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La société populaire de Lunéville - 1793-1795
(notes renumérotées)


Annales de l'Est - 1887

La société populaire de Lunéville
1793-1795

I

Pendant les premières années de la Révolution, il n'y eut à Lunéville ni club, ni société populaire. Le sieur Lafond fils avait pourtant essayé, en mai 1789, de fonder un cercle politique, mais cette tentative échoua. C'est seulement le 22 avril 1793 qu'un certain nombre de patriotes réunis sur l'invitation du citoyen Jacques Lebon (1), bijoutier, arrêtaient la formation d'une société dans le but de «  répandre les lumières et l'instruction, de discuter toutes les questions relatives à l'intérêt public, de surveiller les malveillants, de dénoncer toute sorte d'abus », enfin, «  de porter des secours à l'humanité souffrante ».
Cette société s'organisa le 26 avril, en présence de quatre commissaires députés par le corps municipal; elle prit le nom de Société républicaine et, plus tard, celui de Club des sans-culottes (2). Le 27 avril, elle tenait sa première séance publique. La municipalité avait été invitée à fournir autant de factionnaires qu'il en faudrait pour maintenir l'ordre à l'intérieur de la salle et à l'extérieur. La jeune Société redoutait en effet des débuts difficiles. Le citoyen Cafaxe (3), chargé du discours d'ouverture, jugeait bon de mettre le public en garde contre les propos malveillants :
... Déjà, s'écriait-il, le poison de la calomnie se distille sur cette société naissante, et les agents de Brunswick et des Capet épuisent toutes les ressources du mensonge pour l'étouffer dans son berceau; cette frayeur qu'ils veulent jeter dans l'âme de nos concitoyens est bien naturelle sans doute : ils voient s'allumer le flambeau qui doit éclairer leurs actions, et sa lueur les fait frémir. N'en doutez pas, citoyens, ceux qui cherchent à vous montrer des périls dans cet établissement sont vos véritables ennemis. Défiez-vous, frères et amis, défions-nous tous de ces zélateurs du calme qui font consister la tranquillité dans une criminelle apathie; depuis trop longtemps ils s'applaudissent de notre sommeil et se flattent d'en profiter pour nous couvrir de nouvelles chaînes. Aujourd'hui surtout que nous avons à craindre les suites funestes de l'odieuse conjuration de l'infâme Dumouriez, aujourd'hui que nous ne connaissons pas encore toute la profondeur de l'abîme dans lequel ce monstre tentait de nous précipiter, l'indifférence serait un crime et la négligence un forfait.

II

Le règlement de la Société (4) fut plusieurs fois modifié dans les premiers mois. A partir du 5 juillet 1793 (5), il fallait, pour devenir sociétaire, être «  connu par sa probité, son patriotisme et un caractère bien prononcé pour le républicanisme », avoir prêté le serment civique, faire exactement son service dans la garde nationale ou dans les troupes de ligne. Tout candidat devait être présenté par un membre et appuyé par quatre autres au moins; par huit, s'il n'était pas domicilié dans la ville depuis six mois.
Les n oins, prénoms et qualités des candidats étaient affichés dans le lieu le plus apparent de la salle, et proclamés par les secrétaires pendant trois séances consécutives. On ne recevait les nouveaux sociétaires que le dimanche, et lorsqu'il y avait au moins 50 membres présents. La pluralité absolue des voix était nécessaire ; le citoyen qui rie l'obtenait pas ne pouvait se représenter que trois mois après.
Tout nouveau membre de la Société prêtait le serment suivant : «  Je jure haine éternelle aux tyrans et à tous les rois, quelque forme et quelque nom qu'ils empruntent pour nous asservir; je jure ralliement constant à la Convention nationale, soumission entière aux lois; je jure de maintenir jusqu'à la mort la Liberté, l'Egalité, l'Unité et l'Indivisibilité de la République. »
Les sans-culottes contribuaient aux frais de la Société; mais longtemps le taux de la cotisation ne fut pas fixé : on s'en remettait à la générosité de chacun. A la suite des plaintes du trésorier qui constate dans plusieurs séances que «  nombre de sociétaires n'ont encore rien donné pour leur entrée », la Société porte à 5 livres la cotisation annuelle, payable par trimestre (6).
Le bureau comprenait un président, un vice-président, un commissaire du cérémonial, quatre secrétaires, un trésorier et un archiviste. Le président, le vice-président et le commissaire étaient élus pour un mois seulement; les secrétaires étaient renouvelés par moitié tous les mois ; le trésorier et l'archiviste n'étaient pas soumis au renouvellement, mais on pouvait les révoquer à volonté (7).
Des comités de littérature, de lecture et de correspondance (8) assistaient le bureau. Le comité de littérature était chargé d'extraire des journaux les morceaux qu'il jugeait dignes d'être lus à la tribune, «  la Société ayant un grand nombre de papiers-nouvelles et les lecteurs tombant souvent dans les redites ».
Le commissaire du cérémonial avait la police de la salle et présentait à la Société les étrangers; il était assisté d'un commissaire adjoint et de huit commissaires-censeurs disséminés dans la salle, l'un se tenant près du bureau, un deuxième au milieu des sociétaires et les six autres dans les tribunes.
Maintenir l'ordre dans l'assemblée, assurer aux débats le calme et la dignité, telle fut la constante préoccupation du bureau. C'est dans ce dessein qu'il fit interdire aux membres du club, par articles additionnels au règlement, de proposer des motions qui n'auraient pas été préalablement appuyées par quatre membres, de lire des lettres particulières (9) ou de porter des questions personnelles à la tribune, d'entrer dans la salle de la Société avec des bâtons ferrés ou autres armes, d'introduire sans permission les étrangers, etc.
Mais il n'était pas aussi facile de venir à bout du public, De mai 1793 à nivôse an Il, les comptes rendus des séances parlent, presque à chaque page, des tumultes scandaleux qui règnent dans les tribunes malgré les efforts des six commissaires-censeurs. En vain le bureau fait établir une séparation (10), range d'un côté les hommes, de l'autre les femmes, et cherche à fermer la bouche à tous en interdisant aux non-sociétaires de prendre la parole s'ils n'ont instruit le président du sujet qu'ils veulent traiter et obtenu une autorisation spéciale de la Société. Ces moyens sont inutiles et le tapage augmente. Un instant la Société se croit menacée et prépare sérieusement sa défense : le 20 brumaire (10 novembre 1793) elle invite tous ses membres à déposer dans son sein du cuivre et de l'airain pour fabriquer deux pièces de canon qui resteront pour sa sureté et son service ; le même jour, elle envoie au comité de correspondance une motion tendant à l'armement des sociétaires.
Puis le président s'adresse aux autorités constituées et demande des factionnaires ; mais ceux-ci se montrent impuissants. Le 9 nivôse (29 décembre), une députation de la Société vient faire part à la municipalité «  du désordre des tribunes, desquelles des malveillants ont jeté des pommes de terre dans l'intérieur de la salle, qui ont atteint plusieurs sociétaires et même le président » ; elle demande que, pour prévenir le retour d'un semblable scandale, il soit donné une consigne sévère aux factionnaires. Le corps municipal «  considérant que c'est au, président de la Société populaire à donner les consignes convenables pour le maintien de l'ordre et la police de la salle, a passé à l'ordre du jour (11) ».
On voit qu'en pleine Terreur nos sans-culottes ne savaient pas se faire craindre ; il y avait pourtant parmi eux des hommes énergiques et décidés, mais les indifférents formaient la grande majorité. Sur 300 membres (12) environ que comptait la Société un très petit nombre suivaient assidûment les séances : le 14 juillet 1793, on n'avait pas pu renouveler le bureau, les membres présents n'étaient pas cinquante. Plusieurs citoyens zélés, Cafaxe, Radès, etc., avaient proposé di vers moyens coercitifs (13) contre les plus négligents, mais tous les projets de ce genre furent, pendant longtemps, rejetés ou du moins ajournés. Enfin, le 26 frimaire (16 décembre 1793), la Société «  voulant marcher à son but d'un pas ferme et sans rétrograder » arrêta que tous ses membres seraient «  passés au scrutin épuratoire ».
Au lendemain de la séance grotesque du 9 nivôse, une nouvelle épuration fut confiée à une commission de neuf membres nommés par les trois comités réunis, et, le 29 nivôse (18 janvier 1794) se tint la première séance de la Société régénérée des sans-culottes de Lunéville. Le bureau fut ainsi constitué : président, Radès ; vice-président, Méhu ; commissaire des cérémonies, Rosse, chef de légion; adjoint au commissaire des cérémonies, Thorel, commandant des dépôts de cavalerie ; secrétaires, Montauban, Curien jeune, Ducret et Cafaxe ; trésorier, Bailly, président du tribunal de district; archiviste, Montigny, inspecteur des ponts et chaussées.
Nous avons la liste des membres régénérés reçus jusqu'au 26.ventôse (17 mars 1794); elle comprend 314 noms, dont 277 citoyens de la ville, 8 étrangers et 29 militaires, la plupart officiers : François Nicolas, officier de gendarmerie; Secelles et Corne, officiers de carabiniers ; Chabert, lieutenant-colonel du. 4e régiment de dragons; Charles-Marie Monet, chef de brigade ; Charles Dalesme, chef d'escadrons au 1er régiment de chasseurs ; Antoine Ravignac, aide de camp du général Ancel ; Jacques Scheidt, chef de brigade de la légion de la Moselle; Jogé, lieutenant-colonel, et Nicolas Saucerotte, chirurgien-major au 1er régiment de carabiniers; Didier Couturier, commissaire provisoire des guerres à l'armée de la Moselle, etc. (14).
Le zèle des membres régénérés se refroidit vite; dès le 17 ventôse (7 mars), le comité de correspondance leur prêchait l'assiduité, la Société devant «  dans les circonstances présentes redoubler de surveillance et d'activité pour déjouer les projets des ennemis de la chose publique ». Mais le comité parlait presque dans le vide. Le 21 germinal (10 avril), les 22 sociétaires présents (y compris le bureau) ne voulant pas «  compromettre l'intérêt public par l'insouciance des autres membres » déclarent se constituer en comité permanent.
De nouvelles épurations donnent à la Société, pendant l'été 1794, un regain de jeunesse et de vie ; mais, à partir du mois d'octobre, bien qu'elle compte encore, officiellement du moins, 304 membres (15), elle ne fait plus que languir. Le décret du 25 vendémiaire (16 octobre), qui interdit aux sociétés populaires l'affiliation et la correspondance, porte un coup mortel à celle de Lunéville, comme d'ailleurs à toutes les autres ; à la séance du 22 pluviôse (10 février 1795), il n'y a que 10 membres présents, 7 seulement le 11 germinal (31 mars).
Lorsque parut la loi du 6 fructidor (23 août 1795), qui prononçait la dissolution des sociétés populaires de province, le club des sans-culottes de Lunéville avait cessé de vivre depuis 4 mois. Conformément à la loi, le citoyen Montigny, archiviste, déposa les papiers et les registres de la Société au secrétariat de la mairie (16) ; le concierge Grobois, resté à son poste, remit les clefs de la salle; le citoyen Bailly, trésorier, vint rendre ses comptes et versa dans la caisse du receveur municipal 10,057 livres 14 sols 6 deniers.

III

La Société tint ses premières séances au théâtre; mais, la municipalité ne voulant pas lui céder cette salle définitivement, elle dut se pourvoir d'un local. Elle demanda la ci-devant chapelle du château, qui lui fut accordée par l'autorité militaire (17) le 13 juin 1793 : elle s'y était installée depuis le 9 «  avec l'agrément de la municipalité ».
Cette belle chapelle, construite sur le modèle de celle de Versailles, était en 1793 dans le plus triste délabrement, ainsi qu'en témoigne le rapport des citoyens Piroux et André, officiers municipaux, et Pierron, conservateur des bâtiments militaires : les plafonds sont fendus et tachés par les gouttières, le plancher usé en partie, presque tous les carreaux cassés aux fenêtres de droite ainsi qu'à celles de la galerie; il manque des planches d'appui dans les fausses croisées; les stalles sont dégradées, l'étoffe des banquettes usée, etc...
La Société ordonne les réparations les plus urgentes, installe de nouvelles banquettes dans la nef et dans les galeries, et décore à sa façon le «  temple de l'Egalité ».
Elle fait d'abord placer sur les tourelles un drapeau et des faisceaux que couronne un bonnet rouge ; à l'intérieur, elle dépose sur l'autel, devenu «  l'autel de la patrie », les bustes de Marat et de Lepelletier (18), payés chacun 60 livres au citoyen Marley, artiste de Nancy. Trois grands tableaux ornent les murs : «  la Prise de la Bastille », «  la Journée du 10 août », «  le Peuple français terrassant le fédéralisme » ; ils sont dus au pinceau du citoyen Oudin, qui a reçu 450 livres pour les trois. A côté des tableaux, on voit des étendards, un drapeau de l'oeil de surveillance, une pique à manche bleu, une hache à manche tricolore, une canardière (19), etc. Au-dessus de la tribune se lit cette inscription : Respect aux autorités constituées ; et ces deux autres de chaque côté : Sois vrai, parle peu, à propos, et Sois sage, ferme, décent.
Quelques citoyens généreux sont venus en aide à la Société: Saugeon a offert la chaire du réfectoire de Beaupré pour servir de tribune; d'autres ont donné des lustres. Le bureau fait acheter 10 réverbères pour compléter l'éclairage.
C'est que les séances ordinaires se tiennent le soir, le mardi et le vendredi à 6 heures, et le dimanche à 4 heures. Des séances extraordinaires peuvent avoir lieu; elles sont annoncées à son de cloche, bien qu'un membre ait observé «  que cette manière pourrait rappeler le souvenir du fanatisme expirant ».
Tous les membres du bureau doivent assister aux délibérations couverts du bonnet rouge : les commissaires de la salle ont en outre à la main un fanion tricolore sur lequel est écrit d'un côté Loi et de l'autre Ordre.
La séance commence par le chant d'un couplet de «  l'hymne marseillais », suivi, à partir du 25 brumaire (15 novembre 1793), de la récitation de la prière philanthropique (20) :
O toi qui connais tout et qui peux tout, Être éternel, qui manifestes si visiblement ton existence par l'harmonie qui conserve notre globe et tous ceux qui roulent sur nos têtes ! Être bienfaisant, qui plaças tous les secours à côté de tous les besoins, toutes les consolations à côté de tous les maux ! Père commun du genre humain, daigne recevoir l'hommage de tes enfants. Tu mis dans leur âme l'amour de l'indépendance et de la vérité. Donne-leur la force de les faire régner dans l'ordre et dans une paix profonde ! Qu'un rayon de ta Divinité éclaire les quatre parties de notre monde, et qu'en même temps ta foudre fasse justice de tous nos ennemis connus et cachés. Ils sont les tiens, Dieu vengeur ! puisqu'ils osent se dire tes images vivantes, afin d'asservir plus facilement tout ce que tu as créé de libre comme eux ! Rapproche, ô Dieu des nations ! tous les habitants de la terre; fais que les liens sacrés de la liberté et de l'égalité les unissent: que l'hospitalité la plus religieuse, les secours et les échanges les enchainent comme un peuple de frères, comme une seule famille ! Fais que l'envie, la haine et la discorde, et jusqu'aux noms de guerre et de politique ne leur présentent aucune idée; que chaque instant de leur existence soit marqué par une action de grâces pour tes bienfaits ; et que le renouvellement des saisons soit pour eux une fête universelle qui leur rappelle que tu mets ta jouissance dans la reproduction et dans le contentement de la nature.

La prière dite par le président, un membre du comité de lecture vient lire à la tribune des extraits de journaux ou «  papiers-nouvelles ». La Société était abonnée d'abord au
Courrier de l'Égalité, au Père Duchêne, au Journal des frontières des Pyrénées et au Courrier de Strasbourg. A partir du 26 frimaire (16 décembre 1793), elle ne veut plus qu'une seule feuille, le Journal des Bataves, puis elle essaye successivement l'Anti-fédéraliste, le Journal des hommes libres, le Sans-culotte, le Républicain, pour revenir au Journal des Bataves (21).
Après la lecture des journaux, on publiait, s'il y avait lieu, les décrets de la Convention ; puis la Société donnait les certificats de civisme et passait aux diverses questions à l'ordre du jour. La clôture de la séance était annoncée par un second couplet de la Marseillaise.
Les femmes assistaient aux réunions et n'y perdaient pas leur temps ; tout en suivant les discussions, elles faisaient de la charpie pour les blessés (22). Elles chantaient d'ordinaire avec les sociétaires, surtout le décadi, jour de fête que l'on célébrait par des hymnes : «  Chanter la liberté, écrit le rapporteur de la séance du 30 frimaire (20 décembre 1793), chanter l'égalité, quel plus doux emploi pour elles ! Elles s'en acquittent avec ce plaisir qu'on doit attendre de femmes vraiment pénétrées du bonheur d'être libres. »
Les enfants étaient même admis, au moins exceptionnellement. Le 21 juillet 1793, la jeune fille du citoyen Etienne a déposé sur le bureau un paquet de charpie «  qu'elle a offert comme le fruit de ses plus douces occupations et de son patriotisme naissant, ce qui a été reçu avec sensibilité ». Un autre jour (23) les enfants Carême et Huttin viennent faire une offrande de 20 sous à «  la Société, émue par le patriotisme naissant de ces deux élèves de la patrie, arrête que l'insertion en sera faite au procès-verbal ». Plus tard (24), les jeunes Diettmann, Saxe, Majorelle, Galland, Angreman et Beauvanier, désignés par l'agent national du district pour suivre les cours de l'École de Mars (25), se rendent au club avant de partir, et font leurs adieux aux sans-culottes de Lunéville. L'un d'eux prend la parole :
Nous allons, dit-il, sous les yeux des pères de la patrie, sous les yeux des restaurateurs des moeurs et des vertus; apprendre à anéantir la tyrannie; concitoyens, nous vous assurons que le désir dé conserver et de ne jamais diminuer la réputation de vos vertus et de votre patriotisme sera pour les jeunes élèves de Mars un puissant aiguillon pour les encourager à se perfectionner dans l'art qui les destine à être les exterminateurs des tyrans et des ennemis de notre liberté.
Tantôt ce sont des vieillards; des vétérans qui ont les honneurs de la séance. Le 4 juillet 1793, «  deux de nos frères d'armes, l'un âgé de 75 ans, et l'autre blessé à la bataille d'Arlon, ont été introduits dans la salle et placés au premier rang ». Le 13 frimaire, le président donne l'accolade fraternelle à Dominique Bontemps, vétéran (26) décoré de quatre médailles ; comme il est tard et que la porte de l'hôpital est fermée; on fait reconduire ce brave par deux sociétaires.
Les sans-culottes des villes voisines, de passage à Lunéville, viennent, tout naturellement, rendre visite à leurs «  frères et amis ». Le 21 brumaire (11 novembre 1793), six membres des Sociétés de Metz, Pont-à-Mousson et Nancy sont admis aux applaudissements de l'assemblée et le président leur donne le «  baiser fraternel » ; ils exposent à la tribune que, «  les habitants de la ci-devant Alsace étant encore sous le joug de l'aristocratie nobiliaire et sacerdotale, ils se rendent dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et autres, pour y prêcher le républicanisme et les mesures révolutionnaires de tout genre, qu'ils s'adjoignent dans toutes les villes où il y a une société populaire et par lesquelles ils passent un ou plusieurs sans-culottes pour être avec eux les apôtres de la liberté et de l'égalité ». Ils lisent ensuite les pouvoirs qui leur ont été donnés par les représentants du peuple Lacoste et Mallarmé ; et c'est au milieu de l'enthousiasme de tous les assistants que le club désigne, à l'unanimité, le citoyen Hadès, juge de paix, pour se joindre aux apôtres.
Le 23 frimaire (13 décembre 1793), arrivent plusieurs membres de cette institution singulière que Saint-Just et Lebas avaient établie à Strasbourg pour surexciter les sentiments patriotiques et faire la guerre au «  fanatisme », la Propagande (27). Ils se rendaient en mission à Nancy et demandèrent «  différents renseignements » sur la Société populaire de cette ville et sur Mauger (28), Febvé, Brisse, Philip, que le représentant du peuple Faure venait de faire arrêter.
Il y avait parfois des intermèdes. Un jour la séance est interrompue par l'arrivée de musiciens et d'acteurs de Nancy qui offrent de chanter l'hymne des Marseillais : cette proposition est acceptée «  avec acclamation ».
Et puis la Société avait un poète, Delorme, ancien «  gendarme rouge (29) », qui lisait de temps en temps à la tribune des vers de sa composition. Le 26 mai, il fait hommage au club d'un chant patriotique intitulé: Invitation aux Français de franchir les Pyrénées, d'entrer en Espagne pour ouvrir les cachots de l'Inquisition et tirer une vengeance éclatante d'un allié perfide, Charles IV, roi d'Espagne ; l'air en était emprunté à la Marseillaise :
Il est un monstre en Ibérie,
Bâtard de la religion ;
D'un moine il tient sa barbarie.
Ce monstre est l'Inquisition (bis).
Entendez-vous dans ses repaires,
Les cris de mille infortunés,
A des maux affreux condamnés,
Implorant vos bras tutélaires.
Aux armes, citoyens! forcez grilles et barreaux,
...
Les sans-culottes, transportés par cet «  hymne », le proclament «  digne du cantique des Marseillais », arrêtent qu'il sera imprimé et distribué à tous les membres de la Société.

IV

La Société de Lunéville était affiliée à celles d'Haussonville, Blâmont, Bruyères, Senones, Nancy, Phalsbourg, Pont-à-Mousson, Metz, Strasbourg, Salins, Auxerre, Marennes, Marseille, etc. Les Jacobins de Paris lui écrivaient le 24 frimaire (14 décembre 1793) : «  pour obtenir notre affiliation, il vous faut justifier de l'appui de deux sociétés populaires les plus voisines depuis longtemps nos affiliées, adresser la liste de vos membres, leurs noms, prénoms, qualités passées et professions actuelles, et vos règlements et statuts. » Notre club envoya sans doute les références et tous les renseignements exigés, car plus tard il est en correspondance avec la fameuse société et lui demande même un mode d'épuration : «  Frères et amis, répondent les Jacobins (30), nous vous invitons à vous épurer à la tribune et publiquement, comme nous l'avons fait ici; c'est le moyen de travailler d'une manière sûre et efficace pour la République. Surveillez les ennemis de la patrie et particulièrement les hypocrites en patriotisme, qui ne sont que trop communs. Redoublez de zèle et d'énergie ; le Français libre ne doit voir sur son sol que des hommes purs qui aiment et qui servent bien la patrie. »
Les sans-culottes de Strasbourg demandent à ceux de Lunéville des propagandistes : Curien jeune et Thiébault aîné sont désignés (31), mais trop tard pour assister à la première séance de la Propagande, qui eut lieu dans la cathédrale de Strasbourg le 27 brumaire (17 novembre 1793).
Pour franciliser l'Alsace, c'est-à-dire pour bannir la langue allemande et rendre le français familier à tous, Saint-Just et Lebas avaient pris un arrêté (32) qui établissait «  dans chaque commune ou canton du département du Bas-Rhin une école gratuite de langue française ». La Société populaire de Strasbourg se mit de tous côtés à la recherche d'instituteurs :
Frères et amis, écrit-elle (33) aux sans-culottes de Lunéville, tant que la diversité des idiomes ne sera pas proscrite de la République, tant que la langue des hommes libres ne sera pas la seule usitée en France, nous aurons parmi nous des hommes qui ne seront pas Français.
Il nous faut des maîtres en grand nombre, et nous en trouvons à peine quelques-uns...
Nous vous le demandons, frères et amis, au nom de la patrie, au nom de la génération future, envoyez-nous des instituteurs, de ces hommes libres des préjugés de tous les vieux régimes; de ces hommes en qui des moeurs pures et des connaissances suffisantes nous fassent trouver les régénérateurs de nos contrées.
Rappelez aux bons citoyens qu'ils doivent tout à leur patrie; dites-leur que le plus grand service qu'ils puissent lui rendre, c'est de former des enfants; dites-leur enfin que s'il faut des soldats pour achever la conquête de nos droits, il faut de l'instruction et des moeurs pour en assurer la possession.
Mais il était alors difficile de trouver des instituteurs et la Société de Lunéville, malgré toute sa bonne volonté, ne put pas répondre à cette pressante invitation, pas plus d'ailleurs qu'à celle de la Société de Colmar (34) qui réclamait, elle aussi, des maîtres.
La Société montagnarde et révolutionnaire de Gray annonce qu'elle a fourni dès le 23 vendémiaire (16 octobre 1793) un cavalier armé, monté et équipé; elle engage celle de Lunéville à suivre cet exemple.
La Société de Chagny écrit qu'elle a «  adopté unanimement le culte seul de la raison, et que tout membre qui sacrifierait encore à la superstition ou choisirait pour son jour de repos un ci-devant dimanche » serait exclu de son sein; elle recommande à toutes les sociétés de prendre «  la même mesure révolutionnaire (35) ».
Les Jacobins de Tonneins-la-Montagne rappellent l'héroïsme du vaisseau le Vengeur : »Frères et amis, s'écrient-ils, souscrivons révolutionnairement pour la construction de mille Vengeurs..., jurons que nos fortunes et nos vies seront à la disposition de la patrie tant que le féroce léopard d'Albion existera (36). »
De son côté, la Société populaire de Lunéville envoyait aux sociétés affiliées des lettres, des adresses, manuscrites ou imprimées; elle leur demandait parfois des renseignements, Ainsi, de crainte que M. de Malseigne, - considéré à tort ou à raison comme le principal auteur de la sanglante affaire de Nancy, - n'échappe à la surveillance des autorités du Doubs, elle écrit à la Société populaire de Besançon qui lui répond que «  l'infâme Malseigne est porté tout au long sur la liste des émigrés, » et qu'une grande partie des biens du «  traitre » sont déjà vendus.

V

Les discussions politiques tiennent peu de place dans les procès-verbaux des séances du club de Lunéville. Le 30 mai 1793, au moment le plus critique de la lutte entre les Girondins et les Montagnards, il adhère à une adresse des corps constitués et de la Société populaire de Nancy; il supplie, lui aussi, la Convention de «  renoncer aux querelles particulières pour s'occuper efficacement du bonheur des Français ». Etait-il alors favorable aux Girondins, comme la Société de Nancy ? Sans doute; en tout cas il ne songea jamais à s'engager dans la voie de la résistance.
Lorsqu'il reçut la constitution du 24 juin il se livra aux transports de la joie la plus vive; des orateurs développèrent à la tribune tous les articles des droits de l'homme et du citoyen (37) : à l'unanimité on accepta cette «  charte du bonheur des Français » et il fut décidé que tous les membres de la Société iraient chanter des hymnes autour de l'arbre de la liberté (38). De nombreuses citoyennes faisaient partie du cortège. Les sociétaires, revenus au temple de l'Egalité, terminèrent la fête «  par le baiser fraternel qui s'est donné avec la plus grande et la plus douce effusion de coeur entre les sociétaires et les autres citoyens présents ».
Bientôt, la guerre se rapprochant de nos frontières, les républicains de Lunéville, pleins de confiance dans l'énergie de la Convention, la prient de rester à son poste jusqu'à la paix :
... Nouveaux Moïses, restez au mont Sinaï, et de son sommet redoutable lancez les foudres vengeresses de la souveraineté nationale. Exterminez sans pitié tous les ennemis dans l'intérieur, royalistes, modérés, fédéralistes, accapareurs, et surtout cette horde scélérate des prêtres réfractaires et incorrigibles. - Nous vous demandons votre déclaration formelle de ne pas désemparer du poste où la Confiance vous a placés et vous maintiendra, sans avoir fait pâlir d'effroi les tyrans coalisés contre nous en les réduisant à se trouver trop heureux de vous demander la paix (39).
Le représentant Bar, envoyé dans le département de la Meurthe pour l'épuration des autorités, assiste comme simple membre à une séance de la Société, la félicite de ses sentiments et l'engage à surveiller les aristocrates qui se couvrent du «  manteau sucré de l'amour de la patrie pour se glisser plus facilement, sous ce déguisement, dans les diverses fonctions de la République (40) ».
Le 10 germinal (31 mars 1794), a la nouvelle de l'arrestation des Hébertistes, la Société félicite la Convention de la «  découverte de l'infâme conspiration nouvellement ourdie contre la liberté du peuple français par des êtres qui jusqu'alors s'étaient couverts du masque de patriotisme ». Après l'exécution des Dantonistes, le Conseil général de la commune envoie l'adresse obligatoire (41); la Société populaire rédigea saris doute la sienne, mais ses registres, mal tenus et d'ailleurs in complets, n'en font pas mention, Toutefois, nous savons qu'une adresse, écrite le 29 prairial (17 juin 1794), au plus fort de la Terreur, fut lue le 3 thermidor (21 juillet) à la Convention, et mérita, comme celle du 10 germinal, la mention honorable au bulletin.
Les sans-culottes de Lunéville affirment donc par leur attitude et par leurs adresses un dévouement constant à la Convention ; mais ils n'ont pas le tempérament révolutionnaire. Souvent ils s'efforcent d'atténuer les prescriptions du pouvoir central; ils élèvent à chaque instant la voix en faveur de malheureux détenus et cherchent à arracher des victimes aux comités de surveillance, aux représentants du peuple eux-mêmes.
Ils interviennent auprès du comité de Nancy afin d'obtenir la mise en liberté du citoyen Marchal, greffier de la justice de paix d'Einville, et des frères Valpoutret (42), demeurant également à Einville; pour défendre ces derniers, ils envoient à Nancy deux sociétaires, les citoyens Burguet et Louis. Cette démarche aboutit, et, dans la séance du 1er décembre 1793, les frères Valpoutret viennent, tout émus, remercier leurs libérateurs.
Einville étant du district de Lunéville, la Société populaire de notre ville cherche querelle au comité de Nancy et se plaint en termes très vifs aux administrateurs du département de ce que ce comité s'est permis de lancer des mandats d'arrêt contre des citoyens d'un autre district. Le comité de Nancy réplique non moins vivement, priant les administrateurs de la Meurthe de rappeler la Société populaire de Lunéville à des «  sentiments plus fraternels ».La Société s'adresse alors à la Convention : «  Sous l'ancien régime, lui écrit-elle, la ville de Nancy, capitale de la ci-devant province de Lorraine, dominait sur toutes les villes de son ressort, et, sous le régime de la liberté, le comité de surveillance voudrait faire revivre cet esprit de domination... Quant à nous, nous ne voyons que des communes, des districts, des départements, tous égaux dans la hiérarchie... »
Le comité de surveillance de Lunéville avait fait arrêter Benoist aine, receveur du district. La Société populaire proteste contre cette mesure, et, le comité ne voulant pas revenir sur sa décision, elle envoie deux commissaires auprès du représentant Faure, alors à Nancy (43). Une autre fois, elle rappelle ait même comité que deux cavaliers gémissent dans les fers depuis 19 jours: or, ajoute-t-elle, la loi veut qu'ils soient jugés dans les 24 heures. Ou encore elle prie la municipalité de s'occuper des moyens de procurer un air plus pur aux prisonniers.
Trente-quatre citoyens de Lunéville avaient été arrêtés, à la fin d'octobre 1793, «  en conséquence des mesures révolutionnaires et de salut public » prises par Sonnini (44), et transférés à Nancy. Ces malheureux, détenus depuis 6 semaines environ, sollicitent l'intervention du club, qui envoie la note suivante à la commission révolutionnaire de Nancy:
La Société populaire de Lunéville, en respectant les motifs de ces dispositions de rigueur, ne peut cependant voir avec indifférence qu'elles aient un effet indéfini. Mais aussi sévère envers les traîtres et les conspirateurs que compatissante envers ceux qui ne seraient que victimes d'une surprise faite à l'équité des administrateurs chargés de l'exécution des lois, elle invite la commission révolutionnaire à s'occuper du jugement de ses compatriotes détenus; elle désire revoir les innocents dans ses murs et ne pourrait que gémir sur le sort de ceux qu'une fatale inaction laisserait sous le glaive de la justice nationale (45).
Martin Raidot, administrateur du district, suspendu et arrêté, sort de prison sur les «  témoignages avantageux » de la Société, qui obtient en outre qu'il soit réintégré dans ses fonctions: «  Je sais, écrit Raidot à, ses bienfaiteurs, qu'il est un tribut digne de vous, c'est un dévouement sans réserve à la chose publique. Eh bien ! je vous offre ce tribut dans toute sa pureté ; votre volonté sera toujours ma règle; mon désir sera de mériter votre estime et votre amitié, »
Un jour, c'est à Saint-Just et à Lebas que nos Jacobins s'adressent; ils demandent l'élargissement de Sonnini, - qui de proscripteur était devenu proscrit, - et attestent le «  civisme de ce franc républicain », Le représentant Lémane leur fait la réponse suivante (46) :
Frères et amis, des mesures générales ont été prises par nos collègues Saint-Just et Lebas pour sauver l'armée du Rhin que la tiédeur du département de la Meurthe laissait affamer, Si le citoyen Sonnini est enveloppé dans ces mesures, et si sa conscience ne partage pas les reproches que ses autres collègues se sont justement attirés, c'est un malheur sans doute, mais il est individuel, et il s'agit ici du salut public. Dans sa position Sonnini ne doit considérer que la mesure révolutionnaire justifiée par les circonstances. Nous aimons à croire qu'il est le patriote ardent que vous nous dépeignez: Eh bien ! il ne le serait pas si loin de se plaindre du coup qui l'a frappé, il n'y applaudissait pas. Sa détention n'est que momentanée.
Nous persistons dans l'arrêté de nos collègues jusqu'à ce qu'il n'y ait plus un Prussien sur le territoire français. Ce ne sera pas long. - Salut et fraternité.
Tous les opprimés, tous ceux dont les causes étaient difficiles à plaider, nobles, prêtres, suspects, avaient recours à la Société populaire de Lunéville (47). Parmi les nombreuses lettres et suppliques qu'elle reçut de tous côtés, nous avons remarqué la «  pétition du citoyen François-Antoine Devaux, pensionnaire de la nation, âgé de 82 ans (48) ». Qui reconnaîtrait sous ce titre l'ancien lecteur de Stanislas, l'enfant gâté de la cour de Lunéville, l'ami de Mme de Grafigny et de la frivole marquise de Boufflers
Ayant déjà obtenu,- écrit-il d'une main tremblante, - il y a quelques semaines, des autorités constituées un certificat de civisme à la grande pluralité des voix, j'ai lieu d'espérer que mes concitoyens voudront bien m'en accorder un autre selon les formes nouvelles.
Je ne l'ai assurément pas démérité depuis et j'ose dire que je le méritois sinon par beaucoup d'actions civiques, du moins par mes sentiments et par ma manière d'être.
Je suis dans ma 82e année et accablé de plus d'infirmités qu'on n'en a même d'ordinaire à ce grand âge, tourmenté d'une humeur de dartre presque universelle, qui me couvre les cuisses et les jambes et que ne soulage point un cautère très douloureux qu'il faut panser deux fois par jour et auquel s'est joint une sciatique qui m'empêche de marcher, je ne puis presque plus sortir de ma chambre ni souvent de mon lit.
Dans ce triste état, je n'ai pu ni ne puis guère me distinguer par des actions civiques, mais observant toujours respectueusement tous les décrets, j'ai tâché de remplir avec la plus grande exactitude tous les devoirs du citoyen ; j'ai payé promptement et exactement toutes les impositions. J'ai porté beaucoup trop haut la contribution triennale et patriotique dont je me suis pressé de m'acquitter et j'ai poussé les contributions volontaires plus loin même que ne le permettait la médiocrité de ma fortune.
Je n'ai jamais entretenu ni n'entretiens aucune relation suspecte; ayant reçu il y a quelque temps une lettre d'un parent fait prisonnier en Angleterre, je me suis pressé de la communiquer tout de suite avec la réponse au comité de surveillance.
Enfin par tous les moyens que j'ai pu imaginer, j'ai toujours tâché d'effacer mon unique tort qui est d'une si fraîche date qu'il ne peut presque pas en être un et que j'expie tous les jours par les voeux les plus sincères pour la prospérité de la République une et indivisible, puisque de cette prospérité dépend essentiellement la mienne, n'ayant presque d'autre moyen de subsistance que la pension que la nation a accordée à mes services.
Retiré à une extrémité de la ville, je n'y suis plus recherché de personne, je n'y vis presque plus qu'avec quelques femmes dont les unes sont mes parentes et les autres mes très anciennes amies.
Tant de raisons ne me laissent presque pas douter que mes concitoyens voudront bien m'accorder tout ce qui me peut permettre d'achever tranquillement les restes d'une vie qui n'a plus à durer que quelques moments.
Ce serait presque me condamner à une mort prochaine que de me mettre dans le cas d'être privé des secours continus qui peuvent seuls la retarder de quelque temps (49).

VI

La nouvelle officielle des événements du 9 thermidor fut connue à Lunéville quinze jours après par une lettre du citoyen Pflieger, représentant du peuple près l'armée de la Moselle. Aussitôt la Société populaire invita la municipalité a faire doubler les gardes, à interroger tous les étrangers qui arriveraient dans la ville, à défendre au maitre de poste de fournir des chevaux pendant 48 heures aux personnes qui ne seraient pas munies d'une permission spéciale; elle refusait presque de croire au renversement de Robespierre et c'est seulement le 16 thermidor (3 août 1794) que l'adresse «  sur la punition du traitre et de ses complices » fut lue, approuvée et envoyée à Paris (50).
Les élèves de l'école de Mars du district adressèrent à la Société quelques détails sur l'horrible conjuration (51) :
... L'infâme Labretèche, disaient-ils en terminant, voulait nous faire marcher contre la Convention ou nous faire hacher..... Quel jour choisissaient-ils, les traîtres, pour nous faire commettre ce parricide ? le jour de la fête de Barra et de Viala ! Ne devaient-ils pas s'imaginer que nous suivi ions l'exemple de ces jeunes héros et que nous nous ferions hacher plutôt que de porter les armes contre la Convention... Nous la soutiendrons jusqu'à la mort et nous ne démentirons pas la haute opinion de républicanisme que s'est justement acquise la ville de Lunéville.

Après le 9 thermidor, le conventionnel Michaud fut nommé par le Comité de salut public pour «  rétablir l'ordre, l'union et la paix » dans le département de la Meurthe. Le 11 fructidor (28 août 1794) nous le voyons à Lunéville présider deux séances de la Société populaire. Dans la première, le représentant du peuple, après avoir annoncé le sujet de sa mission, fait le tableau des «  diverses espèces d'intrigants et d'agitateurs » et invite les sociétaires et les citoyens des tribunes à lui désigner ceux qui pourraient exister dans le sein du club ou dans les diverses administrations. Personne ne demandant la parole, «  le représentant a témoigné sa satisfaction et dit que ce silence confirmait la bonne opinion qu'on lui avait donnée de la commune de Lunéville ». - Le soir pourtant, dans la seconde séance, différentes accusations furent formulées contre plusieurs membres des autorités constituées, mais «  le représentant n'y a eu aucun égard, ces inculpations lui ayant paru vagues et insignifiantes ».
Plus tard, le conventionnel Mazade (52), venu dans la Meurthe pour une nouvelle épuration des autorités, reconnait lui-même que «  le terrorisme n'a pas affligé à Lunéville les âmes sensibles par les spectacles tragiques qu'il prodiguait ailleurs ».
Enfin le 9 floréal (28 avril 1795) le conseil général, invité par l'administration du district à dresser le tableau des citoyens de la commune qui auraient participé aux «  horreurs commises sous la tyrannie avant le 9 thermidor », répond ainsi : «  Si la terreur a plané quelques instants sur nous, aucun de nos concitoyens ne s'y est prêté librement et dans l'intention de nuire; conséquemment, il n'y a point de terroriste à désigner (53). » Toutefois, le directoire de district fit désarmer, comme terroristes, quatre membres de la Société populaire.

VII

Les nouveautés religieuses furent accueillies avec enthousiasme par les Jacobins de Lunéville, et, dès le 14 brumaire (4 novembre 1793), le citoyen Benoist ainé lisait un exposé des principes que le comité de correspondance déclarait professer :
Il est nécessairement un Dieu.... Cet Être est pour tous les mondes ce que le soleil est pour notre univers. Il voit, d'un oeil tranquille, le catholique romain marmoter son rosaire, le quaker trembler dans son prêche, l'hébreu balancer sa prière, et le mahométan se noyer d'ablutions...
Tout dans la religion doit être spirituel quant au dogme; quant à la morale, elle doit avoir l'attache du Gouvernement. Voilà, citoyens, ce qui vous explique pourquoi nos législateurs ont proscrit le culte public romain. Tant que vous eussiez été les esclaves de vos prêtres, qui n'étaient eux-mêmes que les esclaves d'un prêtre de Rome, eussiez-vous jamais été de véritables républicains ?...
Notre constitution reconnaît un Être suprême ; elle implore sa protection: mais elle rejette elle-même, comme sacrilège, impie, toute secte qui s'arroge le privilège exclusif d'avoir le culte véritable...
Le mouvement antichrétien se développa surtout, dans les départements de l'Est, lorsque les représentants du peuple, Milhaud et Guyardin, qui se trouvaient en mission à Strasbourg, eurent pris cet arrêté daté du 17 brumaire an II (7 novembre 1793) :
Les représentants du peuple près l'armée du Rhin,
Considérant qu'il est urgent de montrer que les ressources de la République sont aussi inépuisables que la rage des tyrans est impuissante, et voulant employer les dépouilles du fanatisme pour éteindre une guerre impie, dont il est lui-même la principale cause ;
Pénétrés de cette vérité, proclamée même par un des pères les plus illustres de l'Eglise, qui disait que dans les temps qu'on se servait des calices de bois les prêtres étaient d'or, et que lorsque les calices étaient d'or, les prêtres étaient de bois ;
Voulant, autant qu'il est en leur pouvoir, rallier tous les hommes autour de l'autel de la Nature et leur inspirer les principes éternels de la morale universelle, qui seule doit être la religion d'un peuple libre ;
Arrêtent ce qui suit :
Art. 1er. - L'exercice de tout culte est restreint dans les bâtiments particuliers qui lui sont destinés.
Art. 2. - Tout signe extérieur d'opinions religieuses quelconques disparaîtra des rues, des places et chemins publics.
Art. 3. - Les ornements scandaleux d'or et d'argent qui ont trop longtemps insulté à la misère du peuple et déshonoré la simplicité de la véritable religion, seront enlevés de tous les temples et de tous les édifices où ils pourraient se trouver, et portés aux départements, pour être ensuite déposés sur l'autel de la. Patrie.
Art. 4. - Lee départements nommeront une commission prise dans le sein des sociétés populaires, qui sera chargée de recevoir ces dépouilles du fanatisme expirant, et d'en donner quittance.
Art. 5. - Le nombre et la qualité de tous les objets livrés seront imprimés et affichés dans toutes les communes.
Art. 6. - Les ministres des cultes qui, par l'acte sublime du mariage et par le concours de leurs lumières, briseront le bandeau de l'erreur, apprendront au peuple la sainte vérité et tâcheront de réparer les maux affreux que l'hypocrisie de leurs prédécesseurs a vomis sur la surface de la terre, seront regardés comme apôtres de l'humanité et recommandés à la générosité nationale.
Art. 7. - Ceux qui, soit par leurs discours, soit par leurs actions, retarderaient le triomphe de la raison et la destruction des préjugés, seront traités comme ennemis du genre humain et déportés dans les déserts destinés aux prêtres réfractaires.

Le 21 brumaire, six membres de la Société populaire de Lunéville commencent à parcourir les communes du district, pour y réquisitionner l'argenterie des églises. Le lendemain, la municipalité est invitée à changer les noms des rues et à faire disparaitre sur la façade des maisons particulières tout signe d'un culte; la municipalité s'empresse d'obéir, et bientôt les noms des saints cèdent la place à des noms de «  sans-culottes » comme ceux de Brutus, Scévola, Caton, J.-J. Rousseau, Helvétius, Lepelletier, Guillaume Tell, Marat, d'Assas, Mably, Voltaire, Beaurepaire (54), etc.
En même temps, la Société se livre avec ardeur à son oeuvre de propagande : le 24 brumaire, elle invite tous les citoyens à venir puiser dans son sein «  les vrais principes de la liberté et de l'égalité », - et arrête que les soeurs de la maison des Orphelines assisteront avec leurs élèves, chaque décadi, à ses séances, pour que les assistants entendent mieux les discours qui doivent les convertir, on décide la construction d'une estrade dans le collatéral, près du bureau, - estrade qui sera spécialement réservée aux prosélytes. Les soeurs de l'hôpital ne pouvant sans inconvénient quitter les malades confiés à leurs soins, quatre sans-culottes iront leur prêcher «  la vérité et la raison ».
Le 25 brumaire (15 novembre t 793), le «  citoyen » Jacquemin, prêtre, monte à la tribune et dépose ses lettres de prêtrise. L'assemblée lui décerne une mention civique et déclare qu'elle regardera comme «  bons citoyens » les prêtres qui imiteront cet exemple. Les jours suivants, le curé Florentin et trois vicaires de la paroisse Saint-Jacques de Lunéville, le curé de Jolivet, etc., en tout douze prêtres, viennent déclarer qu'ils renoncent à leurs fonctions sacerdotales; une mention honorable est accordée au citoyen Florentin, qui ne veut plus d'autre titre que celui de « bon républicain (55) ».
Désormais, c'est la Société qui baptisera les nouveau-nés. Dans la séance du 27 brumaire, le président donne le «  baiser fraternel » au jeune Briel, «  déposé sur l'autel de la patrie », déclare qu'il aura pour prénom Mucius Scoevola, pour parrain le district et pour marraine la municipalité. Les registres de la Société mentionnent trois autres baptêmes «  de la raison » ou «  du patriotisme » ; les enfants ainsi baptisés étaient «  inscrits sur la liste des sociétaires comme adoptés de la Société ».
Le citoyen Rades, juge de paix, se distingue entre tous par l'exaltation de ses sentiments antichrétiens. Nous avons vu comment il partit avec six Jacobins de Metz, Pont-à-Mousson et Nancy, pour prêcher dans la ci-devant Alsace «  le républicanisme et les mesures révolutionnaires ». Dans une lettre datée de Saverne, «  la ville la plus puante en aristocratie et en fanatisme » qu'il ait rencontrée, il réchauffe l'ardeur de ses concitoyens et les engage à faire brûler les confessionnaux ; il ne faut pas, disait-il, que votre cité «  reste en arrière » ; la Société ne doit souffrir les prêtres à la tribune qu'autant qu'ils abjureront leurs erreurs:«  Grégoire d'Emberménil, ajouta-t-il, a fait le j... f.... J'ai vu cela sur le bulletin de la Convention. Nos prêtres de Lunéville ne doivent pas imiter son exemple (56) ».
La proposition de Radès, mise aux voix, est adoptée : les confessionnaux des deux paroisses sont mis en pièces le 2 frimaire (22 novembre 1795) en présence de deux membres de la Société; le bois propre au chauffage est détourné pour l'usage de la salle des séances, le reste transporté sur la place du Peuple et livré aux flammes.
Le 18 nivôse (4 janvier 1794), on discute si les prêtres pourront être admis à la Société avant d'avoir abdiqué leurs fonctions et de s'être mariés, La majorité arrête d'abord que «  devant s'entourer de toutes les vertus républicaines dans quelle classe qu'elles se trouvent, les prêtres sont admissibles » ; puis elle se ravise et décide que jusqu'à la paix il ne sera reçu ni prêtre, ni noble, ni parent d'émigré : la peur seule rendait donc la majorité des sociétaires intolérante et lui faisait oublier les vrais principes de la Révolution.
D'ailleurs, la Société populaire ne se montrait pas plus violente que les autorités du district et de la commune. Dans une proclamation le directoire engageait les citoyens du district à lui envoyer tous les vases d'or et d'argent, «  instruments de superstition, autant qu'ils sont le produit humiliant de l'erreur ».
Réjouissons-nous, s'écriait-il, de ce qu'éclairés par la philosophie nous pouvons réparer les sottises de nos aïeux, et même les nôtres, en rendant à leur destination des métaux qui du moins seront utilement employés par la République. Citoyens, pressons-nous, que les hochets de la folle vanité du prêtre tombent dans le creuset.... Effaçons jusqu'aux traces les plus légères d'un charlatanisme qui avait si impudemment ravalé l'homme (57).

Quant au corps municipal, loin de résister aux motions du club, il les outrait souvent; ainsi, sous prétexte de faire disparaitre tout signe extérieur du culte, des forcenés osent requérir les citoyens d'enlever du cimetière dans les trois jours les tombes et les croix qui leur appartiennent, «  sinon et faute de ce faire, lesdites tombes et croix seront confisquées au profit de la commune » (58). Et cet arrêté ne reste pas lettre morte : le 25 ventôse (15 mars 1794) le citoyen Haillecourt, procureur de la commune, «  a remontré qu'il y avait encore dans le lieu de repos de cette commune des signes de fanatisme et des bâtiments servant à leur conservation, qu'il fallait absolument faire disparaître ces images du mensonge qui ne font qu'entretenir les erreurs d'un régime barbare ; il a requis que ces monuments inutiles soient vendus et adjugés dans l'état où ils sont... » La vente eut lieu le lendemain.
La Société populaire laissait les juifs professer librement leur religion ; dans la séance du corps municipal du 24 ventôse, le citoyen Haillecourt expose que «  les principes républicains dont étaient animés tous les citoyens de la commune auraient dû faire cesser les singeries et les rassemblements illégaux des juifs de cette commune, mais qu'il paraît qu'ils sont encore encroûtés d'une insouciance blâmable, qu'ils continuent l'exercice public de leur culte, pourquoi il a requis que deux commissaires pris dans le sein du conseil se transportassent sur-le-champ dans le lieu où les juifs ont coutume de se rassembler et en fissent fermer les portes. »
L'église Saint-Jacques ne fut pas fermée, mais, «  vu les progrès que la raison a faits sur le fanatisme et la hauteur de l'esprit public », le corps municipal fit placer au-dessus du portail cette inscription : Temple de la Raison. Chaque décadi, la Société populaire y venait entendre la lecture des décrets; puis deux membres de la Société célébraient «  les louanges de l'Eternel» ou expliquaient «  en style familier » les droits de l'homme et les devoirs du citoyen. Quelques-unes de ces harangues nous ont été conservées, Le 1er frimaire (21 novembre 1793), l'orateur développe ce thème : «  Soyons dociles aux leçons de la nature et nous serons vertueux, » Le 10 nivôse (30 décembre), un autre annonce le retour de l'âge d'or, durant lequel «  la justice, la fraternité, l'hospitalité, la frugalité, le travail, etc. », étaient en honneur. Le 30 pluviôse (18 février 1794), un officier de chasseurs vient déplorer «  la plaie profonde » que «  le fanatisme a faite à la patrie » et démontrer que «  le catholicisme fut l'instrument dont se servirent les rois et les prêtres pour opprimer et avilir le peuple ».
Il ne semble pas que les sermons révolutionnaires aient réussi à déraciner chez beaucoup de personnes les anciennes croyances religieuses : le 18 septembre 1795, le corps municipal, à la demande de nombreux citoyens, arrête que les portes de l'église Saint-Jacques s'ouvriront le dimanche suivant pour la célébration du culte catholique.
La Société populaire ne fournissait pas seulement des prédicateurs ; elle se chargeait aussi de dresser le plan des fêtes publiques et de régler la marche du cortège dans les diverses solennités. Le 10 août 1793, elle envoie deux de ses membres chez le citoyen M... «  pour inviter la citoyenne sa fille aînée à figurer la déesse de la liberté » ; les chasseurs de la garnison de Mayence, de passage à Lunéville, fournirent l'escorte; six sociétaires, «  vêtus tout en blanc et à la légère, ayant un bonnet rouge sur la tête et un ruban aux trois couleurs nationales en écharpe », tinrent chacun un ruban tricolore attaché au mors des six chevaux blancs qui trainaient le char «  de la déesse. »
Le 20 brumaire (10 novembre 1793), 0n célébra avec pompe «  l'Ère républicaine ». Sonnini ouvrait la marche, accompagné de toutes les autorités civiles et militaires ; puis venaient quatre sans-culottes en bonnet rouge et quatre mères de famille entourant la Constitution ; un enfant de 12 ans, «  le casque en tête, le sabre en baudrier, des ailes, un drapeau surmonté d'une hache et d'un coq»,personnifiait la France ; deux jeunes filles portaient le «  feu sacré du patriotisme »; sur un char attelé de quatre chevaux blancs, deux autres jeunes filles, «  grandes et bien faites, couronnées de roses et de feuilles de chêne », tenant, l'une un drapeau tricolore surmonté d'un bonnet rouge, l'autre une équerre ornée des couleurs nationales, représentaient la Liberté et l'Égalité. Plus loin, quatre groupes figuraient les saisons : trente hommes de 50 ans, tous laboureurs, vignerons ou jardiniers ; trente vieillards à cheveux blancs, chacun d'eux tenant par la main un enfant de 6 ans ; trente couples de 18 à 25 ans, couronnés de fleurs ; trente sans-culottes armés ayant leurs femmes au bras. Douze lévites et un bramine étalant sur sa poitrine une prière philanthropique (59) s'avançaient alors, suivis de musiciens, d'un détachement de l'armée révolutionnaire, des bustes de Marat et de Lepelletier «  portés chacun par quatre jeunes hommes en noir et quatre filles en noir, voilées de crêpe, un mouchoir blanc d'une main, de l'autre un crêpe : le tout en signe d'expiation ». Enfin les troupes de ligne, le club et cent hommes choisis de la garde nationale, Le cortège se forma dans cet ordre devant le château et parcourut les principales rires de la ville: sur la place du Peuple, on fit «  un auto-da-fé des vestiges de la féodalité », la musique retentit, les groupes et les assistants chantèrent en choeur «  l'hymne national », et le bramine lut a voix haute la prière philanthropique.
On s'efforçait de varier le cérémonial (60) de ces fêtes révolutionnaires, si fréquentes et si différentes comme objet; le 26 messidor (14 juillet 1794), à 4 heures du soir, les membres de la Société se rendirent «  en masse » au Champ de Mars où se dressait une Bastille, et, après la destruction de ce «  monument de la tyrannie », la déesse de la liberté prononça un discours «  analogue aux circonstances ».
Souvent les innovations manquaient d'à-propos. Le 20 prairial (8 juin 1794), à l'occasion de la fête de l'Être suprême, les citoyens et citoyennes de Lunéville sont invités à aller au Champ de Mars, munis de pelles, de pioches, de bêches et de brouettes «  à l'effet de travailler à cette montagne qui doit être la représentation de celle d'où sont émanées nos bienfaisantes lois » (61).
Peu à peu nos sans-culottes se lassent; personne ne proteste lorsque le rapporteur du comité d'instruction publique vient dire à la tribune du club, quelques jours avant la fête du cinquième sans-culottide an II (21 septembre 1794), que le temps manque pour présenter un projet d'une difficile exécution, et d'ailleurs que «  la joie du peuple » doit être «  le principal ornement de cette fête ».

VIII

Constituée au lendemain de la trahison de Dumouriez, la Société populaire de Lunéville s'est constamment efforcée de contribuer dans la mesure de ses moyens au salut de la patrie. Elle fait d'abord une guerre implacable aux fournisseurs infidèles, et nomme, le 13 mai 1793, une commission de huit membres, chargée d'étudier les abus qui peuvent s'être introduits dans l'administration des fourrages ; cette commission prit son rôle au sérieux, à en juger par ces deux lettres du Comité de salut public; la première est du 26 août :
Nous avons reçu, citoyens, votre lettre en date du 8 du courant; nous ne pouvons qu'applaudir au civisme qui l'a dictée et à la surveillance qui vous anime pour la chose publique. La Convention nationale a pris, dans sa sagesse, les mesures les plus actives pour repousser les despotes coalisés et approvisionner nos places fortes. Nous vous invitons à entretenir avec nous la correspondance la plus exacte et à continuer à bien mériter de la patrie. - Signé : Hérault, Robespierre, Laz, Carnot.

Voici la seconde, datée du 5 brumaire (26 octobre 1793) :
C'est en surveillant tous les fournisseurs avides et les administrateurs mal intentionnés qu'on les forcera de faire aux troupes d'excellentes fournitures.
Le Comité renvoie vos réclamations au ministre de la guerre, pour qu'il fasse punir les prévaricateurs que vous lui dénoncez; et il vous prie d'être persuadés de la satisfaction que lui donnent votre zèle et votre patriotisme. - Signé: Collot d'Herbois, Carnot, C.-A. Prieur.

De bonne heure aussi, la Société charge quelques-uns des siens de faire en ville et dans les villages voisins des quêtes au profit des femmes et des enfants que les volontaires ont laissés sans ressources; d'autres recherchent le vieux linge, le transforment en charpie et en bandages: le 28 juillet 1793, un premier envoi est fait à l'armée du Rhin.
La chute de Mayence (25 juillet), la défaite de l'armée de la Moselle à Pirmasens (14 septembre 1793), n'effrayent pas nos Jacobins; le 3 octobre ils arrêtent que des commissaires iront aux armées du Rhin et de la Moselle «  prendre des renseignements sûrs de la situation de nos troupes, de leur nombre tant en infanterie qu'en cavalerie, du nombre présumé des ennemis, de leurs forces, de leurs ressources et des moyens de les repousser ».
Dix jours après, les lignes de Wissembourg sont forcées (13 octobre) : Wurmser menace Strasbourg; Brunswick tente d'enlever Bitche. Le Comité de salut public envoie à l'armée du Rhin Saint-Just et Lebas, qui déploient l'ardeur la plus fiévreuse, font trembler les malintentionnés et communiquent aux généraux et aux soldats une vigueur nouvelle. Les représentants du peuple Lacoste et Mallarmé, sans montrer la même énergie que leurs collègues, réussissent du moins à relever l'esprit public, un moment abattu, et à éveiller l'espoir dans tous les coeurs ; ils sont, le 9 brumaire (30 octobre), à la Société populaire de Lunéville, où ils réunissent les autorités, les citoyens et les militaires des dépôts ; ils exposent la situation de l'armée du Rhin, les besoins urgents d'un renfort pour protéger contre un coup de main l'importante position de Saverne : 150 citoyens se présentent aussitôt et partent le lendemain avec 152 soldats de la garnison. Une taxe révolutionnaire, que doit percevoir une commission nommée par la Société et par les autorités constituées, frappe «  les riches et tous ceux qui ne contribueront pas de leur personne et qui sont en état de subvenir aux besoins de leurs frères » ; les membres de cette commission «  feront des visites domiciliaires chez les riches aristocrates, accompagnés d'un tailleur et d'un cordonnier pour prendre les objets d'équipement et d'habillement nécessaires au bataillon : ils se borneront à une simple incitation chez les sans-culottes aises et requerront les aristocrates ». En attendant la levée de la taxe (62), la Société populaire fait à la commission l'avance de 29,518 livres déposées en trois heures «  sur l'autel de la Patrie ».
Les gorges de Saverne ne devaient pas être attaquées, Au commencement de décembre, Hoche et Pichegru prenaient l'offensive à la tête des armées du Rhin et de la Moselle, se donnaient la main à travers les Vosges et, le 7 nivôse (27 décembre), nous étions maîtres des lignes de Wissembourg,
Durant les jours de danger la Société était tenue au courant des événements militaires par les nombreuses lettres particulières qu'elle recevait de volontaires de Lunéville, et surtout par les rapports de quatre de ses membres : Méhu, Laguerre, Bailly et Bourguignon. Le premier suivait l'armée de la Moselle et les trois autres l'armée du Rhin ; ils étaient souvent chargés de mission par les représentants du peuple. Laguerre et Bourguignon sont envoyés un jour par Lacoste à Phalsbourg «  pour prendre des informations sur la conduite de deux officiers du bataillon de Langres, qui lui avaient été dénoncés, et sur l'esprit public qui règne dans cette place » (63). Bailly et Bourguignon font partie d'une commission révolutionnaire de 21 membres établie par Lacoste à Bouxviller : «  Nous sommes ici, écrivent-ils le 9 frimaire (29 novembre 1793), à faire des inventaires et à faire passer à Saverne et à Strasbourg tous les grains, meubles et effets des lâches qui ont eu la scélératesse de suivre nos ennemis lorsqu'ils ont été chassés de leur commune. » Au camp de Bouxviller, ils visitent un bataillon de volontaires de la Meurthe, celui de Nancy : «  Nos frères nous ont appris que beaucoup d'entre eux étaient tombés malades : nous sommes convenus à l'instant que nous irions faire nos représentations au général à ce sujet ; nous avons eu la satisfaction d'être écoutés favorablement et hier, dès le matin, le général a donné ordre au bataillon de Langres, en garnison à Phalsbourg, d'aller relever celui de Nancy au camp, et à ce dernier l'ordre d'aller remplacer le premier à Phalsbourg » (64).
Bailly et Bourguignon s'intéressaient aux souffrances de tous ; ils se plaignent aux représentants du peuple que les malades ne sont pas entourés de tous les soins nécessaires, que le soldat manque souvent de linge, a «  beaucoup de vermine et de fréquentes maladies de peau » ; ils demandent pour chaque homme deux chemises, dont l'une sera blanchie chaque décade ; ils voudraient que les légumes et le sel fussent distribués tous les deux ou trois jours, et non pas tous les quinze jours ; ils réclament de la poudre plus fine pour la mousqueterie, etc, Un jour Bourguignon fait même part aux représentants du peuple du projet qu'il a conçu d'une redoute portative; les représentants l'engagent à communiquer son projet au chef du génie.
La Société populaire connaissait par une autre voie encore les besoins des armées. Hoche, de son quartier général de Bliescastel, lui écrivait le 21 frimaire (11 décembre 1793), ainsi qu'aux corps administratifs et autres sociétés de la Moselle et de la Meurthe, la priant de faire passer le plus promptement possible au dépôt de l'armée, à Sarreguemines, tous les effets dont elle pourrait disposer en faveur des défenseurs de la République. Cet appel fut entendu et voici le relevé officiel des dons et offrandes de toute nature recueillis par la Société, au 23 germinal (12 avril 1794), pour les armées du Rhin et de la Moselle : 108,667 livres 8 sols, 365 paires de souliers et 64 paires de bottes, 397 paires de bas, 181 culottes et pantalons, 43 paletots, 73 gilets, 25 capotes et manteaux, 671 chemises; 19 chapeaux, 186 paires de guêtres, 519 livres de charpie, 3 caisses de bandages, compresses et autres linges, 7 fusils, 17 sabres, 46 baudriers, 55 gibernes, 2 selles, 50 aunes de toile, 77 couvertures de laine.
Après le 22 germinal, d'autres effets furent encore envoyés aux armées; la lettre suivante, écrite par le chirurgien en chef de l'armée de Sambre-et-Meuse, Nicolas Saucerotte, fait le plus grand honneur aux sans-culottes de Lunéville:
.J'ai instruit le représentant du peuple Gillet et le général en chef Jourdan de votre bienfaisance; ils vous votent des remerciements et me chargent d'être leur interprète auprès de vous. Je me joins à eux par acclamation, étant à même de juger des besoins de nos frères d'armes et par conséquent d'apprécier l'importance des secours qu'ils doivent à vos civiques et paternelles sollicitudes. J'aime à payer un juste tribut d'éloges à mes confrères Rousselet et Castara, ainsi qu'à leurs élèves...
Continuez, chers concitoyens, à être les sentinelles vigilantes de la Révolution; vous trouverez dans son affermissement la récompense de vos soins et de vos travaux. Salut et fraternité (65).

La Société populaire ne néglige aucune occasion de manifester le profond intérêt qu'elle porte à l'armée : elle rend visite aux officiers de passage à Lunéville, accueille à sa tribune les réclamations des soldats et des officiers, fait des souscriptions en faveur des vétérans nécessiteux (66), etc. A la mort du général Diettmann (67), commandant la cavalerie de l'armée du Rhin, elle envoie quatre commissaires porter à sa veuve l'expression de la douleur que cette perte lui fait éprouver; elle arrête que les drapeaux de la salle seront couverts d'un crêpe pendant huit jours ; elle charge deux citoyens de faire à la tribune l'éloge funèbre de ce général capable et modeste (68); enfin elle déclare:
Que Diettmann, mort à son poste en vrai général sans-culotte, emporte au tombeau l'estime, les regrets et la reconnaissance de la Société républicaine de Lunéville et de ses concitoyens;
Que pour avoir sous les yeux le plus souvent possible l'image vivante d'un concitoyen chéri, il sera délivré à Georges Diettmann, son fils aîné, une carte d'entrée à la Société, sans voix délibérative jusqu'à sa majorité, et que son nom sera inscrit sur le registre au rang des affiliés à la Société;
Qu'elle le prend ainsi que toute sa famille sous sa sauvegarde et protection spéciale dans la ferme intention de lui donner tous les secours fraternels qui seront en son pouvoir.

IX

Pendant ces terribles années 1793 et 1794, les populations de la Meurthe n'avaient pas seulement à redouter l'invasion ; elles se débattaient sans cesse contre un autre fléau, la disette. Les fournitures considérables en grains faites au département des Vosges et surtout aux armées voisines (69) avaient épuisé le pays. A. Lunéville, le passage continuel des troupes, la présence de nombreux dépôts, l'indigence de la moitié des habitants aggravaient encore la situation. Les procès-verbaux des séances du corps municipal enregistrent avec la plus désolante monotonie les murmures des citoyens pauvres, les rassemblements tumultueux aux portes des boulangeries, les adresses au directoire du district, au directoire du département, au comité des subsistances, que la commune supplie tour à tour «  d'aviser aux moyens de prévenir les calamités ».
La Société populaire montre encore dans ces circonstances un zèle incontestable, s'efforce de soutenir l'esprit public et d'empêcher l'affolement. Elle veille à l'exécution de la loi du maximum et s'entend avec les sociétés des villes voisines pour «  faire une guerre à mort aux accapareurs égoïstes, agioteurs de denrées » ; il faut, leur écrit-elle, que toutes les sociétés «  lèvent à la fois la massue pour terrasser l'hydre anti-sociale, dont les efforts criminels tendent à nous faire périr au milieu de l'abondance... » Six sans-culottes, coiffés du bonnet rouge, maintiennent l'ordre sur le marché (70).
Mais bientôt les paysans ne peuvent plus amener de grains en ville, malgré les menaces dont ils sont l'objet : ils ont à peine eux-mêmes le nécessaire ; et puis hommes et chevaux sont continuellement sur pied pour les transports militaires. Aussi le manque de subsistances se fait de plus en plus sentir, Le 13 pluviôse (1er février 1794), la municipalité se voit réduite à retirer au boulanger Joly l'autorisation, donnée le 30 juillet précédent, de «  manipuler seul le pain blanc nécessaire à la subsistance des malades et des vieillards » ; six autres boulangers, à qui elle remet chaque semaine de 18 à 20 résaux de blé pour nourrir les pauvres, annoncent, le même jour, qu'ils vont cesser leur travail faute de farine. Aussitôt la Société se réunit en séance extraordinaire à 3 heures, et le président fait appel à la générosité de tous : un sociétaire s'engage à procurer en quelques heures 50 sacs de farine «  pour apaiser pendant quelques jours la faim des malheureux »; d'autres offrent de «  partager leurs vivres avec leurs frères », et mettent à la disposition du corps municipal environ 120 résaux de blé ou de farine.
On peut ainsi attendre que le représentant peuple Bar, prévenu que la famine menaçait Lunéville, autorise le préposé en chef des subsistances militaires à prêter à la municipalité 300 sacs de farine; la municipalité les fait distribuer aux boulangers le 18 pluviôse, pour que ceux-ci «  puissent encore dans le jour fournir du pain aux citoyens qui en manquent ».
Afin d'assurer le lendemain, le représentant Bar avait requis les districts de Dieuze, Château-Salins et Blâmont, de verser à Lunéville 15,000 quintaux de blé pour le 1er ventôse prochain. Mais le comité des subsistances, révoquant cet ordre, affecte ces 15,000 quintaux de blé à l'alimentation de Nancy. A cette nouvelle, notre Société populaire envoie à Paris deux de ses membres, Méhu et Cafaxe (71), les chargeant de prier le comité de rapporter un arrêté «  surpris sans doute à sa religion ».
Arrivés dans la capitale, les deux sans-culottes ne peuvent obtenir une audience du comité : «  La nécessité nous rend importuns, lui écrivent-ils le 6 germinal, nous vous avons déjà adressé deux lettres ; il est essentiel, il est de l'intérêt public que nous soyons entendus..... » Le comité, fatigué d'une pareille obsession, répond le 25 germinal, à une dernière lettre, plus pressante encore que les autres : «  Le désespoir semble avoir dicté votre lettre; il ne peut ni ne doit jamais être à l'ordre du jour chez les Français. Quoi ! c'est parce qu'il s'opère un nivellement des subsistances dans le département de la Meurthe que vous criez à l'oppression ? Ce langage est indigne de vous et n'a pas été réfléchi... »
La Société ne se laisse pas décourager par cet insuccès ; nous la voyons, le 23 prairial (11 juin 1794), faire un nouvel appel à «  ceux qui ont des provisions à partager », Les chasseurs à cheval du 1er régiment offrent une demi-livre de pain par homme, «  ce qui fait un hommage de 300 livres, qu'ils espèrent n'être pas dans le cas de réitérer parce que sans doute les autorités constituées viendront au secours de la cité de Lunéville ».
Pour atteindre la moisson de 1794, la municipalité est obligée de réduire les rations qu'elle fournit aux indigents ; elle donne une livre de pain aux ouvriers pères de famille, et trois quarts seulement aux enfants et «  individus dont l'existence est inutile à la République (72) ».
Le club des sans-culottes a donné bien d'autres preuves de sa sollicitude pour les intérêts de la ville. Tantôt il demande au représentant du peuple Pflieger le rétablissement d'une vanne située sur la Vezouse ; tantôt il prie le directoire du département de faire curer le canal du château ; tantôt il fait faire des recherches dans un lieu où on a signalé l'existence de couches tourbeuses. Nous avons même trouvé dans ses papiers un long rapport, rédigé par l'architecte Lebrun, sur le mauvais état des fontaines et conduites d'eau de Lunéville.
Enfin, c'est grâce à l'intervention des sans-culottes que la population ne vit pas se renouveler les querelles entre militaires, les actes d'indiscipline qui l'avaient tant effrayée précédemment (73). Les 30 pluviôse et 1er ventôse (18 et 19 février 1793), des rixes entre des carabiniers et quelques hussards des 3e et 8e régiments menaçaient de prendre de graves proportions, l'esprit de corps s'en mêlant. La Société populaire invite le général Ancel, commandant les dépôts de Lunéville, à faire assembler toutes les troupes dans le temple de la Raison, et nomme 12 commissaires pour leur porter des paroles de paix, les exciter à l'union et à la fraternité; après avoir entendu quelques discours, les militaires se jurèrent amitié et se rendirent au pied de l'arbre de la liberté «  où ils se témoignèrent par leurs chants et leurs danses le plaisir qu'ils ressentaient de cette réconciliation (74) ».
Les «  sans-culottes » de Lunéville ne ressemblent guère à ceux que l'on a ainsi définis : «  Des hommes sans revenu ni capital, logés ou campés sur les dernières marches de l'escalier social », n'ayant «  que des haines, surtout des appétits », volant quand ils avaient «  l'occasion et la tentation de voler (75), etc. ». Certes, tous ne sont pas des savants, à en juger par l'orthographe et le style des procès-verbaux de leurs séances; quelques-uns sont de simples manoeuvres, des journaliers, de petits commerçants, mais la plupart appartiennent à la bourgeoisie, industriels, avocats, notaires, médecins, architectes, fonctionnaires. Il fallut les revers de nos troupes, la menace de l'invasion, pour arracher ces paisibles et honnêtes citoyens à leur logis, pour les transformer en jacobins actifs et intrépides,
Mais les Lorrains, froids, pleins de bon sens, n'ont jamais eu beaucoup de goût pour les agitations politiques. Lorsque les armées de la République eurent sauvé l'indépendance nationale, nos sans-culottes pensèrent que leur rôle était fini et ne vinrent plus au club.
Assurément il est facile de critiquer leur conduite ; nous devons même flétrir avec énergie l'esprit d'intolérance et de persécution qui les anima si souvent, Mais qui pourrait nier qu'ils furent poussés par des circonstances inouïes à s'associer à des actes auxquels, en d'autres temps, ils n'auraient jamais songé ? Ne leur reprochons pas trop d'avoir envoyé aux terroristes de la Convention leurs modestes encouragements ; pour rester à leur poste, pâtir rendre des services à. la patrie et à leurs propres concitoyens, ne fallait-il pas qu'ils fussent terroristes, au moins en langage ? Sachons-leur gré plutôt d'avoir montré une modération qui contraste avec l'attitude violente de beaucoup d'autres sociétés populaires : non seulement ils n'ont laissé dans leurs annales aucune trace sanglante, mais avant comme après le 9 thermidor, ils restèrent fidèles à la dernière partie de leur programme et donnèrent des preuves certaines de leur bienfaisance et de leur humanité.

H. BAUMONT.


(1) En février 1794, Lebon fut préposé à l'extraction du salpêtre dans le district de Lunéville.
(2) Le sceau de la Société représente des faisceaux, surmontés du bonnet phrygien et entourés de branches de chêne, avec cette légende: Clube (sic) des sanculottes (sic) de Lunéville. - Nous en devons communication à l'obligeance de M. Léon Le Brun, avocat à Lunéville.
(3) Clerc tonsuré avant la Révolution; il était en 1793 professeur du 3e et 4e au collège de Lunéville.
(4) Les papiers de la Société, conservés aux archives municipales de Lunéville, comprennent une forte liasse (J. 29) et quatre registres (J. IV, I, 2, 3 et 4). Le premier de ces registres contient la présentation et l'admission des membres régénérés, du 4 nivôse au 26 ventôse an II; le deuxième donne les recettes et les dépenses de la Société pendant l'administration du trésorier Bailly élu le 2 pluviôse an II; les deux autres renferment les procès-verbaux des séances de la Société du 26 avril 1793 au 25 vendémiaire an III - Tous les documents que nous citons, sans en indiquer la source, sont tirés de ces papiers.
(5) Le règlement du 6 juillet fut imprimé par Messuy. Lunéville. Petit in-4°, 8 pages.
(6) Séance du 22 août 1793. - A Nancy, les sociétaires sont répartis en 4 classes, à l'une desquelles chacun déclare appartenir d'après ses facultés: ceux de la 1re classe payent 6 livres par trimestre ; ceux de la 2e, 3 livres; ceux de la 3e, 1 livre 10 sous ; ceux de la 4e, 15 sous. - Réglèrent pour la Société réintégrée des Sans-culottes montagnards de Nancy. 1 ventôse au Il. Brochure de 16 pages in-12. Nancy, chez Guivard.
(7) Les mêmes noms reviennent souvent dans les différents votes émis par la Société, et le fauteuil de la présidence ne fut occupé que par un nombre restreint de membres; Guibourg, négociant, élu le 26 avril 1793; Briquel, avocat; Launay, juge suppléant du tribunal du district : Radès, juge de paix; Méhu, commis-caissier; Thomas, directeur des postes; Benoist, receveur du district; Laroche, juge au tribunal du district; Delorme, rentier, ancien gendarme rouge; Curien jeune, négociant. Radès fut nommé président 5 fois. Le dernier président fut Thomas, élu en floréal an III.
(8) Le comité de lecture comprenait 7 membres et chacun des deux autres 5 membres. Le comité de correspondance fut chargé (séance du 8 brumaire an Il) de viser les certificats de civisme ; le nombre de ses membres fut alors temporairement porté à 21.
(9) Ces lettres étaient remises au comité de correspondance qui prés en lait son rapport à l'assemblée.
(10) Arrêté du 23 frimaire an II.
(11) Registres des délibérations du corps municipal de Lunéville, séance du 9 nivôse au II.
(12) 290 au 15 frimaire au Il.
(13) Dans la séance du 3 octobre 1793, Cafaxe ne demandait des mesures de rigueur qu'à l'égard des sociétaires qui n'assisteraient pas aux séances une fois par mois,
(14) Le 27 prairial an Il, Charles-Benoit Lamothe, chef de brigade du 7e régiment de hussards, demande à faire partie de la Société.
(15) Tableau des membres de la Société de Lunéville, drossé conformément à l'article 6 du décret du 25 vendémiaire de l'an III. Archives du département de Meurthe-et-Moselle (district de Lunéville), L. 8.
(16) Registres des délibérations du corps municipal de Lunéville, séances du 16 fructidor au III et du 18 brumaire an IV.
(17) Le château de Lunéville avait été converti en caserne à la mort de Stanislas.
(18) Arrêté du 17 brumaire an II.
(19) Inventaire des effets de la Société populaire de Lunéville déposés au casernement militaire le 19 thermidor an IV. - Nous y relevons encore «  une boîte contenant des boulets enchainés et autres instruments de guerre ».
(20) Elle fut composée pour la fête du 20 brumaire par le comité de correspondance.
(21) La Société reçut aussi les cahiers de musique décadaire, et eut, au moins dans les derniers temps, un orchestre dirige par le citoyen Flod.
(22) A l'exemple des citoyennes du Colmar, exemple signalé par la Société de Nancy (lettre du 9 juin 1793) qui Invite les «  citoyennes à mettre à profit pour la patrie les moments où on lira les récits des victoires des enfants de la liberté, qui combattent contre les esclaves des tyrans ».
(23) Séance du 23 brumaire an II.
(24) Séance du 4 messidor an II.
(25) École fondée par la Convention le 13 prairial an II et installée dans la plaine des Sablons. Chaque district devait fournir 6 jeunes gens de 16 à 17 ans «  pour y recevoir une éducation révolutionnaire, toutes les connaissances et les moeurs d'un soldat républicain ». Ils devaient être choisis «  parmi les enfants des sans-culottes ». - Buchez et Roux, Histoire parlementaire de la Révolution française, t. XXXII, p. 134 et suiv. - Taine, la Révolution, t. Ill, p. 115.
(26) Dans la séance du 28 brumaire an II, la Société invite les vétérans, sur la demande de l'un d'eux, à remplacer leur chapeau par un bonnet rouge et à porter l'écharpe tricolore.
(27) Voir Strasbourg pendant la Révolution, par E. Seinguerlet, p. 194 et suiv.
(28) Mauger arrivé à Nancy après le 31 mai 1793, en qualité de commissaire du Conseil exécutif provisoire, chassa 88 Girondins de la Société populaire et entra en lutte avec la municipalité: celle-ci le fit arrêter le 17 aout. Les Jacobins de Paris demandèrent prompte justice, et la Convention, dans la séance du 24 août 1793, ordonna la mise en liberté de Mauger, l'arrestation de trois officiers municipaux de Nancy et la destitution de Duquesnoy, directeur des postes, - Buchez et Roux, t. XVIII, p. 487-490.
Mauger venait d'être nommé directeur des salines de Dieuze, lorsqu'il fut incarcéré, une seconde fois, sur les ordres du représentant Faure; il était accusé de mettre à contribution les parents des détenus politiques et d'avoir donné la liberté à quelques-uns à prix d'argent ; il mourut en prison.
En pluviôse an II, les représentants Lacoste, Baudot et Bar réintégrèrent dans leurs fonctions Brisse, artiste dramatique, maire de Nancy, et Philip, commissaire de l'habillement des troupes : ils cassèrent la Société populaire que Faure avait épurée, et la reconstitueront le 1er ventôse. Quant à Febvé, président du tribunal criminel de Nancy, il avait comparu devant le tribunal révolutionnaire, qui l'acquitta.
(29) Il avait appartenu à la compagnie des gendarmes anglais. - Almanach et état de la gendarmerie pour l'année 1777.
(30) Lettre du 7 ventôse an IL
(31) Séance du 1er frimaire an IL
(32) Strasbourg, 9 nivôse an II - Voir Seinguerlet, p. 209 et 240.
(33) Lettre du 11 germinal an II
(34) Lettre du 28 prairial an II.
(35) 23 ventôse an II.
(36) 5 thermidor an II.
(37) Séance du 14 juillet.
(38) Cet arbre était planté sur la place du Peuple, aujourd'hui place Léopold.
(39) Adresse du 3 octobre 1793.
(40) Séance du 16 pluviôse (4 février 1794).
(41) Registres des délibérations du corps municipal de Lunéville, séance du 21 germinal (10 avril 1794).
(42) Pierre-Charles du Valpoulret de Bourge, écuyer, et Pierre-Eustache du Valpoutret de Vaunoise, écuyer, avocat en parlement. - Catalogue des gentilshommes de Lorraine et du duché de Bar... Paris, Dentu, 1863.
(43) Séance du 2 frimaire an II Benoist ne fut mis en liberté que le 6 ventôse suivant.
(44) Le directoire du département de la Meurthe, sous prétexte que le comité de surveillance de Lunéville montrait la tiédeur la plus coupable et la plus dangereuse, avait, le 25 vendémiaire an II, chargé Sonnini, administrateur du département, de prendre à Lunéville toutes les mesures que lui suggérerait son zèle et son attachement bien prononcé pour la Révolution: - Ce Sonnini est le naturaliste bien connu, né à Lunéville le 1er février 1751, mort à Paris le 29 mai 1812. - Dans la séance du corps municipal du 18 prairial an III, le procureur de la commune de Lunéville parle du monstre Sonnini.
(45) 16 frimaire an II (6 décembre 1793).
(46) De Strasbourg, le 4 frimaire (24 novembre 1793).
(47) Les habitants de Deuxville prient la Société de se joindre à eux pour obtenir la liberté de M. de Ligniville ; c'est à elle que s'adressent Nicolas Mallu, ancien abbé de Beaupré, Mathias Marchal, ancien carme de la maison de Lunéville, etc., etc. Ces deux derniers furent élargis, et Marchal remercie la Société dans une lettre du 3 vendémiaire an III.
(48) Cette pétition est du 3 octobre 1793.
(49) Devaux eut sans aucune difficulté le certificat demandé et reçut jusqu'au dernier moment la pension accordée par Stanislas et continuée par la Révolution. Il mourut le 11 avril 1796; il était né à Lunéville le 12 décembre 1712.
(50) Le corps municipal avait envoyé son adresse le 15 thermidor.
(51) Leur lettre est datée du 14 thermidor an II de la République une et indivisible, et la dernière des tyrans.
(52) Il était à Lunéville le 16 ventôse (6 mars 1795).
(53) Registres des délibérations du corps municipal, séance du 9 floréal an III.
(54) Registres des délibérations du corps municipal, séance du 4 frimaire un II.
(55) Le 30 brumaire, à Nancy, dans une fête civique présidée par le représentant Faure, les deux vicaires épiscopaux de la Meurthe, celui des Vosges, 26 curés du district de Nancy, 38 du district de Vézelise, remirent leurs lettres de prêtrise. Le rabbin de Nancy, Isaac Schweich, déposa aussi ses patentes. Faure fit faire un monceau de «  ces titres de l'ignorance et de la superstition », y mit le feu lui-même, puis, prenant le calice du ci-devant évêque, il le fit remplir de vin et but à la République. - Relation de la fête du 30 brumaire, broch. de 14 pages, Nancy, chez la veuve Bachot, imprimeur de la Société populaire.
On sait que Lalande, évêque du département de la Meurthe, imitant l'exemple donné par Gobel, évêque de Paris, avait renoncé aux fonctions de l'épiscopat en pleine Convention, le 17 brumaire (7 novembre 1793). - Buchez et Roux, t. XXX, p. 192.
(56) C'est ainsi que Radès jugeait la noble fermeté de Grégoire, qui, dans la séance du 17 brumaire, pressé d'abjurer à l'exemple de Gobel, répondit fièrement : «  ... Catholique par conviction et par sentiment, prêtre par choix, j'ai été désigné par le peuple pour être évêque ; mais ce n'est ni de lui ni de vous que je tiens ma mission... Agissant d'après les principes sacrés qui me sont chers, et que je vous défie de me ravir, j'ai tâché de faire du bien dans mon diocèse : je reste évêque pour en faire encore. J'invoque la liberté des cultes. » - Buchez et Roux, t. XXX, p. 194.
(57) Archives du département de Meurthe-et-Moselle, L. s.
(58) Registres des délibérations du corps municipal, séance du 29 brumaire an II.
(59) C'est celle prière qui fut lue, à partir du 25 brumaire, à chaque séance de la Société.
(60) A la fête du 30 germinal (19 avril 1794), ou devait faire plusieurs salves d'artillerie, mais on les supprima sur l'observation faite par les administrateurs du district que l'on ne devait brûler de la poudre que pour terrasser les satellites des tyrans ennemis du bonheur des Français.
(61) La montagne élevée ce jour-là resta debout pendant plusieurs mois. Le 25 messidor la municipalité menaçait d'arrêter sur-le-champ quiconque la détériorerait.
(62) Elle produisit 101,080 livres 15 sols.
(63) Lettre du 26 brumaire an Il, datée de Saverne.
(64) Lettre du 5 frimaire an II.
(65) Cette lettre est écrite de Cologne, le 12 vendémiaire an III.
(66) Le 23 brumaire an II, elle fournit des bottes à 29 hussards du 7e régiment, qui devaient partir le lendemain, et, deux jours après, 6 paires de souliers à des volontaires d'un bataillon de la Haute-Marne, etc.
(67) Dominique Diettmann, né à Lunéville le 21 novembre 1739, mort à. Colmar le 21 mars 1794. - Son nom a été donné récemment à l'un des quartiers de cavalerie de Lunéville.
(68) Diettmann refusa à plusieurs reprises le commandement en cher. Voir Moniteur, 1793, p. 151, 195, 205.
(69) Le 21 frimaire an II, le département de la Meurthe avait livré dans les magasins de l'armée du Rhin seulement :
29,596 quintaux de froment ;
37 ,834 de foin;
16,827 sacs de 12 boisseaux d'avoine.
Il restait à livrer dans les mêmes magasins :
24:,404 quintaux de froment ;
112,166 de foin;
50,000 de paille ;
83, 173 sacs d'avoine.
(Arrêté des représentants du peuple Lémane et Lacoste, daté de Strasbourg.)
(70) Arrêtés du 9 brumaire, des 9 et 2 3 messidor an II.
(71) Séance du 27 pluviôse.
(72) Dans beaucoup de villes la ration était plus faible. - Voir Taine, la Révolution, t. III, p. 403 et suiv.
(73) Sans parler de l'affaire Malsaigne, rappelons que, le 23 avril 1792. Le 30e régiment d'infanterie faillit en venir aux mains avec le 15e régiment de cavalerie dans les rues mêmes de la ville.
(74) Registre des délibérations du corps municipal, séance du 3 ventôse au II - Récit des officiers municipaux présents à cette réunion.
(75) Taine, ln Révolution, t. Ill, p. 334, 340 et 343.

 

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