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Pages de guerre écrites au jour le jour - 1914


Pages de guerre écrites au jour le jour
Ed. Imprimerie Lorraine - Nancy
[N'ont pas été repris ici les seuls communiqués officiels]

Août 1914

Le vendredi 7 août, une forte patrouille allemande s'avance jusqu'à Igney-Avricourt et fait un prisonnier qui est consigné chez un habitant nommé Gadel.
Quelques instants après, les Allemands constatent la disparition du prisonnier ; ils se vengent sur M. Gadel, en le fusillant immédiatement. Ils arrêtent également et emmènent un autre habitant d'Igney.


Octobre 1914

DANS LES DÉPARTEMENTS LORRAINS
[...]
Le Daily Mail reproduit un article du Times, daté de Nancy, 10 octobre, qui montre l'énergie avec laquelle on combat en Lorraine.
Blâmont est toujours plus ou moins entre les mains de l'ennemi, plus que la forêt de Vitrimont, qui se trouve occupée par les six uhlans qui errent toujours, suppose-t-on, dans ses profondeurs, et moins que Maubeuge ou Cirey. Cette occupation est intermittente.
Chaque jour, les Allemands envoient une patrouille et lancent quelques obus dans la ville, simplement pour la rendre inhabitable en tant que résidence permanente pour les Français ; ceux-ci, de leur côté, y envoient aussi occasionnellement des patrouilles, pour voir à quoi s'occupent les Allemands.
Ce fut d'un terrain non boisé, au sud de cette ville, qui commande Domèvre, et aussi de la ville elle-même, que l'artillerie allemande bombarda Badonviller.
Du côté français de la ville, on peut voir qu'elle a été le centre de combats continuels depuis le commencement de la guerre. L'église et le cimetière ont particulièrement souffert du bombardement ; le clocher et le toit n'existent plus et les quatre murs sont tout ce qui reste. Une statue de Jeanne d'Arc, avec un bras cassé à l'épaule, se dresse toujours sur son piédestal.
L'autre côté de la ville est comparativement en bon état.
Il est assez curieux de noter ce fait que le bombardement, par les Allemands, eut lieu lorsque leurs troupes se trouvaient dans la ville. On leur ordonna simplement de se tenir en dehors de la zone dangereuse, en l'occurrence le côté français.


Novembre 1914

Le Livre d'Or du Dévouement
A L'ÉCOLE
Voici les noms des instituteurs pris comme otages et emmenés en captivité :
MM. [...] GRANDCLAUDE, de Leintrey ;


Novembre 1914

Morts au Champ d'honneur
Le capitaine Houillon, instructeur à Saint-Cyr, détaché au 226e d'infanterie, originaire de Verdenal, canton de Blâmont, a été tué le 1er septembre, à la tête de sa compagnie, et a été inhumé au cimetière de Crévic. Dix jours auparavant, il avait été atteint d'une balle près de l'épine dorsale, mais avait voulu, malgré cela, rester sur le front.


Novembre 1914

Ogéviller. - La commune a été occupée pendant dix-huit jours. Pas de victimes. Les dégâts matériels, en dehors des actes de pillage, se réduisent à deux maisons endommagées par les obus. Le ravitaillement de la commune se fait avec quelques difficultés. La rentrée des classes n'a pas encore eu lieu.
[...]
Voici un crime de plus à ajouter à la longue liste des sanglants méfaits allemands en Lorraine.
La scène se passe à Emberménil, a été racontée à Nancy par d'honorables habitants du canton de Blâmont, et a été publiée par les journaux :
L'autre jour, un détachement allemand faisait irruption dans Emberménil ; un officier, avisant une femme, lui demandait si elle savait où étaient les Français ?
La femme répondit qu'elle l'ignorait et rentra chez elle.
Or, presque au même moment, des fantassins français, arrivés par l'autre bout du village, ouvraient un feu nourri sur les Allemands, qui perdaient plus de 200 hommes.
Le lendemain même du combat, les Français ayant quitté le village, une patrouille allemande y entrait.
Celui qui la commandait dirigea tout droit ses hommes vers l'habitation de la femme qui avait refusé de renseigner l'ennemi la veille, et la faisait immédiatement fusiller.
Pour corser la vengeance, on joignait à la pauvre mère, son fils, âgé de 17 ans, qui tombait avec elle sous les balles prussiennes.
Ce bel exploit accompli, les Allemands s'en retournèrent.
[...]
Un Héros de quinze ans
A Paris, au cours du défilé des sociétés de préparation militaire, dans la cour d'honneur de Fontenoy, le général Galliéni remarqua un jeune homme, un gamin presque, qui portait avec une crânerie superbe le sombre uniforme des chasseurs à pied.
- C'est un jeune héros, lui dit-on.
Vous me le présenterez tout à l'heure, dit le gouverneur de Paris.
On l'amena au général, en effet, après le défilé et, timidement, il conta son histoire :
Emile Bigarré a quinze ans et demi. Il est né à Blâmont (Meurthe-et-Moselle) et a perdu, dans. l'effroyable guerre, ses Parents, réfugiés il ne sait où.
Ce blondinet, aux clairs regards bleus, ce petit gars intelligent, plus doux et plus timide qu'une fille, s'est battu comme un lionceau. Blessé à la jambe droite, au coude et à la main gauches, il refusait de quitter les soldats du 7e bataillon, qui l'avaient recueilli, consolé, habillé, armé. Il fallut, à Rosières, où il reçut sa dernière blessure, qu'on lui donnât l'ordre formel de se retirer pour qu'il consentît à se laisser panser.
A ce jeune héros, le général Galliéni sut dire, en quelques mots son estime.
- Mon enfant, lui dit-il, tu as porté avec honneur l'uniforme des chasseurs à pied. Tu as fait dignement figure dans leurs rangs. Donne-moi la main. Tu es un brave !
Et le gouverneur de Paris, ayant décerné ce magnifique brevet d'honneur au petit chasseur à pied, remonta dans sa voiture non sans dire au général Vérand, qui l'accompagnait :
- Il est de ces enfants qui donnent des leçons à bien des hommes !


30 novembre 1914

DANS LES DÉPARTEMENTS LORRAINS
Ceux qu'ils font évacuer
De nouveaux réfugiés de Val-et-Châtillon et de Petitmont ont encore été amenés à Nancy et installés à la caserne Molitor, devenue un grand village lorrain.
Les réfugiés ont été tous expulsés de ces villages par les Allemands, qui y séjournent depuis plus de trois mois.
Le motif de ces expulsions en masse est que nos ennemis ont établi dans le canton de Cirey un immense camp retranché. Celui-ci s'étend jusqu'à Sarrebourg, ville enlevée à la France en 1870.
Dans cette région, les ennemis procèdent actuellement à des travaux de fortifications d'une importance extrême.
C'est ainsi qu'ils ont placé de nombreuses mines, creusé et bétonné des tranchées, établi dans les bois environnants des batteries des mieux dissimulées.
Les Allemands, en chassant les habitants de Val-et-Châtillon et de Petitmont de leurs communes, ont gardé comme prisonniers les hommes valides qui ne sont pas incorporés par les Français.
On dit aussi que les habitants de Cirey-sur-Vezouze et de Blâmont auraient été expulsés de leurs habitations par les Allemands. Et on les aurait emmenés à Sarrebourg, distante de 21 kilomètres, où ils resteraient internés.
Dans tous les environs de Cirey, les Allemands ont pratiqué des travaux défensifs énormes. Les mines, les blockhauss, les batteries dissimulées dans les bois, rien ne manque pour empêcher le passage, que nos troupes pourraient tenter.
L'internement des habitants de Cirey, à Sarrebourg, a sans doute pour seul motif de les empêcher de causer.


Décembre 1914

Le Livre d'Or du Dévouement
A L'ÉCOLE
4e LISTE
[...]
Instituteurs blessés
MM. [...] COLETTE, instituteur à Gogney ;


Décembre 1914

Les Allemands à Blâmont
Les journaux ont publié sur l'occupation allemande à Blâmont divers renseignements ; le Bulletin de Meurthe-et-Moselle en a publié d'autres.
Ces récits, souvent différents, ont été remis au point par un honorable témoin qui nous dit :
«  Les Allemands tirent les habitants de leurs lits et leur font passer la nuit dehors. La maison du docteur Obéliane a été la première pillée : les meubles du salon furent sortis au milieu de la rue, sous une pluie battante, et les Allemands se vautrèrent sur les fauteuils.
«  Une jeune fille, Mlle Aline Cuny, de l'Hôtel de Paris, était dans un champ avec sa famille. Voyant arriver les uhlans, elle se cache dans un fossé ; mais, aperçue par un cavalier ennemi, elle est traitée d'espionne et, immédiatement, sans autre forme de procès, mise en joue. Elle étend les bras en disant : «  Ne me tuez pas ! » Mais, sans écouter sa lamentable prière, la brute l'étend d'un coup tiré à bout portant.
«  Dans la journée, le commandant des troupes allemandes avait affiché un ordre d'après lequel toutes les fenêtres devaient être illuminées. A 8 heures, cinq gendarmes parcourent les rues pour s'assurer que l'ordre a été exécuté.
«  M. Ch. Barthélémy, ancien maire, ancien conseiller général, âgé de 85 ans, s'aperçoit à ce moment qu'une des fenêtres de la façade du premier étage de sa maison est restée fermée ; il arrive pour l'ouvrir, mais il est au même instant fusillé. Une douzaine de Bavarois, sous le commandement d'un officier, pénètrent alors dans la maison, insultent grossièrement le cadavre, menacent de fusiller l'entourage et se livrent ensuite à un pillage en règle.
«  Cette même nuit, les bandes d'Allemands tuèrent M. Louis Foil, propriétaire de l'Hôtel du Commerce.
«  M. Colin, professeur au Lycée Louis-le-Grand, qui était en vacances, fut tiré de son lit, traîné sur la place, où il fut obligé d'assister à la mise à sac de sa maison. Puis, toujours sans vêtements, il fut emmené dans l'église du village voisin de Gogney.
«  Ce fut ce que les habitants de Blâmont appellent la nuit terrible.
«  Le lendemain, une vingtaine de notables étaient pris comme otages et emmenés en Allemagne, où certains d'entre eux reconnurent dans des hôtels leurs plus beaux meubles que les propriétaires allemands montraient avec orgueil à leurs compatriotes comme des produits des victoires allemandes. »


Décembre 1914

DANS LES DÉPARTEMENTS LORRAINS
Les Otages qui reviennent
Mardi, 22 décembre, à 5 heures du soir, MM. Auguste Maire, maire d'Arracourt ; Joseph Bourdon, de Laneuveville-aux-Bois; Jules Antoine, d'Arracourt ; Dime, adjoint d'Emberménil ; Dumont, Camille Bontemps, de Bey ; Florentin, d'Arraye-et-Han ; Moitrier, de Pont-à-Mousson ; Hottier, maire d'Homécourt, qui, depuis le début de la guerre, étaient prisonniers des Allemands et internés à la citadelle d'Ehrenbreitsteim, près de Coblentz, sont arrivés à Nancy, après un long et fatigant voyage.
Ces neuf Français furent ramenés de leur lieu d'internement à Dieuze. Ils furent dirigés vers la Suisse, qu'ils durent traverser avant de rentrer en France.
Aux quelques personnes avec lesquelles ils se sont entretenus, ils ont déclaré que, pendant quelque temps, il y eut plus de trois cents Français internés à Ehrenbreitstein. Parmi eux se trouvaient de nombreux Lorrains des pays annexés, dont les deux frères Samain.
Peu à peu, les Allemands délivrèrent une partie des internés ; au moment du départ de nos compatriotes, à peine cent Français étaient encore dans la forteresse.


Décembre 1914

Chez les Réfugiés de Molitor
Il n'est peut-être pas, parmi toutes les oeuvres de solidarité sociale organisées à l'occasion de la guerre, une plus belle et plus utile création que celle de l'hospitalisation des réfugiés.
Les uns ont été brutalement chassés de leur foyer par la barbarie de l'envahisseur : avant de quitter leur chère maison, ils ont eu l'atroce vision de l'incendie volontairement allumé et qui dévastait jusqu'aux plus émouvants souvenirs ; pour tout bagage, ils ont pu emporter un maigre paquet de vêtements ou de linge.
Les autres ont été, par mesure militaire, éloignés de leur village situé au centre même des opérations.
Et ce fut ensuite pour les uns et pour les autres le lamentable pèlerinage, sur les routes sales ; les femmes et les petits enfants, harassés de fatigue ; l'arrivée à Nancy où la curiosité se fit parfois indiscrète à l'égard de certaines infortunes ; la halte sur la place Stanislas, devant l'hôtel de ville ; le premier repos à l'Asile de nuit.
Il fallait trouver les moyens de mettre à l'abri tous ces pauvres gens, leur fournir la nourriture.
Le Comité, que préside M. Jambois, et dont M. Georges Garnier est le dévoué secrétaire, s'est mis courageusement à l'oeuvre, recueillant des ressources, mettant des locaux suffisants à la disposition des réfugiés.
Mais en dépit de toute la bonne volonté déployée par ses membres, le Comité ne pouvait s'astreindre à la besogne constante de surveillance et d'organisation.
C'est pourquoi, après entente avec les autorités, préfectorale et municipale, une administration a été organisée à Molitor même, dans les bâtiments consacrés aux réfugiés, sous la direction de M. Eugène Schmidt.
Rien n'est plus intéressant qu'une visite parmi tout ce monde venu de tous les points de la frontière et qui forme à l'heure actuelle une agglomération de trois mille âmes.
Si la discipline est nécessaire, elle doit cependant se pratiquer avec beaucoup d'égards envers des gens dont tout le crime consiste à avoir habité des régions envahies.
D'autre part, il était nécessaire, tout en leur donnant un confort relatif, de ne point gaspiller les finances nationales, mises à une si dure épreuve en ces circonstances.
Par son activité, par sa bienveillance et son autorité, M. Eugène Schmidt a su, avec l'aide de ses collaborateurs, résoudre tous ces délicats problèmes.
Les chambrées sont spacieuses, bien chauffées, tenues très proprement.
Réunies autour du poêle, les réfugiées de nos villages lorrains tricotent pour nos soldats des chaussettes, dont elles touchent le prix de la façon.
Ailleurs, dans une salle de mess, convertie en ouvroir, on confectionne des sacs pour le génie.
L'alimentation constitue une partie très importante ; les cuisinières chargées dans chaque bâtiment de confectionner les repas s'ingénient à fournir une nourriture agréable et substantielle.
La soupe, qui cuisait dans une grande marmite et que nous avons goûtée, n'était point détestable, au contraire. Elle fleurait bon le chou et la pomme de terre.
Dans le gymnase, a été édifiée une chapelle ; un autel modeste, mais élégant, entouré de drapeaux tricolores, permet ainsi aux croyants d'accomplir les rites de leur religion.
M. le curé de Frémonville, un évacué lui aussi, remplit avec zèle et dévouement les fonctions d'aumônier.
L'infirmerie fonctionne à la satisfaction générale, sous la direction de Mme Finance.
Mais il n'y a pas que des adultes à Molitor. Il y a, tout un peuple d'enfants, plus de 850. Il a fallu penser à eux.
Pour les plus petits, une distribution de lait est effectuée tous les jours à, heure fixe.
Pour ceux qui sont plus grands, on a songé à leur donner l'instruction qui, selon le mot de Danton, «  est le pain du peuple. »
Neuf classes ont été aménagées dans lesquelles instituteurs et institutrices distribuent l'enseignement et s'efforcent, dans le délassement de l'étude, de faire oublier aux enfants les misères de leur existence présente.
A l'occasion même, grâce à des générosités particulières, les enfants sont conviés à des spectacles récréatifs : c'est ainsi que, l'autre semaine, ils ont été conduits au cinéma, de la Salle Déglin.
Mais immense est le labeur du personnel qui a charge de la surveillance de tous ces services et de l'administration.
Parmi ceux qui se sont, avec le plus grand dévouement, mis à la tâche, on nous permettra de citer, dans la surveillance générale ; Mme Archimbaud, Mlle Thiriet, M. Petitdidier, et, dans l'administration, M. Beaurieux.
Ce n'est point, en effet, une petite affaire que d'établir tout d'abord un recensement rigoureusement exact, de veiller à la méticuleuse observation des règles nécessaires, d'écouter les plaintes justifiées des uns, les observations sans objet des autres, etc., etc.
A cette besogne multiple, M. Eugène Schmidt a donné tout son coeur.
Les pauvres gens réfugiés à Nancy se souviendront sans doute toujours avec émotion de l'hospitalité qui leur a été accordée et ils peuvent être persuadés que si nous avons un regret, c'est celui de ne pouvoir faire encore davantage pour leur faire oublier les malheureux jours qu'ils ont vécus.
J. L.

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