Journal des débats
politiques et littéraires
12 février 1880
Le 28 avril 1880, Eugénie
Michel, alors âgée de trente ans, accouchait à Gondrexon
(Meurthe-et-Moselle), chez les époux Duru, d'un enfant dont la
naissance fut déclarée le même jour à la mairie de Gondrexon par
la dame Daru, et dont le baptême eut lieu le lendemain.
Le 15 mai suivant, on découvrit, dans un ruisseau, le cadavre de
cet enfant, dont la mort par asphyxie provenant de submersion
paraissait remonter à une dizaine de jours. L'information a
établi que cette mort était le résultat d'un crime imputable à.
la mère de l'enfant. Le 3 mai, en effet, la fille Michel avait
quitté le domicile des époux Duru emportant son enfant et
annonçant qu'elle se rendait à Nancy pour le faire admettre,
disait-elle, parmi les enfans assistés. Le même jour, à onze
heures du matin, elle reparaissait chez son ancien maître, le
sieur Liotté, qui consentit à la reprendre comme domestique.
Toutefois le maire de Gondrexon et le sieur Liotté ne tardèrent
pas à concevoir des doutes sur la véracité des dires de
l'accusée. Elle avait produit pour les tromper une attestation
fabriquée d'après ses instructions, et de laquelle il semblait
résulter qu'elle avait en effet placé son enfant à l'hospice de
Nancy.
Le 13 mai, comprenant que son mensonge allait être découvert, la
fille Michel prit la fuite, après avoir avoué à un témoin
qu'elle avait jeté son enfant à l'eau sous le pont du ruisseau
du Reillon et qu'elle avait mis une grosse pierre sur son corps.
Deux jours plus tard le cadavre de l'enfant était retiré de ce
ruisseau.
Eugénie Michel qui avait pu jusqu'ici se soustraire à toutes les
recherches, vient de comparaître devant la Cour d'assisses de
Meurthe et Moselle.
Interrogée par M. le président, l'accusée, sans dénier le fait
qui lui est reproché, l'attribue à un accès de désespoir et de
folie où l'avait jetée l'abandon dont elle était victime de la
part d'un domestique comme elle au service de M. Liotté, et qui
l'avait séduite sous la foi d'une promesse de mariage.
L'accusée, déclarée coupable par le jury, mais avec admission de
circonstances atténuantes, a été condamnée par la Cour à cinq
ans de réclusion. |