A BLAMONT
Nancy, 23 août. - Les procès-verbaux dressés par le préfet de
Meurthe-et-Moselle donnent. de nouveaux détails sur les actes de
sauvagerie commis par les troupes allemandes lors de leur
incursion dans la région de Blamont-Cirey.
A Blamont, les soldats allemands ont assassiné plusieurs
personnes, pillé et saccagé de nombreuses maisons, entre autres
une grande chocolaterie appartenant à M. Burrus, sujet suisse.
Quand ils durent quitter Blamont et se replier, ils emmenèrent
douze otages, dont le curé et le buraliste.
Ils les conduisirent auparavant à la place où un habitant, M.
Louis Foëll, venait d'être fusillé et, leur montrant la cervelle
épandue sur les pavés sanglants, les menacèrent du même sort.
L'un des otages, M. Colin, professeur de sciences au lycée
Louis-le-Grand, à Paris, qui se trouvait en villégiature dans la
localité avec sa famille, ,fut emmené en chemise, pieds nus.
Indigné par les brutalités qu'il voyait commettre sur des
enfants, sa propre fille reçut un coup de crosse en pleine
figure. M. Colin, s'adressant à un jeune lieutenant, lui cria :
« Mais vous n'avez donc pas de mère ! »
Et l'émule de Forstner de répondre textuellement ces paroles
caractéristiques de la mentalité d'une race : « Ma mère n'a pas
fait de cochons comme toi. »
Les otages de Blamont emmenés jusqu'à Cogney, enfermés dans
l'église de cette commune de 6 heures du soir à 7 heures du
matin, ont pu retourner à Blamont.
Chez toutes ces populations lorraines, si tragiquement
éprouvées, aucun abattement aucune défaillance.
Un sentiment domine les chagrins intimes les plus cruels ; « La
France va vaincre. »
Ceux-ci ont perdu leurs récoltes ; ceux-là ont vu leur maison
saccagée ; les uns ont vu les barbares incendier leur demeure ;
d'autres ont vu fusiller. Beaucoup ont été menacés, insultés,
frappés, blessés. Quelques-uns ont connu en même temps toutes
ces épreuves. Aucun ne baisse la tête. Les yeux ont des flammes,
non des larmes.
CHRONIQUE JUDICIAIRE
Officiers allemands condamnés
Le capitaine- Lehmann qui, a Cirey, procéda à l'enlèvement des
archives de l'étude Zimmermann, qui n'ont pu être retrouvées, a
été condamné à dix ans de travaux forcés et dix ans
d'interdiction de séjour, par le conseil de guerre de la 20e
région.
Le lieutenant Gueb, qui vola du matériel de literie appartenant
à une institutrice de Blamont, a été condamné également à un an
de prison.
Ces deux condamnations ont été malheureusement prononcées par
contumace.
MOUVEMENT JUDICIAIRE
Sont nommés juges de paix :
[...] Blamont (Meurthe-et-Moselle), M. Couchot [...]
Les crimes allemands de l'occupation Un officier allemand condamné à mort par contumace On sait quels crimes furent commis en Lorraine par les Allemands
en août 1914. Le capitaine Kunz, de la 19e division ersatz de réserve, arrivé
à Blamont, pilla le presbytère, dépouillant de leurs économies
l'abbé Dupré, sa servante, Mme Gaillot, et son sacristain Koster.
D'autres habitants, notamment le curé Jacques, Mme Barbier et M.
Martin, furent l'objet de menaces féroces et durent livrer leur
argent. Kunz souilla, dans la commune de Harbouey les ornements
sacerdotaux et fit mettre le feu par ses soldats à l'église, qui
fut totalement détruite. Pour tous ces sinistres exploits, l'officier boche a été
condamné hier par contumace ti la peine de mort. C'est la
première fois que le conseil de guerre de la 20e région, qui
siège à Nancy, cite à comparaître devant lui les auteurs de tous
tes méfaits qui semèrent la terreur parmi nos populations.
Une affaire d'empoisonnement en Meurthe-et-Moselle
Le docteur Laget (*) trouverait-il, en Lorraine, des imitateurs
? Un double empoisonnement émeut la population de Blamont depuis
trois mois. Le parquet de Luné ville instruit cette affaire,
mais la crainte d'un scandale semble retarder l'oeuvre de la
justice, tandis qu'au contraire, les étranges circonstances du
drame passionnent l'opinion publique.
Le 13 décembre dernier, Mme Gouget, femme de ménage au service
de M. Lahoussay, vétérinaire à Blamont, se plaignait d'une
violente migraine. Son patron prit alors, dans une boîte où il
puisait pour son usage personnel, un des deux cachets d'aspirine
qui restaient, et l'offrit à Mme Gouget en lui disant : « Cela
apaisera votre mal ». Mais la femme de ménage fut terrassée par
les effets et elle mourut après quatre heures d'atroces
souffrances.
Son mari demeurait seul, avec trois jeunes enfants.
Un mois plus tard, M. Lahoussay, le patron de Mme Gouget,
éprouvait un peu de fièvre, prit, à son tour, le dernier cachet
de sa boîte. Aussitôt, les symptômes d'un empoisonnement se
manifestèrent : troubles, vertiges, tremblements nerveux, et il
ne dut son salut qu'à la prompte intervention d'un docteur de
ses amis.
L'affaire fit grand bruit. Les soupçons s'éveillèrent. M. Gouget
porta plainte. Le parquet de Lunéville ordonna l'exhumation et
l'autopsie de la première victime.
Aucun doute possible. La mort était due à une absorption de
strychnine. La poudre, dont quelques fragments furent retrouvés
sur les parois de la boîte suspecte contenait aussi de la
strychnine.
Telle est la gravité des révélations qui motivèrent de longues
et minutieuses enquêtes.
Quelle main criminelle a préparé et mêlé une substance nocive au
médicament dont M. Lahoussay faisait souvent usage ? Est-ce la
vengeance ou la cupidité ?
Qui a fait agir le coupable ?
M. Gouget se porte partie civile dans le procès qu'il intente.
(*) L'affaire du docteur Pierre Laget a agité Béziers dès
février 1930 pour tentative d'empoisonnement contre sa soeur.
Après l'exhumation de ses deux précédentes épouses (1922 et
1929) démontrant des traces d'arsenic, il est condamné à mort en
juin 1931 par la cour d'assise de l'Hérault, peine commuée le 29
septembre 1931 en travaux forcés à perpétuité par le Président
de la République. Au bagne guyanais de l'île du Salut, il occupe
les fonctions d'infirmier-chef de l'hôpital-infirmerie de
Royale, où il se suicide en septembre 1944 à l'aide de produits
toxiques volés dans la pharmacie de l'hôpital.
LES SUITES D'UNE ERREUR MEDICALE
En décembre 1930, Mme Gouget, domestique chez M. Lahoussaye,
vétérinaire à Blamont, conseiller d'arrondissement, mourait à la
suite de l'absorption d'un cachet que M. Lahoussaye lui avait
donné pour calmer sa migraine ! Quelques jours plus tard, le
vétérinaire, après avoir pris également un cachet, était
gravement intoxiqué.
On soupçonna un familier d'avoir commis ces manoeuvres
criminelles. L'autopsie de la domestique fit découvrir, dans les
viscères, la présence de produits toxiques. La mort était due à
la strychnine.
M. Lahoussaye parvint à se rétablir. Il déclara que l'erreur lui
était imputable et qu'aucune substitution criminelle n'avait eu
lieu.
Un procès avait été engagé. Il vient de prendre fin par un arrêt
de la cour d'appel qui condamne M. Lahoussaye à verser une somme
de 15.000 francs à M. Gouget, mari de la victime, et une somme
égale à chacun de ses trois enfants.. |