf bataillons de milice proprement
dite. Royal-Barrois est constitué (35). La conséquence de cet
arrangement est une levée destinée à rétablir l'intégrité des
régiments de milice, dont chaque bataillon est d'ailleurs
augmenté de 50 hommes (36). Le 9 mars 1746, La Galaizière
réunit, dans le cloître des Bénédictins de
Saint-Nicolas-de-Port, 1538 hommes, qui partent le lendemain
(37).
Bien que comptés parmi les troupes réglées, Royal-Lorraine et
Royal-Barrois n'ont donc été formés et ne seront uniquement
recrutés qu'avec de la milice lorraine. C'est aussi cette milice
qui va, de ce moment, servir à entretenir, puis à augmenter en
partie les Gardes lorraines, où, quelques mois plus tard, on
incorpore déjà 450 hommes désignés par le sort (38).
Quand, à l'automne de 1746, le ministre communique à
l'Intendance l'état des miliciens nécessaires pour compenser les
pertes survenues, le Commissaire départi ne peut s'empêcher
d'adresser des représentations très vives. La Province ne
suffira pas sans dommage à de telles exigences. Pris d'un
remords tardif, Stanislas fait alors demander le retranchement
d'un bataillon de miliciens. Mais d'Argenson de répliquer, le 14
décembre, que la France tentant un suprême effort pour amener
ses ennemis à résipiscence, il y a lieu de « persuader le roi de
Pologne de l'impossibilité de cette suppression (39) ». Les
scrupules du prince seront, au reste, de courte durée. Après
avoir consenti passivement à une augmentation réitérée de
l'effectif de la milice, Leszczynski voit avec tant de
satisfaction le régiment des Gardes lorraines doté, à la fin de
1747, d'un troisième bataillon (40), qu'en févier 1748 il
accepte que 300 miliciens soient compris dans sa formation (41).
Cette concession fut si mal accueillie que, à l'assemblée du 26
mars, lorsque les officiers voulurent distraire de la masse des
nouveaux soldats le nombre promis, aucun de ces 2345 hommes ne
consentit à entrer volontairement aux Gardes de Lorraine (42).
L'opération dut être faite à Vienne en Dauphiné, où passèrent
tous les détachements (43), et où, pour constituer l'amorce du
bataillon supplémentaire, qui comprit également des enrôlés, 110
prisonniers du régiment des Gardes, récemment échangés, avaient
été réunis. A la fin de la guerre de la Succession d'Autriche,
la milice lorraine renforçait donc de plus de treize bataillons
les troupes françaises.
La paix d'Aix-la-Chapelle procura aux Duchés quelque répit.
L'ordonnance du 18 novembre 1748 réduit de trois bataillons de
710hommes à deux bataillons de 500 hommes chacun, - afin,
dit-elle, de diminuer les dépenses que leur entretien occasionne
et de rendre des bras à l'industrie et à l'agriculture, - les
régiments de Polignac, de Thianges et de Montureux, qui sont
licenciés à Bar, à Mirecourt et à Nancy, les 28 novembre, 5 et
12 décembre (44). Le troisième bataillon des Gardes lorraines
est supprimé, le 24 décembre, en attendant que les deux autres
soient réduits de dix-sept à treize compagnies (45).
Royal-Lorraine et Royal-Barrois que la réduction et le
licenciement des milices ne permettent plus de recruter, sont
enfin réformés l'un et l'autre à Bar, au vif regret de Stanislas
(46). Cependant leurs compagnies de grenadiers royaux (47) sont
conservées, de même que celle du bataillon dissous des Gardes
lorraines, et incorporées dans les Grenadiers de France (48).
Ces hommes protestèrent en vain contre une prolongation de
service. Après être restés plusieurs mois encore sous les
drapeaux, un quart en fut licencié. Les autres, répartis en
trois classes libérables par année, ne reçurent leur congé que
du 1er septembre 1749 au 1er septembre 1751 (49).
Une joie indicible avait accueilli le retour des soldats
lorrains dans leur patrie. On se félicitait d'un repos bien
gagné. Ce repos ne fut pas absolu. On continue d'effectuer
chaque année les remplacements, à verser même d'office quelques
miliciens dans les troupes réglées. En 1750, par exemple, une
répartition de 300 miliciens est signée le 14 février, et, après
le tirage, le 12 mars, Stanislas écrit en cour de France pour
provoquer le passage de 60 de ces hommes - 10 par bataillon -
aux Gardes lorraines (50). Les assemblées ont lieu tous les
printemps. Elles ne durent, il est vrai, que de huit à neuf
jours (51). Mais avant que les compagnies de fusiliers ne se
séparent, celles de grenadiers royaux en sont détachées. En
avril 1750, La Galaizière a procédé, en effet, à l'union de ces
six compagnies avec trois autres, celles des bataillons de
milice de Strasbourg, de Colmar et de Metz. Il en a formé à
Nancy un régiment dont le chevalier de Chabrillant a pris le
commandement, et pour lequel la durée des exercices périodiques
est d'un mois entier (52).
Cette tranquillité fut interrompue par la guerre de Sept ans. La
série des combinaisons antérieurement imaginées est reprise. Le
14 janvier 1757, Stanislas donne sa signature pour
l'augmentation des bataillons de milice, qui sont portés à 630
hommes. La levée immédiate en est décidée, tout congé
d'ancienneté suspendu jusqu'à l'hiver (53). Le 10 mars, les
soldats de remplacement de Polignac et de Montureux sont
assemblés à Nancy, tandis que les deux bataillons de Mirecourt,
restés dans la Province, vont loger à Saint-Nicolas et à
Rosières-aux-Salines, en attendant des instructions (54).
L'ordonnance du 20 mars supprime ces bataillons en tant que
corps de milice, et les emploie à la formation de deux régiments
de troupes réglées. Royal-Lorraine et Royal-Barrois sont, en
effet, rétablis de ce jour, mais sur le pied d'un bataillon
unique de 680 hommes, dont le surplus va être incessamment levé
et dont l'intégrité continuera d'être maintenue au moyen de
miliciens (55). La Lorraine ne fournissait, cette fois, que six
bataillons, et l'allégement était loin d'être inopportun. Mais
le dimanche gras 5 février 1758, fut publiée à Lunéville, à 9
heures du matin, une ordonnance datée du 29 janvier, qui
répandit, paraît-il, la consternation. Ce n'est pas qu'en
elle-même la teneur de cet acte apportât une aggravation
considérable aux charges militaires. Les six compagnies de
fusiliers restées affectées à chaque bataillon de milice (56)
étaient élevées de 65 à 85 hommes, et l'interruption des congés
d'ancienneté maintenue (57). On s'inquiétait surtout de
l'avenir. On voyait dans cette mesure le prélude d'autres
demandes. Dès le mois d'octobre, l'effectif des bataillons de
Polignac et de Montureux est porté à 720 hommes (58). Une levée
extraordinaire de 1288 miliciens est précipitée (59).
De cet instant, toutefois, il semble que la Lorraine qui, depuis
1741, a donné au Royaume la meilleure partie de ses laboureurs
et de ses artisans, goûte un soulagement réel, bientôt une
complète quiétude. On ne lève pas de miliciens en 1759 et le
tirage au sort va être abandonné jusqu'en 1766. Le 5 septembre
1760, il est vrai, les quelques miliciens demeurés dans la.
Province sont convoqués à Nancy et contraints, le 28, de se
mettre en route vers leurs bataillons respectifs (60). Mais,
l'année suivante, tous les hommes au service commencent à
regagner leurs villes et leurs villages. Le premier bataillon de
Montureux, redevenu Nancy - car depuis l'automne de 1759 les
bataillons des régiments de milice ont recouvré leur
individualité (61), - rentre dans la capitale lorraine le 27
mars 1761, pour être licencié le 30 ; le deuxième,
Sarreguemines, arrivé le 21 décembre, l'est quatre jours après.
Ceux de Bar-le-Duc et d'Étain ne tardent pas à être également
congédiés. Leurs grenadiers royaux et grenadiers postiches
reverront Nancy le 11 janvier 1763, et seront rendus à la vie
civile le 13, à l'exception de 40 hommes choisis pour le corps
des Grenadiers de France, où sont aussi versés tous les
grenadiers de Royal-Lorraine, de retour le 15. Le 17, les
Nancéiens acclamaient six compagnies de fusiliers de ce régiment
qu'une ordonnance du 25 novembre 1762 avait réformé, de même que
Royal-Barrois. Le 5 décembre, enfin, on faisait fête aux
derniers soldats restés en arrière, aux survivants de
Royal-Barrois.
Mais si, dans les Duchés comme en France, le Gouvernement parait
renoncer à demander aux communautés des soldats désignés par le
sort, c'est qu'aux miliciens ont succédé les recrues
provinciales, destinées à réparer les pertes essuyées au cours
de désastreuses campagnes et à reconstituer indistinctement les
débris des régiments de cavalerie, d'infanterie ou d'artillerie
(62). Cette levée des recrues est présentée comme une
compensation de la milice; la milice, comme une menace dont la
réalisation est subordonnée à l'insuccès du nouveau mode
d'enrôlement.. L'article XXIX de l'ordonnance lorraine du 25
décembre 1760 est significatif: « Si contre toute atlante les
levées ordonnées par la voie d'enrôlements volontaires n'avaient
pas dans quelques cantons le succès qu'on en doit espérer, il
sera donné des ordres pour y procéder par la voie du sort, sur
les principes ordinaires de la levée de la milice (63).» Le 27
novembre 1759, l'Intendant avait passé en revue à Nancy les
premières recrues ainsi obtenues à partir du 28 octobre
précédent. Ces 164 hommes avaient été conduits à Metz le
lendemain (64). Les registres du contrôle nous apprennent que,
durant les six mois suivants, 416 recrues sont encore réunies
dans la Province. D'octobre 1760 à octobre 1761, 327 autres
rejoignent le quartier général de Strasbourg; 514, d'octobre
1761 à octobre 1762 (65). Pendant que le Commissaire départi
envoie à ses subdélégués des lettres-circulaires destinées à la
publicité, dans lesquelles, les informant de la résolution du
roi de ne plus remplacer les miliciens libérés et même
d'accorder des congés absolus à ceux des plus récentes levées,
il insiste sur le plaisir qu'il éprouve à se faire l'interprète
de cette décision, il recommande tout bas à ces agents d'activer
« le travail des recrues (66) ».
L'ordonnance française du 1er février 1763 décide la formation,
à un bataillon de huit compagnies, de trente et un régiments de
recrues dans les diverses Généralités, où ils seront désignés
sous le nom des villes principales, et, pour Paris, celle d'un
régiment à deux bataillons. Dans cette création, la Lorraine
n'est pas oubliée. Le Régiment de Nancy est le 31e; il marche
entre celui d'Aix et celui de Paris. Sans retard, Louis XV agrée
les officiers qui doivent en composer l'état-major et en
commander les compagnies. Ce cadre est assemblé et le corps
constitué à Rosières-aux-Salines, le 1er octobre (67). Vingt-six
de ces régiments de recrues sont supprimés à dater du 31
décembre 1766 (68). Mais celui de Nancy est un des six laissés
sur pied (69), et semblable mesure ne l'atteindra que le 1er
septembre de l'année suivante (70). Jusqu'à ce moment,
subdélégués, officiers, cavaliers de la maréchaussée, dirigent
donc sur le dépôt de Rosières les quelques hommes qu'il est
encore possible d'obtenir de la Lorraine appauvrie, et qu'après
une rapide formation, on envoie périodiquement, sur tous les
points du Royaume, parfaire les rangs des troupes réglées (71).
CHAPITRE II
Organisation de la milice lorraine - Ce qui la distingue de
celle de France. - Durée du service. Effectif. - Solde.-
Armement, équipement et habillement; dépenses à la charge du
pays. - Exemptions locales. - Exemptions personnelles. -
L'ordonnance du 28 octobre 1741. - Attention prêtée par La
Galaizière père à la question des immunités. - L'ordonnance du 2
janvier 1755; son importance. - Répartition du contingent. - Les
opérations du tirage au sort. - Assemblées de formation et
assemblées périodiques. - Législation des recrues.
Comment la milice était-elle organisée en
Lorraine; qui devait en supporter les charges financières ;
quels hommes y étaient miliciables et quelles étaient les
opérations du tirage au sort ? Autant de questions qu'il est
indispensable d'examiner pour l'histoire de l'administration
française dans la Province.
La correspondance du marquis de Breteuil avec La Galaizière,
dont nous transcrivions plus haut le passage capital, trace les
grandes lignes de cette législation. Il est créé dans les Duchés
« un établissement de milice sur le même pied qu'il a été
ordonné et qu'il existe en France ». Dans ce département, le
pouvoir royal a pris nettement par anticipation pleine
possession du pays. De même que les bataillons français, les
bataillons lorrains auront leur effectif successivement augmenté
; comme eux, ils concourront au recrutement des grenadiers
royaux; comme eux, ils comprendront ensuite des grenadiers
postiches où, à leur tour, peuvent se recruter ces grenadiers
royaux. La milice lorraine fournira non seulement un corps
spécial, affecté aux garnisons, mais des renforts pour les
troupes réglées en service de campagne. Un mémoire, dressé sous
les auspices du Contrôleur général des finances, reconnaît,
cependant, que si Royal-Lorraine et Royal-Barrois sont
exclusivement formés de miliciens, c'est « contre l'usage
observé dans les provinces du Royaume (72) ». Presque chaque
fois, en effet, que nous constatons quelque divergence, cette
distinction est loin d'être en faveur de la Lorraine.
Ainsi en fut-il pour la durée du service. Fixé dès le début à
six années, ce laps de temps ne fut jamais diminué. A la fin de
1748, il est réduit à cinq ans pour le reste du pays, y compris
les enclaves évêchoises (73). La Lorraine fait exception; les
ordonnances de 1757 et de 1758 insistent même sur ce point.
Il y eut, d'autre part, de légères différences dans l’effectif
des bataillons. En 1744, nous trouvons, par exemple, 610 hommes
par bataillon français dont chacun est divisé en neuf
compagnies. Le chiffre réglementaire d'un bataillon lorrain est
de 600 hommes, répartis en douze compagnies. La compagnie est
commandée par un capitaine et un lieutenant. Elle compte deux
sergents, trois caporaux, trois anspessades et un tambour.
L'état-major du régiment comprend un colonel et un major au
premier bataillon, un commandant sans compagnie et un aide-major
au deuxième. Les variations de quotité suivent à peu près la
même courbe dans les deux pays. C'est d'abord une augmentation
progressive. L'ordonnance de Louis XV du 1er novembre 1745
décrète qu'à l'instar des bataillons français, les bataillons
lorrains seront dorénavant mis à 650 hommes partagés entre neuf
compagnies (74). A la paix d'Aix-la-Chapelle, il y a réduction
simultanée à 500 hommes (75). Le graphique repasse ensuite par
590 et, bientôt, l'ordonnance de Stanislas du 14 janvier 1757
élève le bataillon à 630 hommes, comme l'a décidé celle de Louis
XV du 5 décembre 1756.Le 17 novembre 1758, enfin, par
l'habituelle fiction de la signature du souverain nominal, sont
appliquées à la Lorraine les dispositions de l'ordonnance
française du 25 août précédent qui porte tout bataillon de
milice à 720 hommes.
L'uniforme du milicien lorrain était identique à celui du
milicien français : justaucorps de drap blanc, doublé de serge;
veste et culotte de serge blanche, doublées de toile grise ;
revers, collet et parements bleus; chapeau bordé d'argent faux.
Seul détail distinctif, le ceinturon et le collier de la caisse
des tambours étaient garnis de galons à la livrée de Sa Majesté
Polonaise (76).
Pendant les assemblées, la solde quotidienne du simple fusilier
est de 5 sols de France ; l’anspessade a droit à sols; les
caporaux et les tambours, à 7. En service dans les places ou aux
armées, les uns et les autres sont portés pour un supplément de
deniers ; mais cet excédent est versé dans la masse, afin d'être
spécialement employé en achat de linge et de chaussures (77).
En France, outre la dépense de l'armement, - fusil, bayonnette,
épée, le roi faisait, depuis l'ordonnance du 12 novembre 1733,
les frais du grand équipement- giberne, ceinturon et fourniment
- et de l'habillement proprement dit - justaucorps et culotte.
Les populations n'avaient à payer que le petit équipement ou
équipement particulier : le chapeau, la veste, deux chemises de
toile, deux cols, une paire de souliers, une paire de guêtres et
un havresac. Celles de Lorraine furent beaucoup plus grevées et
pour elles l'impôt en nature se compliqua d'un lourd tribut
pécuniaire. L'ordonnance du 21 octobre 1741 déclare
catégoriquement en son article XII.que le prix tant de
l'armement que de l'habillement sera réparti sur les communautés
au marc la livre des autres impositions (78). Mais les paroisses
n'étaient pas pour cela dispensées de faire les frais du petit
équipement des hommes qu'elles fournissaient (79). La Galaizière,
qui fixe d'abord cette dernière somme à 13 livres 15 sols de
France (80), l'élève, peu après, à 21 livres, et, en mars 1744,
il explique à ses subdélégués qu'en raison de la hausse des
marchandises, le recouvrement sera à l'avenir de 24 livres par
milicien. Les paroisses étaient en outre tenues, ainsi qu'en
France, d'ajouter 5 livres par tête comme frais de tirage et 3
livres, dites écu du départ, destinées à être remises au nouveau
soldat lorsqu'il gagnait sa garnison. Cet argent devait être
prélevé par les petites communautés, et de préférence à toute
autre dépense, sur leurs revenus patrimoniaux; par les villes,
sur le produit des octrois. En cas d'insuffisance des
ressources, on se le procurait au moyen d'une répartition faite,
jusqu'à concurrence du déficit, par les officiers municipaux
dans les villes et les syndics dans les villages, entre tous les
habitants inscrits au rôle de l'imposition des Ponts et
Chaussées. Au besoin même, rigueur excessive et inconnue dans le
Royaume, cette charge incombait, au dernier moment, aux
miliciables eux-mêmes (81). A chaque augmentation de l'effectif
correspondait ainsi un surcroit de contributions. L'arrêt du
Conseil des finances du 27 janvier 1748 décrète, par exemple, la
levée dans les Duchés d'une somme de 111137 livres 14 sols de
France, montant des dépenses occasionnées par l'équipement et
l'habillement des 16 hommes d'augmentation dans les neuf
bataillons de milice et de ceux de remplacement, par le
renouvellement des uniformes des grenadiers royaux, etc. Les 5
livres dues au préposé et l'écu du départ étaient remis au
moment même du tirage au sort. Le reste des fonds, versé par les
officiers et syndics aux recettes particulières des finances ou
centralisé chez le trésorier général, passait finalement dans la
caisse du trésorier de la milice. Ce comptable, qui résidait à
Nancy (82), s'occupait, sous la direction de l'Intendant, des
approvisionnements, veillait aux acquisitions et aux réparations
(83). Armes et effets, déposés à Nancy dans des salles
spéciales, connues sous le nom de magasins de la milice, étaient
confiés aux hommes lors des assemblées. Au licenciement
provisoire ou définitif, les miliciens devaient rendre ces
objets: l'armement et le grand équipement, avant de rejoindre
leurs paroisses; le petit équipement, à leur retour au village.
Aucun congé n'était délivré que l'intéressé n'eût justifié par
certificat de cette restitution (84). Chapeaux, vestes et
culottes furent par exception abandonnés aux soldats lorrains
après la campagne de 1748.
Pour ce qui concerne le recrutement, c'est d'une façon générale
l'ordonnance royale du 25 février 1726 qui fait loi. C'est à
elle que le ministre a, dès le début, renvoyé La Galaizière. Le
milicien n'est donc demandé, dans les Duchés comme en France,
qu'aux classes roturières. Les ordres privilégiés, c'est-à-dire
les ecclésiastiques, les nobles et gens vivant noblement, n'en
fournissent pas. La charge du service n'atteint pas davantage
les hommes originaires de l'étranger (85). De plus, le
miliciable doit réunir les mêmes conditions d'aptitude physique
qu'en France : avoir seize ans révolus et pas encore quarante ;
mesurer au moins 5 pieds de haut (1m,624). Aux instants
critiques, cette règle fléchit en Lorraine. « Je dois vous
observer », écrivait en janvier 1756 l'Intendant à ses
subdélégués, « que le point principal n'est pas de s'attacher si
exactement à la taille, mais de prendre des hommes sûrs et
forts, et qui soient d'une espèce propre à servir. » Pareilles
instructions restaient d'ailleurs inavouées. A la moindre
plainte de l'intéressé, on en revenait à la lettre des articles.
La même année 1756, nous voyons La Galaizière faire remplacer
sur-le-champ un milicien qui observe avec raison ne mesurer que
4 pieds 9 pouces et quelques lignes (86).
Le nombre des miliciables était enfin singulièrement restreint
par les immunités locales et surtout par les exemptions
personnelles. Dans les Duchés, trois villes seulement furent
dispensées, et encore de façon temporaire, de contribuer à la
composition des bataillons de milice. On ne tira pas au sort à
Lunéville, à Nancy et à Bar, en 1742. Cette faveur avait été
exceptionnellement accordée pour la première levée. Elle fut
maintenue l'année suivante, bien que l’ordonnance de Louis XV du
30 octobre 1742 eût précisément déclaré toutes les villes du
Royaume, y compris la capitale, désormais astreintes à la
milice. L'ordonnance lorraine du 29 janvier 1758 affranchit
encore pour le prochain tirage, et sans engager l'avenir, les
trois cités privilégiées. Mais en toutes autres circonstances,
les habitants de Lunéville, de Nancy et de Bar sont assujettis à
la milice. Ils doivent tirer, notamment en 1744, pour le
remplacement, dans les neuf bataillons, des hommes employés à la
formation de Royal-Lorraine. Nancy et Lunéville fournissent
chacune 100 hommes ; Bar, 50 (87). Quand on procède, en avril
1757, au recrutement des deux bataillons de Mirecourt, 80
miliciens sont demandés à Lunéville (88).
C'est au chapitre des exemptions personnelles que l'on constate
le plus de divergence dans la législation des intendants. Sur ce
point, ces fonctionnaires avaient une latitude d'autant plus
grande qu'aucune nomenclature des cas de dispense ne se retrouve
de longtemps dans les ordonnances royales. Guidés qu'ils étaient
seulement par de vagues circulaires, leur jurisprudence varia à
l’infini. Les règles arrêtées par le Commissaire départi de
Lorraine doivent ainsi nous retenir. Elles méritent d'autant
mieux l'attention, que cette question préoccupa toujours
vivement La Galaizière père, et que c'est à ses essais que la
France entière dut, plus tard, le premier tableau général des
cas d'immunité. Huit jours après l'établissement de la milice en
Lorraine, une ordonnance explicative, signée de l'Intendant,
s'étendait avec soin sur le régime des exemptions (89). Plus
avancés en cela que nombre de provinces, les Duchés eurent, sans
retard, une liste officielle ; liste souvent commentée dans des
instructions de circonstance, envoyées aux subdélégués. Sont,
d'après ce système et jusqu'à la fin de 1754, exempts de la
milice en Lorraine :
AGRICULTURE
a) Les hommes mariés ou les garçons faisant valoir au moins une
charrue (90), soit en propre, soit à ferme, et payant au moins
20 livres de subvention ;
b) Un fils miliciable des laboureurs, ou veuves, faisant valoir
au moins deux charrues en propre ou à ferme; et au choix des
parents. Un valet, s'ils n'ont pas de fils miliciable;
c) Un valet, au choix du maitre, par ecclésiastique, gentilhomme
ou officier faisant valoir par soi-même au moins deux charrues ;
d) Les bergers et marcaires des ecclésiastiques, laboureurs,
etc., chargés toute l'année d'au moins cent têtes de bétail ;
Les pâtres communs des paroisses.
COMMERCE ET INDUSTRIE
a) Les marchands et négociants qui paient plus de 60 livres de
subvention, eux: et leurs enfants ; leur principal commis, s'ils
n'ont pas de fils miliciable ; mais dans les villes seulement;
b) Tout maître de métier, dans les villes où il y a maitrise.
PROFESSIONS LIBÉRALES
a) Les étudiants de l'Université de Pont-à-Mousson ou des
collèges des États, y travaillant depuis un an au moins;
b) Les médecins, chirurgiens et apothicaires, ainsi que leurs
enfants; les garçons qu'ils emploient depuis au moins six mois ;
c) Les maîtres d'école, garçons ou mariés, institués par le
supérieur ecclésiastique.
SERVICES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
a) Les officiers des salines et leurs enfants; les ouvriers des
mêmes usines, personnellement;
b) Les salpêtriers; leurs enfants et leurs ouvriers travaillant
au salpêtre depuis plus d'un an;
c) Les maîtres des postes aux lettres et leur principal commis,
dans les villes;
d) Les maitres des postes aux chevaux, dans les villes et les
campagnes;
Un postillon par quatre chevaux au service de la poste et, au
besoin, du labourage.
JUSTICE, FINANCES, FONCTIONNAIRES ET OFFICIERS
a) Tous les officiers de justice et des finances; les
subdélégués et leurs greffiers; les avocats et procureurs des
justices royales; les notaires, les tabellions et les huissiers;
les geôliers des prisons; - eux et leurs enfants;
b) Les baillis et procureurs fiscaux; les avocats et procureurs
postulants ; les greffiers, notaires et sergents des justices
seigneuriales ;
c) Tous les employés aux recettes et fermes du roi; eux et leurs
enfants, s'ils ont une commission directe des receveurs
généraux, fermiers ou sous-fermiers; sinon, personnellement ;
d) Les commis à la distribution de l'étape, dans chaque lieu de
passage ;
e) Les collecteurs de la subvention et les syndics des
communautés, durant l'année de leur exercice ;
f) Les gardes des forêts, chasses, étangs ou rivières, reçus
dans les grueries.
FAMILLE
Dans une famille où il y a plusieurs fils miliciables, il doit
toujours en rester un, au moins, au père et à. la mère.
DOMESTIQUES
a) Les valets servant les ecclésiastiques, gentilshommes et
autres privilégiés, pourvu que les maîtres en aient fait la
déclaration avant le tirage ;
b) Les maîtres jardiniers des privilégiés, qui servent depuis un
an ;
c) Les valets engagés, pour une campagne au moins, au service
des officiers, de l'artillerie, de l'entreprise des vivres; et
pendant l'année de cet engagement.
Par contre, La Galaizière recommandait soigneusement qu'au
nombre des sujets miliciables fussent compris ceux qui, ayant
déjà servi dans les Gardes lorraines, à Royal-Lorraine ou
Royal-Barrois, soit dans un bataillon ordinaire de milice,
auraient obtenu leur libération ayant l'expiration des six
années de service. Si le sort les désignait, ces hommes
n'avaient toutefois qu'à parfaire le temps exigé pour la
délivrance du congé absolu. Quant aux miliciables ayant servi
dans toutes autres troupes, ils étaient contraints de tirer, et,
le cas échéant, demeuraient miliciens six années pleines. Sans
qu'un article spécial de son ordonnance eût formulé cette
faveur, en ce qui concernait la maison du roi de Pologne,
l'intendant admettait l'exemption pour les enfants des maîtres
d'hôtel, chefs de cuisine et musiciens, demeurant chez leurs
parents et n'exerçant pas de profession. Il estimait, d'autre
part, qu'il n'y avait pas lieu de dispenser les fils des valets
de pied, suisses et coureurs; les compagnons des ouvriers et les
domestiques des fourriers ; enfin, malgré de vives réclamations,
« les perruquiers de MM. les cadets et pages de Sa Majesté (91)
». La prétention de ceux-ci fera sourire. Elle ne donne qu'une
faible idée des demandes, plus ou moins singulières, qui
parvenaient journellement dans les bureaux et tendaient à forcer
les règles établies. Les suppliants trouvaient les plus
touchants prétextes à l'appui de leurs requêtes. Haener,
imprimeur ordinaire de Stanislas, apprend qu'à Paris ses
confrères exemptent tous les ouvriers qu'ils occupent sous leurs
yeux.
En octobre 1758, il s'adresse donc au Commissaire départi. Il
va, écrit-il, « travailler aux quatrième et cinquième volumes
des Mémoires de l'Académie, et il est certain que le roi, qui
est si jaloux de ce qui peut contribuer au lustre des
belles-lettres et à la splendeur de son Académie, verrait avec
déplaisir cet ouvrage chômer, ce qui arrivera néanmoins si le
suppliant perd ses ouvriers (92) ».
Ajoutons que des dispenses étaient parfois décernées à des
titres tout exceptionnels. Une d'elles fut étendue à une famille
entière. Un membre de la fameuse dynastie des rebouteurs du
Val-d'Ajol, Jean-Joseph Fleurot, ayant été appelé à Versailles,
en octobre 1759, pour soigner le jeune duc de Bourgogne,
l'exemption d'impôts lui fut proposée. Le père avait refusé du
duc Léopold la noblesse. Le fils déclara ne vouloir pas être à
charge à ses concitoyens. Mais, choix caractéristique, Fleurat
demanda « que Louis XV prit L’Intendant de Lorraine de
l'exempter, lui et les siens, de la milice ». Et le monarque
d'assurer le brave Vosgien « que M. de La Galaizière, ayant des
bontés pour lui », ne refusera pas cette faveur (93).
Les recommandations faites par le Commissaire départi à ses
préposés, nous renseignent sur les abus contre lesquels il eut
le plus énergiquement à lutter. Beaucoup de jeunes gens
entraient au collège quelques mois avant le tirage. L'Intendant
exige qu'ils soient déclarés miliciables. Un privilégié qui a
coutume d'avoir à son service un certain nombre de domestiques,
peut les remplacer moins de trois mois avant la levée et
affranchir leurs successeurs; mais à condition que le personnel
ordinaire ne soit pas augmenté et que les bénéficiaires restent
en place toute une année. Il fallut souvent répéter que les
clercs des avocats, notaires ou procureurs, devaient tirer.
L'impression dominante qui se dégage lorsqu'on parcourt la
nomenclature des exemptions reconnues par l'ordonnance du 28
octobre 1741, c'est que les petites gens sont sacrifiés à tout
ce qui touche, de près ou de loin, non seulement à la noblesse,
mais à ce qu'on pourrait appeler l'aristocratie de la roture.
La Galaizière n'ignorait pas ce grave défaut. On ne saurait l'en
rendre responsable. Il était de l'essence même de l'institution.
Tout ce qu'eût pu faire l'administrateur, dans les limites où il
avait faculté de se mouvoir, c'eût été de moins favoriser
l'artisan des villes au détriment du travailleur des champs. Du
moins profita-t-il des leçons de la pratique.
A partir de 1755, deux articles d'une incalculable portée pour
l'économie du pays vont en effet modifier le système initial.
L'ordonnance du 26 janvier(94) vient en aide à l'agriculture
défaillante. Les laboureurs ou veuves de laboureurs, quelle que
soit leur cote de subvention, qui font valoir une charrue, soit
en propre, soit à ferme, et qui entretiennent quatre chevaux au
moins toute l'année, exempteront désormais un fils miliciable
occupé à la culture, ou, à son défaut, un domestique. Pour
chaque charrue supplémentaire, ils affranchiront de même un
autre fils ou un autre domestique. En retour, les maîtres de
métier célibataires tireront au sort; ils ne seront libérés de
cette obligation qu'à trente ans accomplis et s'ils exercent, de
plus, leur profession à boutique ouverte, dans une ville ou un
bourg. Un tel changement fut accueilli comme un bienfait.
L'ordonnance de 1755 fait époque clans l'histoire de la
Province. De ce moment, La Galaizière, pour compléter son oeuvre
réparatrice et relever l'agriculture, ne néglige aucun moyen.
Ménager à tout prix les laboureurs, est son mot d'ordre. On
applaudirait pleinement à ces précautions, si le fardeau dont on
soulageait les uns, n'eût dû fatalement retomber sur les épaules
de plus humbles. « J'ai autant qu'il était en moi favorisé le
labourage. C'est entrer dans les vues de Votre Excellence, pour
le plus grand bien de l’État », écrit, en 1756, un subdélégué. «
Comme Votre Excellence m'avait permis de prendre des miliciens
au-dessous de la taille, je me suis servi de cette permission
pour faire tirer des manoeuvres forts et trapus que leur taille
faisait exempter les années précédentes, au grand préjudice des
laboureurs qu'il fallait chicaner davantage sur le nombre de
jours de leurs charrues. Au lieu que, cette fois, tant que j'ai
eu des manoeuvres, j'ai fait le bien des laboureurs, en ne les
inquiétant. pas sur de médiocres charrues. Au surplus, j'ai
déclaré constamment, au commencement de chaque tirage, que les
égards que j'avais cette fois pour les laboureurs ne tireraient
point à conséquence pour un tirage subséquent où je me
trouverais plus serré et moins libre à étendre leurs privilèges
(95). » - « Qu'il nous soit permis », dit un encyclopédiste, «
de jeter un regard sur l'ordre des laboureurs, cette portion
précieuse des sujets, qui mérite tant de considération et qui en
a si peu : elle parait avoir été trop négligée dans la
dispensation des privilèges relatifs au service de la milice.
Dans une de nos plus belles provinces, où l'agriculture
languissait par le malheur des temps, on lui a rendu sa première
activité en augmentant, à cet égard, les privilèges de
l'agriculture. » Et après avoir analysé les articles de
l'ordonnance de 1755, l'écrivain, Jean Durival, ajoute: « Sur
l'heureuse expérience de ces dispositions salutaires, ne
serait-il pas possible d'étendre leur influence aux autres
provinces du Royaume? On ne peut sans gémir y voir l'état
pénible et nécessaire du modeste laboureur, dans l'avilissement
et l'oubli, tandis que des corps d'artisans bas ou frivoles y
jouissent de prérogatives utiles et flatteuses, sous prétexte de
chefs-d'oeuvre et de réceptions aux maitrises (96). »
L'intendant avait à dresser les listes de répartition pour les
levées de remplacement ou d'augmentation. En théorie, cette
répartition eût dû se faire à proportion du nombre de feux de
chaque communauté, d'après les états fournis annuellement par
les syndics et transmis à l'Intendance par les soins des
subdélégués. La première répartition, en 1742, eut lieu à raison
d'un milicien pour 30 ou 35 feux. Toute latitude leur étant
laissée sur ce point, les commissaires départis avaient adopté,
selon les Généralités, des méthodes distinctes. La Galaizière
jugeait bon de juxtaposer les procédés les plus usités par ses
collègues. C'est ainsi que Nancy, Lunéville et Bar étaient
divisées en quartiers. Lunéville comprenait sept quartiers. Un
employé de l'Intendance parcourait chacune de ces sections et y
établissait le détail exact des miliciables. A Nancy, les
subdivisions correspondaient aux paroisses. Les autres villes,
les bourgs et les villages les plus importants, étaient
séparément taxés pour une certaine quantité de miliciens, un
tout au moins. Quant aux petites communautés, aux hameaux, aux
censes, on les groupait en nombre variable, et cet ensemble
était solidairement responsable d'un ou de quelques hommes (97).
Il y a là un acheminement vers un mode de délimitation plus
large ; et, pourtant, même en l'observant, il était presque
impossible d'arriver à un résultat équitable. Les chances
demeuraient très inégales. En 1751, dans la subdélégation de
Saint-Dié, le ban d'Étival et la mairie de Tanviller sont l'un
et l'autre portés pour un milicien; or, sur le premier
territoire, on compte 73 miliciables ; 4 seulement, tout juste
le minimum nécessaire, - sur le second (98). Pour les campagnes,
d'ailleurs, l'absence de toute statistique rendait ces calculs
laborieux. Tout moyen de vérification manquant aux intéressés,
le pouvoir, prétendit-on, en aurait fait parfois son profit.
L'Intendant aurait comblé des déficits, en exigeant de certaines
communautés plus de miliciens qu'elles n'eussent dû en fournir.
Il est incontestable que La Galaizière en fut souvent réduit à
imaginer des combinaisons fort compliquées, grâce auxquelles il
n'arrivait à quelque précision qu'après toute une série de
levées.
C'est pendant l'hiver que l'Intendant procédait à ces travaux.
Il envoyait ensuite à chaque subdélégué un extrait du tableau
général de répartition. A cette pièce plusieurs autres étaient
annexées: imprimés des mandements indiquant aux officiers
municipaux des villes, aux maires et syndics des communautés
rurales, le jour et le lieu du tirage ; formulaires des
procès-verbaux de tirage et de constitution de fuyards. Un peu
plus tard, étaient distribués les exemplaires de l'ordonnance
qui décrétait la levée. Les subdélégués devaient les répandre le
plus tôt possible dans toutes les paroisses, après publication
et affichage au chef-lieu.
Le tirage s'effectuait sous la direction du subdélégué, soit à
l'hôtel de ville de sa résidence, soit dans sa propre demeure.
Au jour marqué sur sa feuille, chaque syndic amène les
miliciables de sa communauté et affirme qu'à sa connaissance il
n'en existe pas d'autres. Ceux qu'il signale comme s'étant
absentés depuis l'ordonnance, sont sur-le-champ déclarés
fuyards. On dresse alors, séance tenante, une liste définitive
de tous les miliciables présents, ayant la taille et les
qualités requises. L'élimination de la dernière heure est
toujours considérable. A Nancy, en avril 1766, sur près de 800
hommes présentés, 227 seulement réunissent les conditions
indispensables (99).
Mais ici une observation importante s'impose. Les hommes mariés
ne contribuent pas à la milice de la même manière que les
célibataires, les garçons, comme on disait. La jurisprudence,
éminemment variable selon les provinces, changea en Lorraine à
diverses reprises. Lors de la première levée, La Galaizière
avait arrêté qu'à défaut de quatre garçons au moins par
milicien, dans un village ou pour un ensemble de communautés,
les hommes mariés au-dessous de trente ans devraient opérer
entre eux un tirage préliminaire, où seraient désignés ceux des
leurs qui auraient à se joindre aux garçons pour compléter le
nombre de miliciables voulu. Cette réglementation resta en
vigueur pendant toute la guerre de la Succession d'Autriche.
Bien que d'Argenson, par une lettre du 3 mars 1748, eût
recommandé au Commissaire départi de ne plus appeler au tirage
les hommes mariés qu'à défaut absolu de garçons, c'est en 1751
seulement que La Galaizière crut pouvoir accorder aux ménages
cette satisfaction. Encore voit-on, en 1732, dans le bailliage
de Bitche, des pères de famille obligés de tenter le sort (100).
En janvier 1756, l'Intendant revient sur sa décision : « S'il ne
se trouve pas quatre garçons propres à tirer pour fournir chaque
milicien, c'est le cas d'y faire suppléer par les hommes mariés
qui n'ont pas dépassé trente ans. » L'année suivante, autre
changement. Il ne doit plus être question de s'adresser aux
hommes mariés, quel que soit leur âge. Si, dans certaines
paroisses, il ne se rencontre pas quatre garçons par milicien
demandé, les subdélégués auront la liberté, à condition d'en
avertir leur chef, de modifier les extraits de répartition et
d'imaginer de nouveaux groupements.
Lorsque le syndic avait remis au subdélégué les 5 livres
d'indemnité et l'écu du départ, réclamés par milicien, les
miliciables choisissaient dans un chapeau des billets roulés et
numérotés, indiquant le rang suivant lequel ils devaient se
placer. Dans cet ordre, ils tiraient une seconde fois, pour
amener soit des billets laissés en blanc, soit des billets
écrits. Le papier qui portait la mention : milicien, était
communément désigné sous le nom de billet noir. Quand il
s'agissait de pourvoir simultanément à une levée de remplacement
et à une levée d'augmentation, on effectuait deux tirages
distincts mais successifs, et sans modifier en rien la
numérotation indiquée tout d'abord. Du tout, il était aussitôt
rédigé un procès-verbal, que le subdélégué et le syndic
signaient en trois exemplaires. L'une de ces pièces était
destinée à l'intendance, une autre au secrétariat de la Guerre,
la troisième était conservée dans les bureaux de la
subdélégation. Avec l'état nominatif de tous les hommes de la
communauté libérés, exemptés, absents, en fuite, renvoyés pour
infirmités ou défaut de taille, on couchait sur ces
procès-verbaux le signalement précis des nouveaux miliciens. De
ce jour, ceux-ci étaient acquis au service. Ils devaient se
tenir prêts à répondre à la première réquisition, et défense
expresse leur était faite de sortir de leurs paroisses sans
remplir diverses formalités. Le Commissaire départi notifiait
réception des procès-verbaux par l'envoi des mandements en vue
de l'assemblée.
A la date indiquée, conduits par leurs syndics respectifs ou
groupés par plusieurs communautés, sous la surveillance d'un de
ces officiers, les miliciens arrivaient au quartier d'assemblée.
Là se trouvait toujours l'intendant en personne. Les assemblées
de formation étaient les plus solennelles. Les syndics devaient
y rendre compte des miliciens à la charge de leurs communautés,
et ils n'étaient autorisés à repartir que lorsque ces hommes
avaient été définitivement incorporés. A la création des neuf
bataillons de milice, ces assemblées eurent lieu, nous l'avons
vu, dans les villes dont ils empruntaient le nom.
Pont-à-Mousson, Saint-Nicolas, Rosières-aux-Salines, la
Malgrange, furent aussi des lieux de réunion. D'ordinaire, le
premier jour était employé à établir les rangs ; le matin du
lendemain, on délivrait l'équipement ; l'après-midi, l'armement
et l'habillement. Il faut distinguer entre ces assemblées de
formation, précédant la mise en marche pour une garnison ou
l'armée, et les simples assemblées périodiques qui, en temps de
paix, réunissaient, le plus souvent à Nancy, les jeunes
Lorrains, pour y être exercés pendant quelques jours. A ces
dernières, les syndics n'étaient obligés de se rendre que s'ils
avaient à accompagner de nouveaux miliciens. Les hommes y
étaient commandés, après avoir été organisés en compagnies, par
un capitaine et un lieutenant choisis soit parmi les officiers
de milice, soit dans une autre arme. Au licenciement, les
compagnies de grenadiers prolongeaient d'un mois leur période
d'instruction.
Le milicien qui abandonnait sa garnison ou son bataillon en
campagne, était assimilé aux autres soldats déserteurs et
encourait la peine de mort; les galères, s'il était seulement en
quartier d'assemblée (101). La non-comparution aux exercices
périodiques entraînait également un châtiment sévère. Jean
Michelet, de Houdemont, ne s'est pas trouvé à la dernière
réunion de la milice. L'Intendant, informé, ordonne au
subdélégué de le faire arrêter et transférer à Nancy, où il sera
incarcéré durant trente jours. Il ne sera élargi qu'après avoir
payé les frais de capture et de geôle (102). Dans l'intervalle
des assemblées annuelles, les miliciens lorrains ne purent, tout
d'abord, s'absenter, fût-ce vingt-quatre heures, de leurs
paroisses, sans une permission que le syndic était en droit de
refuser. Par la suite, ils n'eurent plus qu'à avertir simplement
cet officier du but de leur déplacement. Les communautés étaient
d'ailleurs responsables de leurs hommes, au cours des six années
de service. Elles devaient toujours justifier du même nombre,
et, à mesure des vides, remplacer les déserteurs, les disparus,
les morts.
Il nous reste à dire quelques mots de l'organisation des recrues
provinciales. L'ordonnance de Stanislas, du 25 décembre 1760, «
portant règlement pour la levée des recrues dans ses États de
Lorraine et Barrois (103) », n'est que la fidèle reproduction de
l'ordonnance française du 25 novembre précédent (104). La
direction et le détail des opérations sont confiés à
l'Intendant, qui a sous ses ordres un commissaire des recrues,
affecté à toute la Province, ainsi qu'un nombre suffisant de
recruteurs, distribués dans les villes et les cantons où les
chances de réussite apparaissent les plus favorables. Ces
préposés doivent être de préférence d'anciens militaires. Les
engagements ont lieu pour six ans. Le prix maximum est en
principe de 10 écus. Le pourboire varie entre 5 et 30 livres,
selon la taille. Les enrôleurs reçoivent une gratification
proportionnée au nombre de soldats qu'ils procurent: 3 livres,
par exemple, pour chacun des cinq ou six premiers hommes; 12
livres à partir du vingt-troisième. Les officiers et la
maréchaussée ont mission d'appuyer et de faciliter la tâche de
ces agents. Les maires et les syndics, les particuliers même
sont invités, « par zèle pour le service du Roi », à obtenir le
consentement de leurs administrés, de leurs compatriotes. Les
documents officiels recommandent, toutefois, de n'user ni de
pièges, ni de violence, et d'écarter tout déserteur, vagabond ou
mendiant. Comme il ne manquait pas de présider les assemblées de
la milice, l'intendant passe en revue tout détachement de
recrues prêt à partir pour les dépôts de Metz ou de Strasbourg.
Lors de la création des régiments de recrues, où le service
demandé aux hommes était de huit années, La Galaizière fils eut
à se reporter à l'ordonnance française du 1er février 1763, qui
chargeait, sous l'autorité et le contrôle des intendants, avec
qui ils devaient entretenir une correspondance suivie, les
commissaires des guerres de la police et de l'inspection de ces
corps. L'Intendant de Lorraine estime que cette mission est
aussi délicate qu'importante, et il appelle l'attention de ses
subdélégués, qui désormais tiennent lieu de préposés principaux,
sur la méthode à suivre. Chaque subdélégué pourra choisir un
préposé particulier à qui sera délivrée une commission. Les
préposés particuliers seront libres d'employer, à leur tour,
d'autres recruteurs et d'étendre leurs recherches partout où il
leur semblera bon. Ces recruteurs reçoivent, tant dans les
dépôts qu'en tournée, une solde de sols 8 deniers. Le taux des
engagements ne doit plus, dans aucun cas, excéder 30 livres. Des
dépôts secondaires les hommes sont, sans délai, envoyés au dépôt
général de Rosières (105), où ils reçoivent un habit de
tiretaine blanche, une veste de drap blanc doublée de serge, et
une culotte de tricot, doublée de toile. A partir du 1er janvier
1767, enfin, et durant les huit mois que le Régiment de Nancy
fut encore maintenu sur pied, l'Intendant se vit déchargé du
soin des recrues, confié supérieurement au commandant de ce
corps et à tous les officiers sous ses ordres (106). Il était
pourvu aux dépenses par le trésorier des troupes, au moyen de
sommes prélevées sur le fonds dit des recrues, qu'alimentait en
partie une contribution spéciale acquittée par la Province
(107).
CHAPITRE III
Impopularité de la milice. - Son retentissement sur la condition
économique du pays. - Expédients pour se soustraire au tirage. -
Les fraudes. - Les révoltes. - Les fuyards. - Rôle difficile
mais efforts louables du Chancelier-intendant.
La milice était impopulaire dans le
Royaume. Combien devait-elle l'être davantage en Lorraine, en
raison de la situation unique faite à ce pays. On conçoit que,
pour se soustraire au fardeau d'une institution abhorrée, on y
ait usé de toutes les résistances, de toutes les fraudes.
Les exemptions étaient recherchées avec ardeur, et chaque fois
que le système en fut modifié, de subits virements s'opérèrent
dans les conditions sociales. A partir de 1741, les fils des
paysans à l'aise aspirent aux professions libérales; ils
briguent les moindres postes dans l'administration ou le service
des Fermes; les autres se disputent les places de laquais chez
les privilégiés, ou de valets à la suite des officiers. Beaucoup
de jeunes campagnards prennent l'habit religieux, plus par
calcul que par vocation. Le règlement du 26 janvier 1755
provoque un changement complet. « Son effet fut prompt », nous
dit Nicolas Durival, « et fit sortir des études des procureurs,
des cloîtres et des collèges, et revenir dans la province, les
fils de nos meilleurs laboureurs (108). » Les boutiques se
ferment; on retourne aux champs. L'agriculture manquait de bras;
le but est atteint.
Il fut même dépassé. La Galaizière avait compté sans les divers
détours, les ententes tacites que suggérait l'effroi du tirage
au sort. Dans nombre de communautés en état de fournir des
miliciables, « les manoeuvriers s'arrangent avec les laboureurs,
au moyen de quoi il ne s'en trouve aucun ». - « La condition des
laboureurs », déclare le subdélégué de Lamarche à l'Intendant, «
mérite toutes sortes de protection; mais il serait intéressant
que Son Excellence rendît une ordonnance contre ceux qui, en
fraude de la milice, reçoivent chez eux les garçons des
manœuvriers, sous le nom de domestiques (109).» C'est l'avis de
son collègue de Bourmont : « Dans tous les cas, j'ai observé de
seconder les intentions de Votre Grandeur en faveur des
cultivateurs. Mais je dois l'informer que la plupart sont
indignes de ces égards, par les abus et les fraudes qui se
commettent. Avant les ordonnances, presque tout laboureur
conduisait sa charrue avec le secours d'un petit domestique de
douze ou quinze ans, et souvent d'une fille. Maintenant ils
retirent des sujets miliciables, et, après le tirage, ils les
renvoient. (110) » Il est tel de ces étranges serviteurs qui
paient grassement pour l'être. Laissons la parole à un troisième
subdélégué, celui de Neufchâteau : « Mes tirages sont presque
déserts à cause du privilège accordé aux valets des
laboureurs... Les valets qui m'ont été présentés sont les plus
beaux garçons que j'aie encore vus. J'en ai reconnu plusieurs,
fils d'artisans ou négociants de campagne, beaucoup plus riches
que leurs maîtres auxquels ils ne s'engagent que pour se mettre
à couvert du sort (111). » Afin de s'éviter des obligations qui
leur pèsent, soit par bienveillance pour des parents, des amis,
ceux qu'exempte désormais leur train de culture laissent
volontiers aux gens de la basse classe, c'est-à-dire aux
manœuvres qui par là s'affranchissent eux-mêmes, les fonctions
de maire, de syndic, d'asseyeur et de collecteur, réservées
pourtant, - à l'exception de celles de troisième asseyeur, - aux
membres des deux autres classes. Des manœuvres, également,
sollicitent et obtiennent des officiers des chasses, qui les
multiplient à plaisir, des commissions de gardes. Il se trouve
d'importants villages où tout garçon apte à tirer se retranche
derrière une exception (112).
Tant que les hommes mariés échappent à la milice, de nombreux
mariages se contractent à l'époque des levées; la plupart,
unions trop précoces, avec la misère au foyer. Quand les
localités privilégiées ne participent pas au sort, Nancy,
Lunéville et Bar acquièrent une population supplémentaire.
On s'engageait dans les troupes-réglées, car c'est la milice et
non le métier des armes, librement accepté, qui était honnie
(113). De longue date, la Lorraine avait fourni au Royaume un
important contingent de volontaires. Le subdélégué de
Sarreguemines, qui déplore la difficulté de réunir des
miliciens, reconnaît à ses administrés un réel penchant à vivre
sous les drapeaux : « Il faut avouer qu'il n'y a point de
province en France où les garçons aient plus d'inclination à
servir que dans celle-ci (114). » Les recruteurs avaient beau
jeu (115). Le comté de Bitche était rempli d'enrôleurs opérant
pour le compte des régiments étrangers. Les Suisses surtout,
nous apprend le subdélégué, « avaient la confiance du pays (116)
». Certains de ces engagements n'étaient que fictifs. Quand un
miliciable en arguait, on avait soin de dresser, sur-le-champ,
procès-verbal du contrat invoqué, et, quelle qu'en fût la
valeur, l'homme était obligé de l'exécuter (117).
Mais la plupart des réfractaires préféraient un exil momentané.
D'octobre à février, ces départs étaient réguliers. Selon le mot
expressif d'un fonctionnaire, « les paroisses se vidaient
d'hommes ». Chaque région avait à ce sujet des habitudes
commandées par les facilités offertes. Du Bassigny barrois on
passait en Champagne ou en Franche-Comté, pour se répandre dans
le reste du Royaume. Les garçons de la subdélégation de Lamarche
cumulaient avec leur métier ordinaire celui de marchands
ambulants. A l'annonce d'un tirage, ils déposaient l'outil, et,
devenus colporteurs, s'éloignaient. Crainviller, Saint-Ouen ou
Nijon, au bailliage de Bourmont, ne comptaient plus, à certains
moments, que de chétifs vendeurs de quincaillerie, qui se
dispersaient la balle au dos. Les jeunes gens de Gondrecourt
allaient de préférence à Paris ; et de ceux-là « il en revenait
bien peu (118) ». Tous les ans, les miliciables des environs de
Villers-la-Montagne reproduisaient « la même manœuvre ». Ils
gagnaient le Luxembourg. Le petit village d'Athus perd de la
sorte, en 1758, quinze de ses habitants. « Les avertissements
que je leur donne et les menaces que je leur fais, ne sont pas
capables d'arrêter ce désordre, ni le cours de cette émigration
» , écrit le subdélégué (119). En 1757, Nouillonpont, l'une des
plus fortes communautés du ressort de Longuyon, ne compte plus
un seul garçon; ils se sont réfugiés dans le Clermontois et dans
l'enclave évêchoise de Longwy (120). C'est dans cette ville,
dont ils sont voisins, que, très avisés, les hommes de Chenières
« ne cessent de passer, tirant leur subsistance de la maison
paternelle, où ils se représentent souvent et dont ils ne
s'absentent le plus régulièrement que dans le temps des levées
(121) ». Avec non moins d'empressement, on s'expatriait depuis
la Lorraine allemande, dans les principautés d'Empire contiguës.
Les paysans de la subdélégation de Fénétrange affectionnaient
les terres de Nassau, où ils se prétendaient engagés en qualité
de domestiques, mais qu'ils quittaient quand les miliciens
avaient rejoint leurs corps. Les gens du Schambourg «
s'évadaient » par bandes dans l'archevêché de Trèves, sous
prétexte de se perfectionner dans une profession. Après quelques
semaines à peine, on les voyait reparaître (122).
Il était impossible de sévir contre les défaillants qui
n'attendaient pas la publication des ordonnances pour franchir
la frontière. Les subdélégués faisaient donc diligence et
prenaient leurs mesures pour que les communautés de leur ressort
fussent toutes informées simultanément des intentions du roi.
Ils conseillaient, sans doute, à l'Intendant de n'estimer
valable qu'une absence d'une année au moins, et de déclarer
d'office acquis à l'armée le miliciable revenu avant ce délai.
Le Commissaire départi ne s'y décida pas. Il craignait, et avec
raison, d'aggraver le mal en rendant irrévocables ces
émigrations temporaires. Aussi, la célérité de ses préposés, les
précautions dont ils s'entouraient, restaient-elles à peu près
sans effet. « Je n'ai pas perdu un moment de temps pour
l'exécution de vos ordres concernant la milice de remplacement
», explique son agent de Neufchâteau. « Les engagements dans les
troupes du Roi, les nouveaux mariages qui tous ont été
précipités, ont occasionné le déficit, et je crois que si je
n'avais pas été si expéditif, je n'aurais vu personne (123). » -
« Le bruit d'une levée considérable de milice », poursuit celui
de Longuyon, « a fait sortir beaucoup de garçons; une partie
s'est mariée et plusieurs se sont engagés pour soldats et pour
valets à des officiers (124). » - « Les enrôlements nombreux » ,
reprend le subdélégué de Neufchâteau, « les domestiques de
militaires, des privilégiés, les exemptions des laboureurs, de
leurs enfants et de leurs valets, ont épuisé les communautés de
miliciables. Enfin, j'ai fait tout ce qui était en moi (125). »
La première fois que Nancy fut assujettie au tirage, beaucoup
d'habitants se fixèrent momentanément à Luxembourg; près de 400
s'engagèrent dans différents régiments, et il se fit tant
d'unions qu'on en compta jusqu'à 40 dans un jour (126) !
Les publications effectuées, l'exode continuait. L'approche du
tirage déterminait les indécis. Au lendemain de l'ordonnance de
1751, dans la subdélégation de Boulay l'ensemble des hommes
valides de six communautés s'enfuit (127). La veille de la levée
de 1757, c'est à Lunéville un sauve-qui-peut général (128).
Quand les miliciables étaient conduits au chef-lieu, d'aucuns,
se repentant de n'avoir pas suivi l'exemple de leurs camarades,
tombaient malades en route, s'alitaient et ne recouvraient la
santé que les opérations terminées. D'autres, subitement guéris,
s'empressaient de rejoindre les réfractaires. Interroger le sort
n'engageait à rien les plus résolus. Ils préféraient tenter la
fortune, quitte, en cas de malchance, à s'y soustraire bien
vite. A Étain, en février 1758, le subdélégué signe un
procès-verbal de tirage, regarde et s'étonne : plus de milicien
(129) ! Au cours des étapes vers les bataillons, immatriculés
dans les compagnies, durant le loisir des garnisons ou sous le
feu de l'ennemi, plusieurs de ces hommes, enfin, n'éprouveront
aucun scrupule à déserter, sitôt qu'il leur sera possible (130).
Les parents, les amis étaient, à l'origine, autorisés à tirer
pour les miliciables provisoirement absents. Quand le mandataire
avait la main malheureuse, le plus souvent le mandant n'avait
garde de reparaître. Sa condition de milicien n'étant pas
régulièrement établie, il échappait à la pénalité. Aussi
n'admit-on plus, à partir de 1753, les pères eux-mêmes à
représenter leurs fils sans une procuration, à défaut de
laquelle l'intéressé était d'ailleurs répréhensible. Les
communautés possédant des ressources remplaçaient volontiers
leurs miliciens par des salariés : « Je vous fis connaitre
l'année dernière combien il importe que la levée soit faite par
le sort, ainsi qu'il a été réglé par les ordonnances, sans
admettre aucun homme vendu, ces gens étant la ruine des
communautés ou particuliers... J'ai su à regret la complaisance
mal entendue dont on a usé, nonobstant les défenses les plus
précises... En cas de la moindre surprise dont je m'apercevrai,
on doit s'attendre que j'userai de la dernière sévérité pour
déraciner un abus aussi préjudiciable au service du Roi (131).»
Les menaces réitérées de La Galaizière n'eurent d'autre résultat
que de rendre secrète cette substitution. En droit, les
subdélégués n'étaient même pas autorisés à accepter un frère
pour un autre, ce qu'on leur proposait souvent.
Les maires, les syndics s'ingéniaient à soulager leurs villages.
Pour y mieux parvenir, ils ne reculaient devant aucun moyen.
Leurs déclarations étaient à l'envi infidèles. Le subdélégué de
Longuyon dénonce, en 1752, « le tour de souplesse qu'a entrepris
de faire le syndic de Saint-Supplet, concerté avec sa
communauté, afin de ne pas tirer, et qui mérite une punition
pour servir d'exemple (132) ». A l'automne de 1758, les garçons
de Valfroicourt pensent éluder leurs obligations grâce à une
liste apocryphe, fabriquée sous l'oeil bienveillant de
l'officier public, et où ils se désignent tous comme domestiques
de laboureurs. Ce subterfuge était trop grossier. Coupables et
complice le paient de quinze jours de prison et des frais
nécessités par un tirage ultérieur. Ne choisissant nos exemples
que pour cette levée extraordinaire de 1758, nous voyons un
syndic, encore, omettre la moitié des miliciables, imaginer des
exemptions fantaisistes pour ceux qu'il laisse inscrits, et, à
l'appui de ses dires, suborner des témoins. Un troisième s'est
contenté d'attribuer à chaque cultivateur une plus grande
quantité de terres qu'il n'en fait valoir. Le rôle de la
subvention les trahit tous deux. Falsifier conjointement les
états eût été, certes, plus logique. Au syndic de Housseras
revient l’honneur d'y avoir songé et la confusion d'être
néanmoins découvert.
L'exemple est classique, dans nos manuels, du milicien éperdu se
coupant le pouce pour ne pas servir. J'avoue que les papiers de
l'Intendance ne m'ont révélé aucun cas analogue, non plus que
d'une mutilation quelconque. Par son incomparable topographie,
terre frontière serrée d'enclaves, la Lorraine offrait, sans
doute, assez d-'autres ressources aux réfractaires les plus
déterminés, pour qu'ils s'épargnassent les moyens sanglants. Au
coeur de la Province, où les commodités d'émigration
diminuaient, on recourait à des procédés plus répugnants que
brutaux. En quelques heures le sang généreux se viciait; les
membres sains se couvraient de plaies et d'excoriations. Les
ulcères étaient en faveur. Pour les provoquer, les familles se
confiaient des recettes infaillibles. « Je suis informé,
Monseigneur, écrit le subdélégué de. Remiremont, que nombre des
garçons de mon département font à présent usage de mouches
cantarides et d'une herbe qui leur occasionne ces sortes
d'infirmités aux jambes, cc qui arrive actuellement très
fréquemment, surtout à l'approche des milices, lesquelles
finies, ils s'abstiennent de s'en servir (133). » La rigueur de
cette réponse, crayonnée par l'intendant en marge de la requête
d'un campagnard, n'est donc qu'apparente : « Décidé que pouvant
être guéri de son ulcère, il doit servir. » Du jour au
lendemain, des paroisses réputées pour leurs gars robustes, se
transformaient en cour des miracles. Des incurables naissaient ;
des boiteux surgissaient. Mieux : il se trouvait des voisins
honorables pour attester l'ancienneté de ces maux; de braves
médecins, des chirurgiens de confiance, pour régulariser ces
prétendus éclopés. « Les artifices des garçons, les infirmités
qu'ils ont prétendues lors du tirage, celles employées depuis
par ceux auxquels le sort est échu, nous ont mis dans le détroit
», avoue le subdélégué de Villers-la-Montagne (134). L'habileté
de Joseph Grosjean, de Château-Salins, dut rendre jaloux plus
d'un miliciable. Quoique ayant l'oeil gauche atteint par la
cataracte, il ne s'est pas cru à l’abri du sort. Bien lui en a
pris, du reste, car c'est pour défaut de taille que, par deux
fois, on le réforme. Or, à une nouvelle comparution, le préposé
s'avise de le faire littéralement étirer. Et le patient de
grandir, de dépasser les 5 pieds exigés. Comme l'explique
naïvement le rapport, Grosjean avait « le secret de se
rapetisser de façon qu'il faisait rentrer les hanches dans les
cuisses (135) ». Dévoilées, ces supercheries étaient
impitoyablement châtiées. Mais il fallait avoir soin de signaler
sans réticence ses tares physiques. La fausse honte coûtait cher
: « Pour punir ce milicien de n'avoir pas déclaré ses
infirmités, vous le ferez mettre en prison, d'où vous ne le
ferez sortir qu'après qu'il aura subi cette peine pendant trois
jours, en payant par lui les frais de capture, nourriture, gite
et geôlage ; vous lui ferez aussi payer le voyage des syndics et
garçons des communautés convoqués pour son remplacement (136). »
Les subdélégués à qui incombait la tâche délicate de déjouer des
ruses sans cesse renouvelées, de confondre les simulateurs,
étaient loin d'avoir toujours leurs aises en présence de ces
hommes, mécontents, prêts à tout. A maintes reprises, ils
informent leurs chefs que les opérations du tirage ont été
pénibles, tumultueuses. En sa qualité de subdélégué de Nancy,
Nicolas Durival assista à des tentatives de révolte : « J'ai
fait publier une ordonnance à six heures du matin pour le
rassemblement de ceux qui avaient été séparés par le sort. M. le
marquis de Choiseul m'a accordé une forte garde. L'assemblée
avait commencé à huit heures du matin, mais les garçons
refusaient d'entrer dans la salle de concert, demandant que les
fils de marchands et autres qui avaient été exemptés, soient
soumis au sort. Je l'ai refusé. Les garçons se sont mutinés. Un
soldat avait bourré l'un d'eux; tous se sont avancés pour le
soutenir. Ils protestaient de ne pas tirer si la garde ne se
retirait. Je l'ai encore refusé. Vers dix heures, la sédition a
augmenté; et il y avait à craindre. Mais, par la fermeté et la
sagesse du sergent de garde, tout est devenu plus calme, surtout
après que j'ai eu déclaré aux arçons que j'allais déclarer
miliciens environ une trentaine qui étaient entrés, et eux tous
miliciens de droit pour servir à la décharge des premiers. J'ai
pris la résolution de tirer par paroisses, à commencer par celle
de Notre-Dame. Alors les mutins, à la vue de ceux que le sort
avait affranchis, ont demandé à être admis à tirer, et
l'opération s'est faite assez tranquillement (137). » Les
montagnards des Vosges étaient non moins ombrageux que les
ouvriers des faubourgs, les gars du Val-d'Ajol particulièrement.
« Je les ai vus plusieurs fois de suite, raconte un voyageur,
arriver en une troupe de plus de cent trente ou quarante, qui
étaient affublés d'une manière si grotesque, qu'ils faisaient
rire tout le monde. Ils chantaient à pleine tête, et jouaient de
quelques mauvais instruments; ils étaient tellement déterminés,
que la maréchaussée qui était présente, ne les épouvantait
guère, et que celui qui était préposé pour faire tirer le sort,
craignait ce moment comme le plus critique de toute son
opération. Il les faisait sortir de sa cour qui n'était pas
assez spacieuse pour les contenir, afin de les arranger dans la
rue, en les traitant d'amis, tandis que ceux des autres
communautés n'étaient regardés que comme de petits garçons
(138). »
Ce fut souvent, aussi, dans un extrême désordre que les
miliciens quittèrent le lieu d'assemblée. Quels sentiments
devaient animer ces hommes, souvent mal vêtus, déjà maltraités,
et qu'une coupable incurie laissa même sans abri. A Nancy, en
mai 1744, on donne aux nouveaux conscrits les uniformes usés de
leurs camarades incorporés dans le régiment de Royal-Lorraine.
Sans billets de logement, près de-2000 garçons restent, pendant
deux et trois nuits, « sur le pavé (139) ». L'année suivante,
les vieux effets remis aux hommes de remplacement se trouvent en
si minable état, que d'aucuns, refusant de s'en affubler, « les
ont laissés par terre (140) ». A Saint-Nicolas, le 10 mars 1746,
une foule immense et la pluie battante ajoutent à la confusion;
le pointage devient impossible. On ne peut être fixé sur le
nombre de miliciens mis en marche qu'à en juger par les
équipements délivrés. Les malheureux s'en vont grelottant,
couverts d'une simple veste (141).
Tout miliciable absent de sa communauté, sans motif légitime, au
moment du tirage au sort, était réputé fuyard. Devait être
pareillement rangé dans cette catégorie, quiconque avait réussi
à s'affranchir par le mensonge, ou continuait à profiter d'une
dispense que rien ne motivait plus. En 1755, la subdélégation de
Villers-la-Montagne qui doit fournir 9 soldats, a jusqu'à 12
fuyards. A la levée d'automne de 1758, la subdélégation de
Lunéville en compte 27 (142).
Le fuyard était de droit milicien et contraint de servir à la
place de celui qui parvenait à s'en emparer. Quand un milicien
avait conduit, de gré ou de force, un de ces réfractaires devant
le subdélégué, on dressait ce qui s'appelait le procès-verbal de
constitution de fuyard. Mais la mutation qui s'ensuivait, avait
lieu aux risques et périls du bénéficiaire :« Je viens
d'apprendre que le nommé Jean Louis, fuyard de Dominique Vehert,
milicien de Fontenoy, a été tué à l'armée. Comme ce milicien est
responsable du service de son fuyard, vous aurez agréable de lui
ordonner de se rendre à la première assemblée, prêt à joindre
son régiment. (143) » Cette faculté de substitution avait des
conséquences déplorables, dans les campagnes surtout, où déjà le
régime des exemptions suscitait les rivalités et attisait les
haines. Les articles du 26 janvier 1755 ne prévoyaient que le
labourage au moyen de chevaux. Or, dans certains cantons de la
Province, les boeufs travaillaient aux champs. Leurs
propriétaires prétendaient n'être pas moins favorisés. Mais ceux
qui n'attelaient que les chevaux, réclamaient l'application
textuelle de l'ordonnance, craignant que cette extension
n'amoindrît leur privilège. Avant que l'Intendant n'eût tranché
le débat dans son sens le plus large, les agriculteurs du
Schambourg se séparèrent soudain en deux camps rivaux (144). Que
devait être, dès lors, la lutte entre miliciens et fuyards, on
le devine sans peine. Autant les familles qui n'avaient pas de
membres astreints au tirage, protégeaient et servaient les
miliciables en quête d'une tromperie, ou la population d'une
paroisse se solidarisait pour une fraude commune, autant, quand
il s'agissait d'un réfractaire isolé, l'amitié se taisait, la
pitié devenait un mythe. Le plus ignorant discute sciemment des
cas d'exemption; un rustre ergote sur des vétilles. On raille ce
malade; on confond cet infirme. On interroge, on épie, on prend
acte des moindres faits de la vie journalière. Le voisin devient
un ennemi, les parents eux-mêmes sont à craindre. C'est le règne
de la méfiance, le .triomphe de la délation. Tel est dénoncé
qui, exempté en sa qualité de valet, a quitté son maître avant
l'année révolue. Malheur au fugitif qui reparaît en cachette au
foyer ! En 1752, les garçons de Saint-Supplet attirent
l'attention du subdélégué sur deux jeunes gens qui n'ont pas
comparu, « sous prétexte qu'ils étudient chez le vicaire, qui
tient des écoliers ». Le curé et le vicaire envoient une
attestation en règle. Non, répliquent les opposants, ce sont des
fuyards; on les a aperçus, l'été dernier, occupés aux moissons
(145).
Il était interdit aux établissements religieux et aux
particuliers de donner asile, avant le tirage, à des miliciables,
et, après une levée, à des miliciens, sous peine de 500 livres
d'amende pour chaque contravention, sans aucune remise (146). Le
fuyard reconnu est une pauvre bête traquée, qu'on poursuit sans
répit par les champs et par les bois. En 1758, les habitants de
Bar-le-Duc supplient l'intendant de faciliter aux pères et mères
la capture des fuyards (147). Pour traîner devant le subdélégué
un compatriote, un camarade, soupçonné de n'être pas en règle,
le milicien use tour à tour de promesses ou de violence; il
persuade ou terrorise sa victime; il mettra au besoin la
maréchaussée, que la loi lui permet de réquisitionner, à ses
trousses. Devenant un vil racoleur, il achètera ou grisera
l'infortuné.
Ces scènes pitoyables se fussent davantage multipliées, si la
libération du délateur n'était pas restée subordonnée au service
intégral du fuyard; s'il ne lui avait fallu courir, à la
prochaine levée, les hasards d'un nouveau tirage ; et, enfin,
prendre à sa charge les frais d'arrestation. Sans fortune,
incertains du lendemain, beaucoup de miliciens se taisaient
donc, moins par générosité que par découragement. Ainsi
s'explique le succès relatif des infirmités passagères, la
fréquence des émigrations abrégées sans danger. A ces heures
néfastes où le sens moral succombait, il y eut aussi d'obscurs
sacrifices. Depuis cinq ans, les hommes mariés ne tiraient plus
au sort, quand, en 1756, ils furent à nouveau convoqués, vu
l'insuffisance de garçons.
Il s'agit de sauver des chefs de famille. Nombre de réfractaires
reparaissent. Touchant dévouement, il y eut même, de temps à
autre, des substitutions de fuyards frauduleuses.
Les commissaires départis, qui décidaient sans appel en matière
d'exemptions, dressaient également la liste définitive des
fuyards et fixaient les punitions selon la gravité des fautes.
Toute la charge de cette branche de l'administration reposait de
la sorte sur eux. Il n'est pas d'attributions où l'Intendant de
Lorraine eut à déployer, de 1741 à 1758, plus d'activité et
d'énergie. En cette tâche ingrate, La Galaizière fit preuve d'un
esprit supérieur. Qu'il s'agisse du bon ordre d'une assemblée,
du choix des fournitures, ou de l'examen d'un placet, il tient à
tout vérifier par soi-même. Le dépouillement de l'énorme
correspondance relative à la milice, qui parvient clans ses
bureaux, est lui seul un labeur. On y remarque des lettres de
tout genre : billets de grands personnages, requêtes de hauts
ecclésiastiques qui patronnent un miliciable, missives très
humbles adressées à Monseigneur par des parents en larmes. Des
mères, des épouses supplient l'lntendant de se laisser
attendrir. Elles prieront, ajoutent-elles, pour la santé de Sa
Grandeur. Des jeunes hommes exposent des cas de réforme. Ceux-ci
développent une situation particulière et non encore prévue. La
Galaizière a pris personnellement connaissance du moindre de ces
papiers. Les simples mentions : exempté, déchargé, débouté, plus
souvent des considérants détaillés, indiquent que tous ont été
lus consciencieusement. Certains arrêts semblent durs; il ne
s'en trouve guère d'arrachés par sollicitation. Sous le sévère
coup d'œil du chef, « la faveur, les bons diners et les petits
cadeaux » n'obtenaient pas tout, et le pouvoir des subdélégués
n'était pas « possédé sans partage et exercé sans contrôle (148)
». Si ces agents, moins éclairés ou plus sensibles à de bas
arguments, ont pu, à certains moments, tromper sa confiance, sa
responsabilité n'en saurait être atteinte. Le subdélégué de
Bar-le-Duc, par exemple, souffre, en octobre 1758, des
irrégularités dans le tirage au sort. Il a désigné le fils de
son boulanger pour établir le rôle des miliciables d'un
quartier; exempté, sans autre raison, le fils du dépositaire des
clefs d'un magasin communal et un individu qu'accidentellement
il envoya porter des ordres dans un village. Sur plus de 100
miliciables, il n'y en a eu que 70 d'inscrits, et, comme les
intéressés murmuraient, la maréchaussée a frappé « à grands
coups sur eux ». Le dossier de cette affaire, transmis à
l'Intendance, nous atteste que les illégalités signalées étaient
toujours suivies d'une réparation (149). En ces questions où
l'arbitraire est flagrant pour la plupart des provinces, La
Galaizière ne cède ni aux sollicitations, ni à la brigue.
Maintes fois, les plus chaudes recommandations du roi de Pologne
lui-même demeurent lettre morte pour l'austère administrateur.
Ce n'est pas le terrible chancelier de Stanislas qui épuisa
d'hommes les Duchés. Avant le prince insouciant, il éleva la
voix en faveur du pays. N'étant pas entendu, il lui procure
l'allégement de l'ordonnance de 1755; et, plus pitoyable que
plusieurs de ses subdélégués, consent volontiers a cette
occasion des fraudes, si du moins l'agriculture est sauvée. Tout
reproche doit aller à l'institution même de la milice, source
d'abus et d'injustices, aux ministres de Louis XV, surtout, dont
les demandes inconsidérées marquaient la ruine d'une province
qui, à s'en tenir aux strictes clauses des traités, n'était pas
encore française.
CHAPITRE IV
Le contingent fourni par les Duchés est proportionnellement
supérieur à celui des autres provinces. - Le service de
garnison. - La milice lorraine aux armées. - Les pertes. -
Profond épuisement du pays.
Les chiffres cités plus haut ont laissé
entrevoir l'importance du contingent levé dans les Duchés, au
cours des dix-sept années que l'on tira au sort sous le règne de
Stanislas. Pendant la guerre de la Succession d'Autriche, plus
de 13 200 hommes furent mobilisés. Ce total est minimum. Il
manque à notre addition les remplacements individuels des hommes
morts ou en fuite, imposés aux paroisses responsables, dans
l'intervalle des tirages (150). En 1748, le pays avait sur pied
9 740 miliciens (151), alors que l'effectif était de 79 520
hommes pour la totalité de la milice assemblée par Louis XV
(152). La quote-part était donc de plus du huitième, et, à juste
titre, Durival pouvait écrire : « Aucune province de son royaume
n'en avait tant fourni (153). » Pour la guerre de Sept ans, la
proportion est moindre. Du début de 1757 à la fin d'octobre
1758, 6 034 miliciens sont réclamés à la Lorraine lors des
levées générales (154).
On a, depuis, exagéré ces chiffres, assez éloquents pour qu'on
ne les force pas. Ce qu'il est vrai d'ajouter, c'est que ces
quelque 20 000 hommes ne donnent qu'une idée imparfaite de la
contribution des Duchés au cours des hostilités avec l'Autriche
et la Prusse. Il faut mettre en ligne de compte, à partir de
1759, les recrues provinciales. On ne saurait oublier les
enrôlés soi-disant volontaires, beaucoup engagés par surprise ou
dans une heure de découragement ; ni même ces miliciables que la
peur jetait par bandes aux frontières. La Cour souveraine
l'affirme: « Quoique par les ordonnances de 1741 et 1743 il ne
paraisse que cinq mille quatre cents hommes de milices levés
dans la Lorraine et le Barrois, on peut assurer que cette levée
en a fait sortir plus du triple et du quadruple des deux
provinces, parce qu'il est certain que la crainte du tirage en a
déterminé un grand nombre à s'enrôler volontairement et des
milliers à passer en pays étranger (155). » La paroisse de
Laneuveville-aux-Bois, qui se compose de 90 feux, a plus de 20
garçons sous les drapeaux (156). En 1757, le subdélégué de
Sarreguemines parle d'une communauté de son ressort qui a fourni
aux armées 150 soldats (157). Fraisnes-en-Saintois, au bailliage
de Vézelise, compta simultanément 40 garçons entrés, de gré ou
de force, au service du roi. Les filles ayant été obligées de
les remplacer aux plus dures besognes, il en meurt 15 dans une
année (158). Déjà, au printemps de 1744, ç'avait été à Nancy,
selon le libraire Nicolas, « un véritable brigandage de voir une
foule de soldats battre la caisse dans les deux villes, pour
engager toutes sortes de jeunes gens, même de famille (159) ». A
la levée d'automne de 1758, le subdélégué reconnaît qu'il n'y a
plus rien à attendre de la capitale, en raison « des enrôlements
prodigieux qui s'y sont faits, tous les clercs s'étant faits
gendarmes (160) ».
Sur ces hommes, combien furent à jamais perdus pour leur sol
natal ? Il serait difficile d'établir un bilan, fût-il
approximatif. En ce qui concerne les seuls miliciens, on a du
moins quelques données. La preuve se trouve dans les
statistiques officielles, que la plupart tombèrent sur les
champs de bataille, périrent dans les prisons ou les hôpitaux.
Pendant la guerre de la Succession d'Autriche, les bataillons de
milice proprement dite restent affectés aux garnisons ou aux
forteresses des frontières et des côtes. Nous ayons vu, dès leur
création, les trois régiments lorrains partir pour Landau, où
Croix séjournait encore en septembre 1743, pour Calais et pour
Givet. En mai 1745, Montureux est à Saint-Esprit; les bataillons
de Polignac sont à Bergues, à Calais et à Dunkerque; ceux de
Ligniville à Valenciennes et à Lille (161). Mais à dater de
cette année, les grenadiers royaux, détachés des compagnies de
fusiliers, prennent une part active aux opérations. Ils
assistent aux sièges d'Anvers et de Namur, à l'affaire de
Raucoux, à la prise de Berg-op-Zoom. Lors de la guerre de Sept
ans, où ces mêmes grenadiers royaux furent envoyés à Minorque,
des fusiliers lorrains sont, selon le nouveau système en
vigueur, organisés en bataillons de campagne. Le régiment de
Montureux concourt à remplacer les troupes réglées prélevées sur
les forces de Clermont au profit de celles de Soubise. A
l'automne de 1758, tandis que Polignac est en Dauphiné, nous le
rencontrons à Wesel, où il se trouve encore un an plus tard. En
1760, le bataillon de Sarreguemines, sous les ordres de
Castries, est à Meurs, préposé à la garde des équipages, le jour
du combat de Clostercamp. En 1761, c'est un des onze bataillons
de milice figurant à l'armée du Bas-Rhin, et un des quatre
attachés à l'état-major. A la fin de cette campagne, le
bataillon de Nancy compte encore 460 hommes vivants, sur un
effectif de 720; mais de ceux-là presque tous sont blessés et
prisonniers. En mars 1761, 22 seulement rentrent dans leurs
villages (162).
Royal-Lorraine et Royal-Barrois marchèrent partout au premier
rang. En 1744, Royal-Lorraine est à l'armée du Rhin, sons les
ordres du duc de Coigny. Il renforce le corps qui couvre le
siège de Fribourg. Il hiverne dans les Villes Forestières, et,
au printemps suivant, on le voit à l'armée de Bavière, commandée
par Ségur; puis, sous Conti, à l'armée du Mein. De 1746 à 1748,
c'est à l'arme d'Italie qu'il se signale. D'abord immobilisé sur
le versant occidental des Alpes, dans le Dauphiné, en Provence,
il a son rôle au siège de Vintimille. Royal-Barrois, qui prend
rang immédiatement après Royal-Lorraine, est, en 1746, l'armée
de Flandre, à Charleroi, à Raucoux; puis il se rapproche
également des Alpes.
Après leur rétablissement de 1757, les deux régiments furent
encore moins ménagés. Dirigés tout d'abord sur l'armée de
Soubise, ils assistent au désastre de Rosbach, où ils facilitent
la retraite. Le 20 novembre, Durival consignait dans ses cahiers
: « On a nouvelle à Lunéville que le régiment Royal-Lorraine et
celui de Royal-Barrois se sont bien conduits à la suite de la
malheureuse affaire du 5, près de Weissenfels. Le premier était
à la droite de l'armée, à garder un pont sur la Sala, qu'il
brûla avant de le quitter, et fit la retraite sous les ordres de
M. de Saint-Germain. Royal-Barrois était de garde au parc de
l'artillerie, vit défiler l'artillerie et se mit en marche en
bon ordre à sa suite. Ce régiment n'arriva à Fribourg, à
quelques lieues de là, qu'à six heures du matin, le 6. Les
autres corps de l'armée de Soubise y étaient dès minuit. »
Royal-Barrois ne perdit qu'une vingtaine d'hommes, mais
Royal-Lorraine fut plus éprouvé (163). Blessé, son colonel, M.
de Rivray, fut pris et conduit à Berlin pour une longue
captivité (164). En 1758, les deux corps font partie de l'armée
du Bas-Rhin. Royal-Barrois fut à Crefeld (23 juin).
Royal-Lorraine et Royal-Barrois grossissent le détachement qui,
sous les ordres de Chevert, essaie en vain, le 5 août suivant,
de rompre, près de Emmerich, le pont des Hanovriens. Plus de 100
miliciens lorrains paient de leur vie cette tentative; une
soixantaine sont blessés ou prisonniers (165). Quand
Royal-Barrois est réformé, de ses 680 hommes il en reste à peine
300 !
Il serait injuste de ne pas accorder un souvenir au régiment des
Gardes de Lorraine, composé en majorité de volontaires, mais qui
comprit aussi, nous l'avons vu, des miliciens. Ce corps combat à
Plaisance (16 juin 1746), où il laisse 75 soldats tués et a 107
blessés. La journée du Tidon (10 août 1746) est pour lui plus
sanglante : 280 hommes manquent à l'appel, 187 sont blessés
(166). Retirés à Grasse après cette terrible campagne de 1746,
ses deux bataillons réunis ne se composent plus que de 361
hommes. Obligé, le 23 février 1758, de se battre à Hoya contre
un corps supérieur de Hanovriens et de Prussiens, le régiment,
de nouveau décimé, opposera la plus vigoureuse résistance (167).
Mais à quel prix, grand Dieu ! Des 600 hommes restés sous les
armes, 150 sont tués - un sur quatre; près de 260, faits
prisonniers. Assiégée dans Minden, enfin, avant qu'il soit un
mois, une ample partie de ce glorieux débris 138 hommes et 17
officiers - doit déposer les armes pour être transférée dans les
casemates de Hanovre (168).
De telles saignées devaient infailliblement amener une prompte
anémie. A la levée de 1746, il s'en fallait déjà de 77 miliciens
que la quotité demandée fût atteinte (169). Une seconde
répartition avait été nécessaire. Après Aix-la-Chapelle, alors
qu'il ne s'agit plus que d'effectuer les remplacements dans six
bataillons, les subdélégués ont grand'peine à y parvenir. « Je
suis persuade que des 22 miliciens que j'ai à tirer dans ma
subdélégation, il ne s'en trouvera pas 12 », écrit, en 1751,
celui de Pont-à-Mousson (170). Partout, il est indispensable de
modifier, de remanier les états dressés à l'Intendance. Les
procès-verbaux dits d'insuffisance, de déficit, de surséance, se
multiplient. En 1755, dans la subdélégation de Bourmont, il ne
se trouve que 9 miliciens sur les 17 voulus (171). L'ordonnance
du 26 janvier de cette année accrut la difficulté d'alimenter la
milice. Mais que fussent devenues les campagnes sans cette
mesure salutaire ? « Le dévastement des garçons avait été si
grand, que sans les bontés qu'a eues Votre Excellence
d'affranchir un fils et un domestique aux laboureurs, il n'en
serait point resté du tout », déclare à La Galaizière son
subdélégué de Sarreguemines (172). On a vu les fils de
marchands, les manoeuvres, se mettre à couvert du sort en louant
leurs services aux cultivateurs. En dépit du privilège consenti,
les aides ruraux eux-mêmes finissent par devenir rares. Le
subdélégué de Longuyon l'affirme : « J'ai remarqué, Monseigneur,
que beaucoup de laboureurs qui cependant ont droit d'exempter
par chaque charrue un enfant ou un domestique, en manquent et
sont obligés de prendre des Luxembourgeois à gros gages (173). »
Le témoignage peu suspect d'un autre contemporain est pins
saisissant : « On voyait à la suite de nos charrues des
vieillards, des femmes, des enfants (174). »
La guerre de Sept ans aggrava l'état de choses. Au printemps de
1757, et malgré deux tirages successifs, la subdélégation de
Darney, qui n'avait donné, en 1752, que 21 miliciens sur 27,
n'en fournit plus que 16 sur les 24 qui lui sont assignés (175)
. A Lunéville, portée pour 80 miliciens, on ne peut, le 1er
avril de la même année, en réunir que 28 (176).
Cependant une extrême tolérance est maintenant accordée aux
préposés, pour le choix de ces soldats. Le subdélégué de
Gondrecourt souligne l'opportunité de cette latitude : « J'ai vu
le temps où les hommes de ce pays-ci étaient grands, et ils sont
à présent aussi rares qu'ils y étaient autrefois communs.
J'avoue que les recrues enlèvent les plus beaux (177). » La
misère abâtardissait la race. En 1751, aucun des 12 miliciables
présentés par la communauté de Hampont n'a les qualités
physiques requises (178). C'est désormais un événement quand les
subdélégués envoient à l'assemblée des garçons bien constitués.
Ils insistent sur leur chance; pour un peu, ils en prendraient
vanité (179). Réduits aux expédients, la plupart. en arrivent à
une facilité ridicule. Leurs miliciens sont vraiment « de trop
mince figure » ; ils ne peuvent être incorporés. L'un d'eux, âgé
de trente ans et d'une taille très inférieure à la moyenne,
n'avait-il pas été accepté sous le puéril prétexte que
d'aventure il grandirait. Le subdélégué de Château-Salins hésite
à rejeter un homme attaqué de la teigne; il déclare milicien un
garçon qui a « la cheville du pied gauche dérangée de naissance
», sans doute un pied-bot. Deux fois l'estropié avait été
réformé; mais il est bon marcheur, assez mauvais sujet et -
considération décisive - il entretient la brouille dans sa
famille (180) ! Afin d'éviter ces incidents absurdes, La
Galaizière devra en revenir, pour les levées de 1758, à
l'application de l'ancienne règle. A ce moment, l'administration
donne pour son compte la chasse aux fuyards; et ces réfractaires
que l'Intendant faisait naguère incarcérer comme vagabonds,
quand des miliciens ne les représentaient pas, forment une
précieuse aubaine. Pour beaucoup de paroisses, en effet, ce
n'est plus l'insuffisance que l'on constate, mais la carence
absolue. « J'ai taillé, coupé et renoué autant qu'il m'a été
possible », écrit, le 2 février 1758, le subdélégué de
Neufchâteau, « sans que le succès que vous vous êtes proposé y
eût pleinement répondu : vous le verrez par les procès-verbaux
que je vous prie de faire examiner de près (181). » A l'automne,
le subdélégué de Nancy informe l'Intendant que, malgré tous ses
soins, son arrondissement ne lui a cc rendu que 153 hommes, en
sorte qu'il s'en manque 20 que l'état ne soit rempli. Il n'y a
plus rien à espérer à Nancy, il est épuisé de garçons (182).»
Ses collègues sont unanimes à reconnaître que trouver les quatre
miliciables réglementaires par milicien, est un problème
insoluble. Le prévôt de Sarralbe remarque que « l'étoffe fait
défaut ».
Les subdélégués de Bouzonville et de Bitche parlent de la «
disette des sujets ». Celui de Bar-le-Duc en déplore la «
pénurie ». Dix ans plus tôt, au dire de Durival, « l'espèce des
miliciables était devenue rare (183) ». Aujourd'hui, selon le
mol énergique du rapporteur de la Cour souveraine, c'est «
l'espèce d'homme » qui s'éteint (184).
Quand il y aura à rassembler en 1759 les recrues provinciales,
énergie du Commissaire départi, habileté de ses agents,
intimidations de la maréchaussée, ruses, promesses, n'aboutiront
donc qu'à de maigres résultats. La France se heurte à un
impossible. De janvier à octobre 1761, Lunéville envoie au dépôt
de Strasbourg 53 hommes; Nancy, 48; Epinal, 18; Saint-Mihiel,
16; Bar-le-Duc, 13 ; mais Neufchâteau et Pont-à-Mousson n'en ont
procuré que 2; Nomeny, un seul. Veut-on le secret de ce succès
relatif ? On a laissé de côté toutes les recommandations des
premières circulaires. Le prix des engagements, bientôt calculé
sur une moyenne de 50 livres, a été sans cesse élevé. Il y a,
suivant les semaines et les régions, un véritable cours des
recrues. Le taux peut redescendre à 30 livres; le plus souvent,
il est supérieur à 100 livres. Quatorze engagements, conclus à
Sarreguemines, coûtent chacun 126 livres. Telle recrue reçoit,
outre sa prime, la garantie de 72 livres par an. A Bouzonville,
un nommé Mathis Heitz, âgé de dix-neuf ans, ne s'est pas décidé
à moins de 324 livres. Des marchés immoraux sont suggérés. Un
homme se rachète moyennant deux hommes. Et, parmi ces recrues,
je vois que beaucoup ne sont pas dans les conditions prescrites.
Il en est de seize et de quarante ans « environ ». L'adverbe est
ici significatif. On a négligé la limite de la taille, fermé les
yeux sur des cas rédhibitoires évidents. 24 déserteurs, qui
profitent de l'amnistie accordée par l'ordonnance du 1er juillet
1761, sont enrôlés à Lunéville par le commissaire des guerres.
On admet les pires vauriens. On racole dans les prisons, on
s'assure des détenus à leur sortie. Cette mention : « On n'a pas
revu ce particulier depuis son engagement », est fréquente en
marge des listes. Sur 515 de ces singulières recrues, 36
s'enfuient et 32 doivent être réformées avant même d'avoir gagné
le quartier général. A la création du Régiment de Nancy, enfin,
quand le prix des engagements ne dut plus excéder les 30 livres
habituelles, pourboire non compris, harcelé par ses chefs,
l'Intendant est contraint, pour ne pas laisser vides les
casernes de Rosières, de mettre en cause l'avidité de tous les
gens malhonnêtes et d'augmenter progressivement le traitement de
ses recruteurs (185).
CHAPITRE V
La milice, de la mort de Stanislas à la Révolution. -
Rétablissement du tirage au sort. - Unification avec le système
français, puis transformations parallèles. - Régiments
provinciaux et bataillons de garnison. - Dernières
particularités propres à la Lorraine. - Conséquences durables
des premières exigences.
Par un fâcheux concours de circonstances,
fortuit.es et voulues, le règne nominal de Stanislas correspond
pour la milice, tout comme nous l'avions vu pour le second impôt
en nature, la corvée (186), à la période où le fardeau fut de
beaucoup le plus lourd.
Si le régiment de recrues de Nancy est supprimé en 1767 (187),
on a recommencé de tirer au sort quelques semaines à peine après
la mort du roi de Pologne. mais, pour la première fois,
l'ordonnance de Louis XV du 27 novembre 1765 qui rétablit la
milice et en décrète la levée prochaine, assimilant franchement
les Duchés aux autres provinces du Royaume, a effacé toute
distinction péjorative. A lire le début de son dispositif, on
dirait qu'un secret pressentiment avait averti le gouvernement
français qu'à l'heure où ces articles recevraient leur
application, le prince dont la vieillesse avancée prolongeait
une situation équivoque, le Duc-roi, ne serait plus. « Les 105
bataillons de milice des provinces et généralités du Royaume, y
compris les quatre des duchés de Lorraine et de Bar, et celui de
Paris » , composés chacun de 710 hommes, formeront désormais un
corps de 74 500 hommes. La milice lorraine, c'est-à-dire les
bataillons de Nancy, de Bar, d'Etain et de Sarreguemines,
marchant de pair avec celle des Évêchés, est classée la 18e.
Elle prend rang entre la milice de Bretagne et celle d' Artois.
Quant à ses compagnies d'élite, elles composeront, avec celles
des bataillons alsaciens et évêchois - Metz et Verdun,
Strasbourg et Colmar,- le 4e des 11 régiments français de
grenadiers royaux (188).
On sait qu'en 1771 le roi tint à donner à la milice une
constitution qui la rapprochât de son infanterie, et qu'une
désignation nouvelle fut substituée à un terme trop détesté. Les
104 bataillons alors existants sont groupés en 47 régiments
provinciaux (189); le milicien devient un soldat provincial.
Dans ce remaniement (190), les bataillons de Nancy et de
Sarreguemines forment le 34e régiment, ou provincial de Nancy
(191); ceux de Bar et d'Étain, le 35e, ou provincial de
Bar-le-Duc (192). Tous deux ont leur quartier d'assemblée et
leur centre d'exercices dans la capitale lorraine (193). Leurs
compagnies de grenadiers royaux, réunies à celles des
provinciaux de Colmar et de Verdun, composent, sous le nom de
grenadiers royaux de la Lorraine, le 8° des onze nouveaux
régiments d'élite (194).
Après quelques modifications dans leur classement (195), les
régiments provinciaux sont supprimés par l'ordonnance du 15
décembre 1776, ou plutôt ne sont plus convoqués (196). Mais, dès
le commencement de 1778, le ministre rétablit les troupes
provinciales, qu'il relie plus étroitement que du passé aux
troupes réglées (197). Assemblés à Nancy le 1er juin (198), les
quatre bataillons des régiments de Nancy et de Bar sont compris
parmi les 78 bataillons (199) qui, sous le titre de bataillons
de garnison, doivent être attachés aux régiments d'infanterie et
en porter le nom. Le bataillon de Nancy devient bataillon de
garnison du régiment d'Austrasie ; celui de Sarreguemines,
bataillon de garnison de Lorraine (200), celui de Bar-le-Duc est
affecté au régiment de Champagne, et celui d'Étain au régiment
de Barrois (201). Leurs quatre compagnies de grenadiers royaux,
jointes aux deux compagnies du régiment provincial de Sens
(202), aux: trois du régiment de Salins (203), et à celle du
premier bataillon de Clermont (204), continuent de donner leur
nom au régiment des grenadiers royaux de la Lorraine (205).
Jusqu'à la Révolution, il n'y aura plus dans cette organisation
que des changements de détail; jusqu'à la Révolution, également,
c'est au chiffre de 2 840 hommes, prescrit par l'ordonnance de
1765, que reste fixée la part contributive des anciens Duchés.
Pour dispenser cette charge le plus équitablement que possible,
La Galaizière fils inaugure, en 1766, le système des «
arrondissements de cantons », moins étroit que celui des petits
groupements de communautés. La subdélégation de Nancy, par
exemple, est divisée en onze circonscriptions: ville de Nancy,
ville de Saint-Nicolas, cantons de Malzéville, d'Essey, de
Varangéville, de Bouxières-aux-Chênes, de Faulx, de Flavigny, de
Gondreville, de Lupcourt et de Pont-Saint- Vincent (206). Plus
d'initiative est bientôt laissée aux subdélégués. A partir de
1769, ils peuvent combiner, comme ils le jugent préférable, le
fractionne ment du contingent attribué à leur ressort (207). La
supériorité de ce mécanisme est évidente, surtout si l’on songe
qu'à la même époque les simples groupements de paroisses
n'étaient même pas pratiqués dans la plupart des généralités, et
qu'ils ne furent rendus obligatoires que par l'ordonnance du 19
octobre 1779.
Au point de vue pécuniaire, la Lorraine ne subvient plus qu'aux
frais de petit équipement de ses miliciens et à l'indemnité due
au préposé au tirage (208). Et encore, en manière de
soulagement, les sommes nécessaires sont-elles volontiers
réparties, non plus d'après le nombre d'hommes fournis par une
paroisse, mais entre toutes les communautés d'une subdélégation,
et sur le pied de l'imposition des Ponts et Chaussées.
Dès le rétablissement de la milice, le minimum d'âge a été
reculé à dix-huit ans (209). A dé faut de garçons ou de veufs
sans enfants, on n'appelle plus que les hommes mariés n'ayant
pas dépassé vingt ans; et l'on s'adresse de préférence à ceux
qui n'ont pas d'enfants. Après 1773, les hommes mariés et les
veufs pères de famille ne sont plus inquiétés dans aucun cas.
Les anciennes. villes privilégiées participent au sort, sans
faveurs temporaires. Quant au vice des exemptions personnelles,
inhérent à l'institution, il devait fatalement se perpétuer avec
elle. Pour la majorité des provinces, l'article XXIV de
l'ordonnance de novembre 1765, premier essai sérieux de
codification, barrière derrière laquelle les intendants,
assaillis par le flot des prétentions particulières, purent
enfin se retrancher, constitua un réel progrès. Pour la Lorraine
que le Chancelier avait dotée d'une législation plus parfaite,
il y a véritablement recul. L'agriculture y perd. La dispense
accordée, en 1755, par La Galaizière, à un fils ou un valet de
laboureur, pour toute charrue supplémentaire, n'est-elle pas
passée sous silence ? Cette oeuvre est loin d'ailleurs d'être
suffisamment mûrie, et les intendants restent maitres de
l'interpréter et d'en étendre les dispositions suivant les
besoins des pays qu'ils administrent. Dans les encouragements à
donner à l'industrie, il y a une question d'espèce. Aussi
scrupuleux que son père, La Galaizière fils étudie la situation
de chaque fabrique et mesure les privilèges à la sollicitude
dont elle est digne. C'est ainsi qu'il exemple un principal
commis et un principal ouvrier, au choix, dans les faïenceries
de Lunéville et de Rambervillers (210); mais, en plus de
ceux-ci, dans la manufacture de tissus fondée pour les pauvres à
Lunéville, les maîtres teinturier, drapier, apprêteur, tondeur,
démêleur, fileur et cordier, un ouvrier teinturier, le boulanger
et le maître d'école (211). Il multiplie les instructions à ses
subdélégués, élucide les points obscurs. Les domestiques des
officiers des maîtrises doivent être exempts tout comme ceux des
officiers des justices royales ou des finances, mais non ceux
des justices seigneuriales; les garçons chirurgiens de l'hôpital
militaire, mais non les élèves des chirurgiens particuliers, à
moins qu'ils n'aient suivi les cours d'une école publique
pendant. deux ans (212). Puis, pour plus de clarté, le
consciencieux fonctionnaire signe par provision, le 20 février
1767, une ordonnance en quatre-vingt-dix-huit articles, qui,
davantage encore, écarte l'arbitraire. Louis XV approuva ce
texte, qui est officiellement promulgué un an plus tard (213).
En octobre 1773, une nouvelle liste limitative est dressée pour
toute l'étendue du Royaume (214), mais dont l'application est
éphémère, puisque l'ordonnance du 1er décembre 1774 revient,
sous une forme plus précise, à la législation de 1765 (215). Le
Gouvernement s'est réservé, en ce qui concerne l'agriculture,
l'industrie et le commerce, de statuer spécialement pour chaque
généralité. Dans les anciens Duchés, il n'y avait qu'à
s'inspirer des travaux sur lesquels, par trois fois, les La
Galaizière avaient porté leur attention. Le 14 janvier 1775, est
arrêté à Versailles, en vingt-quatre articles, un « état des
exemptions particulières du tirage au sort pour les régiments
provinciaux, accordées par le Roi aux provinces de Lorraine et
Barrois, eu égard aux circonstances locales (216) » . Ce fut le
terme d'une longue et progressive élaboration.
La durée du service, abaissée à cinq ans pour le milicien
français, a été de nouveau portée à six années en 1766. Mais
nous avons vu que le milicien lorrain n'avait en rien profité de
la réduction de 1748. La guerre de Sept ans a du reste été la
dernière où ces soldats furent employés. Le contingent demeurant
identique, il ne s'agit plus que de remplacements par sixième
(217). On a recommencé à lever des hommes, mais ils ne sont plus
réunis jusqu'à la création des régiments provinciaux, pour
lesquels les exercices annuels sont de neuf ou douze jours.
L'ordonnance de 1775 supprime cette formation périodique
elle-même, et l'assemblée exceptionnelle de 1778 a pour unique
but de constater un rétablissement tout théorique. Seules, les
compagnies de grenadiers royaux sont encore convoquées chaque
été, et retenues un mois durant (218).
La Lorraine, toutefois, avait été si profondément anémiée que,
longtemps encore, l'intendant n'obtint qu'avec de grandes
difficultés les miliciens de remplacement. En avril 1766, le
subdélégué de Nancy est obligé de recourir à des soldats
congédiés comptant jusqu'à quinze ans de service (219). Le
Commissaire départi se voit dans l'impossibilité d'exempter les
fils aînés de parents ayant dix enfants et plus (220). En 1769,
la ville de Bar-le-Duc n'a que 12 miliciables pour 15 miliciens
demandés; et, dans la même subdélégation, le canton de
Longeville n'offre pas un seul miliciable (221).. La race n'a pu
se régénérer; le nombre des rejetés est énorme (222).
Le cauchemar du billet noir affole toujours à ce point les
esprits, que, sous un autre nom et n'existant plus guère que sur
le papier, la milice continue de provoquer des fraudes, de
soulever des révoltes (223) et de disperser des fuyards (224).
C'est quand à nouveau l'orage gronde au dehors, quand il y a
imminence d'une guerre avec l'Autriche, que l'Assemblée
constituante, jugeant suffisamment pourvoir aux nécessités de la
défense nationale par une levée de volontaires, prononce, le 4
mars 1791, l'abolition des milices provinciales. Le service
militaire obligatoire ne tardera pas, sans doute, à être
rétabli. Mais, quel que soit désormais le mode d'appel,
réquisition, conscription, les Lorrains, partout et entre tous,
vont se distinguer par ces belles qualités d'endurance et de
bravoure que les moins avertis leur devinaient déjà au temps de
Stanislas. Et voici que tel de ces fils d'artisans ou d'humbles
campagnards, qui, entré à regret dans la milice, serait, après
six ans, revenu simple soldat dans son village, communiquant à
ses camarades le dégoût d'une arme pour laquelle les officiers
eux-mêmes ne dissimulaient pas leur mépris, atteindra
brillamment aux plus hauts grades et inscrira son nom dans
l'épopée française.
PRINCIPALES SOURCES
Archives historiques du Ministère de la
Guerre.
Administration militaire, reg. nos 2859 et sq. - CHAPUY, Guerres
de Louis XI V et de Louis XV, vol. ms. in-fol.
La Collection des ordonnances militaires depuis 1112 jusqu'à
1801, formée par le marquis DE SAUGEN et conservée en 77 volumes
à la Bibliothèque du Ministère de la Guerre; vol. 42 et sq. -
Toutes les ordonnances et circulaires que nous aurons l'occasion
de citer, figurent dans cette collection, d'une importance
exceptionnelle. Nous n'y renvoyons expressément que pour les
pièces manuscrites. D'autre part, quand un acte figure au
Recueil des ordonnances de Lorraine, c'est ce dernier répertoire
que nous citons.
Archives départementales de Meurthe-et-Moselle. - Fonds de
l'Intendance, C, 231 290.- Archives départementales de la Meuse,
C, 29-31.
Divers passages du tome 1er de la Description de la Lorraine et
du Barrois (1778) de Nicolas DURIVAL, fournissent des
renseignements utiles; mais c'est surtout au Journal manuscrit
du même auteur, conservé à la Bibliothèque publique de Nancy
sous le no 863 (1310-1323 du Catalogue général), que l'on trouve
de nombreux et minutieux détails. Attaché dès 1737 la personne
de La Galaizière, en tant que secrétaire, N. Durival accompagna
le Chancelier-intendant dans tous ses déplacements, lors des
assemblées des bataillons de milice; lieutenant général de
police de Nancy, et, par suite, subdélégué de cette ville, de
1760 à 1769, il eut y préparer et y présida les opérations du
tirage au sort. Son témoignage est de premier ordre.
Nous nous sommes appliqué à mettre avant tout en relief les
particularités locales. En ce qui concerne l'organisation
générale des milices du Royaume, nous ne saurions mieux faire
que de renvoyer, une fois pour toutes, au livre si consciencieux
et si documenté de J. GEBELIN: Histoire des milices provinciales
(1688-1791). Le Tirage au Sort sous l'Ancien Régime. Paris,
1882, in-8°.
Les travaux bien connus des généraux SUSANE, PAJOL et VANSON ont
été consultés. Nous nous y reportons de temps à autre, et c'est
sciemment que, parfois, nous nous trouvons en contradiction avec
ces auteurs.
(1). Voir à la fin du travail l'indication des
principales sources.
(2). Description de la Lorraine et du Barrois, I, 337.
(3). Et non du 20 mars, comme le dit DURIVAL, 0p. cit., I, 172.
(4). Ces compagnies d'invalides, - maréchaux des logis, sergents
et gendarmes, - glorieux débris des guerres du grand Roi,
étaient arrivées à Lunéville le 6 septembre 1737. C'était celles
d'Autane, de Moret - plus tard compagnie de Larzillière, - et de
la Vassorie - plus tard, de Bruchet. Elles avaient été formées
spécialement pour la garde à pied du roi de Pologne, par
ordonnance du 20 mars précédent, à 100 hommes chacune, sous le
commandement de Jean-Baptiste de Marin, comte de Moncan, colonel
réformé d'infanterie; l'aide-major chargé du détail était le
capitaine d'Autane. La compagnie comprenait : 1 capitaine, 3
lieutenants, 4 sergents, 4 caporaux, 4 anspessades, et 88
fusiliers, dont 2 tambours. Une seconde ordonnance, du 26 mars,
avait réglé le traitement à 3 livres par jour pour les
capitaines, 30 sols pour les lieutenants, 12 pour les sergents,
9 pour les caporaux, 8 pour les anspessades, 7 pour les
fusiliers et tambours. La constitution définitive eut lieu à
Bar-le-Duc. Une ordonnance signée à Fontainebleau, le 31 octobre
1738, augmenta chaque compagnie de 40 hommes; ce fut dès lors :
6 sergents, 6 caporaux, 6 anspessades, et 122 fusiliers, dont 4
tambours. On sait que ces invalides portaient l'habit bleu avec
parements et doublure rouges ; la veste, la culotte et les bas
étaient blancs; les boutons d'étain. (Collection Saugeon, vol.
42, pièces 26, 27 et 71.)- Cf. et rectifier A. BENOIT, La
première garnison française à Lunéville, dans Lunéville et ses
environs. Lunéville, s.d., in-8; pp. 45 et sq.
(5). C'est ce que porte un mémoire du 14 février 1740, soumis à
Louis XV. - Lettre de La Galaizière au marquis de Breteuil, 25
février 1740.
(6). Le véritable titre sous lequel ce régiment fut créé est
Gardes de Lorraine. Mais l'usage lui substitua peu à peu, par
analogie avec les Gardes françaises, celui de Gardes lorraines,
qui finit par figurer dans les documents officiels eux-mêmes.
L'ordonnance du 6 avril 1740 avait établi ce corps à un seul
bataillon de 17 compagnies de 30 hommes, dont une de grenadiers,
et avec prévôté. Le cadre comprenait : 17 capitaines, 17
lieutenants, 2 enseignes, 2 lieutenants en second, 1 major et 1
aide-major- L'ordonnance du 15 mai suivant, signée à Marly,
porte règlement sur le traitement- Le régiment fut formé à
Saint-Nicolas, et l'on commença à habiller les hommes en janvier
1741. Le 8 mars, le maréchal ile Belle-Isle les passe en revue à
la Malgrange. Gardes de Lorraine était entièrement sur le pied
des autres régiments d'infanterie française; aussi l'ordonnance
du 15 mai 1741, augmentant ceux-ci de 40 hommes par compagnie de
fusiliers et de 45 par compagnie de grenadiers, lui fut-elle
appliquée. En 1744 (ord. du 20 mars), le régiment fut porté à
deux bataillons par l'annexion de celui de Perche, de même
effectif. Le colonel de ce dernier, M. de Livry, était disposé à
quitter le service. Stanislas lui remboursa le prix de son
régiment et dépensa pour cette union 40 000 livres. Gardes
lorraines prit alors le rang de Perche, qui comptait de longs
états de service et tirait son origine du régiment piémontais de
Carignan, créé en 1644. Une ordonnance datée de Metz, 1er
septembre 1744, conserve l'état-major des Gardes de Lorraine,
supprime celui de Perche et donne le drapeau blanc à la
compagnie colonelle du plus ancien régiment. La jonction des
deux bataillons se fil à Aix-en-Provence, durant l'hiver.
L'ordonnance du 10 décembre 1747 prescrira la levée d'un
troisième bataillon, supprimé d'ailleurs dès 24 décembre 1748.
L'uniforme fut d'abord jaune à parements noirs, couleurs de la
maison de Stanislas. En 1755, cc fut le justaucorps bleu, avec
veste, culotte et doublure blanches, puis également bleues en
1759, et à nouveau blanches après 1762. Les tambours restèrent à
la livrée du roi de Pologne. Le drapeau d'ordonnance, portant
une croix blanche, montrait deux quartiers jaunes et deux
quartiers noirs opposés, une couronne ducale au centre de la
croix et cinq alérions noirs dans chaque branche.
Le prince de Beauvau fut le premier colonel des Gardes
lorraines. Il démissionna en 1760, et sa charge fut donnée, le
14 septembre, à son neveu par alliance Louis-Bruno de Boisgelin,
comte de Cucé. Stanislas avait tenu à ce que le comte de Moncan,
commandant ses compagnies d'invalides, fût colonel en second.
Cet officier se retira en 1746 et fut remplacé par le chevalier
de Beauvau, frère du prince. Le chevalier quitta à son tour le
service, la même année que son aîné. Parmi les officiers du
régiment à sa formation, il faut signaler deux des frères du
chancelier- intendant La Galaizière, tous deux précédemment
capitaines au régiment d'infanterie d'Enghien : François- Albert
de Chaumont Mareil, fait lieutenant-colonel, et qui devint
colonel de Royal-Lorraine en 1744; Philippe de Chaumont de
Rivray, nommé capitaine des grenadiers, et qui sera, lui aussi,
colonel de Royal-Lorraine, au rétablissement de ce régiment en
1757. Ajoutons que Saint-Lambert, l'auteur des Saisons, servit
aux Gardes lorraines en qualité de lieutenant, puis de
capitaine.
A la mort de Stanislas, le régiment perdit ses privilèges, son
uniforme et son nom. L'ordonnance du 28 mars 1766 le classe à
son rang dans l'infanterie, sous le titre de Lorraine, porté
antérieurement par un autre corps. Après des garnisons
successives, presque toutes loin de la province que rappelait sa
dénomination, il était, en 1791, à Bayeux, lorsqu'il devint
simplement le 47e régiment d'infanterie.
Pour d'autres détails on peut voir : Général SUSANE, Histoire de
l'infanterie française. Paris, 1876, 5 vol. in-18; IV, pp. 126-
134. - Général PAJOL, Les Guerres sous Louis XV. Paris,
1881-1891, 7 vol. in-8°; VII, pp. 139-141.- Général VANSON,
L'Infanterie lorraine sous Louis XV. I. Régiment des Gardes
lorraines [seule partie parue]. Paris, 1896, in-8°; tirage à
part du Carnet de la Sabretache. - En ce qui concerne
l'uniforme, on trouvera, en tête du travail précité du général
Vanson, la reproduction d'un tableau représentant deux officiers
des Gardes lorraines vers 1762. - Henry GANIER Costumes des
régiments et des milices recrutés dans les anciennes provinces
d'Alsace et de la Sarre ... et le duché de Lorraine, pendant les
XVIIe et XVIIIe siècles. Épinal, 1882, in-fol.; pl. XII, fig. 2,
aquarelle représentant le porte-drapeau et le drapeau
d'ordonnance. Pour ce qui est des milices lorraines, ne
consulter cet ouvrage qu'avec une extrême réserve.
(7). Malgré l'aridité de cette nomenclature, il est intéressant
de mentionner, autant que les documents le permettent, les
séjours à Lunéville et les absences loin de la résidence ducale,
du bataillon des Gardes lorraines affecté à la personne de
Stanislas. On verra combien peu les intentions du Duc-roi furent
remplies, et l'on pourra ainsi retrouver quelle sorte de garde à
pied eut alternativement le prince.
Les bas officiers reprirent leur service au château dès
l'automne de 1742, tandis que les Gardes lorraines allaient
hiverner et s'exercer à Strasbourg, avant de passer pour la
première fois le Rhin le 20 mai 1743. Ce régiment rentre à
Lunéville le 31 octobre, et relève les invalides le 2 novembre.
Mais il en repart le 10 avril 1744 pour l'Italie, et ce n'est,
cette fois, que le 1er janvier 1749 que deux détachements, de
120 hommes chacun, viendront relever les compagnies d'Autane, de
Larzillière et de Bruchet, envoyées le lendemain, les deux
premières à Arras, la troisième au fort du Griffon, près de
Besançon. - 11 novembre 1749. Le 1er bataillon des Gardes
lorraines arrive à Lunéville ; le 2e à Metz. - 6 septembre 1750.
Le 2e bataillon vient de Metz à Lunéville ; le 1er part le 7
pour Metz. - 8 novembre 1750. Le 2e bataillon part de Lunéville
pour Montmédy, où le 1er se rend également. On ne laisse pour la
garde de Stanislas que 150 hommes tirés de ces deux bataillons.
- Lors de la guerre de Sept ans, ce faible continuent lui-même
est rappelé et part, le 5 mars 1757, pour rejoindre à Metz le
régiment, affecté à l'armée du Bas-Rhin. La veille, quatre
compagnies de Royal-Roussillon sont venues le remplacer.
Relevées le 8 octobre 1758 par un détachement des Gardes de
Lorraine, celles-ci reparaissent au château le 18 mars 1759. Le
régiment lorrain est en marche vers la Normandie, où il se
distingue, l'année suivante, au bombardement du Havre par les
Anglais. Le 15 août 1759, on revoit à Lunéville les bas
officiers invalides, dont deux compagnies relèvent, ce même
jour, quatre nouvelles compagnies du 2e bataillon de
Royal-Roussillon. Ils restent auprès de Stanislas jusqu'au 1er
septembre 1763, époque où ils vont au fort Barraux (Dauphiné).
Rentrés dans les Duchés en 1762, après avoir encore servi en
Allemagne, les soldats du régiment des Gardes lorraines ont été,
en effet, envoyés en garnison à Bitche, et ce n'est que le 31
août 1763 que le 1er bataillon a rejoint Lunéville, tandis que
le 2e, affecté à la place de Metz, retourne presque aussitôt à
Bitche. Enfin, en novembre 1764, le régiment tout entier est
réuni à Lunéville; les bataillons ne s'éloignent plus que
temporairement, pour Nancy ou les résidences princières de
Commercy et de la Malgrange. Mais, le 23 février 1766, Stanislas
mourait, et, dès le 31 mars, les Gardes lorraines s'éloignaient
pour jamais des rives de la Vezouse, à destination de Briançon.
(8). Collection Saugeon, vol. 43, pièce 41.
(9). Recueil des ordonnances de Lorraine, VI, 296.
(10). Le tirage au sort se faisait entre célibataires de
dix-huit à trente ans. La durée du service était de six années.
- V. Édit du 24 novembre 1720 (Recueil des ordonnances de
Lorraine, II, 428) ; édit du 12 avril 1721 (ibid., If, {58);
arrêt du Conseil d'État du 12 décembre 1720 (ibid., III, 453);
ordonnance du 2 janvier 1726 (ibid., III, 140). - BAUMONT,
Études sur le règne de Léopold, duc de Lorraine et de Bar
(1697-1729). Paris, 1894, in-8°; p. 516.
(11). Sous Henri II, chaque ville ou village devait fournir, par
dix habitants, un homme capable de porter les armes, et munir à
ses frais ces soldats de « mousquets ou picques et corcelets ».
L'obligation du service ne dépassait pas trois ans. - Cf.
l'ordonnance des 4 et 5 décembre 1615 : Forme que Son Altesse
veult et ordonne estre suivie et effectuée pour l'establissement
d'une milice en ses duchés de Lorraine et Barrois et terres y
enclavées. Nancy, Jacob Garnich, 1616, in-4°. Lettre-circulaire
du Duc, du 23 avril 1617, « à la noblesse et milice de Lorraine
de se tenir armées, montées et prêtes de servir au premier
commandement ». (Archives de Meurthe-et-Moselle, B, 845, nos 118
et 124.) - V. aussi H. LEPAGE, Sur l'organisation et les
institutions militaires de la Lorraine. Paris, 1884, in-8°; pp.
34 et sq., 39 et sq. Dans cette étude, Lepage laisse à dessein
de côté ce qui fait précisément l'objet de notre travail : les
milices levées sous Stanislas pour le compte de la France.
(12) « Ayant résolu de faire mettre sur pied dans les pays de
Lorraine et Barrois et des évêchés de Metz, Toul et Verdun, un
régiment d'infanterie de milice de quinze compagnies, outre
celui de vingt compagnies que j'y ai déjà fait lever, je vous
écris cette lettre pour vous dire que mon intention est que vous
choisissiez incessamment dans ledit pays les officiers que vous
jugerez être les plus capables pour bien remplir les charges des
compagnies dudit régiment et celles de colonel, major et
aide-major d'icelui, et que vous teniez la main à ce que les
paroisses qui devront fournir les soldats dont lesdites
compagnies seront composées, suivant ce qui est porté par mon
règlement du 29 novembre 1688, y satisfassent sans retardement.
Et me remettant à mondit règlement, aux ordonnances que j'ai
fait expédier en conséquence, et à ce qui est porté par la
dépêche que je vous ai fait expédier pour la levée dudit
régiment de vingt compagnies, et à ce que je pourrais ajouter à
la présente, je ne vous la ferai plus longue que pour prier
Dieu, etc. (Louis XIV au comte de Bissy, 28 septembre
1692.)[Collection Saugeon, vol. 28, pièce 28.] - Le règlement du
29 septembre 1688 auquel renvoie le roi, œuvre de Louvois, est
le véritable acte de création des milices provinciales, levées
par le sort à partir de l'ordonnance du 23 décembre 1688. Sur
leur organisation à ce moment, voir GEBELIN, op. cit., pp.
33-51. La compagnie était de 50 hommes, lorsqu'une circulaire du
12 décembre 1692 la porta à 60. Le contingent imposé aux deux
provinces, réunies en un même gouvernement, fut donc finalement
de 2 100 hommes, sur lesquels il ne nous a pas été possible
d'établir la part contributive de la Lorraine seule.
(13). « Vous savez que les bataillons, tels qu'ils sont réglés
par l'ordonnance du 20 novembre 1736, sont de 600 hommes. Le Roi
compte que la Lorraine peut en fournir au moins six, composés
chacun de ce nombre. Vous aurez agréable d'en prévenir le roi de
Pologne et de l'engager à trouver bon que les dispositions
soient faites sur ce pied. » Breteuil à La Galaizière, 10 août
1741, lit. cit. Ordonnance de Stanislas du 21 octobre 1741, j.
cit.
(14). Ordonnance de Monseigneur le Chancelier, Commissaire
départi dans les Etats de Lorraine et Barrois, concernant la
milice. (Recueil des ordonnances de Lorraine, VI, 300.)
(15). Journal de Durival.
(16). « Au surplus, avait écrit le secrétaire d'État de la
Guerre à La Galaizière, le Roi prend sur son compte les
appointements et la solde des officiers et soldats, soit pendant
les assemblées ordinaires et lorsqu'il sera question d'en faire
usage pour la garde des places ou de les faire marcher sur les
frontières. C'est une dépense que Sa Majesté veut bien épargner
à la Lorraine. » (Lit. cit.)
(17). Journal de Durival.
(18). Le comte de Croix se démit de son régiment de milice le 4
avril 174. Le comte de Montureux, qui le remplaça, était
capitaine de la compagnie de Nancy des Gardes lorraines.
(19). C'est Amable-Gaspard vicomte de Thianges que le maréchal
de Saxe dépêcha, le 2 juillet 1747, du champ de bataille de
Lawfeld, à Stanislas, pour lui rendre compte de la victoire
remportée sur le duc de Cumberland. M. de Thianges arriva à
Einville, où était le prince, le 5 juillet. - Cf. DURIVAL,
Description de la Lorraine et du Barrois, I, 149.
(20). Rectifier ainsi Gal SUSANE, op. cit., V, 364; GANIER, op.
cit., pp. 109-110.
(21). Le bataillon de Bar partit le 6 juin; celui d'Étain, le 9;
celui de Nancy, le 14; celui d'Épinal, le 19; celui de
Neufchâteau, le 22; et celui de Sarreguemines, le 27. (Journal
de Durival.)
(22)- Recueil des ordonnances de Lorraine, VI, 3.
(23). Journal de Durival.
(24). L'approbation, toute de forme, fut donnée par Stanislas le
31 janvier, c'est-à-dire presque simultanément.
(25). Ces nouveaux miliciens furent assemblés à Nancy, le 11
mai; ils en partirent les 13 et 14 pour leurs garnisons.
(26). Ordonnance de Louis XV, datée de Versailles, 1er avril
1745.
(27). Les bataillons étaient arrivés à Nancy du 31 mars au 4
avril. - Ce même jour, 8 avril, on publia que les soldats de
Royal Lorraine qui voudraient retourner dans la milice, étaient
libres de sortir des rangs. Il n'y en eut finalement que 35 qui
profitèrent de cette permission. D'autre part, une lettre de
d'Argenson, le nouveau secrétaire d'Etat de la Guerre, ayant
fait appel, le 10 avril, aux miliciens de bonne volonté, pour
servir dans les troupes réglées, en remplacement des recrues
trop faibles qui permuteraient avec eux, 69 hommes de la milice
lorraine prirent ce parti. Cf. Journal de Durival, 8 avril, 11
et 14 mai.
(28). Journal du libraire J.-F Nicolas. Édit. Pister, Nancy,
1900, in-8°; p. 165. - Le Journal de Durival nous apprend que
les 1er et 2e bataillons de Royal-Lorraine arrivèrent le 7 mai,
à midi, à Lunéville, et campèrent dans la prairie. Le 3e
bataillon arriva le 9, et le 1er se mit en marche. Les deux
autres le suivirent le 11.
Chacun de ces bataillons comprenait 9 compagnies, dont 1 de
grenadiers à 50 hommes, et 8 de fusiliers à 75 hommes. Le
régiment avait grand état-major : colonel, lieutenant- colonel,
2 commandants de bataillon, major, 3 aides-majors, maréchal des
logis, aumônier, chirurgien, prévôt, lieutenant de prévôt,
greffier, 5 archers et l'exécuteur. Il ne lui était donné ni
ustensiles, ni fourrage ; ni même argent de recrues, complété
qu'il devait être régulièrement par celles des bataillons de
milice lorraine. Le roi de France accordait seulement des
feuilles de route avec étapes, pour le voyage de ces hommes de
remplacement. L'uniforme imposé par l'ordonnance de création
était jaune avec parements noirs. Ce fut ensuite l'habit
gris-blanc avec parements jaunes; boutons et galons d'argent.
Drapeau d'ordonnance : jaune et noir par opposition, avec croix
blanche, soit le drapeau des Gardes de Lorraine moins la
couronne et les alérions. V. H. GANIER, op. cit., pl. XII, fig.
6 (porte-drapeau et drapeau d'ordonnance), et pl. XIV, fig. 4
(grenadier, tenue de la création).
(29). Journal de Du rival. Journal da libraire Nicolas; édit.
cit., p. 155.
(30). Journal de Durival, 7 mai 1741.
(31). Breteuil à La Galaizière, lettre du 10 août 1741, j. cit.
- Mémoire remis à Louis XV, le 1er septembre 1749 ; cité par le
Gal VANSON, op. cit., pp. 3-4. - DURIVAL a pris soin d'insérer
dans son Journal l'état nominatif des cadres des régiments de
milice lorraine, tels qu'ils étaient composés à la création,
puis au départ des bataillons en 1742, aux assemblées de 1750 et
de 1751.
(32). Passage d'un fragment sans titre de ses œuvres inédites.
(Manuscrit n° 630 de la Bibliothèque publique de Nancy, pièce
13.)
(33). Journal de Durival.
(34). Ibidem.
(35). Avec grand état-major et sur le même pied que
Royal-Lorraine. L'uniforme de création était identique. -
Colonel : Louis-Marie Fouquet, comte de Gisors.
(36). Ordonnance de Louis XV; Fontainebleau, 1er novembre 1744.
- Ordonnance de Stanislas, du 27 décembre 1745.
(37). Journal de Durival. L'année précédente, les 549 soldats de
remplacement avaient été assemblés à Nancy, le 11 mai. Ils en
étaient partis le 12 : 203 pour Polignac, 165 pour Montureux, et
181 pour Ligniville. L'ordonnance du 17 avril 1745 avait de plus
prescrit une levée de 55 hommes dans la principauté de Commercy,
où la duchesse douairière de Lorraine, Élisabeth-Charlotte
d'Orléans, était morte le 23 décembre 1744. Ces 55 hommes furent
distribués dans les trois bataillons de Polignac. - En 1747,
1363 miliciens sont réunis à Nancy le 11 avril. Les hommes de
remplacement de Thianges parlent le 12 ; ceux de Polignac et de
Montureux, le 13; les 68 hommes destinés à Royal-Barrois et les
12 réservés pour Royal-Lorraine, le 14.
(38). Journal de Durival, 8 décembre 1746.
(39). Ibidem.
(40). Ordonnance de Louis XV, datée du camp de Hamal, 10
décembre 1747.
(41) D'Argenson à La Galaizière, 3 mars 1748. Lettre citée par
DURIVAL, Journal.
(42). Ces miliciens quittèrent Nancy du 27 au 28 du même mois
(Journal de Durival).
(43). 1062 hommes étaient partis, les 27, 29 et 30 mars pour
Thianges; 482 pour Montureux; et 801 pour Polignac. - Cf.
ibidem, 30 mars 1748.
(44). Recueil des ordonnances de Lorraine, VII, 257. - Journal
de Durival.
Les bataillons supprimés étaient : Saint-Mihiel, pour Polignac;
Dieuze, pour Montureux ; Epinal, quoique plus ancien que
Mirecourt, pour Thianges.
(45). Ordonnance du 10 février 1749.
(46). Ordonnances du 31 décembre 1748 (Royal-Lorraine) et du 1er
janvier 1749 (Royal-Barrois).
DURIVAL note dans son Journal, en date du 21 décembre 1748: «
Ayant eu ce soir occasion de parler au roi de Pologne, il m'a
dit : « J'ai un grand chagrin, mon cher Durival, le régiment de
ce pauvre Mareil est supprimé. » Le lendemain, le secrétaire de
l'Intendant ajoute : « Et M. de Mareil est parti aujourd'hui 22,
en poste, pour Paris. »
(47). Rappelons que l'ordonnance française du 15 septembre 1744
avait établi une compagnie de grenadiers, les grenadiers royaux,
dans chaque bataillon de milice. Au commencement d'une campagne,
ces compagnies étaient détachées et réunies en sept régiments
spéciaux, portant le nom de leur colonel. L'ordonnance du 28
janvier 1746 avait de plus créé une seconde compagnie de
grenadiers par bataillon, les grenadiers postiches, qui
fournissaient des hommes aux grenadiers royaux et se recrutaient
eux-mêmes parmi les fusiliers.
(48). Ce régiment, dont le nom est resté populaire, était de
nouvelle création (15 février 1749). Destiné tout d'abord à
réunir les 48 compagnies de grenadiers des bataillons supprimés
à la paix, il sera licencié an Havre le 4 août 1771.
(49) Ordonnance du roi concernant les compagnies de grenadiers
des régiments de Royal-Lorraine et de Royal-Barrois, qui sont
dans le régiment des Grenadiers de France (3 août 1749).
(50). Journal de Durival. - Ordonnance du 31 janvier 1750
(Recueil des ordonnances de Lorraine, VIII, 120); ordonnance du
5 février 1754 (ibid., IX, 107); ordonnance du 22 janvier 1755
(ibid., IX, 183). D'autres ordonnances, imprimées séparément, ne
figurent pas au Recueil, telles celles du 6 février 1751 et du
26 janvier 1753.
(51). En 1760, Polignac s'assemble à Bar, les 14 et 15 avril. On
laisse le 1er bataillon à 498 hommes; le 2e à 582. Mirecourt est
réuni, dans la ville de ce nom, du 17 au 18 avril. Le régiment
se trouve au complet à 1000 hommes. Montureux est assemblé à
Nancy, du 21 au 22 avril. Il est aussi à 1000 hommes. Tous trois
restent neuf jours sous les armes.- En 1751, Polignac et
Mirecourt sont assemblés à Nancy, les 11 et 12 mai ; Polignac se
trouve à 964 hommes, et Mirecourt à 957. Ils vont s'exercer à
Rosières -aux-Salines. Montureux, également réuni dans la
capitale, le 20 mai, est à 944 hommes, et va manoeuvrer à
Saint-Nicolas. (Journal de Durival.)
(52). L'ordonnance du 1er mars 1750 avait, en effet, reconstitué
les bataillons de grenadiers royaux dissous par celle du 6 août
1748, et, par la réunion de 107 compagnies, avait porté à onze
le nombre de leurs régiments. Chabrillant était un des sept
d'ancienne création. Longaunay à l'origine, il était devenu
Beauteville en 1745, Chabrillant en 1746 ; il se nommera
Miroménil en 1762.
En 1751, la revue du régiment de Chabrillant fut passée à Nancy,
par Chevert, le 21 mai; les hommes rendirent les armes le 20
juin, après que 21 d'entre eux: eurent été désignés pour les
Grenadiers de France. (Journal de Durival.)
(53). Recueil des ordonnances de Lorraine, IX, 314.
(54). Journal de Durival.
(55). Le 2e bataillon de Mirecourt, devenu Royal-Barrois, reçut
son habillement neuf à Rosières le 20 avril, et alla aussitôt
prendre garnison à Nancy. Le 25 juin, le 1er bataillon,
désormais Royal-Lorraine, fut habillé à la Malgrange. Le 19, les
deux régiments partirent pour l'armée du Haut-Rhin. (Journal de
Durival.)
Les 685 soldats de chacun de ces régiments étaient divisés en 9
compagnies, dont 1 de grenadiers à 45 hommes et 8 de fusiliers à
80 hommes. Le nouvel uniforme de Royal-Lorraine était l'habit
blanc, avec collet et revers noirs; boutons et galons jaunes ;
doubles poches en long, à trois boutons ; trois boutons sur les
manches- Royal-Barrois eut l'habit blanc, la veste rouge, le
collet jaune et les revers noirs, avec boutons jaunes. Il prit
ensuite le même costume que Royal-Lorraine, avec cette
différence que les parements étaient jaunes, le collet noir et
les boutons blancs. Voir dans GANIER, op. cit., pl. XIII, fig.
7, un officier de Royal-Barrois.
Le 18 mai, la plupart des officiers qui restaient des régiments
réformés en 1748-1749, avaient pris le commandement des
compagnies, à la place des officiers de milice. M. de Rivray,
lieutenant-colonel de l'ancien Royal-Lorraine, fut reçu, à
Saint-Nicolas, colonel du nouveau régiment de ce nom, donné en
1761 au chevalier du Hautoy. Le même jour, à Nancy, le comte de
Bassompierre était reçu colonel de Royal-Barrois. Il mourut de
la petite vérole, à l'armée de Soubise, dès le 22 octobre
suivant, et fut remplacé, le 29 novembre, par le marquis
Léopold-Clément, son père. Royal-Barrois sera enfin accordé en
1759 au marquis de Langeron. Rectifier et préciser ainsi Gal
SUSANE, op. cit., V, pp. 365 et 368.
(56). Les deux premières compagnies en avaient été détachées
pour les besoins du service.
(57). Recueil des ordonnances de Lorraine, IX, 385.- Les
assemblées des hommes de nouvelle levée et de remplacement se
firent à Nancy. De ces 850 miliciens, 310 hommes partent, le 18
mars, pour rejoindre le régiment de Montureux; 250, le 5 avril,
pour celui de Polignac. 150 sont réservés comme recrues pour
Royal-Lorraine et 140 pour Royal-Barrois. (Journal de Durival.)
(58). Ordonnance du 7 octobre 1748. (Recueil des ordonnances de
Lorraine, IX, 414.)
(59). L'intendant les assembla à Lunéville, du 7 au 10 novembre,
devant l'hôtel de Craon (rue de Lorraine). 532 partent pour
Polignac, le 9; 474 pour Montureux, le 10. 160 hommes ayant été
choisis pour Royal-Barrois et 122 pour Royal-Lorraine, furent
provisoirement renvoyés dans leurs foyers. Convoqués et réunis à
Nancy, au faubourg de Bon-Secours, le 3 février 1759, ils
gagnèrent alors leurs régiments. - DURIVAL nous apprend dans son
Journal qu'aucun des 109 miliciens du bataillon de Nancy n'avait
de bon gré consenti à aller compléter Royal-Lorraine : « C'était
un complot fait entre eux pour ne point se séparer, et servir
sous M. de Montureux qui est de Nancy. »
(60). Journal de Durival.- Le 10 juillet précédent, on avait
déjà fait partir de Lunéville 110 miliciens.
(61). Ordonnance du roi concernant le régiment de Montureux des
milices de Lorraine; de Versailles, 1er septembre 1759. -
Ordonnance du roi concernant le régiment de Polignac des milices
de Lorraine; de Versailles, 25 octobre 1759. (Collection Saugeon,
vol. 49, pièces 48 et 58.)
(62). Ordonnance du roi concernant les recrues que S. M. fait
faire pour compléter ses troupes (du 15 juillet 1760).
(63). Recueil des ordonnances de Lorraine, X, 95.
(64). Journal de Durival, où nous relevons encore les
indications suivantes : « 22 décembre 1759. M. l'Intendant va à
Nancy et en fait partir pour Metz 143 hommes de recrues. - 11
janvier 1760. Il part de Nancy pour Metz 40 hommes de recrues
faites par M. l’Intendant. - 15 janvier 1761. Il part 26 recrues
de la subdélégation de Nancy. Elles doivent dans quelques jours
se rendre à Strasbourg. »
(65). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 234.
(66). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 435.
(67). Cf. Journal de Durival, 1er et 2 octobre.
(68). Ordonnance du 25 novembre 1766.
(69) Avec ceux de Lyon, de Sens, de Blois, d'Aix, et celui de la
ville de Paris.
(70). Ordonnance du roi pour réformer le régiment de recrues de
Nancy (du 15 août 1767). [Collection Saugeon, vol. 54, pièce
31.] - Dans l'intervalle, le régiment de Paris avait été
réformé, le 7 avril; les quatre autres ne le seront qu'à dater
du 30 mai 1768.
(71). Du 1er octobre 1763 au 1er octobre 1764, 175 recrues sont
admises à Rosières; 161, du 1er octobre 1764 au 1er octobre 1765
; 83, durant les douze mois suivants. - Voici, comme exemple, le
mouvement des recrues du Régiment de Nancy pour l'exercice
1764-1765. Au 1er octobre 1764, il reste au dépôt 34 fusiliers
des levées de 1763-1764. Pendant le quartier d'octobre, y
arrivent 89 enrôlés; 42, pendant celui de janvier 1765; 21, pour
celui d'avril; et 9 seulement, pour celui de juillet. Soit un
total de 195 fusiliers, desquels il faut distraire 12
déserteurs, 1 mort, 1 homme congédié, et 16 promus au grade
d'appointés. Des 165 autres : 7 quittent Rosières pour le corps
des Grenadiers de France; 16, pour le régiment de dragons de
Schomberg; 1, pour celui de cavalerie d'Orléans ; 5, pour celui
de cavalerie de Chartres ; 6, pour les Gardes françaises;
20,.pour le régiment d'infanterie de Navarre ; et 100, pour
celui d'Aquitaine. Finalement, l'effectif est réduit à 10
fusiliers. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 234.)
(72). Archives nationales, K, 1184.
(73). Ordonnance française du 6 août 1748.- Cf. [STEMER], Traité
du département de Metz. Metz, 1756, in-4°; pp. 3-4.
(74) Ordonnance du roi concernant les trois régiments de milice
de Lorraine et de Bar; de Fontainebleau, 1er novembre 1745. -
Ordonnance de Stanislas, du 27 décembre 1745.
(75). Ordonnance du 18 novembre 1748. (Recueil des ordonnances
de Lorraine, VII, 257.)
(76). D'après GANIER (op. cit., p, 12), cet uniforme aurait
d'abord rappelé le fond d'habit en usage sous les anciens Ducs,
et, jusqu'en 1748, c'eût été le justaucorps jaune, avec
retroussis et revers noirs. De même,-Gal PAJOL, op. cit., VII,
545. - En sens contraire, voir l'article XI de l'ordonnance du
21 octobre 1741.
(77). En temps d'assemblée, le capitaine reçoit 50 sols par
jour; l'aide-major, 40; le lieutenant, 20; et le sergent, 10. La
solde de garnison ou de campagne est respectivement, pour les
mêmes, de 3 livres, 2 livres 5 sols, 1 livre, et 11 sols. - Cp.
GEBELIN, op. cit., pp. 172-173.
(78). Le rôle était arrêté par l'Intendant, et 3 deniers par
livre perçus en surplus pour frais de recouvrement. Les trois
villes privilégiées elles-mêmes (Lunéville, Nancy et
Bar-le-Duc), exemples à la fois de la subvention proprement dite
et des Ponts et Chaussées, devaient participer à cette charge. -
Sur ce que, dans le langage fiscal, on entendait en Lorraine par
Ponts et Chaussées, voir notre travail: Le Budget de la province
de Lorraine et Barrois sous le règne nominal de Stanislas (1737-
1766). Nancy, 1896, in-8°; pp. 14 et sq.
(79). « Je crois qu'il n'est pas nécessaire de vous dire que
c'est à la Lorraine à faire les frais de sa milice. Ils
consistent dans l'habillement, l'équipement particulier et
l'armement que doivent fournir les communautés à chacun de leurs
miliciens. Je joins ici un état de l'habillement et de
l'équipement dont il convient de faire mention dans
l'ordonnance. Je m'en rapporte à ce que vous croirez devoir
faire pour les mesures à prendre à l'effet de la prompte
fourniture de l'habillement et du payement de la dépense .....
L'intention de S. M. est aussi de faire délivrer la partie de
l'armement qui consiste dans le fusil et la bayonnette,
c'est-à-dire que S. M. fournira ces armes aux milices de la
Lorraine, comme elle fait à ses autres troupes, et le
remboursement lui en sera fait sur le produit de l'imposition
que vous jugerez à propos de faire avec les autres dépenses.
Celle-ci montera, à raison de 13 livres 15 sols chaque arme, à
la somme de 47 025 livres pour les six bataillons ... »
(Breteuil à La Galaizière, lettre du 10 août 1741, j. cit.)
(80). Ordonnance du 28 octobre 1741.
(81). Ordonnances des 21 et 28 octobre 1741, articles XIII et
IV.
(82). Le premier trésorier de la milice fut le sieur Guérin; en
1744, c'était M. de Saint-Hubert (décédé le 24 mai 1745); puis
M. Lallement; et, en 1763, M. Rolland, qualifié également de
trésorier provincial de l'extraordinaire des guerres.
(83). La Bibliothèque publique de Rouen possède, en original,
l'intéressante lettre suivante, relative à l'armement des
premiers miliciens lorrains:« Monsieur, j'ai reçu l'ordre que
vous m'avez fait l'honneur de m'adresser par votre lettre du 21
de ce mois, pour faire prendre au magasin de Metz 144
hallebardes et 3384 fusils, avec leurs bayonnettes, pour armer
nos six bataillons de milice. J'en vais faire usage pour ce qui
concerne les fusils et bayonnettes; à l'égard des hallebardes,
j'en ai passé un traité particulier, et je m'y suis déterminé
sur ce que, par la lettre que vous me fîtes l'honneur de
m'écrire le 10 août de l'année dernière, le roi ne devait faire
délivrer que les fusils et les bayonnettes, fixés ensemble à 13
livres 15 sols. Ainsi j'écris aujourd'hui à M. Guérin de ne
point faire faire les radoubs dont les hallebardes qui sont au
magasin de Metz pourraient avoir besoin. Du reste, vous pouvez
compter que je prendrai les mesures les plus justes pour faire
transporter ces armes dans les lieux d'assemblée, avec toutes
les précautions convenables pour empêcher qu'elles ne soient
endommagées. » (La Galaizière au marquis de Breteuil, de
Lunéville 26 février 1742.) [Recueil ms. no 3345 (5826), 1re
partie.]
(84). Le 17 mars 1754, le subdélégué de Neufchâteau écrit à
l'Intendant. : « Comme j'étais informé que bien des miliciens,
au retour de la dernière assemblée, n'avaient point remis leurs
chapeaux aux syndics, je ne leur ni délivré aucun congé qu'en me
rapportant certificat de cette remise. » (Archives de
Meurthe-et-Moselle, C, 253.)
(85). L'état des exemptions du 14 janvier 1775 précisera que les
garçons nés dans le Royaume d'un père étranger qui s'y est
établi, doivent invariablement tirer au sort.
(86). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 231.
(87). On est bien loin, comme on le voit, des 2000 hommes que
GANIER (op. cit., p. 109) fait lever, cette même année, dans les
trois villes. - Les 100 miliciens de Nancy tirèrent les 2, 3 et
5 mars. Le 4 mai, on procéda au remplacement de ceux qui
n'étaient pas en état de servir. Cf. Journal du libraire
Nicolas; édit. cit., p. 165.
(88). Journal de Durival, 1er avril.
(89). Recueil des ordonnances de Lorraine, VI, 300.
(90). La superficie à laquelle s'évaluait le labourage d'une
charrue variait suivant l'usage des lieux et la nature des
terres. En l'espèce, cette appréciation était d'ordinaire
laissée aux subdélégués-
(91). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 238.
(92). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 232.
(93). DURIVAL, Description de la Lorraine et du Barrois, I, 232.
- ABBÉ GRÉGOIRE, Promenade dans les Vosges; édit. A. Benoit,
dans les Annales de la Société d'émulation du département des
Vosges, t. LXXI, année 1895; pp. 271-272.- Cette exemption
n'aurait-elle pas été maintenue ? C'est ce que donnerait à
supposer un passage de DOM TAILLY nous apprenant « que les
messieurs Fleurot étant dans le cas de tirer au sort, les
miliciables [du Val] ne voulurent pas le permettre. Ils les
firent sortir des rangs, et s'offrirent de grand cœur à tirer
pour eux et de les exempter à jamais, de crainte, disaient-ils,
de les perdre et de priver la province et tout le pays de gens
si utiles et si nécessaires à l'humanité souffrante. » - « Ce
trait n'est-il pas bien beau ? ajoute le voyageur qui, fort
probablement, comprit mal et fait confusion. Voir lettres
vosgiennes ou lettres écrites de Plombières par M. le chevalier
de *** Me la marquise de *** en Bretagne. Liège, 1789, in-8°;
pp. 105-106.
(94). Ordonnance de Monseigneur le Chancelier sur les
exemptions. (Recueil des ordonnances de Lorraine, LX, 191-)
(95). Darney, 4 février 1756. (Archives de Meurthe-et-Moselle,
C, 261.)
(96). Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des
arts et des métiers, t. LX, v° Levée, p. 441.- Cf. Encyclopédie
méthodique ; Art militaire, III [1787], pp. 187-188.
Jean DURIVAL, frère cadet de Nicolas, entré dans les bureaux de
l'Intendance de Lorraine en 1742, y devint, en 1759, l'un des
deux premiers secrétaires, et avait tout spécialement dans ses
attributions les « détails militaires ». C'est même sous ce
titre de Détails militaires qu'il réunit et remania, dans un
opuscule paru en 1758 (s. 1., pet. in-8° de 127 p. ; quelques
exemplaires avec un titre postérieurement modifié et portant
comme indications : Lunéville, Messuy, MDCCLVIII) plusieurs
articles écrits pour l'Encyclopédie et relatifs à la levée des
troupes, à l'armement et à l'habillement, aux fuyards, aux
grenadiers, à la réforme. Ainsi qu'on peut s'y attendre, le
passage que nous avons transcrit, étant à l'éloge du chef, a été
complaisamment développé dans cette édition. On y précise que la
province en question est la Lorraine et que l'ordonnance
bienfaisante est due à M. de La Galaizière (cf. pp. 59-82).
Bientôt secrétaire du cabinet de Stanislas ( 1759), greffier des
Conseils d'Etat et des finances (1760), l'un des commissaires
des guerres en Lorraine (1761) et chargé, en cette qualité, de
la surveillance des recrues, puis, en 1763, de l'organisation du
Régiment de Nancy, premier secrétaire des Affaires étrangères
(1766), etc., Jean Durival a publié aussi, entre autres études,
un Essai sur l'infanterie française, son discours de réception à
l’Académie de Nancy (Nancy [1760], pet. in-8° de 36 p.). A des
titres divers, cet administrateur distingué pouvait donc, non
moins que son aîné, parler en connaissance de cause des milices,
et son opinion ne saurait être négligée. Il déplore l'immunité
dont jouissent « les valets aux personnes » , car « à la faveur
d'un tel privilège, cette classe oisive et top nombreuse enlève
continuellement et sans retour au travail de la terre et des
arts utiles ce qu'il y a de mieux constitué dans la jeunesse des
campagnes, pour remplir les antichambres des grands et des
riches ». Mais il n'est pas hostile à la milice même : «
L'humanité souffre beaucoup, sans doute, des moyens forcés qu'on
est obligé d'employer pour recruter et entretenir les corps des
milices ; mais ces moyens sont nécessaires; le législateur doit
seulement s'occuper du soin d'en tempérer la rigueur par tous
les adoucissements possibles, et de les faire tourner au profit
de la société. » Les milices sont « la puissance naturelle des
États; ce corps a formé en tout temps un des plus fermes appuis
de la monarchie ». - Le mécontentement était tel en Lorraine,
que ces appréciations, parfois plutôt osées, y furent mal
accueillies. Nicolas DURIVAL consigne dans son Journal, le 17
juillet 1758, époque, il est vrai, où la lutte contre le
Chancelier-intendant, et quiconque l'approchait, était poussée à
l'extrême : « Grand tapage à Nancy, surtout de la part des
avocats, sur le livre de mon frère intitulé Détails militaires,
que ces messieurs regardent comme une preuve du degré où on veut
porter le despotisme dans cette province. » Et le 18: « Mon
frère répond le Lendemain à M. Drouot qui lui en avait donné
avis : J'espère qu'on ne me disputera pas le droit d'écrire
qu'un soldat doit être un bon piéton, que les excès sur le fait
des enrôlements doivent être punis, que la longueur des épées
est réglée à 24 pouces, et que Louis XIV établit les Invalides.
(97). Un exemple de ces groupements ne sera pas superflu. Pour
la levée de 1750, la subdélégation de Lunéville devant fournir
80 miliciens, le détail en est ainsi arrêté. Prévôté de
Lunéville : Lunéville, 4; Avricourt, Saint-Martin, Belchamp et
Beaupré, 4; Giriviller, Haudonville, Verdenal et Grandseille, 4;
Xermaménil, Ogéviller, Pettonville et Reclonville, 3; Bénaménil,
Serres et Athienville, 1 ; Blainville-sur-I'Eau et Charmois, 2 ;
Domjevin, 5; Marainviller, Beaulieu, Rohé et Thiébauménil, 4;
Moncel, les censes de Mondon, Hablainville, Haigneville et
Méhoncourt, 3; Emberménil et Hériménil, 4; Laneuveville-aux-Bois,
6; Manonviller, 2; Huviller (Jolivet) et les censes de Champel
et de Froide-Fontaine, 4; Craon (Croismare) et Chanteheux, 6;
Mont et Mortagne, 1 ; Rehainviller, 1. - Prévôté d'Einville :
Einville et Pessincourt, 1; Haraucourt-sur-Seille et la cense de
la Borde, 2 ; Parroy, 2; Xousse, Arracourt et la cense de
VaudrecourL, 1 ; Coincourt, Valhey et la cense de Bonneval, 2;
Bauzemont, 2; Drouville, Gellenoncourt, Crion et Bures, 3 ;
Hénaménil et Mouacourt, 2 ; Bonviller et la Petite-Blainville,
Bathelémont-lès-Bauzemont, Charmois, Deuxville, les Foucrey ,
Hincourt, Léomont, Maixe, Raville, la Rochelle, Saint-Pancrace,
Sionviller et Vitrimont, 2. - Prévôté d' Azerailles : Azerailles,
Flin, Badménil, Gélacourt, Glonville et les censes de Valzey (Olzey),
Mazelure et la Voivre, 6. - Prévôté de Deneuvre: Deneuvre et
Fontenoy, 2. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 235.)
(98). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 245.
(99). Cf. Journal de Durival, 21-22 avril 1766.
(100). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 20.
(101). En Lorraine comme en France, la rigueur des ordonnances
recevait des tempéraments dans la pratique. Un nommé Corroy,
d'Ancerville, abandonne son bataillon assemblé. Une lettre de d'
Argenson le déclare passible des galères perpétuelles. Le
conseil de guerre ne le condamne, le 15 avril 1750, qu'à servir,
sa vie durant, dans la milice. (Journal de Durival.)
(102). Archives de Meurthe-et-Moselle, CG, 231.
(103). Recueil des ordonnances de Lorraine, X, 95.
(104). Règlement pour la levée des recrues, ordonné par le Roi
dans les différentes provinces du Royaume.
(105) Les casernes avaient été a ménagées dans les bâtiments de
la saline, supprimée le 1er anil 1760. Voir, sur cette
transformation: P. BOYÉ, les Salines et le sel en Lorraine au
XVlIIe siècle. Nancy, 1904, in-8°; pp. 32-36.
(106). Ordonnance française du 25 novembre 1766.- Les
engagements pouvaient se faire dans tout le Royaume. Il était
payé 100 livres par homme. Déjà, avant cette disposition
expresse, les officiers du Régiment de Nancy s'étaient occupés,
conjointement avec les subordonnés de l'Intendant, d'assurer le
recrutement. Du 1er octobre 1763 au 30 septembre 1764, on leur
dut 46 recrues.
Pour tous les détails qui précèdent, voir Archives de
Meurthe-et-Moselle, C, 234 et 435.
(107). Les villes l'acquittaient sur les deniers d'octroi; les
autres localités, sur leurs ressources communales. Selon le rôle
de répartition, la contribution proportionnelle de la ville de
Plombières dans la dépense générale pour la levée des recrues
faites du 1er septembre 1762 a 31 mars 1763, est, par exemple,
de livres 15 sols de France. (Archives communales de Plombières,
E E.)
(108). Description de la Lorraine et du Barrois, I, 218.
(109). 8 février 1757. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 263.)
(110). 6 avril 1767. (Ibid., G, 282.)
(111). 14 février 1757. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C,
262.)
(112). Dès la levée qui suivit l'ordonnance du 26 janvier 1755,
les subdélégués signalaient la difficulté de trouver des
miliciens, en raison même de ces articles. Celui de
Pont-à-Mousson le déclarait à son chef le 13 mars : « Je ne
doute nullement que votre ordonnance du 26 janvier dernier, si
favorable à l'agriculture et aux laboureurs, n'y ait beaucoup de
part. » Quatre jours plus tard, le subdélégué de Neufchâteau,
adressant ses procès-verbaux de tirage, expliquait: « Tout m'y
parait fort en règle et vous ne devez point être surpris s'il y
a beaucoup de déficits, les exemptions que vous avez accordées
aux laboureurs, à leurs enfants et à leurs domestiques, dans les
cas marqués par votre ordonnance du 26 janvier dernier, ont
occasionné la rareté des miliciables. Je n'espérais moi-même
pouvoir effectuer les tirages au point où vous les trouverez.
Mais j'ai été si fort en garde contre les fraudes, qu'enfin le
succès a passé mes espérances. Nous allons voir revivre les
labours qui tendaient à leur fin, et je crois ce bien au-dessus
de tout autre. » (Ibid., C, 254.)
(113). On trouve dans Chan Heurlin ou les Fiançailles de.
Fanchon, poème eu patois messin, commencé en 1786 par A. BRONDEX
et terminé plus tard par D. MORYY, un passage significatif:
Lo fel don Merchaut-lèt, qu'en houint l'bé Marice,
Sôu de tochet l'enclieume, et dolant let mélice
S'éveut min Volontaire en in vieux Régiment,
Où content de s'mérite, on l'éveut fâ Sargent-
(Le fils de ce maréchal-là, qu'on appelait le beau Maurice, -
saoûl de toucher l'enclume, et craignant la milice, - s'était
mis volontaire dans un vieux régiment, - où content de son
mérite on l'avait fait sergent). Cf. édit. J. Favier, Nancy,
1900, in-8 ; p. 11.
(114). 5 février 1757. (Archives de Meurthe-et-Moselle, CG,
264.)
(115). « J'ai remarqué encore que les engagements militaires
m'ont enlevé bien des sujets. » Le subdélégué de Neufchâteau à
l'Intendant, 17 mars 1755. (Ibid.,C, 254.) - Le 17 février 1758,
le subdélégué de Gondrecourt dénonce de même les multiples
engagements que les officiers obtiennent dans son
arrondissement. (Ibid., C, 265.)
(116). 18 avril 1758. (Ibid., C, 266.) -- Dans une autre lettre
où il déplore à nouveau la situation, ce fonctionnaire précise
que ses administrés « préfèrent de prendre ce parti plutôt que
de s'exposer au sort d'un service de six années dans la milice
... ». Sans doute les ordonnances défendaient aux capitaines des
régiments étrangers au service de la France de recevoir des
sujets regnicoles dans leurs compagnies, et, au cas où ils en
eussent admis, ces hommes pouvaient être réclamés par tout
capitaine français moyennant 30 livres de dédommagement. Mais
cette disposition, étendue à la Savoie et au Comtat-Venaissin,
ne s'appliquait encore pour la Lorraine qu'à la partie située en
deçà de la Sarre.
(117). Ordonnance française du 6 août 1748.- L'ordonnance du 12
novembre 1733 condamnait aux galères le prétendu enrôlé.
(118). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 270-271, passim.
(119). 2 février 1756. (bd., CG, 259.)
(120). Ibid., C, 262.
(121). Ibid., C, 259, 292, 265 et 272.
(122). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 26.
(123). 21 février 1752. (Ibid., C, 248.)
(124). 18 février 1758. (Ibid., C. 265.) « Le bruit de la milice
nous en a éloigné beaucoup. » Lixheim, 15 février 1758. (Ibid.,
C, 26.)
(125). 22 octobre 1758. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C,
272.)
(126). Journal du libraire Nicolas; édit. cit., pp. 164-165. -
Pour les mêmes causes, à Lunéville, où l'on demande 100
miliciens, le subdélégué n'en peut obtenir que 53.
(127). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 243.
(128). Journal de Durival, 1er avril.
(129). Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 200.
(130). Les grenadiers royaux désertaient. Les Grenadiers de
France eux-mêmes, choyés du Gouvernement qui, par l'ordonnance
du 21 décembre 1702, leur accorda une solde supérieure à celle
des grenadiers des régiments d'infanterie, turbulents et
indisciplinés, abandonnaient leur corps au moindre
mécontentement. Ecoutons le subdélégué et lieutenant général de
police de Nancy : « 12 mai 1765. Revue à huit heures du matin, à
la Garenne, des quatre brigades des Grenadiers de France, tous
avec l'habillement neuf. -. 24 mai. Grande rumeur parmi les
Grenadiers à l'occasion de 3 Livres 10 sols qu'on voulait leur
retenir sur leur décompte; menaces, lettre insolente écrite à M.
de Stainville: qu'ils ont plus d'amis que lui à la cour de
France. Ils avaient mis à quelques casernes : maison à louer, et
le coup de la retraite était pour eux le signal de la générale.
La retenue n'a pas eu lieu. - 29 mai. Hier matin il déserta deux
grenadiers ; cette nuit autant. Le mécontentement subsiste.
Toute la maréchaussée et plusieurs détachements sont aux
environs, et le tout en vain. - 8 juillet. Les 1re et 3e
brigades des Grenadiers de France sont parties à trois heures et
demie du matin. Il y a encore eu de la désertion. » (Journal de
Durival.)
(131). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 231.- Le 18 février
1758, le subdélégué de Longuyon observe qu'en France « on tolère
que les communautés marchandent des garçons pour miliciens ».
(Ibid., C, 265.)
(132). Ibid., C, 248.
(133). 6 septembre 1755.(Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 25.)
(134). 7 mars 1758. (Ibid., CG, 265.)
(135). 17 février 1747. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C,
263.)
(136). Ibid., C, 237.
(137). Journal de Durival, 22 avril 1766.
(138). DOM TAILLY, Lettres vosgiennes...; édit. cit., p. 105.
(139). Journal du libraire Nicolas; édit. cit., p. 165.
(140). Journal de Durival, 12 mai 1745.
(141). Ibidem.
(142). Archives de Meurthe-et-Moselle, CG, 254.
(143). Lettre de L’Intendant au subdélégué, 7 octobre 1758.
(Ibid., C, 231.)
(144). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 272.
(145). Ibid., C, 248.
(146). Ordonnance d'octobre 1741, article VII.
(147). Placet du 13 novembre 1758. (Archives de
Meurthe-et-Moselle., C, 233.)
(148). D. MATHIEU, L'Ancien Régime dans la province de Lorraine
et Barrois (1698-1789). Paris, 1879, in-8°; pp. 215 et 219.
(149). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 233, 238,etc.
(150). GEBELIN (op. cit., p. 112) parle de 11 782 hommes « au
moins » ; il omet la levée de 1745 dans la principauté de
Commercy, et celle de 1747. MATTHIEU (op. cit., p. 211) se
rapproche de la quotité exacte avec 13 145 hommes. Le tableau
suivant rappellera le détail des levées :
DATE DE LA LEVÉE. |
CAUSES DE LA LEVÉE. |
CONTINGENT LEVÉ Hommes |
SOURCES |
1741, novembre-décembre
(assemblée en juin 1742) |
Création |
3600 |
Ord. lorr., 21 octobre
1741 |
1743 février-mars |
Augmentation. |
1800 |
Ord. lorr., 25 janvier
1743 |
1744, mars |
Remplacements (création
de Royal-Lorraine). |
1950 |
Ord. fr., 30 janvier
1744; ord. lorr., 20 févr. 1744. |
1745, février |
Remplacements |
549 |
1745, mars |
Levée spéciale à la
principauté de Commercy |
55 |
Ord. lorr., 17 mars
1745. |
1746, janvier-février |
Augmentation et
remplacements (création de Royal-Barrois) |
1538 |
Ord. fr., 1er novembre
1745; ord. Iorr., 27 décembre 1745 |
1747, janvier-mars |
Augmentation et
remplacements |
1363 |
Ord. fr., 22 novembre
1746. |
1748, mars |
Augmentation |
1800 |
Ord. fr., 25 novembre
1747; ord. lorr., 27 décembre 1747. |
|
Remplacements. |
545 |
(151). Neuf bataillons,
d'abord à 600 hommes et finalement à 710 = 6390
Régiments de Royal-Lorraine et de Royal-Barrois, quatre
bataillons à 65o hommes = 2600
Gardes de Lorraine, miliciens incorporés = 750
TOTAL. 9740
(152). Cf. GEBELIN, Op. cit., p. 287.
(153). Description de la Lorraine et du Barrois, l, 197.
(154). Levées se répartissant ainsi :
DATE DE
LA LEVÉE |
CAUSES DE
LA LEVÉE |
CONTINGENT LEVÉ Hommes |
SOURCES.
|
1757, janvier-février |
Augmentation |
3786 |
Ord. lorr., 14 janvier
1757 |
1757, mars |
Remplacements
(rétablissement de Royal-Lorraine et Royal-Barrois) |
110 |
Ord. fr., 20 mars 175 |
1758, février |
Augmentation |
480 |
Ord. lorr., 29 janvier
1758 |
|
Remplacements |
370 |
1758, octobre |
Augmentation et
Remplacements |
1288 |
Ord. lorr., 7 octobre
1758 |
En 1758, l’effectif total
des miliciens au service du roi était de 87 480 hommes. Cf.
GEBELIN, Op. cit., p. 287.
(155). Mémoire servant d'éclaircissement et de supplément aux
remontrances de la Cour souveraine du 27 juin 1758. 5 août 1758,
p.31.
(156). Archives nationales, KK. 1172.
(157). Archives de Meurthe-et-Moselle. C, 264.
(158). Archives nationales, KK, 1172.
(159). Journal; édit. cit., pp. 164-165.
(160). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 232. Partie de Nancy
pour l'armée de Soubise à la fin de juin 1758, la Gendarmerie
était revenue hiverner à Epinal, Mirecourt, Bruyères, Darney,
Lamarche, etc. L'état-major résidait à Nancy. Les enrôlements
recommencèrent, plus nombreux encore, en septembre 1759 et en
novembre 1760.
(161). Il eût été facile de ne pas éloigner les miliciens
lorrains, puisqu'en août 1743, par exemple, sur les 34
bataillons dont se composait la garnison d'Alsace, on en
comptait 18 de milice provinciale ; et, en 1744, 22 sur les 30
bataillons en séjour dans les Évêchés.
(162). Journal de Durival, 27 et 30 mars 1761. - Cf. Description
de la Lorraine et du Barrois, I, 237.
(163). Cf. Gal PAJOL, op. cit., IV, 166.
(164). M. de Rivray était parti de Lunéville le 25 juillet
précédent pour joindre son régiment. Mis en liberté à la fin de
1759, il rentra dans la résidence ducale le 10 novembre.
(Journal de Durival.)
(165). « On reçoit la liste suivante des morts et blessés des
régiments Royal-Lorraine et Royal-Barrois dans l'affaire du 5. -
Royal-Lorraine: MM. de Villelongue, tué; Folley, prisonnier; de
Silly, la main percée ; de Rune et Courtois, blessés. Environ
.30 soldats tués et autant de blessés. - Royal-Barrois: D'Anderny,
blessé; de Cuigy, cuisse cassée ; de Gourcy de Dommartin, blessé
de coups de bayonnette ; de Chamblay, de Bettancourt, de Klein,
de Voisin, tués. Environ 70 ou 80 tués et une trentaine de
blessés ou prisonniers. » (Ibid., 16 août 1758.)
(166). Cf. Gal PAJOL, op. cit., III, 102.
(167). CI. Gal PAJOL, op. cit., IV, 219.
(168). Sur les états de service des miliciens lorrains, voir la
compilation de CHAPUY, Guerres de Louis XIV et de Louis XV, ms.,
j. cit., du Ministère de la Guerre. - Gal PAJOL, op. cit., t.
II-V, passim. - Pour les campagnes des Gardes de Lorraine, lire
surtout Gal VANSON, op. cit., passim; et tout particulièrement,
en ce qui concerne les affaires du Tidon et de Hoya, pp. 39-53,
80-94.
(169). Après avoir signalé cc déficit, DURIVAL ajoute : « Il y
en a eu bien davantage par proportion dans les remplacements
levés encore depuis. » (Journal, 6 mars 1746.)
(170). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 245.
(171). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 254.
(172). 5 février 1757.(Ibid., C, 264.)
(173). « J'ai été surpris, dit-il encore, de voir que dans des
grosses communautés comme Grand et Petit-Failly, il ne se soit
trouvé qu'un garçon dans le cas de tirer. J'ai cru que les
syndics à qui j'ai fait connaître les peines auxquelles ils
s'exposaient, s'ils donnaient des déclarations infidèles,
recélaient des garçons. Je les ai communiquées au sieur curé de
ce lieu, qui m'a assuré qu'elles étaient véritables. » février
1757. (Ibid., C, 262.).
(174). DURIVAL, Description de la Lorraine et du Barrois, I,
197.
(175). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 246.
(176). Journal de Durival.
(177). 6 février 1758. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 258.)
(178). Ibid., C, 243.
(179). « Malgré mon peu de monde, j'espère que Son Excellence
sera contente de mon opération, ayant été assez: heureux pour
avoir à lui présenter de beaux et vigoureux miliciens », écrit,
le 1er février 1756, le subdélégué de Darney. - Après avoir
regretté la médiocrité du nombre, celui de Neufchâteau continue
: « Mais ce qui me fait plaisir, est que le sort a secondé mon
zèle et que ce que vous verrez est ce qu'il y a de plus beau. »
22 octobre 1758. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 259.)
(180). Ibid., C, 263.
(181). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 265.
(182). 28 octobre 1758. (ibid., C, 232.)
(183). Description de la lorraine et du Barrois, I, 197. - «
L'espèce des miliciables commençait à manquer », répète-t-il
ailleurs.
(184). Les campagnes sont tellement dépeuplées, « qu'on n'y voit
presque plus aujourd'hui de garçons propres à l'exercice du
labourage; tel village qui en avait douze avant la levée des
milices, n'en a plus aujourd'hui que deux ou trois; il en est
même qui n'en ont pas un seul. » (Mémoire servant
d'éclaircissement et de supplément aux remontrances de la Cour
souveraine... , du 5 août 1758; p. 34.) - « La formation de
trois régiments qui sont au service de la France, la levée des
milices, la fuite d'une multitude de garçons pour éviter le
tirage, les engagements de toutes parts..... , forment une perte
étonnante pour la Lorraine. » (Remontrances de la Chambre des
Comptes de Lorraine, du 21 janvier 1761, p. 15.).- « Il n'y a
pas de province de France qui, à raison de son étendue et de ses
ressources, ait fourni dans l'espace de vingt années tant de
corps de milice que la Lorraine et le Barrois. Trois régiments
de milices toujours subsistants, et deux autres successivement
levés, réformés et renouvelés, tous armés et équipés aux frais
des deux provinces, ont porté un coup mortel à la population,
par la quantité d'hommes fournis pour former et entretenir ces
corps nombreux, par l'évasion d'une multitude de fugitifs que le
refus d'admettre des miliciens volontaires a fait passer dans
les pays étrangers, par les enrôlements de ceux que le désespoir
a jetés dans le service pour se soustraire à l'incertitude du
sort. » (Remontrances de la Cour souveraine, du 24 janvier 1761,
p. 7-)
(185). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 234, 435.
(186). P. BOYÉ, Les Travaux publics et le régime des corvées en
Lorraine au XVIIe siècle. Paris, 1900, in-8°.
(187). Rappelons que les régiments de Lyon, Sens, Blois et Aix
ne le furent que le 30 mai 1768, à la suite de l'ordonnance du
1er du même mois, établissant quatre dépôts généraux des recrues
: à Saint-Denis, Lyon, Tours et Toulouse. Mais les engagements
continuaient à pouvoir être indistinctement opérés sur toute
l'étendue du territoire français. D'autre part, le 25 décembre
1768, le roi « étant informé que la légion du Hainaut est
composée en plus grande partie de recrues faites en Lorraine »,
décide qu'elle portera à l'avenir le nom de Légion de Lorraine.
Supprimée en 1776, cette légion comprenait de l'infanterie,
divisée en compagnies de chasseurs, et de la cavalerie, sous le
titre de dragons. Sur l'histoire de ce corps qui, à nouveau
réuni en juin 1779, devait porter les noms de Chasseurs des
Vosges. Chasseurs de Lorraine, voir : Gal SUSANE, Histoire de la
cavalerie française. Paris, 1874, 3 vol. in-8; III, pp. 109 et
sq. - H. GANIER, op. cit., pp- 101-102.- Gal PAJOL, op. cit.,
VII, pp. 238 et sq.
(188). Avec Nancy comme quartier d'assemblée.- Seules, les
couleurs de l'épaulette marquaient l'origine. Pour les
grenadiers de la milice lorraine, c'étaient, par exemple, le
rouge et le blanc; pour ceux de la milice évêchoise, le bleu et
le blanc.
(189). Dont 12 à trois bataillons, 33 à deux, et 2 à un seul.
(190). Ordonnance du roi pour former les bataillons de milice en
régiments provinciaux; du 4 août 1771. - Les Grenadiers de
France étaient de plus supprimés.
(191). Colonel : comte de Ludres.
(192). Colonel : comte du Hautoy.
(193). « En exécution de l'ordonnance du roi du 7 avril 1773, le
régiment provincial de Nancy a été assemblé à Nancy le 18 mai,
et celui de Bar, aussi à Nancy, le 22. On les y exerce
actuellement. » (Journal de Durival, 24 mai 1773.)
(194). Colonel : comte d'Hoffelize. - Épaulette distinctive pour
l'ensemble du régiment : rouge et blanche.
(195). 111 bataillons et 53 régiments, par l'ordonnance du 19
octobre 1773. Le régiment de Nancy est le 38e; celui de Bar, le
39e; le régiment des grenadiers royaux de la Lorraine marche le
9e sur 12. - 105 bataillons et 48 régiments, par l'ordonnance du
1er décembre 1774. Le régiment de Nancy devient le 35e; celui de
Bar, le 36e.
(196). Les soldats provinciaux lorrains avaient déposé, pour la
dernière fois, les armes à Nancy, le 23 mai précédent, et
étaient retournés, le lendemain, dans leurs communautés. - Cf.
Journal de Durival.
(197). Ordonnance du 30 janvier 1778, et règlement du 1er mars
suivant.
(198). Cf. Journal de Durival.
(199). Sur un total de 106.
(200). Ancien régiment des Gardes de Lorraine.
(201). Anciennement Conti, il ne portait ce nom que depuis
l'ordonnance du 12 septembre 1776. - Les bataillons de Metz et
de Verdun, de Strasbourg et de Colmar, formèrent, au contraire,
les deux régiments provinciaux d'artillerie de Metz et de
Strasbourg, attachés chacun à un régiment du corps royal de
l'artillerie.
(202). Dont le 1er bataillon était attaché, comme bataillon de
garnison, au régiment Royal, et le 2e au régiment de Bourgogne.
(203). Les bataillons attachés à Condé, Royal-Comtois et
Enghien.
(204). Attaché à Auvergne.
(205). Le 6e sur 8. Épaulette : aurore. Quartier d'assemblée :
Nancy. Colonels: vicomte du Hautoy, 1778; marquis de Monchat,
1780; comte le la Noue, 1784; chevalier de Bassompierre, 1788.
Licencié le 30 septembre 1789. (Gal SUSANE, op. cit., V, 388.)
(206). La subdélégation de Lunéville comprenait 14
circonscriptions : ville de Lunéville, ville de Gerbéviller,
cantons d'Arracourt, Azerailles, Badonviller, Croismare,
Domptail, Einville, Fraimbois, Housseras, Laneuveville-aux-Bois,
Magnières, Parroy et Rambervillers. - Atténuée, l'inégalité des
chances n'était pas supprimée. En avril 1766, il se trouve
finalement, dans la subdélégation de Nancy, 227 miliciables pour
36 miliciens demandés. Sur ce nombre, les cantons de Malzéville
et de Faulx, qui doivent chacun 4 miliciens, ont respectivement
48 et 52 soumis au sort; ceux de Bouxières-aux-Chènes et de
Lupcourt doivent l'un et l'autre 3 hommes: or, si le premier
compte 30 miliciables, le second n'en offre que 8. -- Cf.
Journal de Durival, 22 avril et 3 mai 1766.
(207). Le 9 avril de cette même année, le subdélégué de
Bouzonville explique à l'intendant sa façon de procéder : « Pour
parvenir au dernier tirage et remplir les vues de Votre Grandeur
qui avait laissé à ma disposition la répartition des 33
miliciens sur les 10 cantons, j'ai fait l'examen exact de tous
les sujets capables et non exempts de chacun desdits cantons
séparément. J'en ai ensuite formé un total que j'ai divisé par
33, et qui m'a démontré que de 6 hommes 1/2 il en fallait un
pour milicien. C'est sur cette proportion que j'ai réglé
l'opération, autant qu'il a été possible d'atteindre à la
justesse. A cet effet, j'ai joint deux cantons ensemble, quoique
les procès-verbaux soient distincts et séparés par canton. »
(Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 283.)
(208). Celle-ci resta fixée à 5 livres par milicien. Les hommes
n'étant plus dirigés sur des garnisons, l'écu du départ n'était
plus perçu. La dépense du petit équipement variait suivant les
généralités. En 1767, elle est de 33 livres dans celle de Nancy,
tandis qu'elle n'est que de 29 livres dans celle de Bordeaux.
Quand la milice cessa d'être convoquée et, par conséquent, ne
fut plus équipée, cette somme - abaissée, il est vrai, dans la
Province, à 14 livres - continua néanmoins d'être perçue en tant
qu'imposition représentative.
(209). Lettre-circulaire de Choiseul aux: intendants, 31 janvier
1766. (Collection Saugeon, vol. 53 pièce 2.)-
(210). Sur ces usines, voir notre étude : La Lorraine
industrielle sous le règne nominal de Stanislas (1737-1766).
Nancy, 1900, in-8°; pp. 22 et sq.
(211). Pour l'histoire de cet atelier de charité, connu sous le
nom populaire de Coton, voir ibid., pp. 59-60.
(212). Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 238.
(213). Recueil des ordonnances de Lorraine, XI, 252.
(214) Ordonnance du Roi concernant les régiments provinciaux, du
19 octobre 1773. Le titre V, en 46 articles, est entièrement
consacré à cette question des exemptions.
(215). Titre V; 40 articles.
(216). Versailles, de l'Imprimerie du Roi, département de la
Guerre, 1776;8 p. in-4°. - Cf. Recueil des ordonnances de
Lorraine, XIII, 371.
(217). En 1775, la subdélégation de Lunéville doit 25 hommes;
26, en 177; 23 en 17775 27, en 1779; 29, en 1780; 20, en 1783;
22, en 1785; etc. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 287-290.)
(218). « Le régiment des grenadiers provinciaux s'est fait ce
matin et ils sont tous sortis des portes de Nancy dès les trois
heures du matin. Plusieurs s'étaient engagés, mais comme leur
temps n'était pas fini, ces engagements ont été annulés. M. de
Monchat, leur colonel, était venu pour cette opération. »
(Journal de Durival, 5 juin 1783.)
(219). Ibid., 22 avril.
(220). Précédemment, ils obtenaient cette dispense, sinon de
droit, du moins de fait. Le 11 septembre 1743, sept habitants de
Macheren et de Petit-Eberswiller, se trouvant dans ce cas,
s'étaient adressés à l'intendant,- et leur requête avait été
favorablement accueillie. Cf. Journal de Durival, 13 septembre
1743. - Description de la Lorraine et du Barrois, III, 246.
(221). Le subdélégué l'Intendant, 28 mars. (Archives de
Meurthe-et-Moselle, C, 277.)
(222). En 1768, la ville de Nancy est désignée pour 36
miliciens. Les sept paroisses comptent 933 garçons, ou veufs
sans enfants, ayant l'âge requis. Sur ce nombre : 208 allèguent
des cas d'exemption; 489 sont infirmes ou de taille trop courte;
91 sont absents ou se sont enfuis; 145 seulement prennent part
au tirage. - L'année suivante, il faut 39 miliciens. Sur les
1178 inscrits : 362 sont exempts, 620 rejetés, 62 absents ou
fuyards; il ne reste donc pas les quatre miliciables par
milicien. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C, 274-275.) - A
Bar-le-Duc, en 1775, sur 408 hommes inscrits : 170 sont exempts,
19 rejetés comme infirmes, et 145 comme étant de taille
insuffisante. (Archives de la Meuse, C, 29.)
(223) « ... Il est arrivé que ces garçons se sont mutinés au
point que deux d'entre eux, ayant constamment refusé de tirer
leurs numéros, ont été constitués miliciens, au moyen de quoi je
n'en ai plus eu que trois à prendre dans les dix garçons, qui
sont devenus plus dociles par l'exemple des autres. » Le
subdélégué de Bar à l'Intendant, 28 mars 1769. (Archives de
Meurthe-et-Moselle, C, 277.) – Le 8 mars 1775, le même
fonctionnaire dresse un procès-verbal relatant « que ledit jour,
en procédant aux opérations du tirage des soldats provinciaux,
répartis sur le canton d'Ancerville... , il aurait été obligé
d'interrompre, à diverses reprises, lesdites opérations, pour
arrêter le tumulte et faire cesser les violences et propos
séditieux de plusieurs garçons de la communauté d' Ancerville
... que toutes représentations n'ont pu soumettre ni ramener à
leur devoir; que, loin d'y déférer, ils auraient au contraire
refusé de subir le sort et continué à exciter tous les garçons
assemblés à ne pas tirer; ce qui aurait déterminé ledit sieur
Vayeur à les faire arrêter, mettre en prison et à les déclarer
soldats provinciaux de droit, conformément aux: dispositions de
l'article 17 du titre IV de l'ordonnance du Roi du 1er décembre
1774. » (Archives de la Meuse, C, 29.)
(224). En 1785, dans le canton de Vaubécourt (subdélégation de
Bar-le-Duc), sur 91 miliciables, 42 se gardent de paraître au
tirage. (Ibid., C, 30.)
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