26 janvier 1895 - n° 4
- p. 71
Suppression de traitement.
Le traitement de M. l'abbé Gaillard, curé de Nonhigny a été
supprimé il y a peu de temps, mais la suppression a eu son effet
depuis le 1er décembre 1894.
Dès que la population de cette paroisse qui compte 222
habitants, presque tous petits cultivateurs et ouvriers, a connu
le coup qui frappait le pieux et dévoué pasteur, elle a rédigé
une pétition qui, malgré les efforts faits pour s'y opposer, a
été signée par la très grande majorité des électeurs. Une
souscription a réuni immédiatement 600 francs en argent, et des
dons importants en nature ont été promis à M. le curé. Il y a là
une touchante démonstration en faveur de M. l'abbé Gaillard.
26 janvier 1895 - n° 4 - p. 73
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Robin.
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs l'âme de M. l'abbé
Auguste-Hyacinthe ROLIN. Né à Bacourt en 1841, ordonné prêtre en
1865; il fut successivement professeur au Collège de Blâmont,
curé de Mont-le-Vignoble, en 1870, et de Parroy, depuis le 10
novembre 1884, où il est décédé, le 24 janvier 1895.
M. Robin était membre de l'Association de prières.
2 février 1895 - n° 5 - p. 93
M. l'abbé Robin.
Lundi dernier ont eu lieu à Parroy les funérailles de M. l'abbé
Robin, curé de cette paroisse depuis dix ans, et enlevé par une
maladie de quelques jours à l'affection de ses parents, de ses
paroissiens et de ses amis; tous manifestaient par leur attitude
en quelle estime ils avaient ce bon prêtre et quels regrets leur
causait sa mort prématurée. La température sibérienne que nous
subissons n'avait point arrêté plusieurs prêtres du pays toulois
où M. Robin avait débuté dans le ministère paroissial :
Nancy, Lunéville et les environs de Parroy avaient fourni un
nombreux contingent. D'autre part, la paroisse toute entière
était là pour rendre les derniers devoirs à son regretté curé,
et, l'expression désolée qu'on lisait sur tous les visages
disait assez que le cher défunt avait su trouver le chemin des
coeurs.
C'est qu'en effet M. Robin, comme homme, apportait dans ses
relations un charme et une douceur qui lui gagnait toutes les
sympathie, un dévouement inépuisable qui lui faisait choisir
pour lui les chargea en laissant aux autres le plaisir, une
fidélité d'amitié qui ne reculait ni devant la distance, ni
devant les obstacles. Comme prêtre il menait la vie sacerdotale
avec une dignité, j'allais dire avec une sainteté qui avait été
préparée par une jeunesse de travail, d'efforts, par conséquent
de mérites, et qui ne s'est jamais démentie au cours d'une vie
austère toujours, parfois pénible. Il cherchait les âmes partout
où son ministère était de les atteindre, et chez les jeunes gens
d'abord il fut un excellent éducateur, et chez ses paroissiens
ensuite, dont il eut une sollicitude douloureuse. Mais
n'anticipons pas, disons seulement que tant de vertu lui avait
gagné les coeurs, nous en avons eu la preuve lundi.
Après la levée du corps, faite par M. le doyen d'Arracourt, le
cortège se forma à la sortie du presbytère, imposant comme
escorte et comme suite. Les coins du drap étaient tenus par M.
le maire, M. le président du conseil de fabrique et deux
prêtres, vétérans de l'enseignement dans nos Maisons
d'éducation; une foule recueillie formait la haie dans les rues
qui conduisent à l'église et en traversant les rangs on
surprenait un peu partout des larmes dans les yeux. La messe fut
chantée par M. le doyen de Saint-Gengoult, de Toul. Puis M.
l'abbé Carrier, curé-doyen de St-Nicolas-de-Port et prédécesseur
immédiat de M. Robin, monta en chaire et rit un rapide éloge
funèbre du défunt. En quelques paroles fort goûtées de
l'assistance, il le présenta sous deux de ses traits les plus
saillants, son esprit de foi qui se montrait par des
manifestations si multiples et si fécondes, et sa volonté si
tenace qui arrivait au but malgré tout. Il en tira les
conclusions pratiques qui convenaient à l'auditoire, et enfin,
il termina par un adieu pathétique dont les accents remuèrent
les âmes et firent couler les pleurs.
A l'orateur qui parlait du haut de la chaire, en succéda un
autre de douze ans qui parla à l'entrée du choeur, ou plutôt qui
lut un dernier adieu très ému, en son nom et au nom de ses
camarades, au regretté pasteur qui les avait instruits et à qui
il promettait un long et reconnaissant souvenir. L'idée de faite
parler des enfants devant les restes de leur père était très
heureuse et elle produisit une bonne impression sur
l'assistance. L'absoute fut donnée par M. le supérieur de la
Malgrange, condisciple et ami de M. l'abbé Robin, et le cortège
se remit en marche vers le cimetière dans le même ordre et le
même recueillement, les jeunes gens de la paroisse se faisaient
un honneur de porter le corps. Les dernières prières prononcées,
la foule se retira profondément émue et édifiée.
Et maintenant, cher ami, donnez votre sommeil dans la paix du
Seigneur, au pied de la grande croix qui abrite et le pasteur et
le troupeau : la mort n'effraie point ceux qui ont vécu comme
vous. X.
23 février 1895 - n° 8 - p. 131
Souscription en faveur de l'Orphelinat agricole de Lupcourt
(5e LISTE).
[...] M. Florentin, curé-doyen de Blâmont, 60 fr. - Mlle Cholet,
à Blâmont, 50 fr. [...]
23 février 1895 - n° 8 - p. 132
M. l'abbé Aubry.
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs l'âme de M. l'abbé
AUBRY. Né à Thiébauménil en 1815, prêtre en 1843, vicaire à
Sarrebourg, curé de Xousse en 1844, curé de Nitting, depuis le
26 octobre 1855, où il est décédé, le 18 février 1895.
M. Aubry était resté membre de l'Association de prières du
diocèse de Nancy.
2 mars 1895 - n° 9 - p. 175
Souscription en faveur de l'Orphelinat agricole de Lupcourt.
(6e LISTE).
[...]Mme la Comtesse de Martimprey, à Blâmont, 50 fr. - Mme
Chambrey, à Blâmont, 20 fr. - M. Pierrat, à Blâmont, 10 fr.
[...]
23 mars 1895 - n° 12 - p. 229
NOUVELLES RELIGIEUSES.
Itinéraire pour la tournée de Confirmation.
Dans l'arrondissement de Lunéville (1895).
[...] Mardi, 29 avril - à VAUCOURT. - Emberménil, Leintrey,
Vaucourt, Xousse.
Mercredi, 1er mai, à REPAIX. - .Amenoncourt, Autrepierre, Gogney,
Repaix.
Jeudi, 2 à BLAMONT. - Barbas, Blâmont, Chazelles, Domèvre,
Verdenal.
Vendredi, 3 - à SAINT-MARTIN. - Blémerey, Herbéviller,
Saint-Martin, Vého.
Samedi, 4 - à HARBOUEY. - Frémonville, Harbouey, Nonhigny, Parux,
Tantonville.
Dimanche, 5 - à CIREY. - Bertrambois, Cirey, Petitmont, Val- de
-Don-Moutier.
Lundi, 6 - à BADONVILLER. - Angemont, Badonviller, Bionville,
Bréménil, Neuviller, Pierre-Percée.
Mardi, 7 - à PEXONNE. - Neufmaisons, Pexonne, Saint-Pôle,
Vacqueville.
Mercredi, 8 - à MIGNÉVILLE -Ancerviller, Brouville, Mignéville,
Reherrey.
Jeudi, 9 - à OGÉVILLER. - Bénaménil, Domjevin, Hablainville,
Ogéviller.
[...]
13 avril 1895 - n° 15 - p. 290
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Thouvenin.
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs l'âme de M. l'abbé
François-Jean Thouvenin, né à Autreville en 1834, ordonné prêtre
en 1859.
Il fut successivement vicaire à Badonviller, puis curé de
Nonhigny, et enfin depuis le 1er juillet 1867, curé de Morville-sur-Nied,
où il est décédé le 3 avril 1895.
M. Thouvenin était resté membre de l' Association de prières.
4 mai 1895 - n° 18 - p.347
L'abbé Picard, économe du Grand-Séminaire
C'est avec une profonde émotion que nous allons retracer les
traits les plus saillants d'une figure, trop tôt disparue de la
scène du monde, de M. l'abbé Picard, chanoine honoraire, économe
du Grand-Séminaire. Cependant l'éloge d'un père, d'un maître et
d'un collègue, sous la plume d'un fils, d'un élève et d'un
collègue, sera sincère et respectera les droits sacrés de la
vérité.
Eugène-Jean-François Picard naquit à Nancy sur la paroisse
Saint-Sébastien, le 18 décembre 1843, d'ouvriers honnêtes et
pieux. Son père, qui était menuisier, remplissait les fonctions
de suisse à l'église Saint-Georges. Elève des Frères des Ecoles
chrétiennes, l'enfant, qui était doué d'une magnifique voix de
soprano, fut admis à la Maîtrise de la Cathédrale. Aux
catéchismes, M. Gridel le distingua pour son intelligence et sa
piété et fut le premier guide de sa vocation ecclésiastique. Il
resta toujours son confident et son ami. Le jeune aspirant au
sacerdoce commença ses études de latinité chez M. Constantin, et
après une année, grâce à sa grande facilité d'assimilation et à
son labeur soutenu, il fut capable d'entrer en troisième. C'est
le 7 octobre 1858 qu'il arrivait au Petit-Séminaire de
Pont-à-Mousson. Dès le début, il prit rang parmi les élèves les
plus forts de sa classe et à la fin de la rhétorique, il était
quatrième en excellence. Sa conduite avait toujours été aussi
régulière que ses succès constants. Aussi fut-il admis au
Grand-Séminaire avec de très bonnes notes.
Il revêtit l'habit de la cléricature le 5 octobre 1861. Dans sa
nouvelle carrière, ses progrès dans la science et sa régularité
ne se démentirent pas. D'une intelligence plus littéraire que
philosophique, il fit cependant de solides études théologiques.
Tonsuré le 30 mai 1863, minoré le 21 mai de l'année suivante, il
remplit pendant deux ans les fonctions de chef de cérémonies.
Son maintien digne et sa grâce parfaite avaient attiré le choix
de ses maîtres pour cet emploi. Le 2 juillet 1865, l'acolythe
s'engageait irrévocablement par le sous-diaconat au service des
autels, qui lui avait souri dès son enfance. A la rentrée
suivants, bien qu'il eût encore une année de théologie à passer,
le jeune sous-diacre fut destiné à l'enseignement. Ses
supérieurs l'envoyèrent au Petit-Séminaire de Pont-à Mousson et
lui confièrent les classes de septième et de huitième. Le 22
septembre 1866, le professeur fut honoré du diaconat et quelques
mois après, le 8 décembre, alors qu'il n'avait pas atteint l'âge
canonique de la prêtrise, par une dispense extraordinaire d'un
an et dix jours, il reçut l'onction sacerdotale.
Le nouveau prêtre continua son humble professorat. Au mois
d'octobre 1869, il prit la chaire de sixième. Son petit
auditoire se composait de douze élèves seulement. La note
caractéristique de l'enseignement de notre maitre était la
netteté des explications. M. Picard ne nous surchargeait pas de
devoirs et de leçons. mais il exigeait que les premiers fussent
sérieusement élaborés et les secondes imperturbablement
récitées. Les paresseux - il en est encore à cet âge -
trouvaient en lui un censeur impitoyable . Sa tenue personnelle,
d'une correction un peu raide, suffisait à maintenir dans la
classe la discipline. Notre émulation était stimulée et notre
bonne volonté récompensée par de fréquentes lectures. L'activité
du professeur n'était ras épuisée par ses devoirs d'état et il
se livrait à des études personnelles. Son goût le portait vers
la littérature contemporaine, l'histoire et la géographie. Dans
ce dernier champ, le savant M. Hans, son collègue et ami,
excitait et dirigeait son ardeur.
La triste guerre de 1870 laissa vide d'élèves, mais remplit de
blessés prussiens le Petit-Séminaire, converti en ambulance.
Pour employer utilement ses loisirs, M. Picard devint précepteur
du jeune de Martimprey, à Blâmont. L'instruction de l'élève, qui
était en seconde, exigeait beaucoup de soins. Sans compter avec
la fatigue. le précepteur résolut d'apprendre la langue de
l'insolent vainqueur de sa patrie, et chaque jour, à huit heures
du soir, il prit chez le rabbin de la cité albomontoise une
leçon d'une heure. Ses progrès furent si rapides qu'à la reprise
des cours au mois d'octobre 1871, il put enseigner avec succès
aux élèves de quatrième et de troisième cette langue difficile.
Il la parlait couramment, mais avec l'accent particulier aux
Juifs lorrains. M. Picard professait en même temps la quatrième.
Dans cette chaire plus élevée, les qualités du maitre purent se
produire avec plus d'éclat. Sa méthode et sa clarté d'exposition
égalaient son dévouement. Rien n'était laissé à l'imprévu. Non
seulement les leçons et les devoirs de chaque classe étaient
exactement déterminés, mais les nombreuses matières du cours
avaient leur temps fixé et mesuré et étaient disposées suivant
un programme uniforme pour chaque semaine. Si le surmenage était
inconnu, il n'y avait ni paix ni trêve pour les défaillances de
la mémoire et les négligences du travail. La discipline a pu
paraitre dure à quelques-uns; tous ont dû convenir qu'ils
avaient part à la sollicitude constante du professeur. Loin
qu'une élite en eût le monopole, les élèves faibles étaient
stimulés à l'effort avec une persistance que certains désiraient
moins ferme et moins durable, La perte presque totale d'un oeil
et l'affaiblissement de l'autre ne ralentirent pas chez le
maître le travail ingrat et pénible de la correction des
devoirs. Une loupe suppléait au défaut de la vue et servait à
déchiffrer des pages ordinairement peu calligraphiées. Cette
infirmité fut l'occasion d'un changement de situation pour M.
l'abbé Picard. Le 3 mai 1874, le professeur de grammaire lut
nommé économe du Grand-Séminaire de Nancy. On le regretta dans
la maison qu'il quittait et M. le Supérieur fit chaudement son
éloge à la lecture spirituelle. Lui-même aima toujours à
retourner au Petit-Séminaire et à parler des neuf si bonnes
années qu'il y avait passées.
Le 16 mai, surlendemain de l'Ascension, le nouvel économe
inaugurait ses fonctions. Passer de la culture intellectuelle
des jeunes intelligences à l'administration temporelle d'un
vaste établissement, quel brusque et profond changement ! Pour
M. Picard, ses papiers intimes nous l'apprennent, ce fut un
pénible sacrifice, qu'il fit avec un grand esprit de foi. Ses
goûts le portaient à l'étude; il ressentait de la répugnance
pour les occupatiens d'un économat. « J'ai la part de Marthe,
écrivait-il encore, le 27 octobre 1878, à la fin d'une retraite
à la Chartreuse de Bosserville ; je préférerais celle de Marie;
mais je dois me persuader que je me sanctifierais moins devant
mon bureau de professeur et dans la solitude d'une cellule, ce
que je désire, qu'au milieu des préoccupations d'un économat, ce
qui n'est pas dans mes goûts, puisque Dieu m'y veut. D'un autre
côté, Dieu, quand il donne un emploi à quelqu'un, ne fait pas
seulement attention à l'individu, mais encore à la communauté.
Il faut que tous les postes soient occupés; et il donne à chacun
celui dans lequel il rendra le plus de services. En conséquence,
je ne manifesterai pas à mes Supérieurs mes répugnances pour
l'économat, encore moins demanderai-je mon changement. Je ferai
tout ce qui dépend de moi pour accomplir chacun des devoirs de
ma charge avec zèle et amour, comme étant la manifestation de la
volonté divine. Je les accomplirai sans préoccupation humaine,
non pour être loué des hommes, mais par conscience et parce que
c'est mon devoir. »
Il les accomplit avec tant d'intelligence que tous purent le
croire à la place de son choix et qu'il devint bientôt un
administrateur habile. En ses mains, les finances du Séminaire
se consolidèrent et s'accrurent ; les plus-values réalisées
servirent à l'amélioration du régime. Les heureuses
modifications obtenues ne disparurent pas, quand le budget fut
notablement diminué, et les séminaristes d'aujourd'hui jouissent
encore des avantages d'un temps plus prospère. Pour augmenter
ses ressources pécuniaires, M. Picard suscita, dans ces
dernières années, la fondation de plusieurs bourses. Les
domestiques, placés sous ses ordres, l'estimaient et le
respectaient; il savait conserver et honorer ces vieux
serviteurs, si rares et si dévoués aux intérêts des maisons
qu'ils habitent. Tout le clergé diocésain qui est en relations
directes avec l'économe du Grand-Séminaire, a apprécié depuis
vingt ans à leur juste mérite les qualités administratives de M.
Picard. Mgr Foulon et Mgr Turinaz le tenaient en particulière
estime et lui confièrent plusieurs fois la direction d'affaires
délicates. Son titre de doyen des économes fait à lui seul son
éloge. On ne reste pas si longtemps à un poste difficile, quand
on n'en est pas digne et qu'on ne le tient pas avec honneur.
Une oeuvre importante de notre cher économe a été la
transformation de l'ancienne église Saint-Pierre en chapelle du
séminaire. Du bâtiment de Jennesson, que sa grand'tante, Madame
de Bourgogne, avait acheté le 9 mars 1803 et recédé à la ville
en 1823, il a fait un bel oratoire, du style Louis XIV, bien
ordonné et parfaitement adapté à sa destination. Il fut
l'infatigable surveillant des travaux, et peu de jours après
l'inauguration du sanctuaire, il fut nommé, le 20 juillet 1888,
chanoine honoraire de la cathédrale de Nancy. Il était fier de
son oeuvre, dont il espérait terminer l'ameublement et
l'ornementation. Seules, les ressources lui ont manqué pour la
réalisation de ses voeux les plus ardents.
Mais, pour connaître M. l'abbé Picard tout entier, il ne faut
pas s'arrêter au dehors et considérer seulement l'homme public ;
il faut pénétrer dans sa vie privée et intérieure, et décrire
l'homme, le prêtre et le directeur des âmes.
L'homme vaut surtout par l'intelligence et le coeur. Nous avons
constaté la souplesse d'intelligence que déploya M. Picard dans
ses diverses fonctions. Econome, il regrettait vivement de ne
pouvoir suivre, comme il l'eût désiré, son attrait naturel pour
l'étude. Il donnait chaque jour plusieurs heures aux sciences
ecclésiastiques, lisait beaucoup et s'était formé une belle
bibliothèque. Pendant quelques années, il fit aux grands
séminaristes un cours d'allemand. Il apprit, comme en se jouant,
l'italien et l'anglais. La géographie était sa récréation
favorite et souvent on le trouvait occupé à feuilleter de gros
atlas et à déchiffrer une carte. Sous des apparences froides et
réservées, M. Picard cachait un coeur d'or. Son affection
s'épanchait au sein de la famille et dans le cercle de
l'intimité. Depuis la mort de ses parents, sa piété filiale
s'était concentrée sur sa soeur aînée, membre de la Congrégation
de Saint Charles et actuellement supérieure de l'hôpital civil
de Nancy. Ces deux coeurs, consacrés à Dieu et si bien' faits
pour se comprendre, s'aimaient tendrement, et la douleur
profonde de Soeur Marie-Eugène à la mort de son frère en a été la
dernière et émouvante expression. Pour ses collègues et ses amis
comme pour sa famille, M. l'économe réservait ses trésors
intérieurs. Lui qui paraissait froid et taciturne, s'abandonnait
dans l'intimité et parfois prenait à la conversation la part
principale. Mais ce qui faisait le charme de son amitié, c'était
sa fidélité et son dévouement à toute épreuve. Il était heureux
de rendre service et se plaisait à remplacer les confrères
malades ou absents. Que de mois n'alla-t-il pas tous les jours à
Maidières ? Durant les vacances, il acceptait volontiers de
célébrer à la cathédrale de Nancy les messes tardives. Qu'il
s'agît de prêcher, de confesser ou d'officier, il répondait à
toutes les invitations. La maladie ne ralentit pas son
empressement, et alors que déjà le repos lui était absolument
nécessaire, on ne recourait pas inutilement à ses bons offices.
Seule, la mort, qui est venue si promptement, lui a fait manquer
à sa parole donnée. Il était très généreux et sa main répandait
d'abondantes aumônes; les oeuvres catholiques avaient part à ses
largesses; aussi meurt-il pauvre. Il avait demandé un corbillard
de troisième classe et statué que, s'il mourait hors de Nancy,
son corps serait déposé dans une fosse commune et couvert d'une
simple croix de bois.
Les vertus du prêtre étaient supérieures à celles de l'homme. Sa
piété était, des plus vives et des plus tendres. Les résolutions
de sa prêtrise et de ses principales retraites ont été
retrouvées, pour ainsi dire, sous sa main; il les relisait
souvent et elles témoignent d'une grande régularité dans les
pratiques de la vie sacerdotale. Les livres de méditation et de
lectures spirituelles étaient constamment sur son bureau. Même
dans ses voyages, nous en avons été le témoin édifié, il
récitait son bréviaire aux heures fixées et n'abrégeait pas son
action de grâces après la sainte Messe. Il était affilié au
Tiers-Ordre de Saint-François. Un très puissant attrait l'attira
longtemps vers la vie religieuse; et la solitude de la
Chartreuse, où il allait passer ses retraites, lui souriait. Il
n'attendait que l'heure de Dieu pour s'y enfermer. Une dévotion
particulière aux âmes du purgatoire l'animait : tous les lundis,
l'intention de sa messe leur était abandonnée. Dès qu'il
apprenait la mort d'un confrère, il célébrait pour lui le saint
Sacrifice et il lui est arrivé de prier ainsi pour des prêtres
vivants, dont le bruit public avait annoncé prématurément la
mort. Il espérait en retour obtenir par les suffrages de ses
confrères une prompte délivrance des flammes du purgatoire. Il
célébrait avec ferveur les anniversaires de son baptême, de sa
première communion et de ses ordinations. Ce culte des pieux
souvenirs lui avait fait conserver son surplis de tonsure, et
une de ses volontés dernières fut d'en être revêtu après sa
mort.
Le directeur des âmes aimait ses pénitents du séminaire et en
était aimé. Sa direction était douce et sa fermeté était
tempérée par une grande bonté. Ses exhortations au confessionnal
étaient onctueuses, simples et pratiques. Les Petites-Soeurs
grises et les jeunes filles de l'ouvroir Sainte-Marie, dont M.
l'économe était le confesseur depuis plusieurs années, en ont
recueilli les derniers fruits. Il avait réservé à ces enfants de
choix les plus tendres affections de son coeur de père. Les
courses à Sainte-Marie-des-Allemands, puis au Montet, ne lui
coûtaient pas. Quand la maladie vint miner sourdement sa santé,
il refusa d'être déchargé de cette grande sollicitude, et le
mercredi-saint dernier, plusieurs hémorragies graves ne
l'empêchèrent pas de passer de longues heures au confessionnal.
La fatigue de ce dernier acte de zèle a certainement hâté le
dénouement fatal. M. l'économe est tombé, les armes à la main,
sur le théâtre de son dévouement aux âmes.
Depuis plusieurs années, sa santé périclitait et une laryngite,
à peine enrayée par une saison thermale au Mont-dOr, épuisait
insensiblement ses forces. Au mois de novembre dernier, de
fortes hémorragies inquiétèrent ses amis, sans l'arrêter dans le
travail. Une maladie de coeur aggravait la situation. Tout
l'hiver, ce fut une lutte secrète entre un mal inexorable, qui
progresse malgré tout, et l'énergie d'une âme qui ne veut pas se
déclarer vaincue. Le jour du vendredi-saint, M. l'économe dut
s'aliter pour ne plus se relever. Les hémorragies, qui avaient
cessé, recommencèrent. Soeur Marie Eugène désira avoir son frère
auprès d'elle pour lui donner plus assidûment les soins
qu'exigeait la gravité de son état. Le mercredi de Pâques, M.
l'économe fut donc transporté à l'hôpital civil, Il y expira
deux jours plus tard, après avoir reçu en pleine connaissance et
dans les dispositions les plus édifiantes, les derniers
Sacrements. C'est le vendredi, 19 avril, à cinq heures et demie
du matin, qu'il rendit son âme à Dieu. Monseigneur Turinaz, qui
l'avait visité sur son lit de douleur, vint jeter de l'eau
bénite sur son cercueil, en témoignage de son affection pour le
défont et de condoléance pour la famille et le Grand-Séminaire.
Sa dépouille mortelle fut ramenée au séminaire, le 22 avril au
matin, et déposée, en attendant les obsèques, dans la chapelle
des domestiques, au pied de l'autel sur lequel le prêtre décédé
avait offert, pendant 21 ans, le saint Sacrifice. Le service
funèbre d'enterrement commença à 10 heures. La levée du corps
fut faite par M. le Supérieur. L'ancienne église Saint Pierre,
ornée de tentures noires, se trouva trop étroite pour contenir
une nombreuse assemblée de prêtres, de religieuses et de
laïques, venus pour témoigner leurs sympathiques regrets. Plus
de 80 séminaristes, dispersés dans leurs familles pendant les
vacances de Pâques. étaient revenus pour cette triste cérémonie.
La messe fut célébrée par M. Vacant, l'absoute donnée par M.
Voinot, vicaire général. Le convoi au cimetière, présidé par M.
le curé de Saint-Pierre, fut imposant. Le chant grave et,
ininterrompu des séminaristes et le recueillement de
l'assistance, firent impression sur la foule. M. Picard a été
inhumé à Préville, auprès de sa mère. Selon ses dernières
volontés, ses obsèques ont été simples et modestes. Il repose
maintenant dans l'attente de la résurrection glorieuse; mais son
âme, nous l'espérons, vit au ciel, jouit déjà du bonheur réservé
par Dieu à ses fidèles serviteurs et protège avec nos autres
chers et vénérés défunts le séminaire de Nancy. E. MANGENOT.
25 mai 1895 - n° 21 - p. 409
Pieuse Association des Familles chrétiennes,
Consacrées à la Sainte Famille de Nazareth.
AGRÉGATIONS.
Ancerviller: 566 habitants; familles affiliées, 85. [...]
8 juin 1895 - n° 23 - p. 451
Offrandes recueillies à l'Evêché,
en faveur des Victimes de la catastrophe de Bousey, pour être
transmises à Mgr l'Evêque de Saint-Dié. (Suite.)
[...] Mme Mathis de Grandseille, à Blâmont, 20 fr. [...]
15 juin 1895 - n° 24 - p. 463
NOUVELLES RELIGIEUSES.
Visite pastorale.
Pour la quatrième fois depuis qu'il est Evêque de Nancy,
Monseigneur a fait, cette année, sa visite pastorale dans
l'arrondissement de Lunéville.
Si ces courses apostoliques prolongées pendant un mois entier
sont inévitablement pour un Evêque la source de grandes
fatigues, elles lui apportent aussi de grandes consolations.
Elles sont pour les paroisses visitées et évangélisées, une
cause salutaire de renouvellement dans la foi et
d'affermissement dans la piété et les vertus chrétiennes, pour
les prêtres une occasion d'union plus intime au premier pasteur
du diocèse qui appuie leurs leçons de ses exhortations, confirme
leur autorité, encourage leur zèle, et qui reçoit les
témoignages de leur confiante affection.
Outre les vingt-sept paroisses où il a séjourné, Monseigneur en
a visité, cette année, près de trente autres. Il est de ces
paroisses qui, en raison des proportions trop restreintes de
l'église, ne peuvent être choisies pour l'administration du
sacrement de Confirmation aux enfants de plusieurs localités, et
qui, de ce chef, n'avaient pas reçu la visite épiscopale depuis
trente-cinq et même quarante-cinq ans. Dans toutes celles qu'il
traversait en se rendant d'une station à l'antre, Monseigneur a
voulu s'arrêter; quelquefois même, il a volontiers fait un
détour pour visiter quelqu'une de ces paroisses. Partout, à la
suite des municipalités, les populations qui, la plupart du
temps, avaient été prévenues trop tard de cet itinéraire
improvisé, pour orner, comme elles l'auraient voulu, les rues
des villages, rivalisaient de zèle, couvraient le sol de
feuillages et de fleurs, et surtout se montraient joyeusement
empressées à recevoir Sa Grandeur. Suivant sa coutume,
Monseigneur entrait à l'église et disait aux fidèles rassemblés
une parole d'affection, leur donnait un conseil salutaire.
Elles sont si rares dans nos campagnes, la parole et la présence
de l'Evêque, et elles sont si désirées, elles sont si efficaces
!
Aussi, Monseigneur, qui en raison de son état de fatigue, avait
consenti pendant quelques jours, à se faire suppléer pour la
prédication, ne voulut jamais quitter une paroisse sans lui dire
l'affection et l'intérêt qu'il lui portait; mais sans pitié pour
une gorge depuis longtemps malade, bravant toutes les règles de
la prudence, il reprit bientôt entièrement à sa charge, à part
deux ou trois exceptions, l'obligation d'instruire et d'exhorter
les fidèles.
On ne se donne jamais en vain, et le dévouement sans mesure est
assurément la grande condition de la fécondité du ministère
pastoral.
Plus que jamais les fidèles se montrent reconnaissants envers
leur Evêque. Dans plusieurs paroisses, ils lui ont fait une
réception enthousiaste. A Harbouey en particulier, à Einville, à
Badonviller, à Flin, à Bayon, à Villacourt, il fut admirablement
accueilli.
Mais ce qui est, aux yeux du représentant de Jésus-Christ, plus
consolant même que les hommages rendus à sa dignité et à son
autorité surnaturelles, plus précieux que les arcs de triomphe,
les guirlandes et les avenues de fleurs et de verdures, c'est le
progrès de la foi dans les âmes, l'accroissement des vertus
chrétiennes et les manifestations de la piété. Tandis
qu'autrefois les enfants qui devaient être confirmés assistaient
presque seuls à.la cérémonie, aujourd'hui la visite pastorale
est une fête générale. Presque partout les églises sont
insuffisantes pour contenir les fidèles. Les communions
deviennent de plus en plus nombreuses à la messe célébrée le
matin par Sa Grandeur, où parfois même des retardataires
saisissent l'occasion d'accomplir leur devoir pascal négligé.
A Flin, un groupe d'hommes, par dévotion, viennent un mois après
leur confession et leur communion pascales, recevoir de nouveau
la Sainte-Eucharistie des mains de leur Evêque. Spectacle
admirable, qui mérite bien d'être signalé en ces temps
d'indifférence et de respect humaiu I
Partout, Monseigneur n'a eu qu'à se féliciter des rapports de
parfaite courtoisie qu'il a eus avec les représentants des
municipalités et les différentes autorités civiles. Comme les
années précédentes, et suivant la règle qu'elle s'est imposée,
Sa Grandeur a rendu partout les' visites que lui ont faites
Messieurs les Maires, les Présidents de Fabrique, etc...
Ces bonnes relations, les conversations dont elles étaient le
principe, ont eu plus d'une fois d'heureux résultats. A Maixe,
la reconstruction de la nef de l'église a été décidée; dans
d'autres paroisses, à Moriviller, à Rozelieures, à Vallois, des
réparations ou des travaux de grande utilité pour
l'assainissement des églises ou des sacristies ont été
projetées.
Depuis treize ans déjà notre vaillant Evêque se prodigue ainsi,
non seulement à la défense des libertés catholiques et des
grandes causes qui le trouvent toujours debout, non seulement
aux oeuvres nombreuses et aux associations de sa ville épiscopale
et des grandes paroisses, mais encore aux populations des
campagnes, aux classes laborieuses. Depuis treize ans il sème
partout le bon grain de ses prédications, il porte aux pauvres,
aux malades, avec ses bénédictions et ses encouragements, les
secours de sa générosité, il donne à son clergé des témoignages
de son courage, de son dévouement, de son affection, il
entretient avec ses prêtres des relations de confiance et de
paternelle simplicité. Il pouvait attendre de ces visites
pastorales de nombreuses consolations. Il les a reçues; il en
garde un précieux souvenir.
20 juillet 1895 - n° 29 - p. 572
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Blondot.
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs l'âme de M. l'abbé
Augustin Blondot. Né à Réchicourt-le-Château, le 24 octobre
1838, ordonné prêtre en 1864; il fut successivement sous-
directeur aux Jeunes-Aveugles, économe au Collège de Blâmont en
1866, curé d'Amenoncourt en 1871, de Lachapelle 1874,
directeur-adjoint de la Maison des Jeunes-Aveugles en 1878, et
directeur depuis le 7 avril 1885, où il est décédé le 17 juillet
1895.
M. Blondot était membre de l'Association de prières.
17 août 1895 - n° 33 - p. 653
Pèlerinage lorrain à N.-D. de Lourdes.
GROUPE DIOCÉSAIN DE NANCY.
Souscription pour les malades pauvres (6e liste)
[...] Mlle Maria Desfrères, d'Autrepierre, 4 fr. [...]
9 novembre 1895 - n° 45 - p. 897
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Enel.
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs l'âme de M.
Jean-Baptiste ENEL.
Né à Igney, les 19 mai 1822, ordonné prêtre le 22 avril 1848;
ancien curé de Jouaville, curé de Martincourt, depuis le 1er
décembre 1883. M. Enel est décédé le 31 octobre dernier.
Il n'était pas membre de l'Association de prières.
16 novembre 1895 - n° 46 - p. 906
M. Grand'Eury.
On nous a communiqué, sur la vie et la mort de M. Grand'Eury,
curé de Maxéville des détails intéressants et édifiants, que
l'abondance des matières ne nous a pas permis de publier dans
nos précédents numéros. Nous sommes heureux de les communiquer
aujourd'hui aux nombreux amis de M. Grand'Eury, qui les
attendaient avec impatience.
M. F.-C. Grand'Eury est né, à Dombrot, en 1837, d'une famille
qui a fourni successivement à l'instruction primaire, dix-huit
instituteurs. Dès son tout jeune âge, M. Grand'Eury manifesta le
désir de devenir prêtre. Il fit de bonnes études au Petit et au
Grand-Séminaire. Comme, à la fin de ses études, il n'avait pas
l'âge requis pour la prêtrise, il fut envoyé au Collège de
Blâmont. Ses élèves ont conservé le meilleur souvenir d'un
professeur qui sut, tout jeune qu'il était, commander leur
respect et gagner leur affection.
Il fut ordonné prêtre en 1861. Il débuta dans le saint ministère
à St-Maur de Lunéville, paroisse alors administré par l'abbé
Trouillet. En le plaçant sous la direction de cet illustre
bâtisseur, en le faisant son collaborateur dans les oeuvres
magnifiques dont il dotait Lunéville, la Providence semblait
vouloir préparer M. Grand'Eury à faire lui-même plus tard des
oeuvres importantes, où il déploiera un zèle, un talent, une
persévérance admirables, et dont seront fières les paroisses que
M. Grand'Eury a administrées. Ses fonctions de vicaire de la
paroisse, d'économe et de professeur au Collège du B.
Pierre-Fourrier épuisèrent ses forces: il dut quitter Lunéville
et chercher un repos bien nécessaire chez son frère, alors curé
de Moyen. Après quelques mois passés en famille, il fut envoyé à
Roville, où il va travailler avec un dévouement incomparable
pendant neuf années. A Mangonville, annexe de sa paroisse, il
bâtit, d'après les plans de M. Vautrin, une belle église romane.
A Roville, il restaure l'église; élève une tour; refait la
maison de cure.
Pour mener à bonne fin toutes ces entreprises, il se fait
carrier, charretier, tailleur de pierres, maçon, surveillant,
suppléant au besoin les entrepreneurs, prêtant un très utile et
très intelligent concours aux architectes.
On gardera longtemps là-bas le sou venir de son activité et de
ses bienfaits.
Le voilà appelé à l'importante cure de Maxéville. Aussitôt
arrivé dans sa nouvelle paroisse, il s'occupe de la construction
d'une église. A force de persévérance, de démarches, il parvient
à lever les obstacles de tout genre qui entravent l'entreprise;
les travaux sont commencés; mais les ressources sont épuisées ;
on a recours à Mgr Trouillet, qui s'engage à fournir 35.000 fr.
Malheureusement Mgr Trouillet meurt, avant d'avoir pris les
moyens de tenir sa promesse. Le pauvre curé aura-t-il la douleur
de voir son oeuvre inachevée? Il s'inquiète, il prie et ne
désespère pas. Il a raison, car après quelques semaines voici la
Providence qui lui vient on aide. Mgr l'Evêque de Nancy, de la
part d'un bienfaiteur qui veut rester inconnu, lui apporte,
comme oeufs de Pâques, les 35.000 fr. dont l'avait privé la mort
de Mgr Trouillet. Grâce à ce don magnifique, l'église s'achève;
les fenêtres se garnissent de superbes vitraux, le temple est
convenable pour les cérémonies du culte.
Mais la tour, comment la ferons-nous? C'est la question que se
posait l'intrépide curé. Il va trouver, d'une façon vraiment
étrange, le moyen de la résoudre.
Au retour d'un pèlerinage à Jérusalem, il entra un jour dans un
magasin de Nancy: au même moment s'y trouvait quelqu'un qui
s'intéressait fort à l'église de Maxéville. - Votre église
attend une tour, M. le curé ? dit tout-à-coup l'inconnu. Combien
vous faudrait-il pour en élever une ? - Le devis est fait, il
monte à 20,000 fr. environ, 20,000 fr., - c'est bien. - Quelques
jours après, ce monsieur se présente chez M. le Curé, dépose sur
la table 20 billets de mille francs. Je vous les donne, pour
bâtir la tour de votre église, à la condition qu'on ne dise pas
le nom de celui qui vous les offre. Le nom, que M. le Curé
d'ailleurs ne connaissait pas, n'a jamais été divulgué : et la
superbe tour de l'église fut construite. Restait à faire les
sacristies, surtout celle qui devait servir de salle de
catéchisme.
M. Grand'Eury s'occupait de cette oeuvre, quand la mort est venue
le surprendre.
En même temps qu'il construisait l'église et ses dépendances, M.
le Curé élevait sur la place, un superbe édifice pour les écoles
et le Cercle catholique où il créa un économat, afin de fournir
aux conditions les plus avantageuses, la nourriture et les
objets nécessaires aux ouvriers. Il se proposait enfin, de bâtir
un nouveau presbytère, pour remplacer la maison de cure
actuelle, trop élignée de l'église, et insuffisante pour loger
le pasteur et le vicaire. Les circonstances ne lui ont pas
permis de réaliser ce projet. Espérons qu'il sera repris et mené
à terme par le successeur de M. le Curé, ainsi que les autres
projets, longtemps mûris et déjà préparés au sujet des salles de
catéchisme.
En s'occupant du côté matériel de sa paroisse, M. Grand'Eury ne
négligeait pas le côté spirituel.
Chaque année, sans craindre d'excessives fatigues, il préparait
lui-même ses enfants à la première communion, qu'il célébrait
seulement au mois de septembre, afin de profiter du temps des
vacances pour mieux disposer à ce grand acte ceux qui, à
l'époque des classes, ne pouvaient pas assister facilement aux
catéchismes. Il fit donner plusieurs missions dans sa paroisse,
qu'il voulut doter d'une belle sonnerie. Dans ce but, il ouvrit
une souscription qui fut accueillie avec enthousiasme. C'est,
disait-il, la première et la dernière joie qui m'est venue de
mes paroissiens. Il n'entendit pas sonner ces cloches, dont il
pressait la fonte et la bénédiction : une attaque vint le
frapper et mettre fin à son ministère.
Dès le premier instant, il ne se fit aucune illusion sur la
gravité de son état, et il se résigna à la volonté de Dieu :
Puisqu'il faut mourir, disait-il, autant aujourd'hui que demain:
je suis prêt. A tous ceux qui voulaient le rassurer, il disait
en souriant: Ne vous moquez pas de moi: je sais très bien que
c'est la fin: ne me parlez pas de nourriture pour refaire mes
forces; des forces je n'en ai plus besoin pour cette vie que je
vais quitter. Pendant sa maladie, il ne cessa pas de manifester
les sentiments de la plus tendre piété : sans cesse, il tenait à
la main et baisait amoureusement un Christ qu'il avait rapporté
de Jérusalem. Lorsqu'on lui administra les derniers sacrements,
il eut un moment de pleine connaissance et suivit avec dévotion
toutes les prières. Quelques jours après, il rendait sa belle
âme à Dieu.
Ses funérailles ont été un véritable triomphe. Toute la
population voulut y prendre part. Environ soixante-dix prêtres
étaient venus donner à leur confrère un dernier témoignage de
leur estime et de leur affection. Plusieurs habitants de Roville
et de Mangonville avaient voulu représenter les anciens
paroissiens de M. Grand'Eury et lui donner en cette funèbre
cérémonie une éclatante preuve de leur reconnaissance.
M. Briot, curé doyen de Saint-Epvre, fit l'éloge du regretté
pasteur. Dans une allocution simple et élégante. il redit les
oeuvres et les vertus de M. Grand' Eury: sa profonde modestie,
son affabilité, son zèle, son dévouement, sa cordialité, sa
persévérance. Il aurait pu insister sur sa générosité et sa
charité; citons-en un trait touchant. M. Grand'Eury aimait les
malades, dont il s'occupait particulièrement. Il avait dans sa
cave un vin qui était spécialement destiné aux pauvres. Prenez
donc de ce vin que vos malades ont tant de fois apprécié, lui
disait son médecin. Non, répondit M. Grand'Eury, il faut le
laisser pour ceux qui en ont plus besoin que moi et à qui il
fera certainement plus de bien. C'est ainsi qu'il faisait
toujours; il s'oubliait, il se sacrifiait, il se privait même
des choses utiles, afin de pouvoir en faire profiter ses chers
paroissiens.
Il n'est pas étonnant, après cela, que ceux-ci aient voulu le
conserver au milieu d'eux: ils firent près de l'administration
toutes les démarches nécessaires pour que leur vénéré pasteur
fût inhumé dans l'église qu'il avait construite au prix de tant
de sacrifices et de fatigues qui ont certainement abrégé ses
jours. C'est là qu'il repose, attendant la résurrection
glorieuse, et priant sans doute pour que ceux qu'il a aimés sur
la terre, vivent assez saintement pour mériter d'aller un jour
le retrouver au ciel.
23 novembre 1895 - n ° 47 - p. 930
NÉCROLOGIE
M. J.-B. Enel.
Mourir à la veille de la Toussaint, presque au jour de la
supplication universelle pour les défunts, à la fin du mois du
Rosaire ; c'est être comme invité à la grande fête du ciel,
c'est participer sans délai aux pieux suffrages de l'Eglise,
c'est avoir droit enfin a une protection spéciale de la Reine
des Elus. Cette mort privilégiée fut celle du bon M. Enel, curé
de Martincourt, décédé dans sa 74e année, le 30 octobre, au
soir.
- Sa vie fut celle de tout bon prêtre : ignorée aux regards du
monde, devant Dieu simplement remplie. - L'abbé Enel naquit à
Igney, le 19 mai 1822. C'est dans un mois consacré à Marie, que
le futur prêtre, si zélé. plus tard pour le culte de Notre-Dame,
vient au monde. Dès ses premières années, le jeune Enel se
sentit porté vers la piété et le service de Dieu. Il eut le goût
de sa propre instruction religieuse : « Alors, a-t-il souvent
répété, nous n'étions point favorisés ; les catéchismes faits
par les curés, trop peu nombreux, étaient rares, et les
explications étaient écourtées... mais on se gênait pour
apprendre ... » « On se gênait » : C'est bien là le mot
révélateur ! Voila exprimées toutes les généreuses initiatives
de l'enfant zélé, qui veut faire une bonne 1re communion. Ah! ce
grand acte religieux fut, pour lui, l'acte vraiment décisif. Ce
n'était jamais sans une vive émotion qu'il en parlait, et cette
émotion il la communiquait d'une manière irrésistible, à toutes
les premières communions qu'il eut à présider.
Entré quelques années après au Petit-Séminaire, à Metz, il y
fit, comme plus tard au Grand-Séminaire du même diocèse, de
bonnes études. Elève régulier et sincèrement pieux, franchement
aimé de tous ses condisciples : voilà en deux mots tout le
résumé de sa jeunesse cléricale. L'abbé Enel fut ordonné en
avril 1848. Il fut d'abord placé vicaire à Ars-sur-Moselle. La
il se dépensa avec une ardeur toute juvénile pour son ministère
et le bien des âmes. La vie commune eut pour lui ses
contrariétés, mais il sut les souffrir surnaturellement. Il
devient, en 1850, vicaire résidant à Dampvitoux, ayant
Hagéville, comme annexe. - Dans ce poste d'essai, il montra,
durant les 11 années de son séjour, toutes les qualités de sa
franche nature, de son coeur ardent et généreux, de sa piété
toute filiale. Bon nombre de chrétiens tièdes et indifférents
furent ramenés par son zèle au devoir pascal, la maison de Dieu
fut embellie, un presbytère fut construit, des cloches furent
acquises; le jeune curé s'employa, en un mot, avec tout le
dévouement que donnent la passion du bien et une robuste santé.
Ce qu'il fut à Dampvitoux et Hagéville, il le fut aussi à
Bonviller, avec Mont comme annexe, et à Jouaville, avec Batilly.
C'est à Joua ville qu'il établit la pieuse association de N.-D.
du Perpétuel-Secours, association qui devint prospère sous son
active direction. On venait de plusieurs paroisses voisines
assister aux saluts de chaque mois. Il aimait alors, comme il le
disait, à faire de belles et touchantes instructions sur la
dévotion à Marie. C'est à Jouaville aussi, qu'il assista aux
péripéties de la guerre ( 1870). Ce qu'il eut à souffrir, privé
de son presbytère transformé en ambulance durant 3 mois, ce
qu'il vit de tristesses, comment l'exprimer? « Ah ! disait-il,
si je devais revoir ce que jai vu, j'aimerais mieux mourir ! »
Comme plus d'un prêtre alors, le dévoué. pasteur s'éleva
jusqu'au plus sublime devoir. Après la guerre, la petite vérole,
en 1871. Comme il avait bravé le danger, l'abbé Enel brava le
fléau contagieux. Tous les jours, il visita ses malades
nombreux, si bien que « pour ainsi dire aucun, disait-il, n'est
mort sans sacrements.»
En 1883, M. Enel, âgé et malade, accepta une sorte de retraite à
Martincourt. Là, dans un site charmant, avec de faciles
promenades à travers bois, il reprit des forces et continua a se
dévouer. Il fut le confrère tout hospitalier, le bon Père,
encourageant et aimant, procurant à tous le charme si nécessaire
de la bonne et franche intimité sacerdotale. Tous ceux qui le
connurent, prêtres et laïques, l'aimèrent, et éprouvèrent une
douloureuse surprise de l'annonce de sa mort. Le coup fut subit
en effet. Toutefois le fidèle serviteur fut prêt. L'exactitude à
tous ms devoirs pieux lui mérita la bonne mort. Averti par de
graves symptômes survenus depuis quelques mois, il ne s'effraya
point, il prit toutes ses dispositions, pria, au mois du Rosaire
spécialement, s'en remit à la volonté du Bon Dieu. Dieu fut
fidèle. Il lui fit la grâce de ne point perdre connaissance
aussitôt l'attaque, de demander et de pouvoir recevoir les
derniers sacrements. C'était le dimanche 27 octobre, jour où il
avait encore paru au milieu de ses paroissiens. Sa mort, arrivée
le 30, causa un deuil sincère, et durant les quelques jours, que
son corps dût rester exposé, à cause des Offices de la Toussaint
et des Morts, tous s'empressèrent de venir prier. Grande fut
l'assistance à ses funérailles, le 4 novembre. Entouré de près
de 40 prêtres, M. le Doyen de Liverdun les présida. Avant
l'Absoute, faite par M. le Supérieur du Petit Séminaire, il
retraça, en une allocution touchante et pleine d'à propos, la
vie et les mérites du cher défunt, rappelant avec émotion
l'affection qu'il lui avait vouée dès les premières entrevues.
C'est dans le nouveau cimetière de Martincourt, bénit par lui
trois ans auparavant, que le regretté pasteur, escorté des
membres de sa famille venus de grandes distances, de tous ses
confrères, amis et paroissiens, fut porté et repose. Une place
d'honneur fut gracieusement offerte par M. le Maire et le
Conseil municipal. L. G.
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