Annales des
voyages, de la géographie de l'histoire et de l'archéologie.
Année 1868 t. 2 - Ed. Challamel ainé, Paris
Ethnologie de la France - Les origines des populations
lorraines, par D. A. Godron.
[...]
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui encore, la presque totalité des
habitants de nos campagnes, même dans la Lorraine dite
allemande, ont le crâne brachycéphale et arrondi au sommet et
ces caractères sont précisément ceux qu'offre le crâne des
Français de race gaélique, suivant W. Edwards.
Pour établir ce fait, nous ne nous sommes pas borné à observer,
dans nos voyages à travers les diverses parties de la Lorraine,
la configuration extérieure de la tête chez les habitants
actuels de nos campagnes; nous avons voulu contrôler nos
premières observations faites sur le vif, par l'examen des
crânes dépouillés de leurs parties molles. Cette vérification
eût été facile, il y a une trentaine d'années, sur la plus large
échelle, alors que chacun de nos villages lorrains possédait
dans le cimetière un charnier où, d'année en année et depuis
plusieurs siècles, s'accumulaient les ossements des générations
passées, qu'on exposait ainsi aux regards des générations
présentes. Aujourd'hui, ces amas d'ossements ont disparu presque
partout, l'autorité administrative ayant prescrit de les
enterrer. Cependant, dans, quelques communes, on en rencontre
encore et nous avons pu en étudier un certain nombre. Partout
nous avons observé une uniformité des plus remarquables et bien
plus grande que nous ne l'avions soupçonnée, dans la forme de la
tête et spécialement du crâne. Quant au volume, il varie dans
certaines limites ; mais on sait que ce caractère se modifie un
peu d'un individu à l'autre et que généralement les femmes ont
la tète plus petite que les hommes. Or, je n'ai pas trouvé, même
dans les charniers de Sarraltroff et de Bettborn, en pleine
Lorraine allemande, ni à Avricourt sur les limites des deux
idiomes, français et germanique, une seule tête qui ne soit
brachycéphale; qui, par le peu de différence qui existe entre le
diamètre antéro-postérieur du crâne et son diamètre transversal,
ne se rapproche de la forme sphérique, qui n'ait le front
arrondi et un peu fuyant vers les tempes ; qui n'ait enfin les
os malaires quelque peu saillants latéralement. Or, tous ces
caractères sont exactement ceux des habitants de la partie
éminemment française de la Lorraine. On croirait volontiers que
toutes ces têtes osseuses sont sorties d'un seul et même moule,
tant la ressemblance de forme est frappante.
J'ai même pu constater que ces caractères qui appartiennent
aussi au type d'origine gaélique, existent chez nos populations
depuis plusieurs siècles. On voit à Avricourt, sous le choeur de
l'église, un caveau, dont la construction est antérieure au XVIe
siècle, et qui s'ouvre sur le cimetière par trois portes
cintrées. Or, dans ce village qui ne compte pas aujourd'hui 700
habitants et qui en avait beaucoup moins autrefois, on trouve là
une masse considérable d'ossements humains, qui sont ceux de ses
habitants depuis quatre siècles. On continue encore à y déposer
les ossements qu'on retire journellement du cimetière, en y
creusant de nouvelles fosses et nous en avons vu de récents. On
observe en outre, dans ce caveau, de petites murailles, formées
exclusivement de têtes cimentées par du mortier, et ces
constructions noircies par le temps, sont dans un état de
dégradation telle, qu'on doit considérer les têtes osseuses qui
les constituent comme fort anciennes. Elles ne diffèrent pas des
plus modernes.
[...]
Il faut évidemment conclure de ces faits que les habitants des
diverses parties de la Lorraine sortent d'une même souche et que
les mélanges, s'il y en a eu réellement, n'ont pas été assez
nombreux pour modifier les caractères ethnologiques de nos
populations. Elles sont donc gauloises d'origine, même dans la
Lorraine dite allemande. |