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				complète des portraits de tous les souverains de l'Europe et des 
				hommes illustres modernes avec texte biographique de leur vie 
				civile, politique et militaire...M. Meyer
 Paris - Ed. 1818-1824
 REGNIER,DUC DE MASSA CARRARA
 Les talens et les vertus nous 
				arrachent toujours a l'obscurité, et la magistrature peut aussi 
				conduire à la gloire ; les Molé, les d'Aguesseau, les l'Hôpital, 
				en sont la preuve : ils doivent moins leur illustration la 
				naissance qu'à la manière dont ils exercèrent leurs fonctions 
				dans des temps difficiles, à l'époque des troubles et des 
				guerres civiles qui désolèrent la France. Ces époques sont pour 
				des magistrats ce qu'un revers ou une retraite sont pour un 
				général. C'est dans les circonstances difficiles que se 
				développent et brillent le courage la fermeté, et le génie.
 REGNIER. (CLAUDE-AMBROISE), duc de Massa-Carrara, député aux 
				états-généraux, membre du conseil des anciens, conseiller-d'état, 
				grand-juge ministre de la justice, grand-cordon de la Légion 
				d'Honneur, né a Blamont, départem. de la Meurthe, le 6 avril 
				1746.
 Il exerçait la profession d'avocat à Nanci à l'époque de la 
				révolution, dont il embrassa la cause, et fut élu, en 1789, 
				député du bailliage de cette ville aux états-généraux. Il 
				s'occupa beaucoup dans les comités d'administration et de 
				judicature; se montra peu à la tribune, quoique doué de toutes 
				les qualités nécessaires pour y paraître avec avantage; mais 
				dans différentes séances des comités il s'opposa fortement à des 
				innovations qui lui paraissaient contraires aux principes qui 
				doivent guider des législateurs et des juges chargés de 
				prononcer dans des causes qui peuvent intéresser la vie, la 
				fortune et la réputation des citoyens.
 Lors de l'insurrection qui eut lieu a Nanci en 1790, il défendit 
				la municipalité contre les reproches que lui faisait le parti 
				dominant; il donna des éloges à la conduite de M. de Bouillé, et 
				fut envoyé dans les départemens des Vosges et du Rhin pour y 
				calmer l'effervescence causée par les évènemens du 20 juin 1791.
 Pendant le règne de la terreur il vécut dans la retraite, et ne 
				prit aucune part à tout ce qui se passa en France : ne pouvant 
				rien pour calmer les maux qui affligeaient la patrie, il 
				gémissait en silence, et versait des larmes sur la tombe des 
				malheureuses victimes de ces temps désastreux.
 Il fut nommé, en 1795, député du département de la Meurthe au 
				Conseil des Anciens, et s'opposa à diverses mesures qui lui 
				semblaient en opposition avec la dignité du conseil dont il 
				faisait partie. II en fut successivement secrétaire et 
				président, et y fut réélu en 1799, époque à laquelle il devait 
				en sortir. Il se prononça ensuite contre la faction qui 
				troublait, par son effervescence et ses excès, la tranquillité 
				publique, et appuya ceux qui partageaient son opinion. A 
				l'époque du 18 brumaire, étant lié avec tous ceux qui voulaient 
				changer la face du gouvernement et renverser le directoire, dont 
				l'inhabileté pouvait compromettre la sûreté de l'état, il se 
				réunit, le 7 novembre, chez le président du conseil des anciens, 
				pour y arrêter les mesures définitives et les moyens d'assurer 
				le succès du projet et du décret qui transférait les conseils à 
				Saint-Cloud.
 Nommé alors président de la commission intermédiaire, il entra 
				au Conseil d'Etat, section des finances, après l'organisation de 
				la nouvelle constitution.
 Il réunit, le 15 septembre 1802 sous la dénomination de 
				grand-juge, les deux ministères de la justice et de la police 
				générale ; mais, en 1804, il resta seulement chargé du 
				portefeuille de la justice, et conserva le titre de grand-juge. 
				Il fut ensuite nommé grand-officier de la Légion-d'Honneur, puis 
				décoré du cordon rouge le 1er février 1805, et enfin créé duc de 
				Massa-Carrara.
 Il conserva le ministère de la justice jusqu'en novembre 1813, 
				que Bonaparte, voulant avoir pour président du Corps Législatif 
				un homme qui joigne au dévouement des connaissances en 
				législation, jeta les yeux sur lui pour cette place. Il le nomma 
				d'abord ministre d'Etat, puis, deux jours après, président, du 
				Corps Législatif; mais les députés ne lui firent pas l'accueil 
				auquel il devait s'attendre.
 La dislocation de cette autorité au 31 décembre 1815, fut le 
				terme de ses dignités; il cessa d'être titulaire du ministère et 
				de la présidence du corps législatif. A l'époque du 8 avril 
				1814, lorsque le gouvernement provisoire s'établit, il ne fut 
				appelé à aucune fonction.
 Sa santé, affaiblie depuis quelque temps, ne lui laissait plus 
				assez de forces pour supporter une maladie violente dont il fut 
				attaqué, et il y succomba le 24 juin 1814.
 Il emporta dans la tombe les regrets de sa famille, dont il 
				était tendrement aimé, et de ses nombreux amis, qu'il 
				accueillait toujours avec bienveillance. Les grandeurs et les 
				dignités dont il fut revêtu n'avaient rien changé à son 
				caractère ; il jouissait des faveurs de la fortune sans faste et 
				sans orgueil ; et dans l'exercice de ses fonctions il sut 
				toujours concilier l'humanité avec ses devoirs. Ses enfans, 
				héritiers de ses qualités, se sont distingués sous ses auspices 
				dans la carrière administrative. Son fils a successivement 
				rempli les fonctions d'auditeur au Conseil d'Etat, et de préfet 
				connu maintenant sous le titre de duc de Massa, il a mérité 
				d'obtenir la main de la fille d'un de nos premiers capitaines, 
				et de s'allier avec le maréchal duc de Tarente, dont le nom est 
				cité avec distinction dans les fastes de l'honneur et de la 
				gloire.
 L. GUYON, officier 
				d'infanterie.
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