La faillite de la
banque Mézière - 1886
La
Lanterne - 15 janvier 1887
TRIBUNAUX
BANQUEROUTE DE 5 MILLIONS
Lunéville, 13 janvier. - Le tribunal correctionnel
de Lunéville vient de condamner l'ex-banquier
Mézières, de Blamont, auteur d'une banqueroute de
cinq millions, à trois mois de prison, après trois
mois de prison préventive, pour s'être livré, après
sa faillite, à des dépenses excessives, n'avoir tenu
aucune comptabilité légale et avoir fait des
Inventaires fictifs.
Il en coûte quelquefois aussi cher aux malheureux
qui volent un pain de quatre livres à la devanture
d'un boulanger ! |
Jean Edouard Gorius-Mezière,
né en 1827 (fils de Stanislas Gorius-Meziere, négociant
en vins), est avocat à la cour d'appel à Nancy en 1850,
lorsqu'il épouse, à Blâmont, Louise Gabrielle Lafrogne.
Il se lance dans l'activité de banque à Blâmont (1862 ?), ouvre trois succursales à Sarrebourg, Château-Salins
et Dieuze, et appartient à la notabilité blâmontaise (il
est notamment premier adjoint du maire Mathis de
Grandseille)... jusqu'à sa faillite en août 1886.
Cette faillite aura un retentissement,
-
local, notamment
dans les cercles de Sarrebourg et de Château-Salins.
Ainsi, à Sarrebourg la banque a soutenu de nombreux
investisseurs locaux, de toutes classes sociales. Si
la faillite de la banque Mézière porte préjudice aux
gros porteurs, les petits commerçants, les rentiers
et les petits employés qui avaient effectué des
dépôts dans cet établissement sont encore plus
durement frappés, à l'exemple du marchand de biens
israélite Simon Lièvre qui ne s'en relèvera pas.
-
national, par
l'écho que la grande presse donne à l'affaire. A la
fin du second empire, on a vu l'essor des grandes
banques nationales : Crédit Industriel et commercial
(1859), Crédit Lyonnais (1863), Société générale
(1864), qui se lancent à la conquête d'une large
clientèle. Toutes ces banques avaient, dès le
départ, pratiqué l'investissement des fonds déposés
dans des spéculations industrielles risquées, mais
les retraits massifs lors de la guerre de 1870, puis
la grave crise de 1882 amènent ces grandes banques à
la prudence, le crédit Lyonnais par exemple n'optant
plus que pour l'octroi des crédits à court terme.
Lorsque la banque Mézière chute en 1886, le sujet
est donc nationalement très sensible, dans un
système en pleine mutation, où la définition même de
banque et de pratiques bancaires est en encore en
construction.
-
international,
car la guerre de 1870 ayant modifié les frontières,
les succursales de la banque Mézière, et nombre de
ses clients et créanciers, se retrouvent sous
dépendance de la loi allemande ; par la même, les
juridictions compétentes et les procédures
s'enchevêtrent dans une complexité transfrontalière,
servant de jurisprudence au droit international
privé.
Journal du
droit international privé - 1885
Texte de
l'arrêt de la Cour de Nancy du 13 mai 1884.
La Cour, - Attendu que le 21 novembre 1881, les frères
Lamblin, négociants à Château-Salins (Alsace-Lorraine),
ont été déclarés en faillite; qu'à cette date, Mézière,
banquier à Blamont, était leur créancier de 52,000
francs ;
Attendu qu'il avait pour caution solidaire du
remboursement de cette somme Hollard et Ce, banquiers à
Pont-à-Mousson :
Que la banque Hollard et Ce, créancière elle-même des
frères Lamblin de 320,000 francs produisit à leur
faillite ;
Attendu que, par jugement du tribunal de commerce de
Nancy, en date du 6 février 1882, Hollard et Ce furent
eux-mêmes déclarés en faillite ; que, pour récupérer
entièrement le montant de sa créance Lamblin, garantie
par Hollard, Mézière pratiqua, le 8 février 1883, en
vertu de la loi allemande entre les mains du syndic de
la faillite des frères Lamblin, à Château-Salins, une
saisie-arrêt sur le dividende important qu'avaient à
toucher les créanciers de la faillite Hollard et Ce du
chef de leur débiteur, dont la production avait été
admise ;
Attendu que les syndics de cette dernière faillite
assignèrent Mézière, le 20 mars 1883, devant le tribunal
de commerce de Nancy, pour voir dire qu'il sera tenu de
lever la défense par lui faite au syndic Lamblin de
Château-Salins de leur verser, en leurs qualités, le
dividende leur revenant du chef de Hollard dans ladite
faillite, si non s'entendre condamner, tant pour tenir
lieu dudit dividende qu'à titre de dommages-intérêts, à
leur payer la somme de 50,000 fr.;
Attendu que Mézière décline la compétence du tribunal de
commerce de Nancy qui repoussa sa prétention par
jugement du 17 septembre 1883;
Attendu que Mézière a interjeté un appel régulier qui ne
saisit la Cour que d'une question de compétence ;
Que n'ayant pas à connaître du fond de l'affaire elle
n'a pas à rechercher si Mézière peut ou non se prévaloir
contre lés syndics de la faillite Hollard du bénéfice de
la saisie-arrêt pratiquée par lui à Château-Salins ;
Attendu que les syndics de la faillite Hollard
soutiennent que Mézière, créancier d'Hollard, n'a pu,
depuis la faillite, exercer légalement les droits de son
débiteur;
Que, Français, il est soumis aux lois de son pays qui
imposent en matière de faillite une égalité parfaite
entre les créanciers non privilégiés ;
Que, par le fait de ladite faillite, toute action
individuelle est interdite aux créanciers ;
Que les syndics qui les représentent ont le devoir et
l'obligation de recouvrer partout où elles se trouvent
des créances appartenant à la masse pour les distribuer;
Que par ses agissements à l'étranger, Mézière s'est
assuré à lui individuellement l'encaissement d'un
dividende qui revenait à la masse de la faillite Hollard
et qu'il a, par ce fait, nui aux intérêts de cette
faillite;
Attendu que l'action ainsi introduite contre Mézière par
les syndics devant le tribunal de commerce de Nancy, n'a
d'autre but que de faire rentrer dans la masse une somme
que Mézière, créancier de là faillite Hollard, voudrait
en distraire à son profit; que, quant à présent, elle ne
tend pas à faire juger la régularité ou la validité de
la procédure de saisie-arrêt suivie par Mézière à
Château-Salins ;
Attendu que cette action a donc pour cause la faillite
de Hollard et Ce dans l'intérêt de laquelle elle a été
intentée ;
Que le tribunal de commerce de Nancy, qui est celui du
domicile du failli, est par cela même seul compétent en
vertu des articles 59 du Code de procédure et 635 du
Code de commerce pour statuer sur le litige ;
Attendu que les syndics ne justifient, quant à présent,
d'aucun préjudice qui leur aurait été causé par Mézière,
Par ces motifs :
La Cour reçoit en la forme l'appel interjeté par Mézière
contre le jugement du tribunal de commerce à Nancy. Dit
que c'est à bon droit que les juges du tribunal de la
faillite Hollard et C° se sont déclarés compétents pour
connaître de l'action des syndics contre Mézière,
laquelle est fondée sur le fait même de la faillite. -
Rejette l'appel.
(C. de Nancy, 1re ch., 13 mai 1884. 1er prés. M. Serle.
- Av. gén. E. Villard. - Mézière c. faillite Hollard. -
Av. pl. MMes Mengin et Lombard.)
Journal du
droit international privé - 1888
FAILLITE. -
Déclaration en France et à l'étranger. - Pouvoirs du
syndic.
Cour d'appel de Nancy, 2me ch., 12 juillet 1887. - Prés.
M. d'Hannoncelles, av. gén. M. Villard. - Syndic,
faillite Méziéres, c. Banque d'Alsace et Lorraine. -
Av.pl.
Mes Mottet de la Fontaine et Mengin.
1. Le jugement déclaratif de faillite, rendu à
l'étranger, fait foi par lui-même de la qualité du
syndic qu'il nomme, et le syndic ainsi nommé peut
poursuivre en France le recouvrement des créances de la
faillite sans faire revêtir préalablement le jugement de
l'exequatur exigé par l'art 546 du Code de procédure
civile.
2. Quand une faillite a été déclarée en France et à
l'étranger, les créanciers se partagent en deux masses
distinctes selon qu'ils avaient traité avec la maison
française ou avec la maison étrangère, et ils ne peuvent
compenser ce qu'ils doivent à l'une des masses avec ce
que l'autre leur doit.
« La Cour, - Sur l'exception d'incompétence : Att. que
Mézières, banquier à Blâmont (Meurthe-et-Moselle), avait
en Alsace-Lorraine trois succursales de sa maison, et
que sa faillite a été déclarée à l'étranger le 11 août
1886, comme elle l'avait été en France le 9 du même mois
; que les deux syndics ont été nommés et deux masses
formées, ayant chacune leur actif et leur passif; que
Stieve, syndic de la faillite déclarée en
Alsace-Lorraine, poursuit le recouvrement d'une créance
due à la maison de Sarrebourg par la succursale établie
à Nancy de la banque d'Alsace-Lorraine, dont le siège
principal est à Strasbourg ; qu'il est recevable en
cette action, alors même que le jugement qui l'a nommé
n'a pas été déclaré exécutoire en France ; qu'il ne
s'agit pas, en effet, de faire produire à ce jugement
des effets dans lesquels l'art. 546 C. pr. civ. exige
l'exequatur préalable, mais seulement d'après la règle
locus regit actum d'établir l'existence d'un fait, la
nomination de Stieve comme syndic d'une faillite et le
mandat légal qui lui a été confié d'en recouvrer
l'actif; que le Tribunal de commerce de Nancy, lieu du
domicile de la maison de banque défenderesse, était
compétent pour connaître de la demande dont Stieve
l'avait saisi, l'objet de cette demande ne se rattachant
pas directement aux opérations de la faillite, et le
Tribunal de Lunéville, dans l'arrondissement duquel elle
a été déclarée en France, ne devant en connaître ; -
Att. que le jugement étant infirmé, la Cour peut statuer
sur le fond, par application de l'art 473 C. pr. civ.,
la cause étant en état de recevoir une décision
définitive ; qu'il importe peu que le litige soit de la
compétence en dernier ressort des juges de première
instance, l'art. 473 précité ne distinguant pas, et
l'évocation étant commandée, dans l'espèce, par un
intérêt de célérité et d'économie ; - Au fond : - Att.
que Mézières ayant été déclaré en faillite, tant en
France qu'à l'étranger, des créanciers se sont partagés
en deux masses selon qu'ils avaient traité avec la
maison française ou avec la succursale lorraine ; que
chacune de ces masses représentées par un syndic règle
son actif et son passif suivant les titres de créance
qui sont entre ses mains; que Stieve trouve dans le
compte courant ouvert par la succursale de la banque
d'Alsace-Lorraine à la maison de Sarrebourg et arrêté au
10 août 1866 par l'effet de la faillite une créance de
1,135 fr. 29 dont il est fondé à poursuivre le
recouvrement, ainsi que des intérêts courus depuis
l'arrêté de compte ; qu'en vain la banque intimée
prétend compenser cette somme avec le solde en sa faveur
d'un autre compte courant ouvert à la maison de Blâmont
et destiné dans l'intention commune du failli et de la
banque d'Alsace-Lorraine à constater des opérations
distinctes de celles existant à la succursale de
Sarrebourg, alors qu'aux termes de l'art 446, C. com,
une compensation n'était plus possible du moment où la
double faillite arrêtait les deux comptes et en fixait
le solde au profit ou à la charge des deux masses
distinctes ; - Par ces motifs : - Reçoit Stieve
ès-qualités appelant du jugement du Tribunal de commerce
de Nancy du 18 février 1887; réforme ce jugement, dit
que le Tribunal était compétent pour connaître de
l'action dont il a été régulièrement saisi ; - Et
évoquant le litige, condamne la banque d'Alsace-Lorraine
à payer à Stieve la somme de 1,135 fr. 29 pour la cause
énoncée dans les motifs du présent arrêt, les intérêts à
6 0/0 depuis le 10 août 1886. »
Journal
des faillites et des liquidations judiciaires françaises
et étrangères : revue de jurisprudence, de doctrine et
de législation
1888
(Faillite
Mézières c. Banque d'Alsace-Lorraine.)
ARRÊT.
LA COUR, - Sur l'exception d'incompétence :
Attendu que Mézières, banquier à Blâmont
(Meurthe-et-Moselle), avait en Alsace-Lorraine trois
succursales de sa maison, et que sa faillite a été
déclarée à l'étranger le 11 août 1886, comme elle
l'avait été en France, le 9 du même mois ; que deux
syndics ont été nommés et deux masses formées, ayant
chacune leur actif et leur passif; que Stieve, syndic de
la faillite déclarée en Alsace-Lorraine, poursuit le
recouvrement d'une créance due à la maison de Sarrebourg
par la succursale établie à Nancy, de la banque
d'Alsace-Lorraine, dont le siège principal est à
Strasbourg; qu'il est recevable en cette action, alors
même que le jugement qui l'a nommé n'a pas été déclaré
exécutoire en France; qu'il ne s'agit pas, en effet, de
faire produire à ce jugement des effets dans lesquels
l'art. 546 C. Proc. civ. exige l'exequatur préalable,
mais seulement d'après la règle locus regit actum
d'établir l'existence d'un fait, la nomination de Stieve
comme syndic d'une faillite et le mandat légal qui lui a
été confié d'en recouvrer l'actif; que le Tribunal de
commerce de Nancy, lieu du domicile de la maison de
banque défenderesse, était compétent pour connaître de
la demande dont Stieve l'avait saisi, l'objet de cette
demande ne se rattachant pas directement aux opérations
de la faillite et le Tribunal de Lunéville, dans
l'arrondissement duquel elle a été déclarée en France,
ne devant en connaître;
Attendu que le jugement étant infirmé, la Cour peut
statuer sur le fond, par application de l'art. 473 C.
Proc. civ., la cause étant en état de recevoir une
décision définitive; qu'il importe peu que le litige
soit de la compétence en dernier ressort des juges de
première instance, l'art. 473 précité ne distinguant
pas, et l'évocation étant commandée, dans l'espèce, par
un intérêt de célérité et d'économie;
Au fond :
Attendu que Mézières ayant été déclaré en faillite tant
en France qu'à l'étranger, des créanciers se sont
partagés en deux masses selon qu'ils avaient traité avec
la maison française ou avec la succursale lorraine; que
chacune de ces masses représentée par un syndic règle
son actif et son passif suivant les titres de créance
qui sont entre ses mains; que Stieve trouve dans le
compte-courant ouvert par la succursale de la banque
d'Alsace-Lorraine à la maison de Sarrebourg et arrêté au
10 août 1866 par l'effet de la faillite une créance de
1,135fr.29 dont il est fondé à poursuivre le
recouvrement, ainsi que des intérêts courus depuis
l'arrêté de compte, qu'en vain la banque intimée prétend
compenser cette somme avec le solde en sa faveur d'un
autre compte-courant ouvert à la maison de Blâmont et
destiné dans l'intention commune du failli et de la
banque d'Alsace-Lorraine à constater des opérations
distinctes de celles existant avec la succursale de
Sarrebourg, alors qu'aux termes de l'art. 446 C. Com.
une compensation n'était plus possible du moment où la
double faillite arrêtait les deux comptes et en fixait
le solde au profit où à la charge des deux masses
distinctes ;
Par ces motifs, reçoit Stieve ès-qualités appelant du
jugement du Tribunal de commerce de Nancy du 18 février
1887; réforme ce jugement, dit que le Tribunal était
compétent pour connaître de l'action dont il a été
régulièrement saisi;
Et évoquant le litige, condamne la banque
d'Alsace-Lorraine à payer à Stieve la somme de 1,135 fr.
29 pour la cause énoncée dans les motifs du présent
arrêt, les intérêts à 6 % depuis le 10 août 1886.
Du 12 juillet 1887, Cour de Nancy (2e Ch.); MM. d'HANNONCELLES,
prés.; VILLARD, av. gén.; MOTTET DE LA FONTAINE et
MENGIN, avocats.
Journal
des faillites et des liquidations judiciaires françaises
et étrangères : revue de jurisprudence, de doctrine et
de législation
1889
Faillite
Mézière c. Banque d'Alsace-Lorraine.)
ARRÊT.
LA COUR, - Attendu que le sieur Mézière, banquier à
Blâmont, a été déclaré en faillite par jugement du
Tribunal de commerce de Lunéville, le 9 août 1886 ;
Attendu que la banque d'Alsace-Lorraine, dont le siège
principal est à Strasbourg, mais qui a une succursale en
France à Nancy, a produit à ladite faillite: 1° pour le
montant d'effets par elle remis en encaissement à
Mézière; 2° pour celui d'autres effets négociés au
failli et restés en souffrance, et pour solde d'un
compte-courant;
Attendu que le syndic de la faillite ayant contesté ces
divers chefs de production, lors de la vérification des
créances, les parties ont été renvoyées à l'audience par
ordonnance du juge-commissaire, en date du 9 novembre
1886 ;
Attendu qu'un arrêt de cette Cour, du 13 juillet 1888, a
définitivement tranché les difficultés relatives aux
effets remis en encaissement; que les autres l'ont été
par un jugement du Tribunal de commerce de Lunéville
portant la date du 19 septembre 1888 ;
Attendu que le sieur Mézière a, dès l'origine de la
banque d'Alsace-Lorraine, été un des administrateurs de
cet établissement ; qu'il a plus tard fait partie de son
conseil de surveillance ; - Attendu qu'en sa qualité
d'administrateur, Mézière a, le 6 décembre 1872, déposé
dans la caisse de la banque, à titre de garantie de ses
fonctions, 25 actions libérées de ladite banque ; que
ces actions devaient rester inaliénables pendant toute
la durée de son mandat ;
Attendu qu'elles sont devenues disponibles après sa
faillite, par suite de sa démission comme membre du
conseil de surveillance et de la décharge qui lui a été
donnée par l'assemblée générale des actionnaires ;
Attendu que, la banque d'Alsace-Lorraine ayant émis la
prétention d'exercer un droit de rétention sur ces
actions pour se couvrir de ce qui pourrait lui être dû
par le failli, le syndic l'a assignée, le 14 mai 1887,
devant le Tribunal de Lunéville, jugeant
commercialement, en remise desdites actions et, à
défaut, en paiement de leur valeur ;
Attendu qu'à cette demande la société défenderesse a
opposé l'incompétence du Tribunal, soutenant que le juge
du siège de sa succursale en France avait seul qualité
pour connaître du litige ;
Attendu que le jugement dont est appel a fait droit à
cette exception d'incompétence ;
Attendu que devant la Cour le syndic a conclu à la
réformation de ce jugement : 1° parce que l'exception
soulevée par la partie adverse aurait été couverte par
une défense au fond devant les premiers juges et par un
jugement antérieur de mise en délibéré daté du 26 mai
1887 ; 2° parce que le Tribunal de commerce de
Lunéville, étant celui du lieu de l'ouverture de la
faillite, se trouvait compétemment saisi d'une action
née de cette faillite, celle existante se rattachant à
la production faite par la banque d'Alsace-Lorraine à
l'effet de se faire admettre au passif de ladite
faillite ;
Sur le premier moyen :
(Sans intérêt) ;
Sur le second moyen :
Attendu que, si les art. 59 C. pr. civ. et 635 C. com.
attribuent compétence au juge du domicile du failli pour
tout ce qui concerne la faillite, cette compétence est
toutefois limitée aux actions qui naissent du fait même
de la faillite, c'est-à-dire des droits particuliers de
la masse créancière ;
Attendu qu'on ne saurait considérer comme telles les
demandes formées par un syndic relativement à des faits
antérieurs à l'ouverture de la faillite ou qui n'ont
avec elle aucune relation nécessaire ;
Attendu qu'au cas particulier, la demande du syndic tend
uniquement à la restitution des 25 actions qui ont fait
l'objet du dépôt du 6 décembre 1872, et à défaut, au
paiement de leur valeur; qu'une telle demande, par
rapport à laquelle aucune disposition spéciale ne se
rencontre dans le livre III C. com., n'est point née du
fait même de la faillite ; qu'en effet Mézière aurait pu
l'exercer, s'il fût resté in bonis ; que, d'un autre
côté, sa faillite n'a eu sur les
obligations contractées par lui ou par la banque intimée
aucune influence ni directe ni indirecte ; qu'elle a
laissé les choses comme elles existaient auparavant, et
qu'en conséquence elle n'a pu jouer et n'a joué, en
réalité, aucun rôle dans les moyens de la cause; d'où il
suit que la demande du syndic est indépendante des
opérations de la faillite et que, ne rentrant pas dans
les dispositions des articles précités, elle reste sous
l'application du principe général en
matière d'assignation, d'après lequel le défendeur doit
être cité devant le juge de son domicile ;
Attendu que c'est encore vainement que Bloch,
ès-qualités, voudrait établir la relation directe entre
l'instance qu'il a engagée et la production de l'intimée
à la faillite ; que cette relation existe d'autant moins
que toutes les difficultés relatives à la production de
la banque d'Alsace-Lorraine ont été renvoyées à
l'audience par l'ordonnance sus-visée du
juge-commissaire, et ont donné lieu à des instances
distinctes de celle dont la Cour est actuellement saisie
;
Attendu que le syndic l'a si bien compris ainsi que,
lors du jugement du 19 septembre 1888, qui a fixé
définitivement la somme pour laquelle la Banque
d'Alsace-Lorraine serait admise au passif de la
faillite, il a conclu à ce qu'il lui soit donné acte de
la réserve de ses droits pouvant résulter de l'instance
par lui engagée en revendication des 25 actions déposées
par Mézière ;
Attendu que de tout ce qui précède il résulte que c'est
à bon droit que le Tribunal de commerce de Lunéville
s'est déclaré incompétent, ;
Confirme.
Du 9 avril 1889, Cour de Nancy (2° ch.); MM. CHARMEIL,
prés.; VILLARD, av. gén. ; GRILLON, avocat. |