2 janvier 1909 - n° 1
- p. 9
M. le Chanoine
Renac.
Sorti du collège de Blâmont, qui donna au diocèse tant de
prêtres distingués, M. l'abbé Louis-Adolphe Renac passa
trente-six ans dans la même paroisse de campagne et n'en sortit
qu'à bout de forces.
Saint Remy-aux-Bois, séparé seulement du diocèse de Saint-Dié
par une ceinture de forêts, reçut avec joie, en 1870, l'année
tragique, son nouveau curé. C'était un tout jeune prêtre,
d'abord facile, d'esprit délicat, de bonnes manières, d'une
piété franche et gaie, qui sut vite gagner la confiance.
A cette époque, dans presque toutes nos paroisses rurales, l'on
comptait bon nombre de chrétiens fervents qui joignaient à la
foi antique l'intégrité des moeurs ; peu ou point d'Incrédules ;
le seul obstacle au bien qu'on rencontrait ordinairement parmi
eux, venait d'un désir, âpre à l'excès, d'augmenter ou de
défendre la parcelle de terre léguée par les aïeux, L'abbé Renac,
fin observateur, remarqua vite cette tendance chez ses ouailles;
il entreprit avec zèle et prudence de faire disparaitre cette
cause de haines vivaces; il y réussit et longtemps, la paix
régna sous sa houlette pastorale, Il fut, pour ses paroissiens, le prêtre parfait qui prie, exhorte, console, instruit ; surtout
un père aimant, dévoué à tous, un vrai pasteur d'âmes, un autre
Christ au milieu de son peuple,
Son influence s'étendit bientôt au-delà de sa paroisse. Ses
confrères venaient volontiers frapper au presbytère de
Saint-Remy, non seulement pour entendre un causeur charmant, un
fin lettré, mais aussi pour demander une direction, un conseil,
au milieu des difficultés si nombreuses du ministère actuel. Cet
ascendant s'affirma avec les années; l'expérience, la
connaissance des hommes, les lectures variées faisaient de lui
un maître écouté; les prêtres des Vosges étalent aussi empressés
autour de lui que ceux de la Meurthe, attirés par le charme
conquérant d'une vertu qui s'ignore.
Un jour, un religieux, d'une rare distinction, eut l'occasion de
se trouver dans ce milieu sacerdotal et prit part aux agapes
fraternelles ; il en fut ravi et disait en sortant: « Je n'ai
pas encore rencontré parmi les prêtres autant de franche
cordialité, on dirait une famille ... et ce bon M, Renac ... ! »
C'est que le curé de Saint-Remy était un homme pondéré, un
Lorrain calme, plein de bon sens et de finesse, mais surtout de
bonté, d'une bonté captivante, cette qualité maîtresse lui donna
une physionomie à part.
A mesure que l'âge venait, sa charité se faisait plus expansive
: c'était pour lui une joie exquise de donner et la bonne
Providence lui avait permis de renouveler souvent cette Joie.
Dieu seul sait tout ce qu'il fit d'aumônes aux sanctuaires
célèbres, aux missions et à toutes les oeuvres d'apostolat.
Rappelons au moins le beau geste qu'il fit en faveur du clergé :
Monseigneur y répondit en le nommant chanoine honoraire. Cette
distinction, il n'eût osé l'ambitionner ; mais elle le combla de
joie,
Pour lui, ce n'était rien de se dépouiller des biens de ce
monde, il n'y avait jamais, selon le conseil de l'Ecriture,
attaché son coeur ; d'autres sacrifices allaient le mettre à
l'épreuve; La maladie le frappait à coups redoublés, en pleine
vigueur; elle l'avertissait; il sut comprendre. Dans la dernière
retraite qu'il fit au séminaire, en 1906 où Il éprouva un rare
bonheur à entendre le futur évêque de Montauban, il prit, après
avoir consulté ses amis, la résolution de quitter Saint-Remy. Le
dimanche des adieux, il monta en chaire pour donner à ses chères
ouailles ses derniers conseils, leur dire son testament suprême
; mais quand il vit tous ces visages tournés vers lui, tous ces
yeux qui voulaient encore saisir une dernière fois les traits de
son visage aimé, il se mit à pleurer sans pouvoir prononcer un
seul mot; ses paroissiens unirent leurs larmes aux siennes: nul
adieu ne fut plus touchant.
Il fallait donc quitter son vieil ermitage où il vivait seul
depuis de longues années, mais où aller à cette heure troublée
où le fisc menaçait de s'emparer de l'asile des vieux prêtres de
Bon-Secours ? Il cherchait une demeure où sa vie sacerdotale pût
finir avec honneur ; il pensa à une parente, qu'il avait tenue
sur les fonts de baptême et dont, maintes fois, il avait
apprécié le dévouement. Là, il pourrait jouit, d'une hospitalité
large, indépendante : il aurait des soins assidus, empressés,
pieux, On connut son désir; des offres lui sont faites: M. le
curé de Leintrey aussitôt mis au courant du projet de sa
paroissienne, y applaudit de grand coeur et la population
accueille avec respect ce vénérable prêtre dont la présence
l'honore.
Alors, commence le sacrifice suprême; l'intelligence demeure
vive; la mémoire, sûre; le coeur, toujours jeune; mais le corps
rebelle refuse les plus nobles services. L'âme, captive dans
cette prison de chair, s'indigne d'abord, puis accepte et fait
bon accueil à la souffrance, Il plaisante son infirmité : «
Jamais, je n'ai tant fait pour mon corps, dit-il : je lui ai
acheté un splendide costume d'été et d'hiver et le voilà qui se
révolte, l'ingrat. » Peu à peu, ses mains deviennent plus
débiles ; sa parole plus lente, puis inintelligible; il ne peut
plus monter au saint autel; l'épreuve était comble, mais malgré
cela, nulle impatience, le sourire ne quitte pas son visage et
son regard se repose sans cesse sur Jésus crucifié. L'âme
s'épurait de jour en jour par la douleur jusqu'au moment où il
mourut pieusement, assisté de ses bons confrères d'Emberménil et
de Leintrey.
Monseigneur, averti aussitôt de la mort, fit envoyer, par M. le
Vicaire général Ruch à M. l'Archiprêtre de Lunéville le
télégramme suivant: « Profondément peiné de la mort de M. Renac,
Monseigneur vous prie de le représenter aux obsèques, et de dire
son estime pour le bon prêtre, sa reconnaissance pour un
généreux bienfaiteur des oeuvres. »
Les funérailles, célébrées le mercredi 23 décembre, furent
simples et très dignes, Toutes les familles de Leintrey y
étaient représentées. M. le Curé, M. le Maire de Saint-Remy et
quelques autres paroissiens vinrent déposer près du cercueil de
leur ancien curé l'hommage de leur reconnaissance. Vingt prêtres
environ étaient accourus pour prendre part à la cérémonie
funèbre. M. l'Archiprêtre de Saint-Jacques présida les obsèques,
chanta la Messe et recommanda, â Dieu, avec toute l'émotion de
son coeur, l'âme de son vieil et fidèle ami. Après l'absoute, M.
le doyen de Blâmont fit ressortir en termes éloquents la
modestie et la bonté inépuisable de M. Renac, qui passa ici-bas,
comme le divin Maître, en faisant le bien. Il termina en
demandant à tous une prière pour le vénéré défunt. Nul de ceux
qui l'ont connu, n'oubliera devant Dieu l'âme de ce prêtre si
bon, au coeur d'or, qui s'est élevé par ses largesses, au
premier rang des bienfaiteurs de l'Eglise de Nancy.
E. C.
9 janvier 1909 - n°
2 - p. 21
Calendrier de la Semaine.
Dimanche 10 janvier. - PREMIER DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE - Aux
offices paroissiaux, SOLENNITÉ DE L'ÉPIPHANIE - (Blanc) - A.P.
Avricourt.
Quête prescrite pour l'oeuvre antiesclavagiste. Nul ne doit
s'étonner que l'Eglise s'occupe du rachat des esclaves. C'est
Jésus-Christ qui a proclamé la liberté ; c'est l'Eglise qui a
supprimé l'esclavage et prêché l'égalité ; toujours, elle a été
et sera l'amie et l'apôtre de la liberté; ses enfants sont les
vrais hommes libres; hors d'elle, c'est la sujétion et le
despotisme, l'orgueil en haut, l'écrasement en bas.
La fête de l'Epiphanie, dans l'intention de l'Eglise, célèbre la
mémoire des principales manifestations du Sauveur; aussi,
l'évangile de ce dimanche rappelle-t-il la manifestation de
Jésus au Temple, alors qu'il surprit les docteurs de la Loi par
la sagesse de ses questions et de ses réponses.
Ind. plen. - Les mêmes qu'au mercredi, 6 janvier, jour de
l'échéance de la fête.
16 janvier 1909 - n°
3 - p. 46
ACTES OFFICIELS
Nominations.
Par décision de Monseigneur l'Evêque, ont été nommés:
Curé de Manoncourt-en-Vermois, M. l'abbé
Cadiot,
précédemment curé de Chazelles; [...]
27 mars 1909 - n° 13
- p. 258
Nécrologie
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs l'âme de M l'abbé
Liégey, curé de
Vathiménil, décédé le 25 mars 1909.
Né à Valhey le 1er décembre 1841, ordonné prêtre le 15 juin
1867, M. l'abbé Jean-Albert Liégey avait été successivement
vicaire à Bouxières-aux-Chênes (1867), à Flavigny (1868), à
Domêvre-sur-Vezouze (1872), curé de Preny (1873). Il était curé
de Vathiménil depuis le 1er avril 1875.
M. l'abbé Liegey était membre de l'Association de prières.
10 avril 1909 - n°
15 - p. 285
Calendrier de la semaine
[...] Samedi, de l'Octave. (Blanc). - Frémonville.
C'est en ce jour que les Catéchumènes, jadis, déposaient les
blancs vêtements, symbole de la régénération baptismale, qu'ils
avaient reçus le Samedi-Saint. - Mém. de S. ANICET, pape et
martyr (+ 161).
24 avril 1909 - n°
17 - p. 325
Calendrier de la semaine
[...] Mardi S. FIDELE de SIMARlNGEN, capucin, martyr. (Rouge).-
Gondrexon.
1er mai 1909 - n° 18
- p. 348
Calendrier de la semaine
[...] Mercredi. - SAINT PIE V, pape et confesseur. (Blanc). -
Halloville
Sa vigilance lui fit organiser contre les Turcs qui menaçaient
l'Europe une croisade qui remporta sur la flotte ottomane la
grande victoire de Lépante, le 7 octobre 1571. C'est pour
remercier Dieu de cet important succès, qu'il institua la fête
de Notre-Dame du Saint-Rosaire.
1er mai 1909 - n° 18
- p. 366
Nécrologie
Nous recommandons aussi aux prières de nos lecteurs, l'âme de M.
le Chanoine
Michel, directeur de l'Orphelinat agricole de Lupcourt,
décédé le 26 avril 1909.
Né à Bratte, le 14 juin 1863, ordonné prêtre le 15 juillet 1888,
M. l'abbé Jean-Pierre-Léon Michel avait été successivement
vicaire à Blâmont, après l'ordination, et directeur de
l'Orphelinat de Lupcourt (1894).II avait été nommé chanoine
honoraire, le 31 mars 1907.
M. l'abbé Michel était membre de l'Association de prières.
8 mai 1909 - n° 19 -
p. 372
Calendrier de la semaine
[...] Mardi. - S. GENGOULT, martyr, + 760 (Rouge). - Harbouey,
Ce martyr de la fidélité conjugale fut très honoré en France au
moyen âge : il est le patron d'une ancienne collégiale de Toul
et de beaucoup de paroisses ... et c'est son nom que l'on
retrouve dans les noms de famille Gegout, Gigout..., etc. - Mém,
de saint MAMERY, archevêque de Vienne (+477), instituteur des
Rogations.
8 mai 1909 - n° 19 -
p. 386
M. le
chanoine Léon Michel, directeur de l'Orphelinat agricole de
Lupcourt
S'il avait prévu qu'on pût donner ici place à sa mémoire,
l'humble prêtre dont il s'agit, eût très certainement ajouté à
ses dernières dispositions prises jusqu'au dernier détail, une
déclaration prohibitive. Peut-être faudrait-il respecter ses
intentions secrètes ; mais un prêtre ne s'appartient pas: il
appartient à l'honneur de la tribu de Lévi et ils de doit; même
lorsque le silence de la mort l'a couvert à l'édification du
peuple chrétien. « Le tombeau, d'ailleurs, comme l'a dit
Lacordaire, souffre la louange et en soulevant son linceul, on
ne craint pas de blesser la pudeur de l'immortalité. »
L'amitié n'a-t-elle pas aussi le devoir de conjurer autant
qu'elle le peut les désastres de la mort, surtout l'oubli, le
grand oubli où sont tombés si vite les prêtres les plus saints,
les plus importants par leur science et leur autorité, et
n'est-ce pas à elle qu'il revient d'aller planter sur une tombe
encore fraiche la touffe d'immortelles qu'arrosent les larmes
des parents et des amis ?
Nous ne dirons rien de l'enfance de M. le chanoine Michel ni de
sa préparation au sacerdoce; elles furent, au sein d'une famille
chrétienne et laborieuse et au petit séminaire de Pont-à-Mousson
comme au grand séminaire de Nancy, celles des élus que
Jésus-Christ va chercher au milieu des sillons pour leur montrer
la grande moisson qui manque d'ouvriers. Par sa piété, sa
docilité, son excellent esprit et son amour du travail, le jeune
Léon Michel répondit généreusement à l'appel de son Maitre. La
mort prématurée de sa mère l'attrista profondément et dirigea
son esprit vers des pensées sérieuses qui ne semblaient point de
son âge. II paraissait timide, mais la vie intérieure de son
esprit et de son coeur était d'autant plus active qu'il en
concentrait davantage l'expansion dans une habitude de la
réflexion et du silence qui deviendra le secret de sa force, de
sa rapidité d'invention, de son autorité et d'une rare sécurité
de jugement.
Plus mathématicien que littérateur, préférant par goût
instinctif les sciences pratiques à la spéculation, souvent il
était songeur sous l'obsession d'un problème à résoudre, d'une
difficulté qu'il tournait et retournait avec obstination pour en
trouver le joint, d'une invention dont il entrevoyait la grande
utilité. L'électricité paraissait n'avoir point pour lui de
mystères et, s'il avait pu vivre encore quelques années, il en
aurait fait deux nouvelles applications souverainement utiles.
On accuse parfois les sciences mathématiques et physiques de
borner les perspectives de l'intelligence et d'étouffer les
battements du coeur. La vie de M. l'abbé Michel répond
éloquemment à ce grief. Toujours en éveil sous l'effort d'une
recherche son esprit ne cesse pas de monter et loin de se
dessécher, son coeur devint toujours plus sensible. Nul plus que
lui ne se laissait émouvoir par une belle pensée, par un
discours éloquent, par un article de journal; nul mieux que lui
n'a applaudi à toutes les généreuses initiatives, nul mieux que
lui ne s'est donné à l'Eglise, au Pape et à son Évêque, donné à
ses devoirs d'état comme vicaire et comme directeur de son
orphelinat, donné à sa famille, donné à ses amis, Et ceux qui,
du petit séminaire jusqu'à ce lit d'hôpital où il a rendu le
dernier soupir, ont pu suivre son évolution, reconnaissent qu'il
fût « une belle âme » et une des plus belles que nous puissions
avoir la joie de rencontrer.
Ordonné prêtre en 1888, M. l'abbé Michel fut consacré comme
vicaire au ministère paroissial de Blâmont. Il avait pour curé
l'homme distingué qui fut plus tard archiprêtre de la Cathédrale
de Toul et qui mourait, il y a à peine un an, chanoine titulaire
de la Cathédrale de Nancy, Nous avons entendu M. Eloy parler de
son vicaire avec une véritable affection et une sincère
admiration. On était à l'époque où l'idée des patronages
commençait seulement à germer. Le jeune vicaire eut vite fait
d'en établir un qui, en quelques mois, devint un modèle de
patronage. Les enfants étaient accourus nombreux autour d'un
véritable et doux ami; on avait organisé des jeux, on s'était
intéressé à des nouveautés que créait l'imagination inventive du
vicaire et que fabriquaient ses mains habiles; on venait admirer
en projections lumineuses ses nombreux et beaux clichés
photographiques ; puis, un jour, sur les planches d'un vrai
théâtre, les enfants avaient recueilli les applaudissements de
leurs parents enchantés: les longues journées du jeudi et les
temps libres du dimanche n'offraient plus de périls: une ère de
vie chrétienne pleine d'intérêt se levait pour la jeunesse de la
petite cité. L'influence du zélé vicaire imposa rapidement ses
fruits et rien n'était comparable il son autorité sur les
enfants. C'était merveille de le voir, aux jours des séances,
alors que tant d'autres s'agitent dans les coulisses pour y
maintenir l'ordre et pousser, au temps voulu, les acteurs sur la
scène, bien tranquillement debout à l'entrée de la salle et
dirigeant, par signes discrets, sans dire un mot, des
représentations parfaites en tout point où toutes les finesses
familières à Labiche étaient mises en relief. Il surveillait à
distance, comme il dirigeait à distance. Il avait établi, de sa
chambre de vicaire, un téléphone sans fil, qui, par des filons
souterrains dont une observation habile lui avait découvert
l'existence, lui ramenait toutes les paroles prononcées, les
cris poussés, les discussions survenues dans les salles du
patronage. La stupéfaction était grande lorsque, le soir venu,
le directeur, pourtant absent pendant de longues heures,
reproduisait la physionomie de l'après-midi, distribuait des
récompenses justifiées et des reproches bien mérités. Des
reproches! Il avait sa manière à lui de les faire, froidement,
en quelques mots et à voix très basse et tous savaient que
lorsqu'il parlait plus bas que de coutume, c'était mauvais
signe. Aussi jamais, ne dut-il réclamer violemment le silence
qui devenait absolu dès qu'il ouvrait la bouche. C'est un secret
qui réussit toujours: nous le recommandons, après expérience
faite, aux directeurs d'oeuvres.
L'abbé .Michel a laissé à Blamont un vivant souvenir des amitiés
sincères. Certains des enfants qu'il y a connu pendant six ans,
lui doivent leur avenir, beaucoup, leur persévérance et tous
leur reconnaissance.
Plus nombreux encore sont ceux en faveur desquels il a dépensé
ses forces et les trésors de son coeur après son vicariat. En
1894, la Providence avait présenté à Monseigneur l'Evêque
l'occasion de réaliser un de ses rêves les plus chers.
De toutes les oeuvres catholiques si abondantes et si
florissantes dans le diocèse de Nancy, pas une ne s'occupait des
jeunes orphelins qui pouvaient trouver un avenir où leur vie
chrétienne fût à l'abri, dans l'agriculture. Et cette lacune
était d'autant plus regrettable que les heureux résultats de
l'Orphelinat agricole de Haroué, qui forme les ménagères et les
fermières, la mettaient plus en évidence. Les orphelinats pour
garçons, déjà existants, ne leur ouvraient qu'un certain nombre
de sentiers vers de pauvres métiers, on ne les laissait pas
partir, le jour de la liberté venue, qu'aux hasards de la vie et
aux aventures des ateliers et des usines si souvent périlleuses
pour la foi.
Une bonne fortune venait à la rencontre du charitable dessein de
notre Evêque : la création d'un orphelinat de garçons, à Han,
sur la Seille, fut décidée. Les Soeurs de Saint-Charles promirent
leur concours dans les conditions les plus favorables. Mais
trouver un directeur restait le problème difficile. Monseigneur
l'Evêque, le 30 mars, fit dire télégraphiquement au vicaire de
Blâmont qu'il désirait le voir, le lendemain même. Et, le 1er
avril, nous vîmes arriver, M. l'abbé Michel, d'autant plus
timide ce jour-là qu'il redoutait la mystification. Accepter la
lourde tâche d'une fondation, quitter son oeuvre de Blâmont était
un sacrifice, mais c'était répondre à l'appel de son évêque,
c'était revenir autant qu'un prêtre le pouvait, aux traditions
d'une nombreuse famille habile aux travaux des champs, c'était
surtout continuer une mission magnifique auprès d'enfants sans
père et sans mère, élever des âmes qui, peut-être,
s'amoindriraient, en sauver qui se perdraient. Après l'entrevue,
l'Evêque était aussi heureux que le prêtre et c'est ce jour-là
que naquit un attachement réciproque où le respect le disputait
au confiant abandon et où la plus honorable bienveillance ne
cessa de se manifester.
Les confidences qui nous ont été faites de part et d'autre, nous
permettent de le dire : si Monseigneur l'Evêque eut des
prédilections pour le zélé directeur de son orphelinat, celui ci
le lui rendit bien en fidélité et en dévouement toujours simple
et discret. Il eut le culte de Celui qui représente dans le
diocèse la plus haute personnification de Jésus-Christ, docteur
et chef de l'Eglise, et c'est surtout pour avoir été alimentée
par la foi la plus solide et la piété la plus ardente que la
flamme de son dévouement s'accrut toujours et trouva le secret
de faire des prodiges d'activité, le jour en particulier où,
chassé de son palais, .Monseigneur dut déménager et réinstaller
en quelques heures les bureaux de l'Evêché qu'un siècle avait
rempli d'archives.
(A suivre.) H. BLAISE.
15 mai 1909 - n° 20
- p. 403
M. le
chanoine Léon Michel, directeur de l'Orphelinat agricole de
Lupcourt. (Suite et fin).
La terre de Han était trop étroite. Les communications avec
Nancy étaient difficiles, la production ne pouvait être assez
intense faute de débouché, il fallait songer à un établissement
plus favorable. La propriété de Lupcourt fut achetée et le
transfert, rapidement opéré. Il faudrait des pages nombreuses
pour décrire la vie de l'Orphelinat de Lupcourt, l'esprit
pratique, l'ingéniosité, la méthode éducative, les succès de son
Directeur. Disons seulement que M l'abbé Michel fut un prêtre
exemplaire, animé des plus hautes inspirations et comme il le
disait, aimant son métier. Bon et ferme tout à la fois, il y
conduisit dans la voie du progrès chrétien et professionnel de
nombreux jeunes gens dont plusieurs occupent des situations très
honorables. Il souffrit pourtant, car hélas ! il se rencontra
des parents et des tuteurs aveugles qui, réfractaires au
programme de l'Institution, favorisèrent l'émancipation de leurs
pupilles au détriment de l'autorité et n'ont plus qu'à pleurer
sur leur faute en voyant des enfants ingrats mendier leur vie au
travail si pénible des usines, alors que l'agriculture leur eût
pétri un pain si noble et procuré tant d'espérances pour
l'avenir.
Pensant quatorze ans, sous son habile direction, avec le secours
des Religieuses de Saint-Charles qui l'ont tant apprécié,
l'Orphelinat de Lupcourt a prospéré et mérite l'attention de
tous ceux qui s'intéressent aux oeuvres catholiques et à
l'agriculture. M. l'abbé Michel, que des millions d'affaires
mettaient en contact permanent avec des hommes de tous les
partis, nous dirions même de toutes les religions, avait conquis
l'estime universelle. Il s'était fait un nom et une autorité
dans les concours, et le Comice agricole de Lunéville aussi bien
que des maisons importantes de fabrication et des propriétaires
qui fréquemment recouraient à sa compétence savent à quelle
hauteur il avait élevé son mérite professionnel. M, Genay,
l'éminent agriculteur de Bellevue, était J'un de ses meilleurs
amis et l'un des plus dévoués patrons de son oeuvre.
On le vit en rapports avec une usine importante des Vosges où il
fit l'essai d'un nouvel appareil électrique, dont le secret est
avec lui dans la tombe et tendait à régler les turbines à
distance. L'inventeur du téléphone sans fil (car c'est bien lui
qui publia le premier, dans le Cosmos, longtemps avant qu'on
parlât du téléphone sans fil, un article très intéressant, mais
demeuré inaperçu) conçut et réalisa la sonnerie électrique des
plus lourdes cloches ! On a vu le bourdon du Sacré Coeur, qui
pèse, sans ses agrès, 6,000 kilogrammes, se balancer seul en
toute volée, et si depuis qu'il est placé dans sa tour, il n'a
pas repris cette excellente habitude, c'est que le merveilleux
inventeur a été saisi par la maladie au moment où il faisait les
essais d'un perfectionnement apporté à son appareil. Son secret,
du moins en cette application, ne l'a pas suivi et sera mis en
oeuvre. La voix des cloches rappellera sa mémoire en chantant la
gloire de Dieu: Non omnis moriar, sed vivam et narrabo opera
Domini ...
Directeur de patronage, agriculteur, ingénieur, mécanicien
puissant en oeuvre, il fut aussi le plus aimable des hommes.
Charitable et bon, il n'appartenait point à la troupe des
colporteurs de nouvelles qui sentent la malice et il se plaisait
dans les milieux où il était sûr de trouver la paix. A sa table
toujours simplement servie mais largement ouverte, on se sentait
à l'aise et dans son intimité, ses amis ont cueilli des fleurs
exquises de confiance, de droiture de douceur et de discrétion.
Il était généreux et il n'a pas compté avec ses propres deniers
en certaines circonstances intéressant son orphelinat.
Régulièrement levé de grand matin, et très souvent après un
sommeil interrompu par les mille nécessités d'une direction qui
devait veiller à tout et parer aux accidents, il servait tout
d'abord très pieusement le bon Dieu et récitait son office. A 5
heures du matin, il pouvait chaque jour se donner entièrement à
ses devoirs d'état.
Ce qui se manifestait le plus dans sa piété, c'était une tendre
dévotion envers la Très Sainte- Vierge. Il était un des pèlerins
annuels de Notre-Dame de Lourdes, à laquelle il amenait
régulièrement de ses propres deniers, celui de ses jeunes gens
qui avait été le plus sage au cours de l'année. Ah ! ce
pèlerinage aux grottes de Massabielle, comme il y tenait ! Cette
vie pieuse à laquelle il consacrait huit jours pleins sous le
regard de l'Immaculée, comme il s'en réjouissait ! La Vierge de
Lourdes ne lui a pas accordé ce qu'il allait lui demander et ce
que nous lui avons demandé tant de fois avec lui. en septembre
dernier; mais nul doute que son lot de souffrances épuisé, EIle
ne lui ait souri du haut du ciel à son heure dernière et ne
l'ait présenté avec amour à Jésus-Christ.
Car Dieu lui offrit en décembre 1907, six mois à peine après que
Monseigneur l'Evêque l'eût nommé chanoine honoraire, un calice
bien amer qu'il a mis dix-sept mois à épuiser jusqu'à la
dernière goutte.
Ah ! son vénérable père, des frères et des soeurs, toute une
famille dont il était chéri et qu'il laisse dans la plus
profonde douleur, peuvent bien se demander le pourquoi de cette
mort prématurée. Et nous leur répondrons seulement par ces
paroles du grand orateur que nous aimons à citer « Quand on perd
un fils dont l'avenir est incertain, on peut croire que Dieu a
voulu le sauver, et que la mort a été pour lui le moyen et le
gage de son éternité. Si au contraire, il était pur et saint, on
peut croire qu'il a été une victime pour le salut des autres, et
que son sang pèsera dans la balance où Dieu juge le monde ..
Quand Dieu brise un ouvrier avant que la dernière pierre ait été
posée, quand la croix descend de bonne heure, comme pour le fils
de l'Homme, c'est alors le sacrifice par excellence, celui qui
arrache une larme au ciel même et qui fait le martyre non
sanglant. »
Pourtant, il fut sanglant, son martyre, et Dieu sait combien de
fois fut labourée par le fer des chirurgiens sa chair consacrée
par l'onction du sacerdoce. Et c'est là sa plus resplendissante
couronne, d'avoir été prêtre et victime tout à la fois et
d'avoir transformé en lieu de sacrifice, le lit de douleur qu'il
ne pouvait quitter pour remonter à l'autel.
Dès le début de sa maladie, il ne se fit point illusion et il
pronostiqua très hautement un mal incurable que ses médecins
osaient à peine s'avouer entre eux. Il fut admirablement soigné
et par les docteurs dont il s'attacha l'estime et l'affection à
un étonnant degré et par ces religieuses admirables qui ne
quittèrent pas pour ainsi dire son chevet. Un instant, quelques
mois à peine, on put croire le péril conjuré : le mal affreux,
insaisissable, continuait lentement ses ravages et le ramena à
la Pension de Bon Secours. Il végéta plus qu'il ne vécut pendant
près de sept mois: il envisagea nettement sa situation, si
nettement que ses amis les plus intimes n'osaient plus lui
parler de guérison, ni d'amélioration,
Mais parfois les crises d'espérance revenaient après une
accalmie obtenue artificiellement et la nature reprenait ses
droits pendant quelques heures. Comme il avait besoin de se
sentir aimé dans ces moments de lutte et quand revenait la noire
désillusion ! Il eut, grâce au Ciel, le bonheur dont parle
Lacordaire, ce bonheur, « le plus grand de l'homme terrestre qui
est de rencontrer un véritable gomme de Dieu ». Et il connut la
vérité de celle autre parole « Il n'y a rien de plus doux dans
la mort que d'être assisté par un prêtre qui est notre ami.
L'amitié facilite tant l'ouverture, l'humilité, l'abandon de
soi-même ! » Le vénérable chanoine Royer, aumônier de l'hôpital,
était, en effet, nul ne l'ignore, son ami et son confesseur de
vieille date.
Certes, les consolations ne lui ont point fait défaut de ce
côté; elles lui sont venues abondantes aussi de son Evêque
vénéré. Nous qui savons la douleur profonde portée au coeur de
Monseigneur et par la longue maladie et par la mort du cher
Directeur de son Orphelinat, nous ne voulons pas insister sur ce
sujet: mais nous restons ému devant ce secret d'une haute
affection et d'une réponse filiale qui s'accentuèrent à mesure
qu'approcha l'heure de la séparation.
Des amis aussi vinrent nombreux le visiter, d'anciens sous
directeurs qui lui étaient restés très attachés, des
agriculteurs qu'il estimait, les membres de sa famille surtout
lui prodiguèrent les témoignages de leur affection. Et toujours,
même aux heures de la souffrance la plus vive, on le trouva
résigné et doux envers la douleur, abandonné à la volonté de
Dieu, presque oublieux de lui-même pour s'intéresser
gracieusement aux autres.
Une nouvelle croix vint s'ajouter en janvier dernier à celle
qu'il portait vaillamment: la dispersion de ses orphelins et la
vente de l'établissement. L'orphelinat de Lupcourt, depuis la
maladie de son Directeur, était comme un corps sans ame.et il
paraissait tellement fait pour celui qui était son âme, que
celle ci condamnée à mort, le corps l'était aussi. Tout fut
vendu, le personnel fut dispersé et mis autant que possible en
sécurité; le Directeur donna des signatures qui lui furent très
amères, puis retombant sur son lit, se disposa à mourir
Il est mort le 26 avril, ayant vécu en homme positif après avoir
arrangé jusque dans les moindres détails, ses affaires du monde;
il est mort, ayant vécu pieusement après avoir communié tous les
jours depuis qu'il ne pouvait plus célébrer le Saint-Sacrifice;
il est mort admirablement résigné à la volonté de Dieu, sans
avoir proférer une plainte; il est mort en bénissant ses
médecins devenus ses amis, et ses infirmières si dévouées; il
est mort après avoir reçu l'Extrême-Onction dans les sentiments
de la plus vive piété et après avoir dit aux siens, réunis à son
chevet, des choses qu'ils n'oublieront pas et qui sont le plus
sacré des testaments; il est mort comme doivent mourir les
prêtres, en victime pour le salut des pécheurs et pour la
persévérance des justes, surtout de ceux qui ont été l'objet de
leur ministère.
Ses funérailles furent une affirmation solennelle de l'estime et
de l'affection qu'il avait conquises. La chapelle de l'hôpital
civil fut de beaucoup trop étroite, et Monseigneur présida
lui-même la triste cérémonie.
Il repose maintenant au cimetière du Sud, où ceux qui l'ont
connu et aimé, porteront souvent une prière.
Resquiescat in pace !
H. BLAISE.
22 mai 1909 - n° 21
- p. 413
Calendrier de la semaine
[...] Jeudi, OCTAVE DE L'ASCENSION (Blanc). - Igney.
Mémoire de S. Jean, pape, martyrisé en 526.
29 mai 1909 - n° 22
- p. 441
A travers les bulletins paroissiaux
[...] A Domjevin et Fréménil, M. le Curé a essayé une forme
toute moderne d'apostolat et s'en est grandement félicité. Voici
ce qu'il dit dans son B.P.
Les paroissiens de Domjevin et de Fréménil ont pu apprécier ce
qu'est la prédication avec projections lumineuses. Le dimanche
des Rameaux, à Domjevin, le mardi de la Semaine sainte, à
Fréménil, en même temps qu'il exposait à ses paroissiens la
Passion de N.-S., M. le Curé montrait, sur un écran de 2m,50
carrés, les viles correspondantes. Des cantiques populaires et
autres chants vinrent s'intercaler dans la trame du discours et
renforcer l'impression produite par la parole et les tableaux.
Aussi la sensation de la réalité produite sur les auditeurs
était-elle extrêmement profonde. Une personne, sortant de
l'office, disait: « C'était tellement beau que cela faisait une
espèce de terreur ! On aurait cru être à Jérusalem, à la
Passion. Aussi, l'office commencé par la prière du soir se
continua au milieu d'une attention admirable, se termina par une
dizaine de chapelet, le Parce Domine et le Magnificat
remarquablement enlevés par les hommes nombreux qui assistaient
à l'office.
Il y a là un moyen puissant, conclut le B., P., d'intéresser les
gens intelligents, de leur montrer des spectacles religieux qui
leur auraient toujours échappé.
Les projections lumineuses sont possibles dans les églises,
puisqu'avec le nouvel écran de la Bonne Presse l'église, peut
rester éclairée. Il suffit d'avoir une lumière intense. Nous
disposons d'un foyer de 1,200 bougies ; c'est largement
suffisant; mais c'est nécessaire dans une église, où des vues
sombres ou trop petites seraient mal rendues.
12 juin 1909 - n° 24
- p. 488
Le R.P. A. Baudin.
Nous recommandons aux prières des lecteurs de la Semaine
Religieuse l'âme du R.P. Antoine-Alphonse Baudin, de la
Compagnie de Jésus, décédé le 2 juin dernier, au
Sault-du-Récollet, près de Montréal (Canada), dans la maison où,
le 31 juillet 1859, il avait fait profession.
Né à Eply, .le 2 avril 1883, le R. P. Baudin avait passé cinq
ans au Petit-Séminaire de Pont-à-Mousson et plusieurs années au
Grand-Séminaire de Nancy et au collège de Blâmont. La plus
grande partie de sa vie sacerdotale a été employée en missions
données en Amérique, en particulier dans la région des
Grands-Lacs, et plus spécialement aux tribus autochtones. Les
fatigues excessives de ce très dur apostolat ont eu raison de sa
vigoureuse constitution et, après quelques mois de violentes
souffrances, il a succombé, plein de confiance en Dieu et
d'abandon à la divine miséricorde.
Il avait gardé un fidèle souvenir de ses anciens condisciples,
et eux, non plus, ne l'ont pas oublié et ne l'oublieront pas
dans leurs pieux suffrages.
26 juin 1909 - n° 26
- p. 547
Chronique des Missions paroissiales
Les quelques renseignements que nous avons recueillis - ils ne
sont pas complets avouons-le - sur les dernières Missions
données dans les paroisses durant ce printemps, sont aussi
consolants que ceux qui furent publiés dans nos deux précédentes
chroniques.
Dieu soit loué, bénie soit Notre-Dame du Perpétuel Secours,
lisons-nous dans l'Echo de Saint-Maurice, de Blâmont, pour ses
grâces répandues sur notre chère paroisse au cours de la mission
donnée du 21 mars au 4 avril dernier. On les avait beaucoup
priés avant; on les a plus et mieux priés pendant. Ils ont
royalement répondu aux sollicitations du pasteur et des fidèles.
Quoi de plus légitime que de leur adresser avant tout le plus
filial merci de nos coeurs ?
Combien je voudrais maintenant fixer ici le moins imparfaitement
possible quelques souvenirs de ces jours inoubliables !
« Quel dommage que ce soit fini ! » N'est-ce pas, chers
paroissiens, une pieuse tristesse vous serrait au coeur, et ce
mot de sincère regret tombait de vos lèvres le dimanche 4 avril,
quand, à 9 heures du soir, le distingué père Blanpied saluait
une dernière fois dans une péroraison émue les Blâmontois qui,
depuis 15 jours, l'avaient écouté, ravis par la beauté de sa
doctrine et le charme prenant de sa vigoureuse éloquence ? Et
c'était justice. Les anciens affirment que de mémoire d'homme,
jamais mission n'avait eu pareil succès à Blâmont.
Qui dira le bien moral qu'elle a produit parmi nous ? Dieu seul
en connaît exactement l'étendue et la profondeur. Mais, sans
avoir la prétention de décrire les merveilles intérieures, il me
sera bien permis de me faire l'écho d'une parole saisie au
hasard entre mille sur les lèvres d'une Blâmontoise: « On n'est
plus les mêmes depuis la mission. »
Il y a du vrai dans ce mot un peu naïf. Et quelles réjouissantes
transformations, Bien des inquiétudes secrètes ont été dissipées
pour faire place à la douce paix du bon Dieu; plus d'une vie a
trouvé enfin son orientation vraie; les bons se sont affermis
dans la justice et la force chrétienne ; 172 hommes et jeunes
gens, c'est-à-dire une vingtaine de plus que d'habitude, ont
accompli avec une piété touchante et une noble vaillance le
grand devoir pascal. Chez les dames, la moisson n'a pas été
moins consolante. Beaucoup comprennent mieux maintenant leur
rôle de « ministres de l'intérieur » dans la famille, et se
sentent résolues à suivre désormais un plus fortifiant régime de
vie chrétienne. Tous, en entendant nos chers Missionnaires, nous
nous sommes sentis plus forts pour les rudes combats de la
vertu, mieux armés en face des inévitables épreuves d'ici bas,
plus fiers d'être catholiques.
10 juillet 1909 - n°
28 - p. 371
Nécrologie
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs, l'âme de M l'abbé
Pescher,
décédé à la Collégiale de Bon-Secours, le 4 juillet 1909.
Né à Turquestein le 27 janvier 1839, ordonné prêtre le 30 mai
1863, M. l'abbé François-Désiré Pescher avait été successivement
professeur à La Malgrange (1863) ; curé d'Angomont (1870) ; de
Vého (1880) ; de Forcelles-sous-Gogney (1883) ; de Belleau
(1890), Il était retiré du saint ministère depuis le 6 avril
1895,
M. l'abbé Pescher était membre de l'Association des prières.
17 juillet 1909 - n°
29 - p. 589
Nécrologie.
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs l'âme de M. l'abbé
Galland, ancien curé de Pexonne, décédé à la Maison de
retraite de Bon Secours le 11 juillet 1909.
Né à Ogéviller le 25 septembre 18154, ordonné prêtre le 18
septembre 1880. M. Auguste Galland avait été successivement
vicaire à Saint- Nicolas de Nancy (1880) ; curé de Laneuveville-aux-Bois
(1885); et curé de Pexonne (1895). Il était retiré du saint
ministère depuis le 15 novembre 1908.
M. Galland était membre de l'Association de prières.
31 juillet 1909 - n°
31 - p. 617
Calendrier de la Semaine.
Dimanche 1er août (IXe après la Pentecôte). -
SAINT-PIERRE-ÈS-LIENS (Blanc). - Blâmont.
Cette fête est l'anniversaire de la consécration de la basilique
Saint-Pierre-ès-Liens, à Rome, sur l'Esquilin, le 1er août 439.
- S. Pierre eut deux fois les honneurs de la prison: une
première fois à Jérusalem, sous Hérode - l'épitre en donne le
récit - une seconde fois, à Rome, sous Néron, dans la prison
Mamertine. Les chaînes que l'Apôtre avait portées dans sa
première prison, furent précieusement conservées; en 436,
l'impératrice Eudoxie les reçut de l'évêque de Jérusalem et les
envoya à Rome. Le pape Sixte III, qui les mit à côté de celles
de la prison Mamertine, les vit se souder ensemble devant lui;
c'est en mémoire de ce prodige et en l'honneur de saint Pierre
prisonnier que fut bâtie la basilique de Saint-Pierre-ès-Liens.
En cette fête, prions pour l'indépendance de l'Eglise et la
liberté du Pape; mais restons assurés que la parole du
Souverain-Pontife, qu'il soit libre ou captif, n'est et ne sera
jamais enchainée. - Mém. du dimanche dont l'Evangile nous montre
Jésus pleurant sur la ruine prochaine de Jérusalem-; demandons
qu'il n'ait pas à pleurer sur la ruine de notre France ! -
Mémoire de S. PAUL et des SEPT FRÈRES MACHABÉES.
7 août 1909 - n° 32
- p. 628
Ordination.
Demain dimanche, à 9 h 1/2, dans la chapelle du Grand Séminaire
(Chartreuse de Bosserville), Monseigneur l'Evêque fera une
ordination à laquelle prendront part un tonsuré, un sous -diacre
et dix prêtres: MM. [...] Poinsignon, de Vaucourt [...]
21 août 1909 - n° 34
- p. 663
Fêtes en l'honneur de la bienheureuse Jeanne d'Arc
[...] Le 8 [août], Blâmont et Ludres prirent leurs place dans
cette « Laus perennis » en l'honneur de la « bonne Lorrain »...
et beaucoup de paroisses attendent l'occasion favorable de
manifester leur dévotion: [...]
28 août 1909 - n° 35
- p. 671
Calendrier de la Semaine.
Dimanche (XlIIe après la Pentecôte). - DÉCOLLATION DE SAINT
JEAN-BAPTISTE. (Rouge). - Blâmont, hospice.
Cette fête célèbre le martyr du saint Précurseur qui Iut
condamné par le cruel Hérode à être décapité, pour avoir encouru
la disgrâce haineuse de l'Impudique Hérodiade dont il blâmait
l'inconduite. Il faut lire dans l'Evangile de cette fête la page
qui rapporte ce fait avec ses révoltants détails; l'écrivain
sacré les a consignés sans doute parce qu'ils renferment de
terribles vérités et d'effrayantes leçons: Quel malheur pour des
enfants d'avoir une mauvaise mère ! De quelles cruauté, n'est
pas capable une femme sans moeurs ! ... Ce crime horrible, ce
forfait dégoûtant, c'est une jeune fille légère qui l'a demandé
à l'instigation d'une mère immorale et qui l'a obtenu comme
récompense de ses succès de danseuse. Sans doute les monstres
comme Hérodiade et sa fille Salomé sont rares; mais que de
vanités, que de légèretés, que de sensualités moins horribles et
aussi dangereuses deviennent plus communes à mesure que baisse
la morale chrétienne et que les moeurs deviennent païennes ! Que
de jeunes filles, à l'école de leurs mères, sont plus excitées
au plaisir qu'au devoir, à la danse qu'à la vertu ! La fille
vaut ce que la mère l'a faite: Quelle leçon, dit St Ambroise,
celle-ci pouvait elle prendre aux adultères de sa mère ? La tête
du Prophète, ajoute-t-il, fut le salaire de la danseuse, -
Mémoire du DIMANCHE avec l'Evangile des dix lépreux; le péché,
comme la lèpre qui en est la figure, est guéri ou pardonné par
la miséricorde de Dieu invoqué avec humilité et confiance, à la
condition de se montrer au prêtre; grande grâce qu'il faut
apprécier et dont il faut être reconnaissant pour la mériter de
nouveau; mémoire aussi de sainte SABINE, martyre (119).
C'est aujourd'hui, dans J'année liturgique, le commencement de
la saison d'automne,
28 août 1909 - n° 35
- p. 672
ACTES OFFICIELS
Nominations.
Par décision de Monseigneur l'Evêque ont été nommés :
[...] Curé de Xammes, M. l'abbé
Dumont,
précédemment vicaire à Blâmont ;
Vicaire à Blamont, M. l'abbé
Grosse,
précédemment vicaire à Thiaucourt;
11 septembre 1909 -
n° 37 - p. 722
Nécrologie.
Nous recommandons aux prières de nos lecteurs l'âme de M. l'abbé
Thisserant, curé de Domèvre-sur-Vezouze décédé le 3
septembre 1909.
Né à Ogéviller le 22 juillet 1848, ordonné prêtre le 6 octobre
1872, M. l'abbé Emile-Joseph Thisserant avait été successivement
vicaire à Bayon (1872), et curé de Crion (1877). II était curé
de Domèvre-sur-Vezouze depuis le 1er septembre 1887.
M. l'abbé Thisserant était membre de l'Association de prières.
2 octobre 1909 - n°
40 - p. 779
L'abbé
Thisserant, curé de Domevre-sur-Vezouze.
L'abbé Emile-Joseph Thisserant appartenait par sa naissance à
Ogéviller, paroisse qui a fourni onze prêtres au diocèse en
moins de soixante ans. Issu d'une famille nombreuse et
chrétienne, qui a donné à l'Eglise un missionnaire et une
religieuse de la Doctrine-Chrétienne, il trouva de bonne heure
son orientation vers le sacerdoce. Après de bonnes études aux
Séminaires de Pont-à-Mousson et de Nancy, il fut ordonné prêtre
en 1872, et chanta sa première messe à un moment où les
tristesses de l'occupation prussienne se mêlaient encore à
toutes les joies de famille. Il fut successivement vicaire à
Bayon, curé de Crion-Sionviller, puis de Domèvre. Zèle et
dévouement dans le ministère des âmes, application à ses
exercices de piété et à ses devoirs professionnels, abord
aimable et visage souriant sans affectation, affabilité et
obligeance envers tous, telles furent les qualités saillantes
qui l'accompagnèrent pendant toute sa carrière sacerdotale.
Jamais de paroles d'amertume sur les lèvres, malgré les
nombreuses occasions où ces expressions eussent paru excusables:
il paraissait d'humeur aussi égale que si les jours en se
succédant eussent apporté avec eux le même contentement et les
mêmes émotions. Son empressement à obliger, et la bonne
cordialité qu'il mettait dans ses relations, lui avaient
concilié beaucoup d'amitiés fidèles dans le clergé. Dans les
problèmes d'administration pastorale, il semble avoir suivi la
voie réclamée par l'exigence des principes en concurrence avec
la diversité des circonstances; mais même dans les décisions les
plus sévères, il n'oubliait pas que la bonté est comme l'huile
qui facilite le mouvement de tous les rouages humains.
Il arriva dans sa dernière paroisse dans des conjonctures
particulièrement pénibles. La correction de sa vie, la
modération de son caractère, la compagnie d'un oncle qu'on ne
pouvait approcher sans être conquis par des sentiments du
vénération, l'avaient sans doute désigné à ses supérieurs pour
cette tâche délicate de restauration. Il s'y dévoua d'une façon
plus qu'ordinaire. Prévoyant qu'il parlerait souvent dans le
vide à l'église, s'il n'avait l'appui des convictions qui donne
aux jeunes générations une éducation sérieusement chrétienne, il
fit tous les sacrifices pécuniaires possibles, pour doter sa
paroisse d'une école libre de jeunes filles tenue par des
religieuses. Les ressources qu'il lui fallut trouver rapidement,
le mirent momentanément à la gêne. Heureusement, il avait près
de lui un de ces oncles généreux, que notre ancien professeur
d'histoire, devenu cardinal, se plaisait à définir: « des
banquiers fournis par la nature. »
Les émoluments de sa modeste retraite, joints aux aumônes des
âmes charitables qui avaient su comprendre la portée de cette
initiative, réussirent à assurer la vitalité de l'oeuvre ; et
l'école serait sans doute prospère sans les événements
politiques qui sont venus frapper toutes les institutions
catholiques. Le calorifère, les bancs, un des confessionnaux, un
des autels, les fonts baptismaux, resteront aussi les monuments
durables de son passage en cette paroisse.
Quelque chose manquerait à la perfection des hommes vertueux,
s'ils n'avaient pas à souffrir en ce monde : « patientia autem
opus perfectum habet », dit saint Jacques. Les occasions ne
firent pas défaut au curé de Domêvre pour acquérir ce genre de
mérite: il souffrit toujours en silence. Mais c'est un fait
d'expérience : les peines qu'on voudrait concentrer en son âme,
ne laissent pas d'atteindre par contrecoup la santé du corps,
qui est moins sous l'empire de la volonté, et de l'altérer
sérieusement. L'ennemi, une fois introduit dans la place, ne
tarde pas à trouver des complices, et l'on devient victime de
leur coalition, même avec une robuste constitution.
L'an dernier, l'abbé Thisserant entreprit encore par piété le
voyage de Jérusalem, sans se douter qu'il était si près de
paraître aux portes de la Jérusalem céleste; mais il était déjà
travaillé par le mal qui devait le ravir à l'affection des
siens. Au commencement de cette année, les ravages apparurent
soudain si profonds, qu'ils ne laissèrent aucun espoir à ceux
qui le soignaient avec un grand dévouement. Au milieu de ses
longues souffrances, il fut admirable de résignation et de
courage. Son exemple aurait pu instruire par comparaison les
observateurs qui ont vu d'autres malades, n'ayant ni la foi ni
l'espérance chrétiennes et passant par ces crises aiguës, où se
débat la nature humaine, avant de se disloquer tout à fait.
Son âme était prête depuis longtemps et ses affaires étaient en
ordre. - Ses funérailles furent présidées le lundi 6 septembre
par M. le chanoine Zinsmeister (cure-doyen de Saint-Martin de
Pont-à-Mousson, ancien curé de Domêvre). L'orateur trouva
facilement des accents émus pour faire l'éloge du défunt, qu'il
tenait en haute estime. Environ quarante prêtres étaient venus
offrir le secours de leurs prières, et joindre le témoignage de
leurs sympathies et de leurs regrets à celui des paroissiens.
E. C.
9 octobre 1909 - n°
41 - p. 795
ACTES OFFICIELS
Nominations.
Par décision de Monseigneur l'Evêque, ont été nommés:
Curé de Domêvre-sur Vezouse, M. l'abbé
Bastien, précédemment sous-directeur à la Malgrange.[...]
23 octobre 1909 - n°
43 - p. 835
Calendrier de la semaine
[...] Mardi, S. HEDVIGE (Blanc). - Verdenal.
La fête de cette sainte reine de Portugal, honorée comme veuve,
est remise du 17 octobre. - Mémoire de S. EVARISTE, Pape et
Martyr (108).
6 novembre 1909 - n°
45 - p. 875
Calendrier de la semaine
[...] Lundi. Octave de la. Toussaint et Mémoire des SS. Martyrs
couronnés (Blanc). - Xousse.
13 novembre 1909 -
n° 46 - p. 896
Calendrier de la semaine
[...] Mercredi, S. GREGOlRE: LE THAUMATURGE. (Blanc). -
Amenoncourt.
C'est le grand Evêque de Néocésarée, surnommé Thaumaturge, à
cause de ses nombreux et éclatants miracles (270).
Jeudi, DÉDICACE DES BASILIQUES S. PIERRE ET S. PAUL, (Blanc). -
Ancerviller.
20 novembre 1909 -
n° 47 - p. 934
Les fêtes en l'honneur de la bienheureuse Jeanne d'Arc
[...] Le 10 [octobre], à Domjevin ; comme il l'avait fait à
Fréménil, M. le Curé, lisons-nous dans le B. P., retraça le soir
devant un auditoire très nombreux, la vie de la Bienheureuse
Jeanne d'Arc, et, en même temps, paraissaient sur l'écran, des
tableaux lumineux qui réalisaient devant les yeux ce
qu'exprimait la parole. Les cantiques intercalés dans la trame
du récit achevaient d'émouvoir les âmes.
Le 17, ce fut le tour d'Herbéviller [...]
27 novembre 1909 -
n° 48 - p. 958
Nécrologie
[...] Nous recommandons aux prières de nos lecteurs, M. l'abbé
Hovasse, curé de Laronxe, décédé le 22 novembre.
Né à Ancerviller, le 23 avril 1832, ordonné prêtre le 22 mars
1856,, M. l'abbé Jean-Augustin Hovasse avait été nomme vicaire à
Vic, le 1er avril 1856. Il était curé de Laronxe depuis le 5
août 1859.
11 décembre 1909 -
n° 50 - p. 993
M. l'abbé
Hovasse, curé de Laronxe.
Le 22 novembre dernier, M. l'abbé Jean-Augustin Hovasse
s'éteignait doucement, dans la 78e année de sa vie, la 54e de
son sacerdoce, la 51e de son ministère à Laronxe.
La veille de sa mort, il avait reçu en pleine connaissance et
avec un grand esprit de foi, les derniers sacrements. Il était
prêt; depuis longtemps, sa santé précaire lui faisait envisager
le terme fatal avec sang-froid; sa soumission à la volonté du
bon Dieu était entière: « Quand Il voudra, disait-il, je
partirai ».
Le mercredi 24, ses funérailles furent imposantes dans leur
simplicité. L'église avait son assistance des grands jours.
Malgré le froid et la tempête de neige, 40 prêtres étaient
accourus apporter à leur vénéré confrère un dernier témoignage
de sympathie.
M. le Curé d'Ancerviller, qu'il eut toujours en haute estime et
en grande affection, fit la levée du corps; la Messe fut chantée
par M, le chanoine Codoré, aumônier de l'hôpital de Lunéville,
et M. le vicaire général Barbier donna l'Absoute.
Après la cérémonie, M. l'Archiprêtre de Saint-Jacques monta en
chaire, pour interpréter les regrets des paroissiens et pleurer
avec eux celui qui, pendant 50 ans, fut leur pasteur dévoué,
Il commenta le texte de David: Dilexi decorem domus tuae, J'ai
aimé la beauté de ta maison. Il en fit une juste et heureuse
application au zèle du vénéré curé.
La maison de Dieu c'est le temple matériel d'abord. Laronxe
était annexe de Saint-Clément, quand, après trois années de
vicariat à Vic-sur-Seille, l'abbé Hovasse y arriva comme premier
curé; certes, il restait beaucoup à faire pour l'ameublement et
la décoration de l'église; le jeune pasteur se mit à l'oeuvre
avec ardeur; il stimula l'amour-propre et gagna la confiance de
ses paroissiens, qui rivalisèrent de générosité. Durant ces
cinquante années, que de transformations, que d'embellissements
dans son église ! Citons seulement le beau chemin de croix: et
les trois cloches magnifiques, dont il aimait tant l'harmonieuse
sonnerie.
La maison de Dieu, c'est aussi le temple spirituel. C'est l'âme
du chrétien; c'était son âme, à lui, qu'il voulait rendre moins
indigne de celui qui l'avait choisi pour son ministre; il la
sanctifia de jour en jour par la prière et le sacrifice; la
maladie l'éprouva souvent: il l'accueillit toujours avec le bon
sourire du visage et la parfaite résignation du coeur; dans les
souffrances aiguës et les opérations douloureuses qu'il dut
subir, il montra une énergie indomptable que ne laissait guère
soupçonner sa chétive constitution. Prêtre, il avait une haute
idée de sa vocation et de sa dignité; sa démarche inspirait le
respect: il s'acquittait de ses fonctions sacerdotales avec une
piété touchante; il témoignait à Notre-Dame de Lourdes une
confiance sans bornes. Il mourut le chapelet à la main, en
murmurant une dernière prière à cette bonne Mère.
La maison de Dieu, c'était l'âme de ses paroissiens. Avec quel
soin, il travaillait à la beauté de ces âmes, il les
instruisait, il les formait à la vie chrétienne; avec quelle
ardeur il les conviait à la lutte pour la couronne de gloire:
c'était, bon pasteur qui connaissait son troupeau, le conduisait
dans les pâturages de choix, le gardait à l'abri du danger et le
défendait vaillamment contre l'ennemi. Il avait le sentiment
très vif de ses responsabilités.
Toujours maitre de lui-même, malgré une sensibilité délicate ;
ferme dans ses principes d'une foi éclairée, mais aussi avec le
sens profond des réalités et des contingences; aucune faiblesse,
aucun tort, aucun travers ne déroutait son indulgence raisonnée.
Très judicieux dans sa direction, il était homme de bon conseil;
ils le savaient bien, ces pères et mères de famille qui, le
dimanche après les Vêpres, venaient à la cure lui confier leurs
peines, lui conter leurs préoccupations et lui demander pour
l'éducation et l'établissement de leurs enfants un avis qu'une
sagesse pratique héréditaire, que sa longue expérience de la vie
lui faisaient toujours dicter à propos. Il connaissait si bien
les aptitudes et les besoins de tous; les traditions de famille
n'avaient pas de secret pour lui. Ajoutons que le secours
matériel accompagnait souvent le bon conseil, secours d'autant
plus précieux qu'il était plus discret.
L'esprit de famille, l'esprit de corps était son culte; M.
l'Archiprêtre l'a dit à bon droit. Il aimait la compagnie de ses
confrères. Quoi de plus agréable, pour un prêtre, que de vivre
quelques instants avec d'autres prêtres. Quoi de plus
réconfortant que mettre en commun ses préoccupations et ses vues
surnaturelles ; quoi de plus fécond que de s'instruire des
nouvelles industries du zèle, de rajeunir ses moyens
d'apostolat, de retremper ses énergies par des aspirations et
des encouragements réciproques et de détendre son esprit par une
honnête récréation.
Il est une réunion dont le retour périodique chaque année au
mois d'août à l'occasion de sa fête était pour lui un bonheur
véritable ; les prêtres, ses compatriotes, dont il se disait
volontiers le doyen, se faisaient une joie et un devoir de
répondre à son invitation. C'est là, dans l'intimité et
l'abandon de la causerie, dans le rappel des vieux souvenirs,
dans la discussion parfois animée que nous avons pu apprécier
toute la bonté de son coeur, toute la délicatesse de ses
sentiments; toute la finesse de son esprit et toute l'amabilité
de son caractère. Le 17 août de cette année, en même temps que
sa fête, il célébrait le 50e anniversaire de son arrivée à
Laronxe; malgré tous nos voeux, ce devait être la dernière
réunion.
Quand, il y a 20 ans, sa santé ébranlée ne lui permit plus de
remplir toutes les fonctions de sa charge, ne voulant pas
quitter sa paroisse et les paroissiens qu'il aimait de tout son
coeur, il demanda un vicaire; le premier, il le garda 3 ans; le
deuxième, 17 ans.
Sa bonté accueillante et vraiment paternelle fut récompensée par
l'empressement de ses collaborateurs à déférer à ses moindres
ordres, à ses conseils autorisés, Il aimait son vicaire qui, le
payant de retour, se montra pour lui jusqu'à la fin d'un
dévouement méritoire.
Même dans les derniers temps, alors que sa jambe cassée à deux
reprises ne lui permettait plus que de se traîner, il aurait
souffert, s'il n'avait pu assister à la messe solennelle, Les
Jours de fête, recueilli dans sa stalle, il jouissait du beau
spectacle que donnent encore les assemblées chrétiennes de nos
paroisses de campagne restées fidèles ; il jouissait d'entendre
ces beaux chants liturgiques, le Gloria et le Credo et les
cantiques populaires repris à l'unisson par toute la nef. Il
jouissait de voir ces fronts découverts se relever pour suivre
avec une attention et une satisfaction visibles les beaux
développements du dogme catholique et des grandes vérités
chrétiennes.
Pour sa part, il se réservait volontiers les petites allocutions
morales et pratiques et il était passé maître dans l'art. Ses
observations psychologiques décelaient une grande connaissance
du coeur humain; la note humoristique préparait la voie aux
conseils plus graves, aux remontrances parfois nécessaires. Il
souffrait des envahissements du luxe et des dépenses exagérées.
Dévoué corps et âme aux intérêts spirituels de ses paroissiens,
il se préoccupait aussi de leurs intérêts matériels; il était
heureux d'apprendre qu'ils faisaient honneur à leurs affaires,
il recommandait l'esprit d'ordre et d'économie, la bonne tenue
des ménages, il ne craignait pas de descendre aux détails
familiers. Il aimait à répéter qu'une honnête aisance n'est pas
indifférente à la bonne pratique de la religion,
Son allocution du Nouvel-An, en particulier, était un vrai régal
pour ses paroissiens, qui s'en faisaient une fête d'une année à
l'autre; il établissait le bilan de l'année; il disait le bien,
le mal ; les joies, les épreuves, dans un tableau d'ensemble
qu'il agrémentait des réflexions les plus suggestives,
distribuant l'éloge ou le blâme, suivant les circonstances j
puis il exposait, ses projets pour l'année nouvelle, il
communiquait ses espérances et terminait par les voeux les plus
chaleureux pour la paroisse et les familles, Il donnait le
conseil et l'exemple.
Homme d'ordre, esprit méthodique, il le fut jusqu'au bout, Quand
la mort le frappa, il ne fut pas surpris: ses affaires étaient
réglées avec une rare précision qui facilita singulièrement la
tâche de son exécuteur testamentaire et coupa court à toute
contestation possible,
Sur sa tombe, une voix autorisée redit la douleur et les regrets
de tous et prononça le dernier adieu.
Et maintenant, après avoir ôté pendant cinquante ans le bon curé
de campagne dans toute la beauté et la force de l'expression, il
repose à l'ombre de cette église, où il offrit tant de fois le
Saint Sacrifice pour les vivants et les défunts.
Il repose, selon son désir, au milieu de ces chers défunts, de
tous ceux qu'il a conduits à leur dernière demeure.
Les vivants viendront, chaque dimanche, au sortir de l'office,
entourer sa tombe, lui dire une prière de reconnaissance et
raviver le souvenir de sa grande bonté, de sa vie si édifiante,
de ses conseils si sages et si pratiques.
Mort, il leur prêchera encore: Defunctus adhuc loquitur.
25 décembre 1909 -
n° 52 - p. 1019
Calendrier de la semaine
[...] Mardi, SS. Innocents. (Violet). - Chazelles.
Ce n'est pas l'idée du triomphe qui domine en celle fête, c'est
(on le voit à la couleur des ornements) celle du deuil au coeur
des mères: l'Evangile, en effet, après avoir rapporté le fait
brutal d'Hérode, finit par le cri douloureux de Rachel pleurant
ses enfants. Mais cette page divine qui trouble et émeut le coeur
des parents, les encourage aussi; car, s'il ya des Hérodes
puissants qui, dans leur haine, veulent arracher les enfants à
Dieu el tuer leurs âmes, il y a, plus puissante, la divine
Providence qui veille. L'auteur des Hymnes de cette fête a
exprimé dans une langue très poétique ces diverses pensées; «
Salut tendres fleurs, boutons de roses qu'un tourbillon a
flétris ! Innocentes victimes, vous jouez avec vos palmes et vos
couronnes; et toi, tyran jaloux, qui craint de perdre ta place,
à quoi bon ton forfait ! Quel profil en tires-tu ? un seul
enfant échappe à ta cruauté, c'est Jésus ! »- Des trois fêtes
précédentes, on fait mémoire toute une Octave.
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