Le Pays Lorrain
1919
Un remède contre la rage au
XVIIIe siècle
Au XVIIIe siècle, les
médecins étaient rares dans nos villages. Rebouteurs,
chirurgiens et matrones les suppléaient. Vers 1760, la paroisse
d'Herbéviller était administrée par Nicolas Faucheur qui, comme
quelques-uns de ses confrères, se vouait non seulement au soin
des âmes de ses ouailles, mais aussi celui de leur corps. Un
médecin du même nom exerçait, vers le même temps, à
Raon-l'Etape, et peut-être est-ce au contact de celui-ci,
probablement son parent, qu'il avait pris goût aux choses de la
médecine. Sur les registres paroissiaux, pour économiser le
papier ou les conserver plus soigneusement à la postérité, il
transcrivait ses recettes et ses observations médicales.
M. l'abbé Richard, curé actuel d'Herbéviller, a bien voulu nous
en communiquer quelques-unes, dont nous extrayons celle-ci,
relative à la rage. En septembre 1762, deux chiens du château de
Lannoy et un cheval d'Ogéviller avaient été mordus par un chien
hydrophobe. Nicolas Faucheur, qui cumulait ses fonctions de
médecin avec celles de vétérinaire, fut appelé; il guérit les
deux chiens, mais le cheval devint enragé, son maître ayant
méprisé l'usage du remède ». Ce remède, « approuvé des docteurs
», avait été tiré, par le brave curé, des Mémoires de Trévoux.
En voici la recette, scrupuleusement transcrite
« 1° On a qullis du mouron à fleure rouge, commune dans les
champs et ailleurs ; faite sécher cette herbe et sa tige à
l'ombre et conservez-la dans des sachets épais.
« 2° Usage dans le besoin, réduisez cette herbe en poudre,
donnez-en à la personne mordue, depuis 30 grains (1), dans de
l'eau distillée de la même herbe ou dans un peu de thé ou
bouillon, et qu'elle s'abstienne de boire et manger pendant 2
heures pour plus de sûreté, réitérez la dose au bout de 8 ou 10
heures et même le lendemain.
« 3° La dose des chevaux, vaches, brebis, chiens, etc., est
depuis 60 grains jusqu'à 120, sur un peu de pain meslée avec un
peu de sel ou d'alun, ou simplement dans un peu d'eau tiéde.
« 4° Donnez-en par précaution aux animaux (qui) auront approché
les mordues ou leur paturage. »
Il existait d'autres moyens de combattre le redoutable fléau
dont Pasteur a triomphé. C'étaient les pèlerinages à saint
Hubert d'Ardenne ou d'Autrey ou le recours aux descendants du
patron des chasseurs. Nous renvoyons, pour plus amples
renseignements, à l'intéressant article publié par M. Fourier de
Bacourt, dans le Pays lorrain, 1912, p. 4.
(1) Le grain est le poids du grain de poivre. |