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Expédition à Turquestein - 1791
 


Mémoires de la Société d'archéologie lorraine
1886
Les seigneurs le chateau, la chatellenie et le village de Turquestein
M. Henri Lepage

[...] Durant le court espace de temps que les sieurs Tscharner et Adorne en furent emphytéotes, le château de Turquestein fut le théâtre d'un épisode risible des fastes révolutionnaires dans notre département (1).
Ces Messieurs ayant eu l'idée de faire exécuter des constructions sur la plate-forme où s'élevaient les ruines, les habitants des villages voisins s'imaginèrent que des gens mal intentionnés s'y étaient réfugiés, avec des armes et des munitions dans le but de troubler la tranquillité publique. Une première perquisition opérée à cet effet n'avait produit aucun résultat néanmoins, le commandant de la garde nationale de Blâmont crut devoir insister près du Directoire du district pour qu'il en fût fait une nouvelle, et les membres de cette assemblée prirent, le 11 septembre 1791, l'arrêté suivant
«  Vu la requête de M. le Commandant de la garde nationale de Blamont tendant à être autorisé à se transporter à Turqueistin sous sa responsabilité pour y faire une visite, requérir main forte le cas échéant, et de le faire assister de gendarmes nationaux au besoin ; ouï le rapport et le procureur syndic,
«  Le Directoire du District de Blamont ne peut que louer le zèle de M. le Commandant de la garde nationale sur la tranquillité publique et les précautions qu'il se propose de prendre pour s'assurer de la vérité de tout ce qui se répand au sujet du chateau de Turqueistin, informé que les gardes nationaux de St. Quirin, Abbrecheville et Lorquin s'étaient dans le cours du mois dernier transporté à Turqueistin que leurs demarches n'avoient méné à aucunes découvertes qui pussent donner l'ombre d'inquiétude, avoient cru pouvoir rester tranquilles sur les bruits qui avaient été répandus, que des gens mal intentionnés s'y étaient réfugiés avec des armes et munitions capables d'inspirer des allarmes, mais pour déférer à la demande de M. le Commandant et se joindre à lui lorsqu'il s'agira de rassurer les personnes inquiètes, d'apporter la tranquillité dans toute l'étendue du District mis sous sa surveillance, le Directoire l'autorise s'il le juge nécessaire et sous sa responsabilité offerte, à se rendre au chateau de Turqueistin avec un detachement tel qu'il lui plaira, ou y envoyer un officier nommé de sa part, de se faire assister de deux gendarmes nationaux invités à cet effet, si le cas l'exige, qui seront tenus de dresser procès verbal de leurs demarches pour être deposé au secrétariat du District, pris ensuite tel parti que les circonstances nécessiteront.
«  Ordonne à la municipalité de Turqueistin de porter aide et assistance au détachement, de se joindre à l'officier qui le commandera pour faire les recherches convenables en cas de résistance de ces particuliers établis au chateau de Turqueistin.
«  Fait à Blamont le 11 septembre 1791, par les administrateurs composant le Directoire du District. Signés L. Laurent, D. Mayeur, N. François, Vaultrin, Fromental l'aîné et Lafrogne.
«  Collationné.
«  Lafrogne, s. g.
«  Le present sera executée par monsieur Batelot capitaine de la garde nationnal. Blamont le 11 septembre 1791.
«  Demaugny
«  Commandant ».

«  Garde nationale de Blamont.
«  Ce jour dimanche onze septembre mil sept cent quatre vingt onze
«  En conséquence d'un arrêté du Directoire du District de Blamont qui autorise le commandant de la garde nationale de cette ville à ordonner un detachement pour se rendre à Turquestein où le publique prétend qu'il se trouve des armes, des munitions, que l'on fait des préparatifs de guerre, pour faire une exacte visitte de ce lieu et s'assurer de L'état des choses,
«  Nous officiers, sous officiers, fusilliers, sapeurs et tambour de la garde nationale de Blamont, assistés des S. Lanoue et Martin gendarmes nationaux x la residence de cette ville, sommes partis de Blamont ce jour à midi et demi et arrivés à la Frimbonne eloigné d'une demi-lieue de Turquestein à trois heures, nous avons empeché que personne sortit du village pendant le temps où nous nous occupions de l'ordre à tenir dans la marche qui devait etre secrette et de la charge de nos armes.
«  Puis nous avons pris le chemin de Turquestein dans le silence le plus absolu et sur le point d'arriver à la ferme dite de Turquestein occupée par le S. Debuisson maire et avant que le detachement fut sorti du bois, un de nous s'est transporté chez ledit S. Debuisson qu'il a requis de le suivre ce qu'il a fait, et en même temps le detachement a paru et s'est rangé en bataille devant la maison de ferme.
«  Aussitot sont arrivés le S. Charles Lefort lieutenant colonel à la suite de l'armée et madame Adorme que nous avons instruit de l'objet de notre demarche, en les rassurant par l'honnèteté que nous leur avons promis de mettre dans notre recherche. Nous les avons invité de nous faire remettre les clefs de leur habitation et de nous suivre. Ensuite nous sommes arrivés sur la roche par deux issues differentes, nous avons placé des sentinelles de tous côtés et le surplus du detachement en présence du S. Adorme et du S. Charmer que nous avions envoyé chercher à une autre ferme située au midi du chateau, a fait la visitte 1. du nouveau batiment construit par les dits S. Adorme et Charmer, où il a trouvé, dans deux petits cabinets du grenier, deux bois de lits et environ dix chaises, le surplus des appartemens etant encore occupés par les outils et materiaux necessaires aux ouvriers ; 2. d'une espèce de hallier où il a trouvé un tas de fagots dont il a detourné la plus grande partie, sans qu'il y ait rien remarqué de ce qu'on lui avoit annoncé.
«  3. D'une cave où il ne s'est rien trouvé, cependant en examinant les murs, il a vu un endroit qui etoit construit tout nouvellement qu'il a fait demolir, parceque frappé d'un coup de crosse, il avoit rendu un son creux, ce qui faisait soupçonner que ce pouvoit etre le receptacle des pretendues munitions.
«  4. D'un rocher au levant du chateau, dans lequel il se trouve une ouverture assez considerable où l'on s'est avancé sans y rien remarquer.
«  5. D'une loge de bois à laquelle on a donné le nom d'hermitage sur la pointe du même rocher, dans laquelle on n'a trouvé que de la paille et quelques outils de charpentier.
«  6. Enfin de tous les alentours et de toutes les ruines de cette antique demeura que plusieurs d'entre nous qui la connoissoient dès avant le sejour momentané qu'y font les S. Adorme et Charmer, ont dit ne se trouver changée en rien.
«  Ensuite le S. Charles Lefort nous a exhibé d'un passeport qui lui a été donné par la Municipalité de Strasbourg qui par un acte particulier qu'il nous a aussi représenté, rend un témoignage satisfaisant de sa conduite et de son patriotisme connu.
«  Les S. Adorme et Charmer nous ont aussi présenté des certificats qui témoignent de leur civisme et nous ont déclaré que leur résidence fixe était Strasbourg, que leur projet etoit d'habiter Turquestein pendant la belle saison seulement, qu'ils faisoient travailler à quelques bois de lit pour un hopital qu'ils se proposent d'etablir à Strasbourg.
«  La Municipalité de Turquestein nous a d'ailleurs rassuré sur le compte des S. Adorme et Charmer qu'ils regardent comme de bons citoyens et incapables d'aucuns projets contraires à la Constitution.
«  Nous nous sommes ensuite rendus à Bertrambois où la Municipalité et tous les habitans nous ont fait l'eloge des S. Adorme et Charmer dont ils nous ont repondu des sentimens d'honnèteté et de bienviellance.
«  Et, de retour à Blamont où nous sommes arrivés à dix heures du soir nous avons dressé le present procès-verbal pour rendre compte de notre commission.
Signé Augustin Demontzey, lieutenant colonel, Marchal porte drapeau, Batelot capitaine, Lafrogne quartier-maître, Vesslard, Gillot sergent, Devinois caporal, J. Joseph Daras, Jean Claude Laval, Nicolas Vanier, Joseph Crance, Idulphe Simon, etc., Nicolas, etc.,
Lanoue, Martin.
«  Collationné par le secretaire quartier maître de la garde nationale de Blamont.
«  Lafrogne. »

(1) Il a été raconte brièvement par notre confrère M. Arthur Benoit dans un article qu'a publié le Journal des communes d'Alsace-Lorraine, no du 25 octobre 1879.

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