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Cahier de doléances - 1789 - Harboué


Cahiers de doléances des bailliages des généralités de Metz et de Nancy pour les Etats généraux de 1789
Charles Etienne
Ed. 1907
Baillage de Vic

HARBOUÉ

Procès-verbal.
«  15 mars 1789, sont comparus au greffe de la municipalité de ce lieu, par-devant nous, Pierre Charpentier, syndic de ladite municipalité. »
Communauté composée de 100 feux.
Députés Pierre Charpentier, père et fils.
Signatures J.-B. Onion, maire ; Nicolas Colin ; Pierre Chata ; Jean Marchal ; P. Charpentier, syndic ; Pierre Charpentier.

Cahier de doléances, plaintes et remontrances de la communauté de Harboué, pour l'assemblée des États généraux convoqués à Versailles au 27 avril de l'an 1789

Les habitants de la communauté d'Harboué, soussignés, tous nés Français, s'étant assemblés conformément aux ordres de Sa Majesté, pour travailler à la rédaction de leur cahier de remontrances, après avoir mûrement délibéré entre eux, ont arrêté unanimement d'exprimer comme il suit leurs voeux et doléances.

ART. 1. - Les soussignés désirent et demandent que les États généraux, aussitôt après leur ouverture, fassent à notre auguste souverain Louis Seize, glorieusement régnant, la protestation solennelle de donner leurs biens, leurs vies même, pour le maintien et l'affermissement de la couronne sur la tête de ce monarque chéri, et qu'ils lui défèrent respectueusement le surnom d'Ami du Peuple ;

ART. 2. - Qu'à l'assemblée des États généraux, les délibérations soient prises par Ordres réunis, et les suffrages comptés par tête ;
[En marge «  Très important. »]

Art. 3. - Que les États généraux soient assemblés périodiquement, sans préjudice aux convocations extraordinaires qui pourraient être nécessitées par des événements imprévus ; mais qu'ils ne puissent nommer aucune commission intermédiaire pour les représenter dans l'intervalle de leur séparation ;
[En marge «  Très important. »]

ART. 4. - Qu'il ne puisse être rétabli aucun impôt, ni fait aucun emprunt public, que du libre consentement des États généraux régulièrement convoqués ;

ART. 5. - Que les dettes de la Couronne soient scrupuleusement examinées ; que celles qui n'ont pour base qu'une usure énorme et désastreuse, telles que les trente-deux millions de Louis Quatorze pour en toucher huit, soient déclarées nulles, ainsi que celles qui remontent à des sources impures ; et que toutes les autres soient hypothéquées sur le crédit national ;

ART. 6. - Que les impôts quelconques soient également répartis sur tous les citoyens quels que soient leurs privilèges, et sans aucune autre distinction que celle qui se trouve fondée sur la différence des facultés et revenus ;

Art. 7. - Que les compagnies fiscales soient supprimées, et que les provinces respectives soient chargées de la répartition et du recouvrement des impositions ;

ART. 8. - Que l'impôt territorial, même en nature, soit substitué aux vingtièmes et autres impôts, comme étant le seul moyen de prévenir l'inégalité, l'infidélité et les fausses déclarations, comme aussi la seule méthode qui, par un heureux accord avec la nature, se prête avec souplesse aux variations des récoltes. Que cette espèce de dime royale soit admodiée comme la dîme ecclésiastique qui en serait comme l'indicateur ; que chaque communauté demeure garante et caution du payement. Que les admodiateurs soient pris de préférence parmi les habitants du lieu. Que les mêmes admodiateurs ne puissent accaparer les dîmes de plus de quatre paroisses. Enfin, que toutes les terres sans exception soient sujettes à cet impôt, celles même que le luxe mesquin et égoïste de ce siècle a frappées de stérilité, en les convertissant en parcs, jardins anglais, chinois, etc. bien entendu que les terres adjacentes serviraient de terme de comparaison ;

ART. 9. - Que tous les genres d'impôts qui gênent la circulation, obstruent les routes du commerce, arrêtent les progrès de l'industrie et des manufactures, soient supprimés, et remplacés par d'autres qui puissent atteindre les objets d'un luxe dévorant et destructeur, telles que les cheminées, sauf la première de chaque maison ; les équipages et cette multitude de chevaux qui foulent le peuple dans plus d'un sens et remplissent nos grandes villes au détriment de l'agriculture ; ce peuple de laquais et gens de livrée qui fourmille dans les hôtels des grands et des riches, qui attirent au centre de la corruption les plus beaux hommes du peuple, au grand dommage de l'espèce, et enlèvent à des travaux utiles les bras les plus robustes ;

ART. 10. - Que les propriétés et la liberté individuelle soient sous la garde de la loi et à l'abri de l'arbitraire mais que nos lois soient réformées, la procédure simplifiée, ses funestes agents diminués, circonscrits ; les justiciables rapprochés de leurs tribunaux respectifs par de nouvelles démarcations, et des arrondissements convenables. Et quant aux tribunaux supérieurs, que les bornes et l'étendue de l'autorité qui leur est confiée soient clairement posées et énoncées, afin d'éviter par la suite les choses scandaleuses qui résultent de cette incertitude ;

ART. 11 -. Que les sujets du Roi ne soient plus vexés par une foule de droits oppressifs, lambeaux des siècles gothiques, monuments de l'esclavage de nos pères ; que les droits seigneuriaux soient examinés soigneusement, et que les uns soient abolis et les autres rachetables à des conditions clairement énoncées. Qu'en particulier les droits de tiers-denier, de troupeau à part et de banalité soient, s'il se peut, supprimés, comme étant un obstacle invincible à l'aisance des campagnes et au progrès de l'agriculture, et comme étant une source continuelle de procès ruineux toujours perdus par les communautés. Que le Tiers état supplie humblement notre digne monarque de donner ce grand exemple dans ses propres domaines, et qu'il ne fasse aucun doute que la Noblesse  française, du moins la véritable, dont le peuple doit constamment respecter la prééminence, ne trouve dans ce beau modèle et dans son propre coeur des motifs qui la détermineront sans peine à faire les mêmes sacrifices au bien public :
Des chevaliers français tel est le caractère ;

ART. 12. - Que les bénéfices ecclésiastiques sans offices, et les titres sans fonctions, soient entièrement supprimés, comme trop éloignés de leur première destination, et que les revenus en soient confiés aux Etats particuliers, pour en faire l'usage qu'ils jugeront le plus utile à la province ;

Art. 13. - Que la Noblesse d'Église, devenue parfaitement étrangère au ministère évangélique, ne puisse plus surprendre la religion du Souverain en continuant d'accaparer pour son compte non seulement l'épiscopat moderne si différent de l'ancien, et pour lequel elle paraît enfin avoir obtenu un privilège exclusif, mais encore tous les autres bénéfices de détail qui, par leur importance, ont donné l'éveil à sa cupidité, et auxquels elle a presque toujours su joindre des décorations. On demande sur cet article 1° qu'il soit mis un terme à ces invasions odieuses ; 2° que les chapitres de nos provinces qui, naguère, étaient ouverts à tous les citoyens honnêtes, soient remis sur l'ancien pied ; 3° que les Etats généraux daignent considérer que ce n'est point du tout une chose indifférente aux moeurs ni au patriotisme de prodiguer sans cause les décorations ; et que Sa Majesté soit très instamment suppliée de n'en accorder désormais qu'à des hommes qui les auront véritablement méritées par leur service, ou à des corps pour qui il importe d'imprimer un grand respect dans l'esprit des peuples ; et que hors ces deux cas, on fasse impitoyablement disparaître ces signes trompeurs, ridicules quand ils sont déplacés, avilis quand ils sont multipliés, et toujours l'enseigne d'une vanité puérile, quand ils ne sont pas la récompense du mérite ni le symbole du pouvoir ;

ART. 14. - Que si le Gouvernement se décidait encore dans la suite à opérer des réunions ou suppressions de maisons religieuses ou extinction de titres abbatiaux, il en soit fait un usage utile à la province ; et que ces monuments de la piété de nos pères, en changeant de destination, prennent une forme qui puisse être avouée par la religion et l'humanité ; qu'ils deviennent ou des hospices ouverts à la vieillesse indigente, ou des écoles publiques et gratuites d'arts et métiers pour les enfants des pauvres, ou des ateliers de charité ; et que l'on puisse ainsi parvenir non pas à éteindre tout d'un coup la mendicité, ce qui est impossible, mais à la prévenir pour la suite. Tel homme est mendiant parce qu'il ne sait aucun métier, et il n'en fait aucun parce que ses parents n'auraient pu payer son apprentissage : c'est à la Patrie à élever ses enfants ;

ART. 15. - Que l'éducation que l'on donne aux jeunes aspirants dans les séminaires soit perfectionnée et rendue plus patriotique ; que le fond de l'étude théologique soit une morale saine et rendue uniforme dans tout le royaume ; et qu'en place de ces controverses qui ne sont pas sans danger pour l'esprit, et dont le moindre défaut est d'être au moins étrangères aux fonctions paisibles qu'ils doivent exercer dans la suite, on les oblige de faire un cours abrégé de médecine et de jurisprudence française, afin que, placés au milieu des peuples de la campagne, ils deviennent pour eux des guides éclairés et humains, des médecins charitables et des pacificateurs intelligents ;

ART. 16. - Que dans chaque paroisse de campagne il soit établi un tribunal de paix semblable à peu près à nos utiles juridictions consulaires, qui ait le pouvoir de terminer définitivement et sans appel toutes les contestations dont l'objet n'excéderait pas la valeur intrinsèque de 12, ou 20, ou 30 livres, le tout sans frais, sans ministère d'huissier, procureur ou avocat. Que ce tribunal soit composé du curé et des trois plus anciens membres de municipalité ; et dans le cas que l'un ou plusieurs d'entre eux seraient légitimement suspects, les autres nommeraient d'office des personnes capables de les remplacer pour cette fois ;

ART. 17. - Qu'il soit établi des règlements uniformes et invariables pour la police intérieure des bourgs, villages et hameaux, ainsi qu'une autorité suffisante dans chaque lieu pour punir sur-le-champ, sans frais, et selon des règles fixes, tous les mésus et délits champêtres ;

Art. 18. - Qu'il soit statué que les Etats particuliers feront examiner attentivement toutes les usines à feu qui existent dans chaque province ; et qu'ils soient autorisés à faire supprimer celles qui, par leur excessive multiplication, leur rapprochement et leur position, menacent les provinces d'une disette de bois qui commence à se faire cruellement sentir ;

ART. 19. - Qu'il soit pris des moyens efficaces pour favoriser l'agriculture ; et, qu'au lieu de se contenter des vaines théories et des jetons de nos académies-, qui tombent dans l'inconvénient blâmé par les anciens, optime colere damnosum, on encourage le laboureur, et par la soustraction des obstacles et par des secours positifs... [sic], que le parcours des prairies soit sévèrement interdit aux troupeaux des bêtes à laine depuis le 25e de mars jusqu'au premier octobre ;

Art. 20. - Que le tirage de la milice soit abrogé, et que, pour l'entretien de l'armée, on prenne des moyens tout à la fois plus dignes de la qualité de défenseurs de la patrie, et plus conformes à la liberté du citoyen.

Observations

Les habitants soussignés, après mûre délibération, ont jugé convenable de joindre aux pétitions précédentes les observations qui suivent

ART. 1. - Les intendants peuvent-ils tout voir et tout faire par eux-mêmes ? ne sont-ils pas obligés de s'en rapporter presque toujours à des agents cupides, infidèles ? Ces subalternes peuvent-ils prendre à la chose publique le même intérêt que les membres d'une assemblée patriotique, dont les opérations toujours publiques sont dès lors assujetties à une utile censure ?

ART. 2. - Les maîtrises des Eaux et Forêts sont-elles une institution assez bien combinée pour rassurer le public sur l'aménagement des bois? est-il bien conforme aux principes d'une sage administration de confier la conservation d'une chose à ceux-là mêmes qui ont un intérêt direct à sa destruction, puisque les émoluments sont toujours en raison des exploitations.

Art. 3. - N'est-il pas trop dur d'obliger les communes à se rédimer des droits seigneuriaux ? et, puisque l'esclavage n'a fait que changer d'objet, et qu'en cessant d'affecter les personnes, il est tombé sur les choses mêmes, n'est-il pas aussi injuste de faire payer au dix-huitième siècle la liberté réelle, qu'il le fut au douzième de faire payer la liberté personnelle, si souvent mise à l'encan par des barons ruinés ?

Art. 4. - Si l'on n'améliore pas sur ce point le sort du bas Tiers, n'est-il pas dans le cas de regretter son antique servitude ? puisque du moins alors les barons jetant du haut de leurs donjons des regards orgueilleux sur leurs forêts, leurs troupeaux, leurs campagnes, les abaissaient quelquefois sur les cases de leurs esclaves qui partageaient ainsi avec le bétail l'attention et l'intérêt du maître ; au lieu qu'aujourd'hui, qu'un malheureux villageois après avoir haleté et sué de douleur pour répondre aux mille et une oppressions qui l'investissent, succombe enfin sous le faix et achève sa longue agonie ; qu'importe au seigneur ? il n'a nul intérêt à la conservation de ces spectres ambitants ; cette victime sera remplacée par d'autres qui auront le même sort ; tout sera égal, et meure qui voudra, pourvu que les corvées se fassent, que les cens et redevances se payent, que les tailles soient acquittées, que. etc., etc.

ART. 5. - Mais, répète-t-on de toutes parts, les propriétés doivent être respectées elles sont, avec la sûreté personnelle, les bases essentielles du contrat social.
Oui sans doute, hommes injustes, les propriétés doivent être respectées, mais c'est quand elles ne sont ni abusives, ni oppressives, ni tyranniques, c'est quand elles ne sont point un obstacle invincible à la prospérité commune, c'est lorsqu'elles ne sont pas une maladie, une gangrène du corps politique. Et les hauts barons eux-mêmes ne pouvaient-ils pas avec autant d'avantage s'emparer aussi de ce dangereux sophisme, et motiver par là leur résistance aux vues bienfaisantes de quelques-uns de nos rois lorsqu'ils essayaient d'affranchir les communes ? Ils pouvaient dire au Souverain vous êtes un tyran, un roi injuste, vous renversez les fondements de la société en attaquant les propriétés ; songez que ces hommes que vous voulez déclarer libres sont notre bien, notre patrimoine, notre meuble que nous les avons acquis, échangés par des contrats valides. Faites attention que ces contrats ont été revêtus de toutes les formalités, et passés sous la sauvegarde et la protection de la loi ; ainsi, nous vous déclarons la guerre selon notre louable coutume, et nous allons armer nos esclaves pour repousser par la force le bienfait que vous leur préparez. Qu'eût-il manqué à ce raisonnement pour ressembler de tout point à ceux que l'on forme aujourd'hui ? Ici, je l'avoue, l'iniquité est plus sensible, mais est-elle plus nuisible ? Or, que pourrait répondre un roi sage à cet argument brutal ? Ce qu'il pourrait répondre ? Précisément ce que nous avons répondu il n'y a qu'un moment ; il pourrait dire de plus : on ne prescrit pas contre la nature, contre la raison, contre la justice ; et le laps des siècles ne peut rien ajouter aux titres d'une possession vicieuse dans son principe. Pour nous, nous nous contenterons de remarquer qu'il est imprudent, dangereux même, de fermer l'oreille aux cris de la raison universelle, et aux invitations d'un roi bienfaisant, armé de tout l'amour de son peuple.
Tous ces articles et les observations qui les suivent ayant été examinés par les soussignés en assemblée et lecture en ayant été faite à diverses reprises, ils les ont approuvés, consentis, et munis de leurs signatures, à Harboué, le 19e mars 1789.

J.-B. Onion, maire ; Nicolas Colin ; Pierre Chata ; Jean Marchal ; P. Charpentier, syndic ; Pierre Charpentier.

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