Poudres et
salpêtres en Lorraine au XVIIIe siècle
(notes renumérotées)
Bulletin du Comité des travaux historiques et
scientifiques. Section des sciences économiques et
sociales
1910
Séance du jeudi 31 mars 1910.
[...] M. LE PRÉSIDENT
donne la parole à M. Pierre BOYÉ, qui lit son mémoire
intitulé : Les poudres et salpêtres en Lorraine au
XVIIIe siècle.
Ainsi que les postes et messageries, les poudres et
salpêtres de Lorraine et Barrois faisaient, au milieu du
XVIIIe siècle, l'objet d'un bail spécial passé par le
gouvernement à une compagnie particulière. Mais ici le
prix du bail n'advenait pas à la Ferme générale. Elle
n'avait aucun intérêt dans l'exploitation du monopole
(1).
Comme en France, comme dans les petites principautés
enclavées ou limitrophes, l'extraction du salpêtre fut
de bonne heure, dans ces Etats, un droit régalien, que
les ducs, s'ils n'en retiraient le plus souvent qu'un
faible avantage pécuniaire et direct, se gardaient du
moins de négliger.
« C'est un droit souverain qui nous compette et
appartient seul », précise Henri II dans un acte du 31
décembre 1610 (2).
La fabrication et la vente de la poudre ne furent au
contraire que tardivement réservées et réglementées. Le
salpêtre était acheté par des poudriers indépendants,
qui débitaient en liberté leurs produits. En 1618, pour
la première fois, le prince limite le nombre des «
moulins à poudre ». Il ne laisse subsister que ceux de
Nancy et de Pierrefitte (3). Toute la poudre
confectionnée par des industriels de son choix, et à de
certaines conditions, devra être apportée aux arsenaux
de Nancy et de Saint-Mihiel. Dans ces magasins se
pourvoiront exclusivement les marchands. L'importation
des poudres étrangères, de la poudre de Strasbourg en
particulier, alors fort appréciée, est dorénavant
prohibée (4). Presque aussitôt, il est vrai, il sera
dérogé par Henri II lui-même à ces mesures (5). Mais le
principe du monopole était posé. Les deux occupations de
la Lorraine par Louis XIII et par Louis XIV n'allaient
pas tarder à le préciser et à l'affermir.
Dès la restauration dynastique, Léopold se préoccupe de
fournir les duchés des « poudres qui s'y peuvent
consommer annuellement et d'empêcher l'achat des
étrangers » (6). Il s'entend d'abord avec un de ses
favoris, Joseph Willemin de Heldenfeld, qui obtient, par
lettres patentes du 22 décembre 1698, le privilège de la
manufacture des poudres et salpêtres. Ce courtisan
embrassait trop de spéculations hasardeuses et diverses
pour réussir.
N'était-il pas aussi, en plus qu'industriel, commissaire
des troupes, introducteur des ambassadeurs et maître des
cérémonies (7) ? Il ne sut faire face à ses engagements.
La société formée par le Toscan Bocconi, et qui réunit
plusieurs notabilités du pays, à commencer par le
receveur général des finances, Jean Gayet, n'eut guère
meilleur succès. Des procès divisèrent les intéressés.
Un jour, à Nancy, lors de la venue d'un personnage de
marque, le canon ne put être tiré faute de munitions, à
la grande mortification du souverain (8). Une troisième
tentative donna des résultats plus satisfaisants.
Léopold à accepté la proposition du premier lieutenant
de son artillerie, Edouard de Warren. Par contrat du 1er
février 1703, Warren est assuré de la fabrication
exclusive des poudres et salpêtres en Lorraine pendant
trente ans (9). Puis, en 1709, ce privilège est étendu,
à son bénéfice, au Barrois mouvant pour trente-trois
années, tandis qu'une prorogation du contrat initial
établit la concordance en durée des deux arrangements
(10). Il ne s'agissait encore que de le production. Le
monopole de la vente restait distinct. Le 10 décembre
1703, le duc a permis en effet au garde de ses magasins
de poudres et salpêtres, le nommé Thierry Charles, d'en
faire, à l'exception de tous autres et à partir du 1er
février suivant, le débit en gros, avec faculté de
désigner pour là venté en détail des préposés dont les
commissions seraient visées par le grand maître de
l'artillerie (11).
Le 22 décembre 1725, le Conseil des finances accordait
enfin à Warren lui-même, pour six années, la ferme de la
« distribution des poudres dans tous les Etats de Son
Altesse Royale » (12).
C'est une figure curieuse que celle du directeur général
des poudres et salpêtres, ainsi que s'intitulait
également le premier lieutenant de l'artillerie de
Léopold. D'origine irlandaise, capitaine au régiment de
Dublin, gouverneur en 1689 des places de Belfast et de
Carlingford, Edouard de Warren, après avoir soutenu la
cause de Jacques II d'Angleterre, avait été appelé en
Lorraine par son compatriote le comte de Carlingford,
ministre écouté du duc (13). Actif et ingénieux,
véritable brasseur d'affaires, cet étranger ne tarda pas
à porter sa principale entreprise à un haut degré de
prospérité. Il ne se contenta pas de remplir les clauses
stipulées dans les contrats : utilisation et
augmentation de la poudrerie de Nancy; création à ses
frais, dans la capitale, de « halles et terres de
minières » pour la production du salpêtre. Il reprit à
son compte les traités passés pour le moulin à poudre d'Euville,
qui avait de longue date alimenté la seigneurie de
Commercy et de nouveau alimentait cette minuscule
principauté rétablie le 31 décembre 1707 en faveur de
Charles-Henri de Lorraine, comte de Vaudémont (14). Il
devint propriétaire d'une poudrerie plus importante à
Ligny (15), chef-lieu du comté possédé, jusqu'à
l'acquisition qu'en devait faire Léopold le 6 novembre
1719, par la maison de Montmorency-Luxembourg.
L'habileté d'une famille de poudriers, les Fauque, et
surtout l'excellence des produits fabriqués par l'un des
derniers exploitants, Laurent Fauque, avaient rendu ce
moulin fameux (16). Ayant de la sorte prévenu toute
concurrence, Warren résolut de fonder à Bar même une
dernière usine. Mais une sérieuse question se posait. Le
roi accepterait-il l'érection en terre de mouvance de
semblable fabrique? La compagnie fermière française,
redoutant le versement des poudres dans le Clermontois,
la Champagne, à Paris peut-être, n'y mettrait-elle pas
obstacle ? Warren se rend à Versailles; il est assez
heureux pour se ménager une audience de Louis XIV. Il
revient avec une adhésion qui surprend agréablement la
cour de Lunéville (17).
En 1737, à la cession des duchés, trois de ces
poudreries étaient en pleine activité : celles de Nancy,
de Ligny et de Bar. Le privilège exclusif de la
fabrication ne devait expirer qu'au 31 décembre 1741 et
le privilège de la distribution, pour lequel Edouard de
Warren fils (18) substitué à son père défunt, avait peu
avant obtenu une prorogation considérable, au 31
décembre 1770 seulement (19). Si donc les engagements
ducaux avaient été respectés, c'est durant près de
trente-cinq années encore qu'en ce qui concernait cette
partie l'assimilation avec le régime français fût
demeurée impossible. Afin de hâter l'unification
désirée, l'intendant La Galaizière ne recula devant
aucun moyen : promesses, intimidation; Sous sa pression
énergique; les héritiers de Warren père ayant, bien que
de fort mauvais gré, renoncé à leurs droits et abandonné
au domaine les établissements qu'ils exploitaient,
contre une indemnité de 171,000 l. (20), le Conseil des
finances concéda aussitôt, le 19 novembre 1738, pour
huit années à partir du 1er janvier 1739, le double
monopole de la fabrication et de la vente à la ferme des
poudres et salpêtres de France représentée par
l'adjudicataire général Charles Primard (21). Le prix de
ce premier bail fut de 155,151 l. 10s 4d de Lorraine,
payables en une seule fois et d'avance. Le prix du
second, consenti au nom de Jacques Mahieu, pour courir
du 1er janvier 1747 au 31 décembre 1755, devait être
réduit à 38,750 l. (22).
Aux renouvellements successifs, la ferme s'engageait de
plus à fournir gratuitement, chaque année, 600 livres de
poudre à giboyer pour le service de Sa Majesté
Polonaise. Jusqu'à la mort de Stanislas, qui fit enfin
cesser cette dualité de pure forme et permit une entière
confusion, les baux des poudres et salpêtres de Lorraine
et Barrois correspondirent ainsi et coïncidèrent en
durée avec les baux des poudres et salpêtres du royaume
(23).
Du commissaire général des poudres et salpêtres de
France, que son mandat constituait l'homme du roi,
chargé de veiller à l'exactitude et au bien du service,
mais qui, dans la pratique, se trouvait toujours être un
des fermiers, ordinairement le plus considérable d'entre
eux (24), dépendaient un certain nombre de commissaires
provinciaux. Il y eut, de ce moment, un commissaire des
poudres et salpêtres de Lorraine et Barrois. Cet agent,
qui, du vivant de Leszczynski, prenait aussi volontiers
et même de préférence la qualité de directeur (25),
résidait à Nancy (26). Pour des raisons qui apparaîtront
plus loin, il avait, conjointement avec son collègue de
Metz, lequel se prévalait d'ailleurs de la réciprocité,
inspection sur les salpêtriers des Trois-Evéchés. M.
Duprat fut le premier en fonction. Il faut citer ensuite
Jean-Baptiste de Jort de Jenneville, à qui succéda en
1763 M. Mugneret (27).. Sous les ordres du commissaire,
le personnel du bureau général des poudres de Nancy se
composait d'un inspecteur pour le Barrois, d'un
contrôleur et de deux commis (28).
Le régime inauguré en 1739 fut l'occasion d'importants
changements. L'article XVII du bail, qui donne liberté à
l'adjudicataire, « si bon lui semble, de suspendre ou
faire cesser la fabrication des poudres aux moulins
actuellement établis à Bar et à Ligny, même de destiner
lesdits moulins et leurs cours d'eau à d'autres usages
», avait été intentionnellement inséré. La compagnie
était résolue à supprimer ces deux usines. La poudrerie
de Bar, située à la jonction du canal des moulins avec
l'Ornain, à l'extrémité du faubourg des Capucins, et
qui, forte de seize « battants », comprenait une petite
salpêtrière, fut sur-le-champ désaffectée (29). De même
en fut-il de la poudrerie de Ligny, établie à l'ouest de
cette ville, sur le ruisseau du Mordesson, dans le val
des Annonciades. Administrativement, on considéra les
deux fabriques fermées comme réunies à la poudrerie de
Nancy (30). Quelques années encore, le moulin barrisien
servit à l'entrepôt général des poudres et salpêtres du
Barrois, ainsi qu'au logement du garde-magasin. De son
côté, l'inspecteur des poudres et salpêtres du Barrois
profita des locaux de Ligny. Puis, dans l'une et l'autre
ville, la ferme négligea complètement constructions et
terrains, se contentant de les louer à des particuliers
(31).
Moins connue par la bonté de ses produits que celle de
Ligny, la poudrerie de Nancy avait toutefois un passé
intéressant. Au milieu du XVIe siècle, nous la trouvons
déjà érigée non loin de la Meurthe, à la tête du canal
des Grands Moulins, d'où elle tire, sur la gauche, la
force motrice nécessaire, par une dérivation propre dont
la courbe délimite avec le canal lui-même l'îlot allongé
que ces eaux enserrent encore aujourd'hui. Nous voyons
en 1592 le « battant et moulin à poudre » de Nancy remis
à neuf simultanément avec une autre poudrerie domaniale;
installée en amont de la rivière, au village de
Tomblaine, et qui disparaîtra peu après (32). Connue au
XVIIe siècle sous le nom de poudrerie Saint-François,
l'usine est ruinée lors de l'incendie des Grands
Moulins, le 14 septembre 1633,.pendant le siège de la
capitale lorraine par Louis XIII (33). Tour à tour
relevée (34) et détruite, c'est elle que Léopold, à
peine rentré dans les duchés, parle, le 11 octobre 1698,
de « faire rétablir... comme elle a été ci-devant proche
notre ville de Nancy » (35), La société Bocconi
s'employa à cette tâche. En l'honneur du prince, le
nouveau moulin à poudre devient le moulin Saint-Léopold,
laissé en 1703 à la disposition d'Edouard de: Warren
(36). Son contrat obligeait le premier lieutenant de
l'artillerie à mettre l'usine « à seize battants », contre une indemnité de 60 écus de 3 livres. II fit
mieux.
A la suite d'une explosion survenue le 22 septembre 1712
(37), Warren a rebâti l'ensemble sur un plan meilleur,
et, s'il faut eh croire son fils, la réputation des
produits de cette fabrique s'est bientôt affirmée à ce
point que les pays voisins n'en ont plus voulu d'autres
(38).
De même que toutes les poudreries d'alors, l'usine
nancéienne se composait essentiellement du moulin
proprement dit, où des piloris de bois, - les battants,
- menés par une roue, broyaient les matières, et de
plusieurs bâtiments; isolés et plats où s'effectuaient
les manipulations : boutique pour la composition,
grainoir où se grainait la poudre, atelier de
l'essorage, séchoir ou poêle, lissoir où s'obtenait le
lustre de la poudre de chasse. On accédait à la
poudrerie par une porte cochère ouvrant sur une large
cour. Un grand jardin clos en dépendait (39). Afin
d'utiliser le surplus du courant, Warren s'était avisé
de construire à proximité, en aval, un moulin à foulon.
Il y avait joint un moulin à dégraisser les draps
suivant la méthode employée dans les Pays-Bas: une
hollandaise; une frise aussi pour friser la ratine. Et
comme de l'eau encore était disponible, il avait
augmenté cette petite agglomération industrielle d'une
scierie de son invention (40). En 1738, le domaine était
entré en possession de ces annexes. Il les accensait,
mais l'adjudicataire de l'établissement principal
touchait les redevances (41). Il ne semble pas que les
fermiers se soient grandement souciés au début de la
prospérité de la poudrerie de Nancy. Sans doute
obtenaient-ils de la Chambre des comptes, le 12 juillet
1743, un arrêt interdisant d'embarrasser le canal
particulier, d'y pêcher et de placer des bois autour de
l'enceinte (42). Mais, le 16 novembre suivant, une
imprudence renversait l'usine (43) et les traitants
profilaient de cet accident pour discontinuer tout à
fait la fabrication dans la province. Durival peut
écrire en 1753 : « Il y a eu des poudreries en
Lorraine » (44). Dom Calmet nous montre également, en
1756, les trois poudreries des duchés « entièrement
abandonnées » (45). Ce n'est qu'après une longue
interruption, - pendant laquelle les deux poudreries
évêchoises, celles de Metz et de Belleray, près de
Verdun, reçurent la totalité du salpêtre recueilli eu
Lorraine et redoublèrent d'activité (46), - que la
compagnie se décida, non sans avoir beaucoup hésité, à
remonter le moulin à poudre des bords de la Meurthe
(47). La poudrerie royale de Saint-Léopold recommence à
fonctionner vers 1762, date à laquelle s'y rencontrent
un maître poudrier, cinq garçons poudriers et un maître
charpentier (48). Elle est la vingt et unième du royaume
(49). Elle ne va plus cesser de produire, jusqu'à ce
qu'un dernier sinistre l'ayant anéantie le quatrième
jour complémentaire de l'an II (20 septembre 1796), elle
soit enfin supprimée sans retour (50).
Le soufre entrant dans la préparation de la poudre
était, comme on le pense, importé. Il se demandait aux
raffineries de Marseille, de Venise et de Hollande. Le
pays fournissait le charbon et le salpêtre.
Le charbon léger que donne le bois poreux de la
bourdaine (51) était déjà regardé comme préférable à
tout autre. Aussi la compagnie n'eut-elle garde de ne
pas s'assurer la disposition exclusive d'une essence si
utile. En 1747, il est interdit à toute personne,
particulièrement aux vanniers, de se servir du bois de
bourdaine, « autrement appelé bois de pin », à peine de
300 l. d'amende et de confiscation des ouvrages. Aucune
adjudication, vente ou coupe ne peut être faite, sous
menacé de pareille répression, en forêts communales ou
seigneuriales, dans un rayon de douze lieues autour de
Nancy, de Ligny et de Bar, sans que tous les pieds de
bourdaine de trois à cinq ans d'âge n'aient été mis de
côté pour être façonnés en bottes dont les fermiers des
poudres disposeront, s'ils le jugent; à propos, eu en
payant deux sols de France par hotte. La ferme avait
aussi le droit de faire couper elle-même, et moyennant
rémunération identique, celle bourdaine dans toute forêt
soit communale, soit particulière, où il n'y avait pas
de coupes adjugées ou ouvertes. Dans les forêts du roi,
elle ne devait que le salaire des gardes présents à
l'enlèvement, soit 20 sols par cent bottes (52).
Il est à remarquer que c'est au moment où la poudrerie
de Nancy chômait, que ces prescriptions furent pour la
première fois mises en vigueur, au seul avantage,
pendant cette interruption, des manufactures évêchoises.
Faut-il également souligner l'illogisme qu'il y avait à
maintenir autour de Bar et de Ligny des zones réservées
? Pour la recherche du précieux bois, le commissaire des
poudres désignait des ouvriers spéciaux. La bourdaine
que ces gens amassaient devait être voiturée par les
communautés (53). Ce charroi s'effectuait aux mêmes
conditions que le charroi du salpêtre dont nous
parlerons tout à l'heure.
Qu'était la faible gêne causée par l'interdit sur le
bois de bourdaine, en comparaison des multiples et
gravés ennuis qui découlaient de l'extraction du
salpêtre ? Ce sel se recueillait en abondance dans toute
la région (54), et les salpêtriers étaient pour les
habitants des duchés une vieille et désagréable
connaissance (55). Léopold, revenant régner sur ses
sujets, avait presque aussitôt renoué la tradition et
délivré des commissions de salpêtriers, dont il fixait
le nombre à trente. Mais, devant le mécontentement
unanime que provoqua celle création, le prince eut un
beau geste.
Préférant, disait-il, le bien et la tranquillité de son
peuple à ses propres intérêts, il consentait à
l'affranchir de ces industriels fâcheux, en retour d'une
légère contribution « qui serait levée sur les
communautés sur le pied et rôle de la subvention ». La
déclaration du 11 octobre 1698 révoquait, en
conséquence, les malencontreuses commissions : «
Défendons très expressément à toutes sortes de
personnes, de quelque qualité elles soient, de faire ou
faire faire aucune recherche de salpêtre, à peine de 500
francs d'amende, payable par corps pour la première
fois, et de punition corporelle en cas de récidive, sauf
à nous à lever sur nos États une somme modique,
proportionnée au produit de nos poudreries (56). » La
mesure était prématurée. Une courte expérience le
démontra. « Il est arrivé, avoue le prince, le 1er
septembre 1701, que le salpêtre, qui est une marchandise
absolument nécessaire dans le commerce pour les
différents usages auxquels on s'en sert, est devenu si
rare dans nos Etats, que, quelque besoin qu'on en puisse
avoir, il est presque impossible d'en trouver. » Afin de
remédier à cette disette du nitre, des salpêtriers sont
de nouveau commissionnés, au nombre de soixante cette
fois, qui, tenus de travailler incessamment à
l'approvisionnement des magasins de Nancy et de fournir
chacun au moins 150 livres de salpêtre par mois,
effectueront leurs recherches « dans tous les vieux
châteaux, masures et autres lieux ruinés et déserts,
même dans les halles et autres lieux publics ». La
subvention reste augmentée de la cote accessoire. En
compensation de cette taxe, Léopold interdit de fouiller
chez les particuliers qui s'y opposeront et d'exiger
d'eux logement, combustible ou voilures (57). L'avantage
était trop grand encore pour l'époque. Un arrêt de
règlement signé au Conseil le 19 avril 1702, complété et
précisé par l'ordonnance du 10 août 1724, rendit ces
appréciables réserves lettre morte. Ne furent plus
exceptés de la fouille que les églises, les cloîtres et
maisons religieuses, les châteaux, les demeures
seigneuriales et les fiefs. Le logement de l'ouvrier, le
bois de cuite, le charroi de ce bois et des produits,
deviennent obligatoires, moyennant les indemnités
prévues au tarif (58).
A partir de 1739, les salpêtriers poursuivirent, avec
plus d'ardeur et de minutie que jamais, leur déplaisante
besogne. Le bail de Primard, qui autorise pour la poudre
le ralentissement de la fabrication, prévoit ici un
accroissement de production. Il lui sera loisible « de
faire à ses frais et dépens, dans tous les lieux de la
Lorraine et du Barrois qu'il lui conviendra, tels
établissements qu'il estimera nécessaires pour
perfectionner et augmenter la fabrique des salpêtres
(59). Le contrat de 1747 est plus significatif encore.
L'adjudicataire « pourra faire... les établissements
nécessaires pour porter la fabrique des salpêtres au
plus haut point qu'il se pourra, et rétablir la
recherche et amas dudit salpêtre dans les lieux où elle
aurait pu être négligée et abandonnée (60) »
Ils sont maintenant quatre-vingt-dix salpêtriers, dits
salpêtriers du roi, que-choisit ou révoque le
commissaire des poudres. Affectés à autant
d'arrondissements dans les limites desquels ils ont
obligation de se confiner (61), ils parcourent sans
relâche, suivis de leurs aides et de leur attirail, le
territoire assigné, visitant tour à tour chaque
localité, chaque hameau, chaque censé isolée. D'après
l'ordonnance du 10 août 1724 qui autorisait les
salpêtriers à « travailler alternativement partout »,
c'était aux prévôts a régler l'itinéraire. Au vu de la
liste des communautés « à salpêtrer », ces officiers
fixaient de proche en proche les étapes. Il n'était
loisible à un salpêtrier de s'éloigner d'un endroit que
sa tâche accomplie. Mais peu à peu la plupart des
prévôts s'étaient relâchés de leur contrôle. Ils
n'étaient plus intervenus que pour omettre
volontairement certains villages ou pour affranchir de
la servitude leurs protégés. Le commissaire de Jort de
Jenneville prit l'initiative de donner aux salpêtriers
un ordre particulier pour chaque localité. A son
arrivée, le salpêtrier doit exhiber cet ordre; il ne
repartira pas qu'il n'ait obtenu du syndic un certificat
constatant le parfait achèvement de l'ouvrage. L'arrêt
du Conseil du 24 août 1748 est consacré à cette réforme
(62). Dans une ordonnance du 31 octobre 1754, La
Galaizière assura plus soigneusement encore la
discipline. Il dicta au commissaire des poudres, seul
apte à régler, village par village, la tournée de ses
hommes, la formule de l'ordre à leur délivrer. Cette
ordonnance vise aussi la conservation des terres
salpêtreuses. Développement rigoureux des articles, du
10 août 1724, elle fait défense aux propriétaires et
locataires de déplacer et de corrompre ces terres; elle
accroît par ses strictes précautions l'assujettissement
imposé aux populations, les entraves apportées à la
libre disposition des immeubles. Quand un salpêtrier a
terminé son travail dans une communauté et qu'il a remis
; en leurs lieux d'extraction les terres remuées, il a
le devoir de dresser contradictoirement avec le syndic,
et maison par maison, le détail exact du volume des
terres et de la quantité de nitre extrait. De cette
terre, nul ne pourra jusqu'à son retour enlever quelques
poignées, en laisser mouiller ou gâter de quelque façon
que ce soit, sans être passible d'une amende de 100
francs. Les syndics sont responsables. Une double
contravention sanctionne leur manque évident de
surveillance. Cette surveillance s'appuie sur le dernier
état évaluatif. Pareil document est conservé au Bureau
général des poudres (63). En même temps qu'il remet à un
salpêtrier son ordre d'aller « travailler » une
communauté, le commissaire peut donc, grâce à ces
archives, le pourvoir d'une liste numérique des terres à
nitre conservées : 1° dans les dépendances non enclavées
du château, de la maison seigneuriale et des fiefs ; 2°
dans les bâtiments de la cure; 3° dans la maison du
maire; 4° dans celle du syndic; 5° chez chacun des
autres habitants. C'est ainsi que le salpêtrier
Jeanpierre, qui se rend à Arraye en 1756, apprend qu'il
y disposera de 420 cuveaux de terre salpêtreuse déjà
reconnue; et comme il n'ignore pas davantage que ces 420
cuveaux ont précédemment rendu 305 livres de nitre brut,
il y a grand risque pour les délinquants. D'autre part,
le commissaire ne délivre plus aucun ordre que le
précédent ne lui ait été rapporté. Il est à même de
juger si le salpêtrier qui, selon les propres termes de
Mugneret, ne peut plus « courir comme autrefois », est
demeuré à son poste le temps voulu (64). L'arbitraire
est moindre; par contre, les occasions d'amende se sont
multipliées.
Muni de sa licence et de son redoutable papier, le
salpêtrier, arrivé dans un village, commence par se
présenter au syndic. Il lui réclame un toit. Le local
auquel il a droit, à condition d'en payer un loyer
mensuel de 30 sols (65), doit comprendre une chambre à
coucher, une pièce avec cheminée, où il montera sa
chaudière, des dépendances fermées où prendront place
les cuves à eau mère et le salpêtre frais (66). Il
s'installe. Dès lors, tout habitant peut s'attendre à le
voir entrouvrir sa porte.
Seuls, en principe, les églises, les couvents, les
châteaux et maisons seigneuriales étaient, nous l'avons
dit, fermés aux salpêtriers. La théorie souffrait
d'assez nombreuses exceptions. Presque toutes les
communautés religieuses d'hommes et de femmes
prétendaient étendre l'exemption à leurs maisons de
campagne, à leurs différents fonds. Les unes exhumaient
d'anciens titres, plus ou moins probants; les autres
réussissaient à en arracher à la complaisance mi-avouée,
mi-déguisée du commissaire et de la ferme. Les Jésuites,
par exemple, continuent de se prévaloir d'une décision
qui remonte au 1er février 1661 et porte la signature du
« Commissaire ordonnateur de l'artillerie de France,
poudres et salpêtres de Lorraine et Barrois, au lieu de
Nancy » : Fraizet (67). Le train de culture que les
Visitandines de Pont-à-Mousson possèdent à Atton est
l'endroit de tout l'arrondissement où le salpêtrier fait
la plus ample récolte. Or, dans l'été de 1739, celui-ci
est violenté par des domestiques trop zélés, qui
prétendent l'expulser. Malgré ces sévices, le
commissaire Duprat fait aux religieuses la gracieuseté
d'éloigner l'importun. La raison, très officieuse, s'en
lit dans: une lettre que, en femme prudente, la
supérieure a pris la précaution d'annoter de ces mots :
« Défense du fermier général au salpêtrier de chercher
du salpêtre dans notre maison d'Atton, qui ne doit pas
être montrée et doit servir d'instruction pour n'user
que des moyens de douceur quand semblables ouvriers se
présentent à Atton. » Cette raison est que Duprat a deux
filles cloîtrées à Paris. Il les recommande, ainsi que
leur père, aux « saintes prières » des Visitandines
(68). Ces distinctions injustifiées n'étaient pas sans
être remarquées et sans prêter, de la part des voisins
moins heureux, à une aigre critique.
Le salpêtrier ne devait pas « toucher aux granges à
battre les grains », ni « dépaver et déplancher les
appartements occupés par les personnes ». Mais il avait
le libre accès des écuries, étables, bergeries, caves et
paillers (69). Là toutes investigations lui étaient
permises, à la seule condition, comme le précisent les
lettres patentes du 3 juillet 1747, pour l'exécution du
bail de Mahieu, de remettre les choses en place, de
boucher les trous et de rétablir les murs, « si aucuns
sont démolis ou en danger de périr par la recherche des
terres, en la même forme et manière qu'ils étaient
auparavant » (70). Cette recommandation dissimule, sous
une réserve en apparence favorable, une énorme
aggravation à la législation antérieure. Celle-ci
prescrivait aux salpêtriers de s'éloigner de 2 pieds du
fondement des murailles, des portes et des étançons,
d'arrêter ses fouilles à la profondeur d'un pied. Le
temps n'est plus davantage où, sous le régime de l'arrêt
du 19 avril 1702, il était dû aux propriétaires ou aux
locataires, en dédommagement d'un tel embarras, 5 sols
par toise carrée de terre remuée (71).
On imagine aisément combien le choix du gîte et de
l'atelier du salpêtrier, combien le bouleversement
périodique des locaux, soulevaient de difficultés. Le
salpêtrier arrêtait sa préférence sur l'un des logements
désignés par le syndic, et cette désignation était déjà
matière à débats. Personne n'admet que son immeuble ait
mieux qu'un autre attiré l'attention.
Les syndics sont accusés de favoriser des amis, de léser
des adversaires.
Si la majorité des plaintes sont mal fondées, il y a
chance pour que bien de mesquines rancunes se soient en
cette occasion impunément satisfaites. La maison
est-elle inoccupée ? le propriétaire craint que tout n'y
deviennes à l'abandon. La chaudière est un danger
permanent d'incendie. Ici, c'est un négoce troublé; tel
celui de Joseph Mary, mercier à Domjevin, subdélégation
de Lunéville : « Le suppliant a souffert, souffre et
souffrira encore à l'avenir un dommage considérable. Ses
marchandises se ternissent par la vapeur sortant des
cuves destinées au travail; il faisait un commerce de
vin qui se trouve interrompu depuis le commencement
d'avril dernier. Ce commerce l'aidait à se soutenir avec
sa famille. La communauté de Domjevin a cru le
dédommager en lui accordant par délibération le surpoil
de 2 fauchées et demi de pré au canton dit la Croix...
Mais l'autorisation de l'intendant n'est pas encore
arrivée, et cependant la communauté est sur le point de
procéder au partage des prés... (72) » Ailleurs, ce sont
des projets contrariés, des complications imprévues. A
Morhange, un salpêtrier prend possession, trois mois
avant la Saint-Georges, d'une maison vacante.
Il y prolonge son séjour. Quand il la quitte, le
propriétaire est dans l'impossibilité de la louer, parce
que, selon l'usage local, au 23 avril tout habitant est
logé pour l'année (73).
Dans lés maisons fouillées, c'était pire encore. On
discute le temps nécessaire au travail. On accuse le
salpêtrier d'indolence. II est encombrant, imprudent. Il
envahit les lieux indispensables à l'exploitation
agricole. Son étourderie, sa négligence:, parfois sa
malice, n'occasionnent que trop souvent la perte
d'animaux domestiques, blessés ou empoisonnés. En dépit
des instructions formelles (74), il n'éloigne pas ses
cuves du bétail; il oublie de les couvrir. « Le
suppliant, écrit à l'intendant un habitant de Blâmont,
le suppliant justifiera par-devant votre subdélégué,
dans la huitaine, que les cuves du salpêtrier, lors de
la mort du boeuf dont il s'agit, étaient placées dans
l'écurie à portée dudit boeuf, qui a crevé hors de sa
place, près desdites cuves, et que ledit salpêtrier
confie son atelier à deux filles, sans suivre par
lui-même ses ouvrages (75). »
Quand, pour faire différer ou' interrompre les fouilles
aux époques où le libre usage des locaux est
d'importance extrême pour les travailleurs des champs,
où la rentrée des foins, l'engrangement des moissons
encombrent les fermes, des laboureurs n'hésitaient pas à
venir de loin solliciter à Nancy le commissaire des
poudres, comment les intéressés n'eussent-ils pas essayé
de gagner les salpêtriers? Comment aussi ces ouvriers
besogneux fussent-ils restés insensibles aux profits de
marchés secrets ? Certes, il est rigoureusement interdit
aux habitants de composer avec les salpêtriers; à
ceux-ci d'accepter quoi que ce soit, argent ou denrées,
en échange de leurs complaisances (76). Mais, en
réalité, des offres suffisantes sont rarement repoussées
par ces hôtes incommodes. Il en coûte même de rester
sourd à leurs allusions vénales. L'un d'eux, à Andilly,
occupe un mois durant une maison pour lessiver 13
cuveaux de terre, en représailles de ce qu' « on n'a pas
voulu se soumettre à sa-loi et à ses propositions de
prendre arrangement». Le même-motif fait qu'à Brin- deux
experts le constatent - des recherches qui auraient pu
être terminées en huit jours ont traîné pendant quatre
semaines (77). « Les salpêtriers désolent impunément les
gens de la campagne pour en extorquer le rachat de la
visite de cette espèce de brigands, surtout des
particuliers aisés ou riches, qu'ils menacent d'un dégât
considérable dans leurs maisons, quoique souvent il n'y
ait pas lieu d'y salpêtrer », écrit un avocat de
Lunéville. « Ces salpêtriers, qui ne peuvent améliorer
leur condition qu'en faisant craindre tout le mal dont
ils sont capables, se comportent partout d'une manière
odieuse... Pendant l'année 1755, étant allés au village
d'Anthelupt, près de Lunéville, pour y salpêtrer, ils
s'attachèrent à la maison d'un bourgeois de cette ville
nommé Antoine Bicaille, et dans cette maison ils
détériorèrent les murs, non seulement cassèrent une
cheminée, gâtèrent un plafond, mais encore ils posèrent
leur chaudière si près d'un beau treillage de vigne,
qu'il en fut brûlé; et firent périr des bestiaux pour
n'avoir point fait écouler leurs eaux salpêtrées, comme
ils le devaient. Tout ce dégât ne fut fait que par
méchanceté, pour se venger de ce que le propriétaire
n'avait pas voulu, suivant ses termes vulgaires, leur
graisser la palle. Je puis d'autant mieux attester ce
fait, que je prêtai mon ministère au bourgeois lésé,
pour lui faire rendre la justice qu'on lui devait (78).»
Recrutés dans la classe des manoeuvres, puisque à cette
condition seulement ils jouissent de tels avantages
(79), les salpêtriers, qui, comme tous les autres commis
et ouvriers des poudres, sont exempts des impôts, du
logement des gens de guerre, de la plupart des charges
pesant sur leurs concitoyens, qui se parent du titre de
maître, dont les ustensiles sont insaisissables (80),
n'en commandent qu'avec plus de fierté et d'insolence.
Quelques femmes étaient commissionnées. Elles se
faisaient ordinairement remarquer par leur cupidité. Mal
en prit à un paysan de Gondreville de tenter d'en
fournir la preuve contre une veuve Messager. Après
enquête, le subdélégué de Nancy, Durival, conclut le 24
novembre 1761 : « J'ai du tout dressé le procès-verbal
ci-joint. Je n'y ai pas inséré toutes les choses
inutiles qui ont été dites entre les parties. Il y a de
violentes présomptions que la salpêtrière a en effet
reçu du grain pour prix de sa complaisance; mais, d'un
autre côté, il paraît que Barthélémy a voulu induire
cette salpêtrière en contravention, puisqu'il avait
caché la justice locale, pour voir qu'il lui délivrerait
du grain (81).»
Compris avec les gabelous dans les haines des campagnes
et des villes, les salpêtriers sont en butte aux pires
avanies. On leur refusait un abri; ou les enfermait dans
leurs ateliers. On les prive de l'eau nécessaire aux
manipulations. On lâche le liquide de leurs cuves. On
leur joue mille tours. On va jusqu'à les attaquer et à
les battre. Et ces rustres, grossiers, aigris, qui ont
conscience de leur importance non moins que de leur
impopularité, prenaient leur revanche dans d'incessantes
vexations. Comme certains préposés aux travaux des
routes sont plus particulièrement redoutés des
corvéables, certains salpêtriers ont, à la ronde, une
réputation détestable. Tel le fameux piqueur Robin qui,
avant d'être promu inspecteur dans la Lorraine
allemande, terrorisa les environs de
Rosières-aux-Salines (82); une famille de salpêtriers,
les Céler, fut longtemps le fléau de la région de la
Seille (83).
Les salpêtriers sont d'autant plus exécrés, que le
préjudice causé par leur passage se complique de charges
accessoires. Pour trouver le combustible qu'engloutit sa
chaudière, l'homme n'a pas à se préoccuper. Il lui a été
préparé d'avance. Les bois communaux tout d'abord
fournissent les cordes nécessaires. A leur défaut, ce
sont les bois du domaine; subsidiairement les forêts
particulières. Jusqu'en 1754, les quantités voulues
étaient, sur la demande du consommateur, marquées à
mesure par les officiers des grueries, puis des
maîtrises. Le salpêtrier payait le bois dés vassaux et
des communautés moitié de son juste prix. Il devait le
couper et le façonner lui-même, tandis que le voiturage
incombait aux habitants à raison de 15 sols par corde et
par demi-lieue (84). L'arrêt que le Conseil des finances
rendit le 16 mars de cette année sur l'initiative du
commissaire député pour l'administration et la
réformation générale des eaux et forêts des duchés,
Gallois, prévint les abus et le gaspillage inhérents à
semblable méthode. Le commissaire des poudres eut à
présenter annuellement, au 1er janvier, un état, dressé
maîtrise par maîtrise, des salpêtriers qu'il se
proposait d'employer des localités où il les enverrait,
du temps approximatif qu'ils y séjourneraient, des
quantités de bois dont ils auraient besoin; et cet état
ne devait plus varier. Un arrêt du 24 mars 1764
renchérit sur ces dispositions. C'est à l'intendant que
l'état sera à l'avenir adressé, pour le dernier
trimestre de l'année en cours et les neuf premiers mois
de l'année suivante. L'intendant le vérifie et le
modifie à sa guise. Ainsi amendé et certifié, il est
retourne au commissaire, qui le fait parvenu" au grand
maître avant le 1er mars. Celui-ci donne alors toutes
instructions à ses subordonnés, en vue de la délivrance
(85).
Sous le régime de 1754, dans les forêts communales,
désormais interdites aux salpêtriers, le bois est
prélevé sur l'affouage. Ce sont les communautés qui
l'abattent et le façonnent en bûches de dimensions
déterminées (86), puis qui le voiturent, de mois en
mois, aux ateliers.
Rendue à l'atelier, la corde était payée 5 l. 10 sols, à
condition que la distance ne fût pas supérieure; à une
demi-lieue; la majoration est de 15 sols par demi-lieue
supplémentaire. Dans les forêts du domaine et des
vassaux, où ils continuent d'avoir accès, les
salpêtriers ne donnent de la corde, prise sur pied, que
4 livres (87).
A partir de 1764, le prix de ce bois, sans distinction
d'origine, fut abaissé à 30 sols de France, auxquels il
faut ajouter, dans les forêts communales, 12 sols pour
la façon et 15 sols pour le transport. Les quantités
demandées en surplus de l'affouage sont réglées à 33
sols. Sur la vente du bois délivré aux salpêtriers par
les communautés, le roi prélevait le tiers denier
habituel (88). En 1760, il entre, de ce fait au Trésor,
pour les deux maîtrises de Nancy et de Lunéville, une
somme de 584 l. (89). Si l'on n'oublie pas que dans la
capitale lorraine, en 1751, le bois était taxé, selon la
qualité, de 10 à 32 l. de Lorraine la corde (90), on
conviendra que le tarif réduit dont profilaient les
salpêtriers constituait un véritable impôt déguisé. Au
delà des déclarations, les salpêtriers traitaient de gré
à gré; mais le voiturage de cet excédent restait
obligatoire aux conditions susdites.
Les communautés étaient contraintes d'assurer le
transport des salpêtriers et de leur matériel d'un
atelier à l'autre. Pareillement le nitre brut était
conduit sur réquisition aux raffineries, seuls endroits
où ce sel pouvait être purifié et vendu. La raffinerie
lorraine se trouvait à Nancy; celle des Trois-Evêchés, à
Verdun. Il n'y avait pas d'établissement de ce genre à
Metz, et la ferme avait négligé, en même temps que la
poudrerie de Bar, la petite salpêtrière que Warren y
avait annexée. Pour la commodité du service, le salpêtre
était indifféremment dirigé, selon les distances pu lès
besoins des poudreries, soit sur Nancy, soit sur Verdun,
sans qu'il fût tenu compte du lieu d'origine, sol
lorrain ou sol évêchois. Voilà pourquoi les commissaires
des poudres des deux généralités avaient respectivement
autorité sur les salpêtriers de l'un et l'autre bureau
(91). De même y avait-il entente pour le charroi. Les
voituriers se relayaient respectivement aux principales
localités de la province voisine. Des laboureurs du pays
messin déchargeaient couramment du salpêtre à
Pont-à-Mousson et à Nomeny, où des laboureurs lorrains
en prenaient livraison pour le conduire à Nancy. Cette
entente n'avait pas été jusqu'à l'unification des prix.
Dans les anciens duchés, le charroi des cuves et du
nitre était réglé pour une journée à 15 sols par cheval
ou par paire de boeufs, véhicule compris (92). Dans la
généralité de Metz, au contraire, l'indemnité se
calculait à raison de 10 sols et demi pour une
demi-lieue ou au-dessous ; de 15 sols par lieue (93).
Le nitre brut était: payé aux salpêtriers 7 sols la
livre, rendu à la raffinerie (94). On sait que les
manipulations pour l'obtenir consistaient à lessiver à
froid les matières salpêtreuses, opération qui
s'effectuait de maison en maison, puis à soumettre cette
lessive à l'ébullition, dans la chaudière de l'atelier.
Pour le détail, toutefois, il n'y avait pas de pratiques
uniformes. Les salpêtriers des différentes provinces,
usant de procédés consacrés par une séculaire routine,
eussent été embarrassés d'expliquer la raison de cette
variété des méthodes. A Paris, on commençait par mêler
aux plâtras nitreux, traités de préférence aux terres,
un tiers de cendre de bois flotté. Quand la lessive
était à demi cuite, on y versait une dissolution de
colle de Flandre qui la purifiait partiellement des
matières grasses en suspension. Dans le Languedoc ou la
Provence, la lessive s'effectuait d'abord sans aucune
addition de cendres. Mais lorsque l'action du feu
l'avait réduite de moitié, on la passait sur des cendres
de tamaris, employées à l'exclusion de toutes autres.
Rejetée dans la chaudière, elle; achevait de s'y
concentrer au degré voulu. On la versait alors dans une
auge de bois, où elle demeurait 24 heures et où elle
déposait une quantité considérable du sel marin qu'elle
pouvait contenir. De grands vases de terre servaient à
la cristallisation. En Lorraine et dans les Trois-Evéchés,
on lavait d'abord les terres comme dans le Midi, sans
recourir aux cendres, et on ne collait pas. Mais lorsque
la lessive approchait de son point de réduction, on la
jetait dans un récipient, futaille de bois, parfois
vaisseau de cuivre, garni de bonnes cendres, nommé
rapuroir. Les cendres de toute espèce étaient employées.
On donnait cependant la préférence aux résidus de la
combustion des bois durs,:1e chêne et le charme, plus
riches en alcali, et que le salpêtrier n'avait le plus
souvent qu'à ramasser sous sa chaudière. L'ouvrier
agitait celle liqueur pour obtenir un mélange intime. Il
recouvrait ensuite le rapuroir de manière que la cuite
gardât la chaleur nécessaire à la réaction. Au bout de
deux ou trois heures, il la coulait enfin dans des
bassins où les cristaux se déposaient. De ce procédé
résultait plusieurs conséquences qui méritent d'être
indiquées. L'odeur fade, nauséabonde qui régnait dans
les ateliers parisiens n'était pas, à beaucoup près,
aussi accentuée chez les salpêtriers lorrains. Ces
hommes étaient mieux inspirés, semble-t-il, en se
servant de cendres que de colle pour le dégraissage.
Mais parce qu'ils ne dégraissaient pas la cuite avant de
la verser hors de la chaudière et que celle cuite ne
rendait jamais de sel qu'elle n'eût passé par le
rapuroir, le salpêtre brut obtenu en Lorraine était très
inférieur aux salpêtres analogues de l'Île-de-France et
de diverses provinces. « En voyant à Verdun les
salpêtres arriver dans la raffinerie horriblement
chargés de sel, comme on imaginé qu'ils doivent l'être
dans un pays où les salpêtriers n'en tirent point de
leur cuite; je ne pouvais, déclare un spécialiste, me
persuader que tout ce sel se retirât dans les eaux de
deuxième et troisième cuite, de manière que les
salpêtres de troisième cuite en restassent exempts
(95).»
Tout changeait lors du raffinage, opération
rigoureusement interdite aux salpêtriers ambulants, qui
devaient se borner à livrer du nitre de première cuite,
encore imprégné de son eau mère. Les fermiers avaient
profité d'une disposition modèle quand ils avaient pris
possession en 1739 de la salpêtrière créée à Nancy par
Edouard de Warren sur les anciens remparts de la
Ville-Neuve, à l'ouest de la porte Saint-Nicolas, et
réorganisée quatre ans plus tôt par le fils du
fondateur. « Je puis me vanter, écrira plus tard ce
dernier, d'avoir donné à mon père quantité de bonnes
idées sur ce sujet; et qu'ayant trouvé cet établissement
encore très imparfait à sa mort, je l'ai achevé, et j'ai
rendu cette salpêtrière la plus belle et la plus commode
d'une infinité que j'ai vues dans bien, des parties de
l'Europe (96). » La porte franchie, laissant à droite et
à gauche des abris où s'entassaient les bois de cuite,
on pénétrait dans une vaste cour, bordée sur trois côtés
de hangars excavés qui protégeaient des terres à
salpêtre d'où se tiraient 300 livres de nitre par
semaine. Ces « halles et terres de minières » étaient,
nous l'avons dit, une des charges de la concession de
1703. Warren père les avait d'abord provisoirement
aménagées sous la voûte de la porte Saint-Georges. A
l'extrémité du hangar de droite, un jeu de douze cuviers
accompagnés de leurs cuveaux était destiné au lessivage
de ces terres. Au fond de la cour se trouvaient deux
énormes chaudières : chaudière à réduire les eaux de
lessive: et chaudière à raffiner. Le personnel de cette
salpêtrière, ou, comme à partir de 1739 fut aussi
désigné l'établissement, de cette raffinerie royale,
personnel auquel se rattachaient les 90 salpêtriers,
comprenait, dans les dernières années de Stanislas, un
maître raffineur, trois ouvriers et un maître tonnelier
(97).
Pour être employé à la composition de la poudre et des
feux d'artifice, le salpêtre devait être de troisième
cuite. A l'arsenal de Paris, on raffinait 3,600 livres
de nitre en cinq heures. Les raffineurs nancéiens se
pressaient beaucoup moins. Ils employaient de huit à
neuf heures pour, purifier 2,400 livres, sans compter le
temps indispensable à la refonte. La manipulation totale
durait de douze à quatorze heures. Aussi leur salpêtre:
était-il finalement purgé d'une façon presque absolue
des matières étrangères. Il était renommé pour sa
blancheur et sa netteté (98). On le conservait et il
voyageait dans des tonneaux où il était foulé à l'aide
de masses de fer. C'est ce salpêtre de choix que, durant
le chômage de la poudrerie de Nancy, les communautés
eurent encore à conduire, aux mêmes conditions que le
salpêtre brut, vers les moulins à poudre de Metz et de
Belleray.
Non seulement pour les humbles ateliers des salpêtriers,
mais pour les véritables usines qu'étaient les
raffineries, les procédés différaient donc d'une
province à l'autre, sous la direction d'une unique
compagnie. Ce n'était pas là un des vices les moins
choquants du monopole des poudres.
Ce qui existait pour les salines se reproduisait ici,
avec plus d'incurie encore, puisqu'il n'y avait pas de
venté étrangère et que les traitants n'avaient point à
rédouter la perte de ce débouché. Le progrès importait
peu. L'esprit de lucre dominait. A la suite de
difficultés survenues avec le commissaire Mugneret, le
subdélégué de Dieuze le lui reproche, non sans force : «
Il paraît que la quantité de salpêtre est un objet plus
désiré qu'une bonne discipline (99). » Comment en eût-il
été autrement sous le régime de la ferme ? Les
financiers, n'ayant qu'un bail de six ou de neuf ans, ne
songeaient guère à tenter des essais, à risquer des
innovations coûteuses dont le résultat n'aurait rien
ajouté à leurs bénéfices, et qui n'eussent été utiles
qu'à leurs successeurs. Aussi, tandis que l'art du
salpêtrier était déjà 1res perfectionné dans plusieurs
pays, en Suède, en Prusse ou en Italie, on ne savait
toujours dans le royaume, où se perpétuait une technique
primitive, que démolir, fouiller, lessiver.
Frappé de cet état de choses et surtout de ce que la
Compagnie des poudres et salpêtres exerçait son
privilège de fabrication et de vente d'une manière plus
avantageuse pour elle-même que pour l'État, qui n'en
retirait que de 50,000 à 55,000 l. par an, Turgot
résilia en 1775 le bail en cours. Au système de la ferme
il substitue la régie pour le compte du roi. Lavoisier
devient un des quatre chefs de cette administration. La
réforme semble devoir ouvrir une ère nouvelle. Pour la
première fois, la monarchie paraît s'apercevoir, ainsi
que dès 1698 l'avait fait Léopold, et de l'extrême
embarras que la recherche du salpêtre occasionne aux
sujets et des charges sensibles qui en dérivent. On
s'inquiète de remédier à si graves inconvénients par
l'étude scientifique des lois de la nitrification. La
Société d'agriculture de Berne avait proposé en 1766 de
constituer des « plantations de salpêtre », en
réunissant les matériaux propres à former ce sel et en
construisant des fosses, des murailles et des voûtes où
il serait récolté. C'est la création de ces nitrières
artificielles qu'il y a lieu d'encourager. Turgot n'y
manqua. Les épreuves furent concluantes. L'application
s'imposait. Le 8 août 1777, un arrêt du Conseil d'Etat,
complété par un arrêt interprétatif du 24 janvier
suivant, offre, sans abolir la fouille, « aux
communautés les plus fatiguées par l'exercice de ce
droit les moyens de se rédimer dès à présent et pour
toujours ». Il leur apporte, dans tous les cas, un réel
soulagement. A commencer du 1er janvier 1779, la
recherche du salpêtre ne sera plus permise dans les
habitations personnelles, les caves et celliers à vin.
Les communautés sont déchargées de la fourniture et du
transport du bois. Les salpêtriers, à qui on ne pourra
refuser d'en vendre, achèteront le combustible au prix
courant. Ils traiteront à l'amiable pour le charroi.
Toute communauté d'habitants qui construira une nitrière
et y accumulera les terres salpêtreuses sera
définitivement exempte de la visite des salpêtriers,
sous réserve que cette nitrière, formée selon la méthode
approuvée par les régisseurs, soit d'un rapport
correspondant à la récolte de l'année qui a précédé son
établissement. Plusieurs villages ont la faculté dé
s'entendre pour aménager une nitrière commune. Les
maisons religieuses profiteront de pareille exemption, à
condition que leurs nitrières - et elles sont vivement
exhortées à en créer - rendent annuellement un minimum
de 1,000 livres de salpêtre. Il y a mieux. Les
communautés peuvent se libérer du soin d'entretenir ces
nitrières, en les remettant, une fois construites et
garnies, au roi. Elles toucheront alors un sol par livre
de salpêtre recueilli; si elles exploitent elles-mêmes,
la rémunération est décuplée (100).
Le dernier commissaire des poudres et salpêtres de la
généralité lorraine, Nicolas Thouvenel, arrivé
précisément à Nancy lors de la substitution du mécanisme
de la régie à celui de la ferme (101), et qui se
trouvait encore en place en 1793, ne devait pas être un
des moins zélés parmi ses collègues pour, prôner et
encourager le récent procédé. Thouvenel est l'un des
vulgarisateurs les plus autorisés des nitrières
artificielles. C'est dans les halles de la raffinerie de
Nancy que furent en partie conduites ces belles
expériences dont les conclusions, - savamment exposées
dans un mémoire rédigé en collaboration avec le
commissaire son frère par le célèbre médecin Pierre
Thouvenel (102), comme réponse à cette question : «
Trouver les moyens les plus prompts et les plus
économiques de procurer en France une production et une
récolte, de salpêtre plus abondante que celle qu'on
obtient présentement, et surtout qui puissent dispenser
des recherches que les salpêtriers:ont le droit de faire
chez les particuliers », - vaudront aux deux auteurs le
prix extraordinaire fondé par:Turgot, sur la caisse de
la régie des poudres, et décerné en 1782 (103) par
l'Académie des Sciences (104).
Mais, de même que dans la province dont l'intendant La
Galaizière fils se montra l'un des plus éloquents
apôtres de la suppression de la corvée en nature, les
populations, très éprouvées pourtant par le dur labeur
delà création et de l'entretien des chaussées, ne se
décidèrent que malaisément à profiler du rachat en
argent, de même, ni les avances de Turgot, ni la
propagande de Thouvenel n'y peuvent décider les
habitants à s'affranchir, par une initiative facile
d'une sujétion dont ils ne cessent de gémir. Alors que
la culture et la récolte du salpêtre deviennent dans
d'autres-généralités une sorte de mode, en Lorraine les
salpêtriers du roi prolongent leur fastidieuse besogne,
sans rencontrer de concurrents dans des nitriers
volontaires.
Et, du fait de celle résistance, la gêne de la recherche
n'en deviendra que plus lourde aux ignorants, aux
réfractaires. Jusqu'à cette époque, le pays n'avait pas
connu le traitement des décombres, presque exclusivement
pratiqué à Paris. L'arrêt du 8 août 1777 l'y soumet
implicitement. Les salpêtriers pourront prendre, sans
payer, pierres, terres, plâtras et matériaux salpêtres
provenant des démolitions. Défense est faite, sous peine
de 100 l. d'amende, de démolir ou de transformer un
immeuble sans leur en donner avis. La régie, d'autre
part, ne se montre pas moins sévère que la ferme pour ce
qui regarde lès fouilles. On en revient au règlement du
duc Henri II, daté du 23 février 1618, qui interdisait
de paver ou de planchéier étables et écuries (105).
D'incessants conflits vont surgir de cette application
d'un texte oublié. Un maréchal ferrant de Bernécourt,
élève de l'Ecole royale vétérinaire, prend chez lui des
chevaux malades pour les soigner; « il a acheté une
maison dont le pavé de l'écurie était en désordre; il
vient de le fane raccommoder et élever de peu pour
rendre son écurie plus saine et empêcher la maison
d'être inondée par les pluies et l'égout d'une fontaine
plus élevée que sa maison. » Le salpêtrier le dénonce.
Six habitants d'Emberménil sont cités en 1783 devant le
subdélégué de Lunéville, comme coupables d'avoir, dans
des restaurations consécutives à un incendie, « fait
paver et plancher les allées tant pour le passagère
leurs maisons que pour la communication dans les
différentes chambres qui les comportent », L'intendant
ne peut, en l'espèce, que débouter les régisseurs de
leur prétention, car il est prouvé que la disposition
incriminée existait antérieurement au sinistre. Mais le
cas d'une femme de Morhange, condamnée à 20O l.
d'amende, à l'enlèvement du pavage et au retour des
terres salpêtreuses, n'est que trop fréquent,
L'inspecteur constate délits sur délits, mène expertises
sur expertises. Lorsqu'un cultivateur estime
indispensable de paver son écurie, que de formalités
sont à remplir ! Il doit adresser une requête à
l'intendant. Celui-ci la transmet au bureau des poudres.
Le commissaire prescrit l'enquête. L'inspecteur vient
sur place vérifier les allégations du requérant. En
présence du syndic, on discute le degré de salubrité du
lieu. Le dossier est retourné au commissaire, qui rédige
un rapport. D'après ces conclusions, l'intendant décide.
Voici, au reste, la théorie de l'administration des
poudres, exposée en 1783, à propos d'une affaire de ce
genre, par Thouvenel lui-même. L'autorisation « ne peut
être accordée que dans un cas de nécessité, c'est-à-dire
lorsque, par sa position, une maison est sujette à
quelques filtrations d'eaux extérieures qui y
entretiennent une fraîcheur continuelle qui rend le
terrain boueux et malsain aux bestiaux. Dans ce, cas, le
service du roi ne peut souffrir de la permission
accordée, parce qu'un sol humide n'est point propre à la
reproduction du salpêtre. » Le demandeur en cause
invoquait « une plus grande solidité et commodité à tous
égards ». « Ce particulier ignore où feint d'ignorer que
cette manière de détruire les terres est prohibée par
lès règlements, ou qu'il ne suffit pas de se promettre
une plus grande commodité pour obtenir la permission d'y
déroger. Mais si ces motifs étaient suffisants, bientôt
l'on verrait paver toutes les allées des écuries, qui
sont les seuls endroits où les salpêtriers trouvent du
salpêtre. La commodité que l'on ambitionne le plus par
ces demandes, c'est de n'être pas exposé à la petite
gêne qu'occasionne le travail des salpêtriers (106). »
Contradiction flagrante: à l'heure où les intendants se
piquaient de répandre des notions d'hygiène, où il leur
était recommandé de prévenir et de combattre par tous
les moyens les épizooties, ils en étaient réduits à
accepter ces sophismes, il leur fallait s'attarder à
d'interminables arguties sur le minimum admissible de
salubrité des maisons et des étables.
Les cahiers de 1789 réclameront donc encore la
suppression de la fouille (107). Ce n'est pas de la
Révolution; toutefois, que cette libération sera
obtenue. La loi du 13 fructidor, an V (30 août 1797),
échos de patriotiques préoccupations, remit au contraire
en vigueur une législation plus rigoureuse. On devra
attendre 1819 (loi des 10 mars et 11 août), pour que la
facilité d'importer le salpêtre en abondance,
l'utilisation des gisements de l'Inde, la conversion du
nitrate de soude demandé au Chili, fassent à nouveau
adoucir cette réglementation, qui tombera enfin en
complète désuétude sans avoir jamais été formellement
abrogée.
Sous les ducs, les contestations au sujet des poudres et
salpêtres étaient portées devant les prévôts, sauf appel
au grand maître de l'artillerie assisté d'un gradué, et
cassation à la Cour souveraine. A partir de 1747, la
connaissance de celle matière fut strictement réservée
au Conseil. Compétence entière, en premier et dernier
ressort, passa ensuite à l'intendant, toutes autres
juridictions devant s'abstenir, à peine de 3,000 l.
d'amende et de nullité.
Tenue d'en avoir dans ses magasins une quantité
suffisante, la ferme était autorisée à céder la poudre à
giboyer à 27 sols la livre aux marchands, qui ne
pouvaient pas la vendre plus de 30, et à 28 sols aux
particuliers. On ne se procurait de poudre de guerre et
de poudre de mine, même en petites quantités, que dans
les entrepôts généraux. La poudre de guerre coûtait 20
sols et la poudre de mine 18 sols, le tout au cours de
France. Les prix mis en vigueur en 1739 (108) marquaient
une augmentation sensible sur les précédents. Depuis le
1er avril 1704, la poudre fine ne revenait en effet,
dans les duchés, qu'à 18 sols de Lorraine prise en gros,
et à 22 sols au détail; celle de guerre qu'à 12 ou 18
sols seulement (109). C'est le commissaire qui nommait
et destituait les débitants, dits aussi commis
distributeurs ou préposés. Les licences pour « tenir
bureau de poudre », dont la remise donnait lieu à la
perception d'un droit de 6 livres, n'étaient pas
toujours accordées avec circonspection. Fréquemment les
subdélégués durent se faire les interprètes des
inquiétudes des habitants et engager le commissaire à ne
fixer son choix que sur les personnes les plus désignées
tant par leur âge, leur caractère réfléchi, la nature de
leur principal négoce, que par une situation de fortune
leur permettant de répondre d'une imprudence. En 1764,
le « préposé pour la distribution de la poudre » à
Pont-à-Mousson, un nommé Lallemand, n'est autre qu'un
cirier assez insouciant pour conserver ses provisions de
la dangereuse substance dans l'officine où il fond sa
cire. La police intervient. On l'oblige à monter les
barils au grenier : il les place près d'un tuyau de
cheminée et, ce qui est pire, au-dessus d'une salle de
billard où fréquente la jeunesse. Quelle maison pourrait
être plus mal indiquée ? Plusieurs locataires s'y
pressent; douze voisins y jouissent d'une servitude de
passage. Le subdélégué obtient le retrait de la
commission. Il est bon d'ajouter que ces nominations
n'excitaient pas que des craintes, mais des
compétitions, des jalousies locales, qui donnaient
parfois grand tracas au commissaire. « Ma position
vis-à-vis de Messieurs de Pont-à-Mousson, écrit Mugneret
le 8 mars 1766 au subdélégué, est celle du meunier de la
fable. Quoi que je fasse, je ne puis les satisfaire.
Charaux est le quatrième en place depuis 1762, et j'ai
reçu plus de trente lettres et autant de sollicitations
pour faire et défaire» (110).
On ne pouvait acheter dé salpêtre que dans les magasins
généraux : à la raffinerie de Nancy et chez
l'entreposeur de Bar. Tous ceux qui en avaient un besoin
réel, apothicaires, droguistes, verriers, distillateurs,
fabricants d'eau-forte, orfèvres, devaient pour s'en
procurer solliciter un billet. Quiconque revendait ou
échangeait ce salpêtre, raffinait du nitre brut, était
passible de 300 l. d'amende, sans modération. Les sujets
non commissionnés qui commerçaient de la poudre sortie
des magasins, ceux qui colportaient de la poudre de
provenance étrangère ou clandestine, à plus forte raison
ceux qui en fabriquaient en fraude, ceux aussi qui
transportaient soit de la poudre, soit du salpêtre hors
des États, sans permission, étaient réputés faux
poudriers et faux salpêtriers, et punis comme les faux
sauniers (111). Dans l'intérêt de la ferme, puis de la
régie, des descentes fréquentes étaient opérées chez les
personnes soupçonnées, en particulier chez les
industriels faisant usage de salpêtre. Le commissaire
dénonçait les fraudes, il entamait les poursuites.
M. LE PRÉSIDENT remercie M. Pierre Boyé de sa très
intéressante communication, complétant sa série de très
utiles monographies sur la Lorraine au XVIII siècle.
Il demande à M. Boyé s'il n'a pas trouvé dans les
cahiers de 1789 et dans les procès-verbaux des
assemblées provinciales l'écho de plaintes contre les
vexations des salpêtriers, vexations sur lesquelles il
donne des détails si curieux et si nouveaux.
M. Pierre BOYÉ répond qu'il a été surpris de ne pas
trouver plus souvent mention des salpêtriers dans les
cahiers. Il y a lieu cependant de citer tout
particulièrement les doléances de la ville de
Pont-à-Mousson et celles des trois ordres du bailliage
de Rosières.
(1)
Rappelons que, outre ceux mentionnés ci-dessus, les
différents monopoles dont le fisc lirait profil en
Lorraine étaient : la châtrerie, la riflerie, la
fabrication et la vente du tabac et du sel, tous quatre
concédés à la Ferme générale.
Sur l'ensemble de la question, voir notre travail : Le
budget de la province de Lorraine et Barrois sous le
règne nominal de Stanislas (1737-1766). Nancy, 1896,
in-8°,p. 125-152.- Pour des détails, se reporter à nos
deux monographies: Les salines et le sel en Lorraine au
XVIIIe siècle, Nancy, 1904, in-8°. Postes, messageries
et voitures publiques en Lorraine au XVIIIe siècle, dans
le Bulletin des sciences économiques et sociales du
Comité des travaux historiques et scientifiques, année
1906, p. 128-144 ; et tirage à part, Paris, 1907, in-8°.
(2) Cf. Guillaume DE ROGÉVILLE, Dictionnaire historique
des ordonnances et tribunaux de la Lorraine et du
Barrois, t. II, p. 424. - Le 14 décembre 1566, Charles
III prenait des mesures pour la vérification du travail
de ses salpêtriers. Une ordonnance ducale du 26 janvier
1593 défend l'exportation du salpêtre et interdit d'en
tirer dans les Etats sans une commission expresse.
(Ibid., t. Il, p. 423.) En 1597, le receveur de Sierck
porte en recette la redevance due pour le privilège de
fabriquer du salpêtre dans la prévôté. (Archives de
Meurthe-et-Moselle, B. 9429.) En 1604, la faculté de «
tirer salpêtre » dans le comté de Vaudémont est
continuée pour trois années, moyennant 55 francs par an.
(Ibid., B. 9096.) Etc.
(3) Pierrefitte-sur-Aire. Barrois mouvant; Meuse, ch.-l.
de canton, arr. de Commercy.
(4) Ordonnance du 12 mars 1618; dans ROGÉVILLE, op. cit.,
t. II, p. 427. Cf. DIGOT, Histoire de Lorraine, 2°édit.,
t. V, p. 131.
(5) C'est ainsi qu'en 1623 le duc autorise l'érection
d'une « batterie » à poudre à canon sur le ruisseau du
Longeau, à Dommartin-la-Montagne (Meuse, arr. de Verdun,
canton de Fresnes-en-Woëvre). En 1625, on construit un «
battant à poudre » sur le Roseau, non loin de Destry
(ancienne Moselle, arr. de Sarreguemines, canton de
Gros-Tenquin). [Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 95,
3151, 8227, 6842.] - En 1630, Charles IV fait acheter de
la poudre à Strasbourg. (Ibid.,B. 1483.)
(6) Déclaration du 11 octobre 1698. (Recueil des
ordonnances de Lorraine, t. I, p. 91.)
(7) H. BAUMONT, Études sur le règne de Léopold, duc de
Lorraine et de Bar (1697-1739). Paris, 1894, in-8°, p.
583-584. - Willemin de Heldenfeld est l'auteur de la
Relation de la pompe funèbre faite à Nancy, le 19 avril
1700, aux obsèques de très haut, très puissant et très
excellent prince Charles V, duc de Lorraine et de Bar.
Nancy, 1700, in-8°
(8) Les comtes dé Warren; annales et portraits, de
famille (940-1879). Saint-Nicolas-de-Port, 1879, in-8°,
p. 190.
(9) Ce contrat, publié ibid. p.191-193, fut entériné à
la Chambre des comptes le 14 mars. (Archives de
Meurthe-et-Moselle, B. 217, n° 37.) Voir aussi l'arrêt
consécutif du Conseil d'État, du 1er janvier 1704, au
Recueil des ordonnances de Lorraine, t. I, p. 405. Cf.
Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 1648. - Warren
devait, entre autres charges, fournir dès 1703 dans les
magasins ducaux 3,000 livres de poudre, 5,000 en 1704,
et les années suivantes 8,000. Ces quantités
constituaient un minimum obligatoire, le prince
s'engageant à recevoir tout ce qui serait livré en
surplus. Cette poudre serait payée au premier lieutenant
de l'artillerie 9 sols la livre pendant la durée de la
guerre en cours (guerre de la Succession d'Espagne), 8
s. 6 d. à la paix. Défense était faite à tous autres de
fabriquer poudre ou salpêtre, à peine de confiscation
des matières et outils et de 300 l. d'amende, dont un
tiers au dénonciateur, un tiers à Warren et un tiers au
domaine.
(10) Lettres patentes du 18 mai 1709; entérinement à la
Chambre des comptes du 3 juin suivant. (Archives de
Meurthe-et-Moselle, B. 218, n° 34.) Warren s'engageait à
produire au moins 6,000 livres de poudre fine par an et
à établir exclusivement à ses frais les usines
nécessaires.
(11) Recueil des ordonnances de Lorraine, t. I, p. 405.
(12) Moyennant un canon de 4,000 l, réduit à 3,000 au
renouvellement du privilège. (Archives de
Meurthe-et-Moselle, B. 238, n° 79; B. 1708.)
(13) Inscrit dans la généalogie de sa maison comme
Edouard VI, 20e comte de Warren. Né à Bellaghmoon le 12
mai 1666, mort à Nancy le 26 octobre 1733. Léopold
l'avait nommé lieutenant de son artillerie le 1er août
1698. Voir sur lui : Les comtes de Warren, j. cit., p.
177-209.
(14) Contrat du 20 mars 1709. L'intendant du prince de
Vaudémont avait d'abord passé bail à Marie Colas, veuve
de Laurent Fauque, de la poudrerie d'Euville, pour douze
années, à raison de 200 l. par an. Le nouvel arrangement
fut approuvé par lettres de Léopold du 18 mai 1709.
(Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 638, n° 33; B. 218,
n° 34.) Rectifier en ce sens le récit du fils d'Edouard
de Warren, qui attribue à son père la création de cette
poudrerie (Les comtes de Warren, p. 194-195). Warren
s'en était surtout assuré pour être maître des marchés;
il n'attendit donc pas le retour de la terre de Commercy
à la couronne, au décès de Vaudémont (14 janvier 1723),
pour laisser tomber cette usine.
(15) Les comtes de Warren, p. 227.
(16) Le 5 septembre 1691, bail était passé par le comté
de Ligny à Laurent Fauque, moyennant 175 francs, de la
permission de tirer salpêtre au comté et d'en faire delà
poudre; mêmes baux, moyennant 210 francs, les 2 octobre
1692 et 7 mars 1695. (Archives de Meurthe-et-Moselle, B.
768, n° 28.) Il est parlé en 1697 de François Cadet et
de Barbe Fauque, sa femme, salpêtriers et poudriers au
comté, résidant à Velaines-devant-Ligny. (Ibid., B. 778,
n° 27.) « Il y avait autrefois à Ligny une poudrerie
célèbre; la poudre était en réputation en France et en
Lorraine.» (Dom CALMET, Notice de la Lorraine, 1756, t.
I, col. 660, v° Ligny. Cf. [Durival] Mémoire sur la
Lorraine et le Barrois [1753], p. 32 et 267. - IDEM,
Description de la Lorraine et du Barrois, t. II, p.
353.- PIGANIOL DE LA FORCE, Nouvelle description de la
France, 3e édit., t. XIII, p. 401.)
(17) Les comtes de Warren, p. 195-197.Warren avait
d'abord songé à établir cette poudrerie à Cousances-aux-Bois;
la difficulté des communications lui fit donner la
préférence à Bar-le-Duc. Ici encore le fils du fondateur
s'abuse en avançant qu'il n'y avait jamais eu de
fabrique analogue dans le Barrois. Nous avons cité la
poudrerie de Pierrefitte; il oublie aussi la poudrerie
que, plus anciennement, l'Ornain avait actionnée sur le
ban de Gondrecourt-le-Château et dont un moulin, puis un
fourneau pour la fonte du minerai, dits la Poudrerie ou
Putrey, ont perpétué le souvenir. Cf. LIÉNARD,
Dictionnaire topographique du département de la Meuse,
v° Poudrerie. - BONNABELLE, Notice sur Gondrecourt,
s.l.n.d., p. 35.
(18) Edouard VII, 21e comte de Warren, né à Londres le
11 décembre 1697. Il avait obtenu, le 1er juillet 1717,
en remplacement de son père, démissionnaire eu sa
faveur, la charge de premier lieutenant de l'artillerie.
Ayant suivi François III en Toscane, il y fut nommé, par
lettres patentes du 26 avril 1739, « colonel commandant
le bataillon des canonniers et bombardiers » et «
directeur général des fortifications, artillerie,
arsenaux, magasins, bâtiments militaires, fonderies de
canons, manufactures de canons de fusil, fabriques de
poudres et de salpêtres ». Il mourut à Florence le 12
janvier 1760. Il aurait collaboré au Bombardier français
(Paris, 1731, in-4°) de Belidor. Lire sur lui : Les
comtes de Warren, p. 210-251.
(19) Arrêt de subrogation du 26 novembre 1733, pour le
bail renouvelé à Warren père le 20 août 1782. Arrêt de
prorogation du 28 juin 1735, entériné à la Chambre des
comptes le 23 janvier 1736. (Archives de
Meurthe-et-Moselle, H. 238, n° 79.) Cf. Ibid., B. 1751,
pièces justificatives de la recette générale pour 1735 :
quittances des 3,000 l. du bail des poudres, payées en
plusieurs versements; B. 1762, compte de 1787 : « Ferme
des poudres et salpêtres, 3,000 l. ». B. 1763, compte de
1738, mention analogue.
(20) Délibération de l'assemblée des créanciers du 14
novembre 1738, homologuée par arrêt du Conseil des
finances du 19 du même mois. La famille conservait
toutefois les moulins de Pont-à-Mousson. D'après le
principal intéressé, c'est de dépit de n'avoir pu le
retenir au service de la France, que La Galaizière
aurait fait dénoncer les contrats et se serait montré
très dur sur la question des indemnités. (Les comtes de
Warren, p. 227-229.) Il y a lieu de faire à ce sujet de
très sérieuses réserves.
(21) Recueil des ordonnances de Lorraine, t. VI, p. 161;
L'expédition du bail fut passée à Paris le 15 janvier
1789; l'acte fut enregistré à la Chambre des comptes le
31. (Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 244, n° 11.)
DURIVAL n'est donc pas tout à fait exact quand il écrit
(Mémoire sur la Loraine el le Barrois, p. 82) : « Les
poudres et salpêtres-de Lorraine sont affermés à une
compagnie française depuis le 15 janvier 1739.» Il faut
lire 1er janvier; cf. IDEM, Description de la Lorraine
et du Barrois, t. I, p. 167.
(22) Soit 30,000 l. tournois. Voir les lettres patentes
pour l'exécution du bail de Mahieu du 3 juillet 1747.
(Recueil des ordonnances de Lorraine, t. VII, p. 152. -
Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 1763 [recette
générale, année 1747], fol. 15 v°.).
(23) C'est aussi en raison de la fiction du règne
nominal que l'adjudicataire général n'était
officiellement connu dans les duchés, du vivant du roi
de Pologne, que comme « adjudicataire général du
privilège exclusif de la vente et distribution des
poudres de Lorraine et Barrois ». - Le troisième
adjudicataire fut Jacques Munier.
(24) Son brevet lui était expédié sur présentation de la
compagnie même dont il était membre, et il changeait
avec elle. Cf. Encyclopédie méthodique; Finances, t.
III, p. 358 et suiv.
(25) Cf. DURIVAI., Mémoire sur la Lorraine et le
Barrois, p. 32.
(26) Ces commissaires avaient été connus en Lorraine au
XVIIe siècle, avant même que l'occupation française y en
appelât. En 1634, César Mirgodin était « commissaire des
salpêtres de Son Altesse Royale ». (Archives de
Meurthe-et-Moselle, H. 2511.) - Le 1er juin 1660, il est
fait mention de Jean-Baptiste Hurault, écuyer,
commissaire des poudres de Lorraine, demeurant à Nancy.
(Ibid., H. 1044.)
(27) Les deux premiers habitèrent à la Citadelle. A
partir de Mugneret, le commissaire se loge à sa guise.
Cf. la série des Almanachs de Lorraine et Barrois.
(28) Nous trouvons cités, comme inspecteurs pour le
Barrois, les sieurs Maillet en 1762, Feuillet en 1763,
Duparge en 1770. En 1762, le sieur Desboeuf était
contrôleur.
(29) Warren l'avait primitivement établie plus près de
la ville, aux vives appréhensions des habitants.
L'animosité populaire, selon le fils du fondateur, la
fit sauter. (Les comtes de Warren, p. 197.) C'est alors
que l'usine avait été reportée à cet endroit, non loin
du chemin de Fains. Le plan, sans date, mais très
probablement dressé en 1738, lors dé la liquidation, est
conservé aux Archivés de Meurthe-et-Moselle, C. 86. Cf.
le plan de Bar-le-Duc donné dans dom CÀLMET, Histoire de
Lorraine, t. I; sous le n° 37 est indiquée la Poudrerie
à M. Varin.
(30) Manuscrit n° 395 de la Bibliothèque publique de
Nancy [État des usines du domaine vers 1766], fol. 63 et
63 v°.
(31) A la mort de Stanislas, il ne restait plus de la
poudrerie de Ligny « qu'un petit bâtiment de 18 pieds de
long sur 16 pieds 6 pouces de largeur, sans pavé ni
planches. Il n'y a que le toit qui termine ledit
bâtiment. » (Ibid., fol. 63 v°.) Un moulin à grains
remplaça ensuite la poudrerie et à ce moulin a enfin
succédé une manufacture de compas. Cf. Cl. BONNABELLE,
Notes sur Ligny-en-Barrois, dans les Mémoires de la
Société des lettres, sciences et arts de Bar-le-Duc,
année 1881, p. 119; et tirage à part, Bar-le-Duc, 1881,
in-8°, p. 7. - Le 27 janvier 1756, le commissaire des
poudres, agissant au nom de l'adjudicataire général,
passe bail de l'ancienne poudrerie de Bar, pour neuf ans
et moyennant 100 l., au nommé Jean Vyart. Le 16 novembre
1782, bail dé semblable durée est encore consenti, au
nom du régisseur des poudres, moyennant 200 l., à Louis
Rousselot, habitant de cette ville. (Archives de la
Meuse, C. 650, fol. 7 v°; C. 755, fol. 19.)
(32) Archives de Meurthe-et-Moselle, série B, passim;
voir notamment B. 7286. - H. LEPAGE, Les communes de la
Meurthe,;t. I, p. 438; t. II, p. 555.
Anciennement aussi, un moulin à poudre existait dans une
autre partie de la banlieue de Nancy. En 1510, le duc
Antoine savait donné à Didier Fossier, canonnier en son
artillerie, une place « où était le moulin de
Boudonville », pour y édifier à ses dépens un « moulin à
faire poudre ». Il y avait eu également dans la capitale
lorraine des moulins à poudre de moindre importance, à
chevaux ou à bras. En 1580, le concierge de l'Arsenal y
agence un de ces mécanismes:; il est parlé en 1585 du «
neuf moulin » qui « se tire à cheval » dans les
casemates, « sur le gros boulevard de Danemark ».
(Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 12, 1585, 7879.)
Nous avons déjà eu l'occasion de citer différents
moulins à poudre en dehors de Nancy. Il faut encore
donner une mention spéciale au moulin de Lunéville, créé
ou tout au moins rétabli en 1592. (Ibid., B. 6842.) On
ne saurait davantage passer sous silence la batterie à
poudre de Hattonchâtel, dont il est souvent question au
XVIe siècle et qui, établie dans la grande cuisine du
château, fut démontée en 1607. (Ibid., B. 6297, 6348,
etc.)
(33) Sur le plan de Melchior Tavernier relatif à ce
siège, on lit : Moullin à pouldre.
(34) Le 6 Octobre 1666, Charles IV ordonne au gruyer d'Amance
de délivrer des pièces de chêne aux fermiers de sa
poudrerie de Nancy, pour être « employées a la
réparation de nostre dite pouldrerie ». (Archives de
Meurthe-et-Moselle, B. 2306.)
(35) Recueil des ordonnances de Lorraine, t. I, p. 91.
(36) Dans le contrat du 1er février 1708, il est désigné
comme « moulin de la poudrerie de Saint-Léopold, proche
le parc d'Essey ».
(37) Les registres de la paroisse Saint-Sébastien font
mention à celle date de « N., décédé par un accident de
feu qui fit sauter en l'air la Poudrerie ». Cf. H.
LEPAGE, Les archives de Nancy, t. III, p. 327.
(38) Les comtes de Warren, p. 194.
(39) En voirie plan, non daté, mais sans doute de 1738,
aux Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 203.
(40) Les comtes de Warren, p. 198.
(41) Ms. n° 395 de la Bibliothèque publique de Nancy, j.
cit., fol. 18;v°. - Cf. Pierre Bové, La Lorraine
industrielle sous le règne nominal de Stanislas
(1737-1766). Nancy, 1900, in-8°, p. 51.
(42) Recueil des ordonnances de Lorraine, t. VII, p. 23.
(43) DURIVAL consigne dans son journal (ms. n° 863 de la
Bibliothèque publique de Nancy, vol. I, fol. 69) : « Le
moulin à poudre de Nancy saute, mais avec peu de
dommage; les ouvriers venaient de sortir. » Le libraire
NICOLAS, qui note également les principaux événements,
ne dit rien de cette explosion.
(44) Mémoire sur la Lorraine el le Barrois, p. 32.
(45) Notice de lz Lorraine, t. I, col. 660, v° Ligny.
(46) Cf. [STEMER,] Traité du département de Metz. Metz,
1756, in-4°, p. 4. - A 3 kilomètres au sud de Verdun,
sur le territoire de Belleray, au canton nommé La
Falouse, le lieu dit la Poudrerie est significatif.
(47) Cette période vit l'installation dans le voisinage
immédiat de la poudrerie d'une autre industrie. Par
arrêt du Conseil des finances du 25 avril 1750, un
marchand tanneur de Nancy, François Vosgien, obtient
l'accensement perpétuel de deux petits terrains
dépendant du moulin à poudre, pour y construire une
tannerie et un moulin à écorce; enregistrement à la
Chambre des comptes le 14 mai suivant. A la reprise du
travail, les fermiers des poudres, prétendant que
Vosgien s'était écarté des conditions prescrites, qu'il
interceptait l'eau, entravait aussi le transport des
produits par la galerie qu'il avait jetée au-dessus du
chemin, demandèrent l'annulation de cet accensement. Il
y eut à ce sujet de longues difficultés. L'affaire se
termina par une transaction; la tannerie Vosgien
existait encore, à la suppression de la poudrerie.
(Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 11311, 11315 [plan],
11071 n° 86; C. 313.).
(48) Cf. Almanach de Lorraine el Barrois, années 1762 et
suiv.
(49) Voici la situation des 18 établissements avec.
lesquels la poudrerie lorraine et les deux poudreries
évêchoises formaient ce total : Arbois,
Franche-Comté; Castelnau-le-Lez, près Montpellier;
Colmar, Alsace; Esquerdes, près Saint-Omer;
Essonnes, près Paris; La Fère, Picardie; Limoges;
Maromme, près Rouen; Perpignan; Pont-de-Buis,
Bretagne ; Pont-l'Évéque, près Vienne ; Saint-Chamas
; près Marseille; Saint-Jean-d'Angély, Saintonge;
Saint-Léonard, près Limoges; Saint-Médard-en-Jalle,
près Bordeaux; Saint-Ponce, près Mézières;
Toulouse; Vonges, Bourgogne. Celles de ces
poudreries qui existent encore ont été indiquées en
italique.
(50) Tous les terrains de cette poudrerie el ce qui
était resté debout des bâtiments, c'est-à-dire deux
petits pavillons, contenant l'un le four, l'autre la
réserve à charbon, furent mis en vente comme bien
national. La commissaire des poudres et salpêtres de
Nancy, Nicolas Thouvenel, fit lui-même des offres le si
floréal an IV (10 mai I796). Mais le département ayant
rejeté sa soumission, des décisions contradictoires
furent tour à tour rendues en sa faveur et en celle d'un
concurrent tardif, le citoyen Louis Saulnier. Ce dernier
fut définitivement déclaré acquéreur le 13 vendémiaire
an VI (4 octobre 1797), tant pour lui personnellement
que pour Nicolas-Basile Prud'homme, de
Saint-Nicolas-de-Port, moyennant 11,000 francs.
(Archives de Meurthe-et-Moselle, Q.592, n° 316.) Sur
l'emplacement de la poudrerie se sont élevées, au XIXe ;
siècle, diverses constructions, notamment la manufacture
de flanelle Jacob et Oulif. Plus récemment, la Brasserie
de Nancy est venue occuper les dépendances où se
trouvaient les foulons. Quelques plans modernes
attribuent encore le nom de ruisseau de la Poudrerie à
l'antique canal de dérivation. Le sentier, qui conduit
du chemin des Grands Moulins à cet endroit est
officiellement resté, jusqu'à nos jours, le chemin de la
Poudrerie.
On croit communément, car presque tous les auteurs
locaux l'ont expressément écrit ou l'ont donné à
entendre, qu'il ne se confectionnait plus de poudre dans
la généralité dé Lorraine au XVIIIe siècle, et qu'ainsi
la poudrerie nancéienne d'avant la Révolution n'était
qu'une poudrière, un magasin, que les uns situent près
des Grands Moulins, au lieu même où s'étendait la
véritable poudrerie, les autres au delà de la Meurthe.
Les passages catégoriquement négatifs de Durival et de
dom Calmet que nous avons cités, mais qui se trouvent,
il ne faut pas l'oublier, dans des ouvrages publiés
pendant l'interruption de la fabrication, sont l'origine
de cette méprise où est tombé, le premier, Lepage, et
que les travaux du lotharingiste ont propagée. Après
nous avoir parlé de la destruction probable de la
poudrerie de Nancy lors du siège de 1633, l'historien
ajoute en effet :
« Au XVIIIe siècle, plusieurs établissements industriels
d'une autre nature vinrent.
la remplacer ». (Les communes de la Meurthe, t. I, p.
438.) Et à propos d'une mention rencontrée de la
« poudrerie Saint-Léopold», dont, en la logique de sa
conviction, il fait un simple dépôt, Lepage explique : «
Le moulin de la poudrerie s'appelait Saint-François
avant la construction du magasin à poudre dans les
premières années de Léopold ». (Dictionnaire
topographique de la. Meurthe, v° poudrerie.) Cet ancien
« magasin à poudre », sur la rive gauche de la Meurthe,
territoire de Saint-Max, est de création bien
postérieure. Au milieu du XVIIIe siècle, la poudrière de
Nancy - à laquelle s'ajoutaient deux dépôts de moindre
importance, aménagés de part et d'autre de la citadelle
et dont l'un n'a que tout dernièrement disparu, à la
démolition des remparts que franchit le boulevard
Charles V - se trouvait disposée au fond d'un
encadrement de tranchées, suites ruines du bastion de
Salin, c'est-à-dire sur le côté Est de notre cours
Léopold, exactement à la hauteur de la rue du Duc-Raoul.
Elle datait de Warren père. En un tel endroit, si grande
quantité de matière explosible était une menace
continuelle; aussi les habitants éprouvèrent-ils un
grand soulagement quand le commandant de la province, M.
de Stainville, en ordonna la suppression. (Cf. LIONNOIS,
Histoire des villes vieille, et. neuve de Nancy...
jusqu'en 1788, t. I, p. 286.) Deux nouvelles poudrières
lui furent substituées au bord de la rivière : l'une
pour les citoyens, l'autre pour l'armée. La poudrière
militaire fui construite en 1779. C'est elle que Lepage
a confondue avec la poudrerie Saint-Léopold. Appelée
dans les documents « magasin à poudre du pont d'Essey »,
elle venait d'être désaffectée et laissée à bail depuis
le 30 décembre 1851 à un habitant de Nancy, quand, par
décision du ministre de la guerre du 27 novembre 1856,
elle fut remise au domaine pour être vendue le 25
février suivant, moyennant 10,025 francs, à Jean-Joseph
Thiéry, négociant. (Archives de Meurthe-et-Moselle, Q,
biens domaniaux, dernière période, pièces non classées.)
Une fabrique de limes s'y est installée en 1882. De
chaque côté de l'ancienne porte d'entrée, aveuglée, se
voient toujours sculptés, au-dessus de pilastres
vermiculés, quatre petits canons. Mais, quand il s'est
agi de rappeler la destination primitive, une dernière
confusion a été commise; cette inscription erronée a été
gravée : Ancienne poudrerie.
(51) Ou bourgène, Rhamnus frangula, vulgairement bois à
poudre, aune noir; espèce du genre Nerprun.
(52) Lettres patentes du 3 juillet 1747. (Recueil des
ordonnances de Lorraine, l. VII, p. 152.)
(53) Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 313.
(54) C'est cette abondance qui avait autrefois permis,
l'érection de multiples moulins à poudre. Au XVIIIe
siècle encore, géographes et auteurs de statistiques
sont unanimes à en faire la constatation : « On ne
laisse pas de tirer beaucoup de salpêtre dans la
Lorraine et le Barrois ». (DURIVAL, Mémoire sur la
Lorraine et le Barrois, p. 32. Cf. PIGANIOL DE LA FORCE,
op. cit., t. XIII, p. 401; dom CALMET, Notice de la
Lorraine, t. I, col. 660.) « Il se tire beaucoup de
salpêtre dans les différents lieux de cette province. »
(STEMER, Traité du département de Metz, j. cit., p. 4).
(55) Ils étaient si mal vus que, le 27 février 1607,
Charles III adresse aux procureurs généraux, l'ordre de
prendre leur défense ; le 31 décembre 1610, Henri II
interdit de les troubler dans leur travail. (ROGÉVILLE,
op. cit., I, II,-p. 424.)
(56) Recueil des ordonnances de Lorraine, t. 1, p. 91.
Cf. H. BAUMONT, op. cit., p. 582-583. - Le 3 octobre
suivant, la Chambre des comptes de Lorraine informait
chaque communauté de sa quote-part pour 1698; celle
somme est payable à la fin de décembre, avec les
deux-derniers quartiers de la subvention. (Recueil des
ordonnances de Lorraine, t. III, p. 369.)
(57) Ibid., t. I, p. 297.
(58) Ibid., t. III, p. 399 et 49. Edouard de Warren
avait droit, pour là Lorraine, à deux salpêtriers
privilégiés; les lettres patentes du 18 mai 1709 lui
permirent d'en commissionner huit pour le Barrois.
(59) Article VI.
(60) Ibid.
(61) Le bail de 1747 prévoit la révocation et la prison
pour les salpêtriers allant dans les arrondissements
voisins. - En Alsace, province divisée, par l'arrêt du
Conseil d'État du 8 juin 1766, en 70 arrondissements,
des seigneurs continuaient à jouir de leur ancien droit
de rechercher eux-mêmes le salpêtre. Il ne pouvait être
effectué de fouilles sur leurs terres par les
salpêtriers du roi, qu'à leur défaut et de leur
consentement. Mais ils étaient tenus de vendre à
l'adjudicataire tout le salpêtre personnellement
recueilli. Lire Charles HOFFMANN, L'Alsace au XVIIIe
siècle, t. II, p. 502; t. III, p. 463.
(62) Recueil des ordonnances de Lorraine, t. VII, p.
227.
(63) On retrouve assez fréquemment de ces étals dans les
archives communales ; les comptes portent aussi mention
de dépense (ordinairement 3f) faite pour dresser en
double exemplaire lesdits états. Voir, par exemple,
Archives communales de Badonviller, HH. 1 ; de
Barbonville, HH. 1; de Champigneulles, HH. 7; d'Eulmont,
CC.32; etc.
(64) Correspondance entre le commissaire Mugneret et
Vaultrin, subdélégué de Dieuze. Mémoire de Mugneret sur
la question. (Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 313.)
(65)' Soit 3 francs 6 gros; ce qui faisait 6 écus par
an.
(66) Arrêt du Conseil d'Étal du 19 avril 1702;
ordonnance du 10 août 1724.
(67) « Il est défendu à tous salpêtriers de travailler
et faire salpêtre dans toutes les maisons appartenant
aux RR. PP. Jésuites, en quelques lieux qu'il soit, dans
la Lorraine et le Barrois, et en cas qu'il s'y trouve
aucuns desdits salpêtriers aux dites maisons, en
sortiront sitôt la présente reçue... » (Archives de
Meurthe-et-Moselle, H. 1967.) En 1760, les Jésuites
revendiquent une fois de plus le privilège pour leurs
biens de Neuves-Maisons. Le 26 janvier, Jenneville en
dénie la validité; puis, se ravisant, le 29 du même mois
il rappelle le salpêtrier. (Ibid., H. 1919.) Le 5 avril
1667, pendant l'occupation, le gouverneur français, le
maréchal de La Ferté-Seneclère, avait interdit la
recherche du salpêtre dans les maisons et dépendances
appartenant aux Carmes de Gerbeviller. (Ibid., n. 914.)
(68) « ...Mais je veux bien, Madame, par considération
particulière, sans tirer à conséquence, sur les
représentations que vous me faites et l'ordre que vous
me demandez pour qu'il aille travailler dans les autres
maisons du même village... J'aurai à toute occasion la
vénération que méritent votre édifiante communauté et
vous, Madame, personnellement, m'intéressant infiniment
à tout ce qui regarde votre état respectable, ayant deux
filles cloîtrées à Paris, que j'aime infiniment; je me
recommande à vos saintes prières et à celles de votre
communauté.» Lettre de Duprat, du 26 juin 1739. - Le
commissaire ayant enfin trouvé le moyen d'exempter cette
ferme d'Atton « comme seigneuriale », par billet du 9
juillet 1742, il fut cette fois écrit au dos du document
: « Lettre de M. du Prat, touchant les salpêtriers ;
bonne à montrer. » (Ibid., H. 2914.)
(69) Ordonnance du 10 août 1724.
(70) Article XVIII.
(71) Ces réserves et celle compensation étaient si bien
oubliées que, dans la table analytique du Recueil des
ordonnances, elles sont résumées au passif.
(72) Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 313.
(73) Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 313.- Il fallait
souvent que l'intendant lui-même intervînt pour que le
propriétaire ou le locataire consentit à recevoir le
salpêtrier. C'est le cas à Champigneulles en 1749, où un
sieur Gentilliâtre résiste aux premières sommations.
(Archives communales, HH. 7.) A Frouard, en 1780, le
pressoir banal est le seul endroit reconnu propre à
abriter le salpêtrier. Le fermier refuse de l'y
accueillir. Sur la plainte du syndic, l'intendant
dépêche un ordre exprès. (Archives communales, HH. 7.)
(74) Cf. Arrêt du Conseil du 19 avril 1702. Ordonnance
du 10 août 1724.
(75) Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 313.
(76) Ordonnance du 10 août 1724. - Les lettres patentes
du 3 juillet 1747 prévoient contre le salpêtrier la
révocation, la prison et une amende de 100 l. ; pareille
peine est spécifiée à l'égard dés particuliers
complices.
(77) Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 313.
(78) Archives nationales, K. 1193, n° 63.
(79) « ... A condition qu'ils ne pourront être pris du
nombre des laboureurs et artisans, mais seulement parmi
les manoeuvres» (Ordonnance du 1er septembre 1701).
(80) Excepté au profit de ceux qui les ont fournis. Les
dettes des salpêtriers s'acquittaient sur le prix du
salpêtre livré. A cet effet, l'ouvrier n'était, au
bureau de Nancy, payé que sur présentation d'un
certificat de « bien vivre » délivré par les officiers
de justice des lieux visités. (Arrêt du Conseil du 19
avril 1702 ; ordonnance du 10 août 1724; lettres
patentes du 3 juillet 1747.)
(81) Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 313.
(82) Voir Pierre BOYÉ, Les travaux publics et le régime
des corvées en Lorraine au XVIIIe siècle. Paris, 1900,
in-8°, p. 52.
(83) Archives de Meurthe-et-Moselle, loc. cit.
(84) Ordonnance du 10 août 1724.-Antérieurement et en
vertu de l'arrêt du Conseil d'Etat du 10 août 1702, les
salpêtriers réglaient à sa valeur courante le bois
demandé aux communautés ou aux seigneurs.
(85) Dans la maîtrise de Dieuze, 4 salpêtriers
travaillent en 1765 les terres de 12 communautés, dont
la moins considérable n'aura à fournir, d'après l'état
dos bois, que 4 cordes : c'est Molring; la plus riche:
en: salpêtre, Guéblange, est portée pour 32. Un total de
162 cordes est demandé. L'année suivante, ce sera, pour
pareil nombre d'ateliers, 239 cordes. En 1765, 5
salpêtriers visitent dans ce ressort 14 communautés; on
a prévu 217 cordes. Voici un ordre de délivrance décorné
pour un village de la même maîtrise : « Nancy, le 1er
février 1765. Vous délivrerez, Messieurs, en la forme
ordinaire, à Joseph Jacques, salpêtrier, travaillant à
Hampont, 2 arpents de bois pour former la quantité de 28
cordes de bois qui lui sont nécessaires pour salpêtrer
audit lieu, à prendre sur le bois dit le Lirzin, près d'Arlange,
de laquelle vous dresserez procès-verbal et le tout
conformément à l'arrêt du 24 mars dernier. Signé :
Gallois.» (Archives de Meurthe-et-Moselle, B. :12,379.)
Ces délivrances donnèrent lieu plus d'une fois à des
débats assez vifs entre l'administration forestière et
le commissaire des poudres. Les officiers des maîtrises
ont, d'après-les ordres reçus, procédé à la marque dans
les forêts communales; le droit de marque a été
acquitté. Or la quantité de bois remise, par le syndic
au salpêtrier est notablement inférieure à colle
demandée par le commissaire, approuvée par l'intendant.
Les officiers des eaux et forêts se sont-ils trompés
dans l'évaluation on cordes des arbres désignés ? Les
habitants ont-ils plutôt mis la coupe au pillage ? Le
grand maître refusait Une nouvelle délivrance; les
habitants niaient toute soustraction; le conflit
s'éternisait. (Ibid., C. 3l3.) -Voir aussi Modèle des
différents extraits à délivrer par Mrs les greffiers des
maîtrises pour les bois des salpêtriers. S.l.n.n.n.d. ;
6 pages in-4° (n° 6468 du Fonds lorrain de la
Bibliothèque municipale de Nancy). Ces modèles sont
établis conformément à l'arrêt de 1764.
(86) La bûche des salpêtriers eut d'abord 6 pieds de
long sur 12 à 15 pouces de diamètre. Un cent de fagots,
par chaudière, comptait pour une demi-corde. : Les
essences voulues étaient le chêne, le hêtre et le
charme; à leur défaut, dans la montagne, on acceptait le
sapin. (Arrêt du 16 mars 1754.) L'arrêt du24 mars 1764
fixa la longueur de la bûche à 4 pieds, son diamètre à 6
pouces et au-dessus. Les cordes purent comprendre toutes
les essences selon la nature des coupes.
(87) Plus le sol pour livre au greffier, dans les bois
du roi, et 2 sols par corde pour le salaire du garde à
cheval ou des préposés des vassaux.
(88) Voir, sur ce droit, Pierre Boris, Les eaux et
forêts en Lorraine au XVIIIe siècle, dans le Bulletin
des sciences économiques et sociales du Comité des
travaux historiques et scientifiques, année 1907, p. 70;
et tirage à part, Paris, 1909, in-8°, p. 41.
(89) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 10,523-10,590.
(90) Pierre Boyé, op. cit., p. 68 ou 34.
(91) STEMER, op. cit., p. 11.
(92) Pour le charroi du salpêtre, il faut ajouter aux 15
sols la nourriture des bêtes de trait. (Arrêt du Conseil
du 19 avril 1702 ; ordonnance du 19 août 1724.)
(93) Par son ordonnance du 24 mai 1760, qui rappelle ce
tarif, l'intendant Bernage de Vaux décidait (article
XIII) que les voilures fournies par les communautés
évêchoises pour le transport du salpêtre destiné à la
raffinerie de Nancy s'arrêteraient à une lieue en deçà
du territoire lorrain. La Galaizière protesta. Il fit
valoir l'ancienne réciprocité. - Des communautés
mettaient en adjudication le charroi du salpêtre. (Voir
Archives communales de Badonviller, HH. 1.) - Les
Lorrains, reconnaissons-le, étaient mieux partagés que
les habitants de certaines provinces où le logement du
salpêtrier et le voiturage du nitre devaient être
fournis gratuitement et où des communautés en étaient
réduites, pour faire face à ce surcroit de dépenses, à
recourir à une imposition spéciale. Avant la mise en
régie des poudres et salpêtres, ces faux frais étaient
évalués à 69,000 l. pour les seuls villages de la
Franche-Comté. (Cf. Encyclopédie méthodique, Finances,
t. III, p. 359. - Albert BABEAU, Le village sous
l'ancien régime, 4° édit., Paris, s. d., in-8°,p.
98-99.).
(94) Soit 35 l. le quintal. Au temps de l'autonomie, le
salpêtre de première cuite était payé, de 1701 à 1703,
22 l. de Lorraine aux salpêtriers; celui de seconde
cuite valait 26 l. et celui de troisième cuite 30 l. A
partir de 1703, Warren avait dû recevoir le nitre de
première cuite à raison de 25 l.
(95) Encyclopédie méthodique, Arts et métiers, t. VII,
p. 182-212.
(96) Les comtes de Warren, p. 194.
(97) Le contrat du 1er février 1703 abandonnait à Warren
et à ses hoirs un terrain inoccupé « proche la porte
Saint-Nicolas de la ville neuve de Nancy, faisant pointe
sur les rues des Eglises et des Ponts..... ; et ce, pour
y construire incessamment, et à ses frais et despens,
des halles et terres de minières pour les salpestres
nécessaires à la fabrication des poudres de S. A. R. »
L'établissement sauta en 1717 ou 1718, endommageant
considérablement les couvents voisins. [Il y à
contradiction sur l'emplacement précis de cette
salpêtrière au début, comme sur la date de sa
destruction, entre le récit de Warren fils (Les comtes
de Warren, p. 194) et le journal du libraire Nicolas
(édit. Pfister, p. 54); lire, à ce propos, Albert
BARBIER et Henri MENGIN, Histoire des sapeurs-pompiers
de Nancy, t. I, Nancy, 1909, in-8°, p. 61-63.] C'est
après cette explosion que fut établie la salpêtrière
plus récente que nous venons de décrire et qui
s'appuyait au midi sur le mur d'octroi construit par
Léopold à la place des remparts démolis. (Cf. Chr.
PFISTER, Histoire de Nancy, t. II, p. 337 et 922.) On en
trouve le plan, qui doit, croyons-nous, être daté de
1738, aux Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 204. Un
état des usines du domaine, dressé vers 1766 (ms. 395 de
la Bibliothèque dé Nancy, j. cit., fol. 15 v°), porte :
« Les bâtiments et dépendances de la salpêtrière, situés
sur les remparts, en amont et au couchant de la porte
Saint-Nicolas, sont utiles, très nécessaires et
entretenus de toutes réparations par la ferme générale
des poudres et salpêtres de France ». Cette salpêtrière,
puis raffinerie royale, existait encore dans la seconde
moitié du XIXe siècle en tant que « raffinerie impériale
des salpêtres », bâtiment militaire, non sans avoir subi
des transformations notables et avoir été augmentée de
nouveaux, terrains. Elle s'étendait sur une superficie
de 3,324 mètres carrés, lorsqu'elle fut fermée le 1er
janvier 1864, en vertu d'une décision du ministre de la
guerre du 24 mars de l'année précédente. Remise au
domaine à fin d'aliénation, elle fut vendue en trois
lots le 3 juin suivant; le premier lot était adjugé à
Eugène Bonnette, négociant, pour 18,500 francs; le
deuxième à Salomon Lévy, marchand de chiffons, pour
18,600 francs; le troisième à Pierre Gérard,
entrepreneur, pour 19,600 francs. Il est intéressant de
comparer les données de l'état de lieux dressé à
l'occasion de cette vente (Archives de
Meurthe-et-Moselle, Q, biens domaniaux, dernière
période, pièces non classées) avec celles fournies par
le plan du XVIIIe siècle. Là raffinerie comprenait
finalement trois cours, des logements et ateliers, un
laboratoire, des bureaux, magasins et hangars. Déjà,
quand Lionnois écrivait (op.cit.,. t. III, p. 137), il y
avait « un bâtiment pour les ouvriers qui travaillent à
la confection des salpêtres et un jardin ». Depuis 1900,
à travers les dépendances de l'ancienne raffinerie et le
mur de Léopold, la rue des Quatre-Eglises a été
prolongée vers le Montet. Mais le n° 5 de la rue de
Salpêtrière, occupé par un commerce de chiffons, offre
toujours, avec sa façade basse et sa porte d'entrée,
l'aspect caractéristique figuré sur le plan de l'époque
de Stanislas. Cette porte est restée surmontée d'un
élégant cartouche Louis XV, où se lit, sur marbre noir,
l'inscription : Salpêtrière 1735. Ajoutons que c'est
Warren père lui-même qui avait créé, en même temps que
la salpêtrière, la rue à laquelle cet établissement a
donné son nom. Le lieutenant de l'artillerie l'avait
d'abord, en souvenir de sa patrie, appelée rue de
Dublin, ce qui par corruption devint rue du Bélin. En
1767, elle était dite rue de la Salpêtrerie. A la fin du
XVIIIe siècle et au commencement du XIXe, les formes
Salpêtrerie et Salpêtrière sont simultanément employées;
depuis 1814, cette dernière, et avec raison, a prévalu.
(Ch. COURBE, Les rues de Nancy du XVIe siècle à nos
jours, t. II, p. 208 et suiv. - E. BADEL, Dictionnaire
historique des rues de Nancy, t. -II, p. 260-262. - Chr.
PFISTER, op. cit., t. II, p. 337.)
(98) Encyclopédie méthodique, loc. cit., p. 187 et suiv.
(99) Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 313.
(100) Les particuliers recevaient 9 sols. Le salpêtre
provenant des fouilles était désormais payé aux
salpêtriers 8 sols au lieu de 7; celui de démolition,
sans fouille, 9 sols. Des gratifications étaient
promises aux salpêtriers et aux exploitants de
nitrières, en cas d'excellente fourniture. Recueil des
ordonnances de Lorraine, t. XIII, p. 777; t. XIV, p. 98.
(101) II était le gendre de Mugneret, qui, permutant
avec lui en 1775, passait au commissariat d'Essonnes.
(102) Thouvenel (Pierre-François), né à Sauville, près
de Neufchâteau (Vosges), en 1747. Docteur de la faculté
de Montpellier en 1770, il contribua à faire connaître,
par un mémoire paru en 1774, l'efficacité des eaux de
Contréxéville, et devint, à la suite de celle
publication, inspecteur général des eaux minérales, puis
en 1784 inspecteur des hôpitaux militaires de France. Il
avait été nommé premier médecin consultant de Louis
XVIII, lorsqu'il mourut à Paris le 1er mars 1815.
Thouvenel a beaucoup écrit, sur la médecine, la
physique, la chimie., les sciences naturelles, etc. Il
fut couronné dix fois, en quatorze ans, par les
académies les plus illustres. Lire A. DE HALDAT, Eloge
historique de feu Pierre Thouvenel..... prononcé à la
séance publique de la Société royale des sciences,
lettres, arts et agriculture de Nancy, le 28 juin 1816,
dans les Mémoires de cette Compagnie, 1813-1814, p..84
et suiv.; et tirage à part, Nancy, s.d.,31 p. in-8°. -
Son portrait a été gravé par Ménageot.
(103) A la séance publique de la Saint-Martin, et non en
1784 comme le dit A. DE HALDAT, op. cit.
(104). Fixé d'abord à 4,000 l, auxquelles s'ajoutaient
2,000 l. pour deux accessits, ce prix devait être
décerné dans la séance publique de Pâques 1778. Aucun
des 38 mémoires reçus n'en ayant été jugé digne, le
concours avait été prorogé et la valeur du prix doublée.
Il y eut, cette fois, 28 mémoires déposés, dont celui
des frères Thouvenel fut de beaucoup le plus remarqué.
Il était daté de décembre 1783 et avait pour titre :
Mémoire chimique et économique sur les principes et la
génération du salpêtre. Voici quelle était sa devise : «
Après avoir lu et médité tout ce qui a été écrit sur cet
important sujet, ne pourrait-on pas s'écrier avec le
vieillard de Térence : incertior multo sum quam dudum. »
Mais la gloire du médecin a fait tort au commissaire des
poudres. Nicolas Thouvenel n'est même pas cité dans la
notice de A. de Haldat. Voir, au contraire, Histoire de
l'Académie royale des sciences, ann. 1782, p. 53-55, où
l'étroite collaboration est expressément affirmée : «
Les auteurs sont M. Thouvenel, docteur en médecine,
associé régnicole de la Société royale de médecine, et
N. Thouvenel, commissaire des poudres et salpêtres au
département de Nancy.» (Cf. Encyclopédie méthodique,
Arts et métiers, t. VII, p. 172-176.) Le travail des
Thouvenel a été publié par l'Académie dans le onzième
volume de la collection des Mémoires des savants
étrangers, volume spécial intitulé : Recueil de mémoires
et de pièces sur la formation el la fabrication du
salpêtre, 1786, p. 55 et suiv.
Des collègues de Nicolas Thouvenel avaient pris part au
concours. Le mémoire classé le troisième était dû à la
collaboration de Gavinet, commissaire, et Chevrand,
inspecteur des poudres et salpêtres de Franche-Comté ;
le mémoire classé le quatrième avait été rédigé par
Chevrand seul.
(105) ROGÉVILLE, Op. Cit., t. II, p. 426.
(106) Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 313.
(107) La ville de Pont-à-Mousson, notamment, demande «
qu'on avise aux moyens de supprimer les entraves et les
vexations que commettent journellement les salpêtriers
dans l'exercice de leurs fonctions, tant à la ville qu'à
la campagne». Les trois ordres réunis du bailliage de
Rosières, souhaitent « que les salpêtriers ne puissent
travailler que dans les lieux publics, et non dans les
caves, celliers et engrangements, écuries pavées ou
cimentées, sans qu'ils exigent rien des communautés
auxquelles leurs commettants les rendent à charge ». Ces
dernières doléances sont notoirement exagérées, et
donneraient une idée fausse, péjorative, de l'état de
choses. (Archives parlementaires, t. -II, p. 232, col.
1; t. IV, p. 88, col. 2, art. XVI.)
(108) Article X du bail Primard; article VII du bail
Mahieu.
(109) Arrêt du 1er janvier 1704. (Recueil des
ordonnances de Lorraine, t. I,p. 405.) Anciens baux et
anciennes ordonnances.
(110) Archives de Meurthe-et-Moselle, C. 313.
(111) Sur le faux saunage et sa répression, voir Pierre
Boyé, Le sel et les salines en Lorraine au XVIIIe
siècle, p. 52 et suiv. - Nous avons dit, dans cette
étude, que les consommateurs pauvres étaient tentés
d'user de sel de salpêtre. Il était interdit à la ferme
des poudres d'en faire argent, sous les mêmes peines. A
la suite de l'arrêt du 8 août 1777, le sel marin
provenant des ateliers à salpêtre dut être remis à la
Ferme générale, qui en payait le prix. |