L'AFFAIRE DREYFUS.
UNE ENQUÊTE EN .ALSACE
En même temps qu'il acceptait, vendredi, l'article paru samedi
matin ici même, sous la signature de M. Maurice Peyrot, notre
directeur, M. Fernand Xau, me chargeait de me rendre en Alsace,
de contrôler l'exactitude des allégations de M. Peyrot,
relativement au rôle prêté par celui-ci à M. Scheurer-Kestner
dans affaire Dreyfus, aux accointances allemandes qu'aurait
eues, qu'aurait encore le vice-président du Sénat. L'Alsace et
plus particulièrement Thann étant désignés comme le centre de
l'agitation nouvelle, comme le centre de de l'enquête à laquelle
s'était livré M. Scheurer-Kestner avant que d'en arriver aux
conclusions que l'on sait, j'étais, en outre, prié de faire, en
ces régions, à mon tour, une enquête sur le fond même de
l'affaire Dreyfus.
On verra par ce qui va suivre que la bonne foi du Journal a été
surprise en ce qui concerne certaines personnalités mises en
cause par M. Peyrot. Il y aurait mauvaise grâce à ne le point
reconnaître.
Ceci bien établi, arrivons au récit de mon excursion en Alsace.-
J. R.
1
Samedi, quatre heures du matin. Nous sommes à Deutsch-Avricourt.
Une belle heure d'arrêt et changement de train. Visite des
bagages. Un sous-officier de police, à la face rougeaude et
joufflue, se tient à l'entrée du buffet : « Comment vous
appelez-vous? Que faites-vous? Où êtes-vous né? Où allez-vous? »
Quatre questions auxquelles il faut répondre ; puis, passage au
buffet, où sont étalées toutes les contrefaçons possibles de nos
produits français. Je note, par exemple, un champagne Roederer,
fabrication de Metz. Afin de forcer la consommation, on a fermé
les portes des salles d'attente, qui, d'ailleurs, ne sont ni
chauffées, ni éclairées. Le procédé est simple et pratique. Avis
aux buffets dans la détresse.
Sept heures. Arrivée à STRASBOURG [...]
A LA FRONTIÈRE
NANCY (par dépêche de notre envoyé spécial). - Jamais, depuis le
commencement de la crise, la population n'avait été aussi
nerveuse qu'aujourd'hui.
Depuis le matin, la foule fait queue à la porte des banques et
de la caisse d'épargne ; on a dû établir des services d'ordre.
En ville, il est absolument impossible de trouver de la monnaie
: la poste, les chemins de fer et les commerçants n'acceptent
plus les billets de banque ; il faut aller les échanger à la
Banque de France, d'où une énorme perturbation dans les
affaires.
Depuis ce matin, une grande animation règne à la gare, par suite
de la rentrée en masse des permissionnaires de moissons, qui ont
été rappelés. Toute la journée, les trains en ont amené à Nancy
et à Lunéville.
A Avricourt
J'ai été, cet après-midi, à Avricourt : on m'avait représenté le
passage de la frontière comme devenu très difficile, en raison
de la surveillance exercée par la police allemande. Or, j'ai
passé la frontière, à pied d'abord, par la route, et j'ai fait
un kilomètre en territoire allemand, après quoi je suis revenu
par le train ; ni à l'aller ni au retour, personne ne m'a rien
dit ni rien demandé. Il n'y a donc aucune surveillance, ni sur
les routes ni sur les voies ferrées.
Les mesures de surveillance
On m'a cependant assuré que, la nuit dernière, des patrouilles
de uhlans et de chevau-légers s'étaient approchées jusqu'aux
poteaux-frontière, dans la région d'Avricourt. D'ailleurs, des
soldats en tenue de campagne occupent les positions très
avancées, alors que leurs casernements se avancées, à 18
kilomètres en arrière, c'est à-dire à Dieuze et à Sarrebourg.
Dans cette ville-là une grande activité règne. On transporte
d'une façon générale beaucoup de matériel dans les casernes,
ainsi que des approvisionnements de toute sorte.
Du côté de la France, les ouvrages d'art sur les voies ferrées
sont gardés par des sentinelles.
A la dernière minute, on m'apprend que les troupes françaises
vont, comme les troupes allemandes, garder la frontière. Des
patrouilles de cavalerie de la garnison de Lunéville sont
parties dans ce but.
A propos de la Woëvre
BULLETIN DES ARMÉES:
Voilà un nom qui revient constamment dans les communiqués.
Comment doit-on le prononcer ? Voèvre ou Voivre ? Les gens du
pays, les seuls qu'il convienne d'écouler, vous répondront que
Woëvre se prononce Oivre, comme Wallon se prononce Ouallon, et
Longwy Lon-ouy. Woëvre est un- nom de lieu d'origine celtique,
non germanique. « Essayez, écrit un Lorrain à M. Ardouin-Dumazet,
essayez de le faire dire par un Boche, il n'y parviendra jamais
: le son oi n'existe pas pour leur gosier. »
Ce même correspondant indique, à propos du signal de Xon, que,
dans les noms lorrains, x avait coutume, il n'y a pas longtemps,
de se prononcer ch. « Nous disions : Chousse et non Xousse ;
nous grimpions de Nancy au champ de tir de Lachou et non Laxou,
et de là., nous descendions boire une choppe de Machéville (à
Maxéville). De même, lorsque j'étudiais à Pont-à-Mousson, nos
promenades nous conduisirent plus d'une fois jusqu'au belvédère
du signal de Chon, d'où nous contemplions la silhouette bleue de
Metz la regrettée, et écoutions tinter la Mutte, dont le son
nous était un gIas-.
« La Mutte sonnera bientôt la victoire ! »
Ajoutons, en quittant la Lorraine pour l'Argonne, que
Sainte-Menehould, dont il a été question bien souvent aussi, se
prononce d'une façon extrêmement simple. L'h, t, le d, tout cela
disparaît, et il ne reste plus que Sainte-Menou.
Puisque nous y sommes et que nous faisons les pédants,
signalons. en outre, que :
Vailly-sur-Aisne doit se prononcer : Vély, Ostel - Otel. Vregny
- Vreugny, Braisne -
Braine, l'Aisne, rivière et département - l'Aine, la Vesle
rivière - la Vêle, Laon, chef-lieu -
Lan, le Lannois ; Craonne Cranne, Craonnelle - Cranelle, Guise -
Guhise, Montmirail, bourg
de la Marne limitrophe de l'Aisne - Montmirel.
Hommage aux morts et aux populations de
Meurthe-et-Moselle
NANCY, 24 août (dép. part.). - A la séance d'ouverture du
conseil général, présidée par l'ancien ministre des colonies, M.
Lebrun, le préfet, M. Mirman, a rendu hommage aux maires de
Meurthe-et-Moselle, dont le courage et le dévouement furent
héroïques.
A son tour, M. Lebrun, dans un langage ému, a salué la mémoire
de MM. Ferri de Ludre, député de Nancy, et de Klopstein,
conseiller général de Blamont, ce dernier frappé à mort au cours
d'un combat contre les Allemands, dans les rues de sa petite
ville. Il a aussi rendu hommage à tous ceux qui sont tombés pour
la défense du territoire et, en terminant, il a envoyé son salut
aux femmes françaises qui accomplissent stoïquement leur devoir,
ainsi qu'aux populations qui poursuivent leur labeur. quotidien
jusque sur la ligne de bataille.
Les Allemands pillent et incendient dans
leur retraite
[DÉPÊCHE DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]
CHATEAU-SALINS, 18 novembre. - On vous a déjà conté l'émouvante
arrivée de la division marocaine à Château-Salins.
Nous avons rencontré là les premiers témoins qui aient été-en
contact avec l'armée allemande et qui puissent nous renseigner.
Sans doute, on s'est peu battu dans cette région depuis 1914 ;
mais les habitants ont vu les divisions au repos, à plusieurs
reprises, en prévision d'une attaque française. Il y a eu des
accumulations de troupes dans la région. Ces attaques n'ont pas
eu lieu où les Allemands se préparaient à les recevoir,
probablement, comme en 1914, sur les hauteurs de Morhange.
En tout cas, leur première position sur la Loutre noire n'était
pas capable d'une résistance sérieuse aux procédés d'attaques
modernes. Elle consiste en trois tranchées successives, taillées
dans une argile qu'il a fallu consolider par des clayonnages.
Les abris de mitrailleuses sont bétonnés et ressemblent à des
dés enterrés dans la campagne. Les réseaux sont relativement
minces. Tout cela n'eût certainement pas arrêté des chars
d'assaut. Aussi, les Allemands avaient-ils renforcé la position
par des champs de mines.
Tous les témoignages nous représentent les Allemands sûrs de la
victoire, au printemps de 1918, quand ils ont commencé le
gigantesque effort destiné à séparer les Français des Anglais.
Les Lorrains n'ont aucun doute sur la réalité de ce plan, qui a
été si discuté en France, et il est probable que les Allemands
ne s'en cachaient pas.
Je demande à quel moment cet espoir s'est évanoui et quand de
découragement a commencé. On nie répond que c'est au mois
d'août. Il est probable qu'ils ont compris l'imminence du
désastre après la bataille du 8 août, quand ils ont été rejetés
sur la ligne Hindenburg. Depuis lors, ils ont été de déception
en déception.
Le 2 septembre, la ligne Hindenburg était crevée à Quéant et Je
26 commençait la bataille générale qui a achevé la guerre.
Mais l'évolution n'a pas été aussi rapide qu'il semblerait par
ces dates. En fait, dès la fin de 1916, leur moral déclinait. A
la fin, ils manquaient réellement de tout.
Les habitants ont été stupéfaits de la bonne mine de nos soldats
comparés aux troupes hâves et médiocrement vêtues dont ils
avaient l'habitude.
Les Allemands ont d'ailleurs à leur ordinaire été odieux
jusqu'au dernier moment.
Les habitants les accusent d'avoir fait massacrer
systématiquement les Lorrains. Il y a des cas de pillage et de
vol nettement constatés, qui sont justiciables des tribunaux.
Quant aux vexations, elles sont abominables. Je ne citerai qu'un
fait pour son raffinement.
Il y avait, à Blamont, une vieille femme qui se mourait. Elle
demande un prêtre. Les Allemands lui amenèrent le curé de
Château-Salins, la nuit, à cheval, et les yeux bandés.
L'officier qui l'accompagnait exigea un texte pour suivre la
messe des morts, afin de s'assurer que le prêtre ne changeait
rien au texte, sans doute, et n'introduisait pas de
renseignements militaires dans le Dies irae, ni des paroles
séditieuses dans le De Profundis. Cela n'est que ridicule; ce
qui est plus grave, c'est que, en se retirant, ils laissent des
patrouilles, lesquelles fouillent le pays, brûlent les villages
qu'elles trouvent pavoisés.
Ainsi, la race haïssable aura été digne d'elle-même jusqu'au
bout.
HENRY BIDOU
GRAVE COLLISION
de trains près de Lunéville
Trois soldats d'un convoi militaire sont tués; vingt-quatre
blessés
NANCY, 29 juin. - Un très grave accident de chemin de fer s'est
produit dans la matinée, à 8 h. 30, en gare de Marainviller.
La nouvelle fut transmise par dépêche à Nancy vers midi dans les
termes suivants :
« Ce matin, le train RY 3, transportant des militaires de la
Classe 19, a été tamponné par le train de marchandises M 27, en
gare de Marainviller. Jusqu'à présent on compte trois morts, et
vingt-quatre blessés. »
Nous nous sommes immédiatement rendu sur les lieux et nous avons
pu obtenir les précisions suivantes. Un train spécial, qui
contenait environ un millier de soldats de la classe 19
appartenant à la treizième région et faisant partie des
formations des 151e et 154e régiments d'infanterie, a été pris
en écharpe par un train de marchandises qui faisait une manoeuvre
de garage.
Ce train venait de Holigs, près de Dusseldorf, et était sur la
ligne de Strasbourg à Nancy, entre Lunéville et Avricourt. Les
militaires qui occupaient ce train rejoignaient le dépôt de
leurs régiments pour être démobilisés.
Un témoin de l'accident a retracé en ces termes les causes de la
catastrophe.
« Le rapide de Strasbourg, qui doit arriver à Lunéville à 8 h.
15, venait de passer en gare de Marainviller quand, un peu plus
tard, lui succédait un train spécial de soldats. A ce moment
débouchait d'une voie transversale le train de marchandises. Les
disques étaient restés ouverts et lorsque le mécanicien du train
tamponneur s'aperçut de l'imminence du danger il était trop tard
pour qu'il bloquât les freins. Dans un fracas terrible la
locomotive du train spécial éventra un wagon du train de
marchandises, qui, continuant sa marche, provoqua la rupture des
attelages de sept ou huit autres wagons, qui sortirent des rails
et tombèrent sur le talus.
» Après avoir parcouru une centaine de mètres, la locomotive
s'arrêta et la première voiture du convoi se renversa sur la
voie.
» Pendant un instant, il y eut un affolement indescriptible. De
toutes les voitures intactes, les soldats du train spécial
descendaient au secours de leurs camarades blessés. Mais déjà,
on relevait des morts. En effet, sous les débris de la voiture
on trouvait les cadavres horriblement mutilés de deux soldats.
Quelques instants après, un sergent qui avait les deux jambes
coupées et portait de très graves blessures au ventre était
retiré des débris, mais lorsqu'il arriva à la salle d'attente de
la gare, où on transportait les blessés, il expira. »
Vingt-quatre blessés furent retirés des décombres. Plusieurs
d'entre eux sont en danger de mort.
Il parait résulter d'une première enquête que l'accident est dû
à un oubli regrettable de l'aiguilleur Magnier, qui pendant le
passage du rapide avait bien fermé la voie, mais aussitôt après
son passage l'avait rendue libre, bien qu'il ait été prévenu par
une note écrite du passage du train spécial qui le suivait. Cet
employé. dont le désespoir est très grand, a jusqu'à présent été
toujours bien noté par ses chefs.
A l'hôpital Saint-Jacques, à Lunéville, le docteur Bichat était
occupé à procéder aux opérations. Il fit notamment une
amputation d'un bras et d'une jambe.
DEPARTEMENTS. - Demain sera inauguré le
village, totalement reconstruit, d'Ancerviller
(Meurthe-et-Moselle; et la croix de guerre lui sera attribuée.
DEPARTEMENTS. - Mgr Cerretti, nonce
apostolique, arrivé à Ancerviller, petite commune dont on
célébrait la résurrection, a présidé à la consécration de la
nouvelle église.
Condamnation à mort, par contumace, d'un
officier allemand
20 NANCY, 2 août. - Le conseil de guerre de la 20e région avait
à connaître aujourd'hui des crimes commis, en août 1914, par le
capitaine Kunz, de la 19, division allemande de réserve.
Kunz est maire de Zittau, petite ville de Saxe.
On lui reproche d'avoir volé plusieurs milliers de francs au
curé de Blamont, l'abbé Dupré, à sa servante, Mlle Gaillot, et
au sacristain, M. Koster. Mlle Barbier et M. Martin, dans la
même localité, furent dépouillés de tout leur avoir avant leur
envoi dans un camp de concentration.
L'officier allemand est condamné par contumace à la peine de
mort. - (Journal.)
Un prêtre assassiné dans le train de
Gérardmer
ON ARRÊTE LE MEURTRIER
SAINT-DIÉ, 28 septembre. - Un drame sanglant s'est déroulé ce
matin dans le train allant de Gérardmer à Saint-Dié.
Dans un compartiment du train 1818, de Gérardmer, qui arrive à
Saint-Dié à 6 h. 40, on trouva dans un compartiment de troisième
classe le cadavre d'un prêtre.
L'enquête, rapidement menée, ne tarda pas à établir qu'il
s'agissait d'un crime et que la victime était l'abbé Hans, curé
de Repaix, près de Blamont (Meurthe-et-Moselle). L'abbé Hans, né
en 1871 à Wolxheim, dans le Bas-Rhin, était curé de Repaix
depuis 1896. Il avait été mobilisé et avait fait la guerre.
L'abbé Hans revenait de Gérardmer où il était allé passer
plusieurs jours chez son frère, industriel dans cette dernière
ville. Il avait été tué d'une balle à la tête qui avait traversé
la région frontale de part en part.
Aussitôt, la nouvelle se répandait à Saint-Dié comme une traînée
de poudre.
On apprenait, par des voyageurs, qu'entre Saulcy-sur-Meurthe et
Saint-Léonard, on avait vu un jeune homme sauter du train en
marche et s'élancer dans les champs.
On suivit cette piste imprécise et on ne tardait pas à arrêter
un jeune homme dont les vêtements tachés de sang avaient attiré
sur lui l'attention. C'est un nommé Jules Demangel, fils d'une
honorable famille de Saint-Dié. Il a fait l'objet d'un
interrogatoire très serré. Niant tout d'abord, il finit par
entrer dans la voie des aveux.
L'assassin
Demangel, qui est né le 5 mai 1904 à Vagney, avait passé la
veille le conseil de révision à Saint-Dié. L'après-midi, il
fêtait cet événement avec ses camarades. L'un de ceux-ci lui
vendit un, revolver qui fut chargé de balles de 8 millimètres.
Demangel prit alors le train et passa la nuit à Epinal.
Ce matin, sans s'être couché, Demangel prenait place dans le
train d'Epinal à Saint-Dié. Jusqu'à Laveline-devant-Bruyères, il
voyagea seul. Près de Gérardmer, le prêtre monta dans le train.
Que se passa-t-il dans le voyage ? Suivant quelques vagues
renseignements recueillis parmi les employés de la Compagnie,
ceux-ci entendirent, entre Saulcy-sur-Meurthe et Saint-Léonard,
un bruit qu'ils prirent pour celui de la fermeture violente de
portières et qui était probablement celui des détonations.
Un cultivateur de Saulcy, M. Mougeot, déclara qu'après le départ
du train de Saint-Dié il vit venir vers lui un jeune homme, les
yeux hagards, couvert de sang, qui, en passant près de lui dit :
« Je viens de prendre une sacrée bûche. »
A Sainte-Marguerite, Jules Demangel a été arrêté par deux
gendarmes qui l'ont ramené à Saint-Dié où, après avoir été
confronté avec le cadavre de sa victime, il avoua son crime et
déclara qu'à la suite d'une discussion il avait tué le prêtre en
lui tirant trois coups de feu et avait ensuite sauté du train en
marche.
Cependant, on incline à croire que le vol serait le mobile du
crime. - (Journal.)
M. et Mme François Hans, à Gérardmer, M.
Charles Hans, à Verdun, la famille Hans, le clergé du diocèse de
Nancy, dans l'impossibilité de répondre à toutes les personnes
leur ayant témoigné de la sympathie à l'occasion du décès
tragique de M. l'abbé Auguste Hans, curé de Repaix et Igney-Avricourt,
leur frère, beau-frère et ami, les prient d'accepter leurs
remerciements émus et sincères.
UNE AUTO CAPOTE
NANCY, 25 novembre. - Une automobile venant de Saverne et
transportant son propriétaire, un négociant de Saint-Quentin, M.
Paul Dubois, et son chauffeur, Rollung, jeune Alsacien, âgé de
18 ans, a capoté à un tournant brusque de la route, non loin de
Blamont. La voiture a été projetée sur un talus. Le chauffeur a
été tué net ; M. Paul Dubois a eu le bras cassé et a reçu des
contusions diverses.
100,000 FRANCS D'ESCROQUERIES
à l'aide de chèques falsifiés
La police recherche actuellement un individu qui, à l'aidé de
chèques falsifiés, vient de commettre pour 100,000 francs
d'escroqueries au préjudice -d'un grand établissement de crédit
de la région de l'Est.
Il y a une quinzaine de jours, le directeur de la succursale de
Lagny (Seine-et-Marne) de l'établissement en question, recevait
la visite d'un individu disant s'appeler Victor Meillasoux,
teinturier apprêteur a Roubaix, et qui lui fit part de son
projet d'achat d'usines dans la région, notamment de l'usine
Combes, actuellement-fermée. S'exprimant avec une certaine
éloquence, Meillasoux manifesta le désir de traiter à l'avenir
avec cette banque et il sollicita une lettre d'introduction
auprès des directeurs des agences de la Région de l'Est, où il
déclara se rendre en Voyages d'études.
Le directeur acquiesça au désir de son futur client qui pour
inspirer confiance versa immédiatement un dépôt de 2,000 francs
pour ouverture de comptes.
Muni de la lettre d'introduction, d'un reçu de dépôt- et d'un
carnet de chèques, Meillasoux arriva ces jours derniers- à Metz,
à Dieuze, à Château-Salins, à Blamont,. et il se présenta aux
directeurs des succursales de cette banque et il réussit, à se
faire remettre, sur des chèques tirés sur la succursale de Lagny,
diverses sommes dont le montant total atteint 100,000 francs
environ.
Transmis à Lagny pour-régularisation, on s'aperçut que les
chèques avaient été falsifiés et qu'ils portaient des sommes
bien supérieures au dépôt réellement effectué.
Une enquête fut immédiatement ouverte au cours de laquelle on
acquit la certitude que la lettre d'introduction présentée par
le soi-disant Meillasoux avait été rendue apocryphe et que le
reçu du dépôt avait été truqué -habilement.
L'assassin de l'abbé Hans devant le jury
des Vosges
[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]
EPINAL, 24 mars. - A dix-neuf ans, Jules Démangel, qui
appartient à une excellente famille de Saint-Dié, va défendre sa
tête devant le jury des Vosges.
Demangel se trouvait, le 28 septembre dernier, dans le train
d'Epinal à Saint-Dié. Il revenait de célébrer avec quelque
munificence cet important événement qu'est dans la vie d'un
jeune homme le conseil de révision. Seul dans son compartiment
de troisième classe, il songeait mélancoliquement qu'il en coûte
fort cher de faire la fête, même à Epinal. Il compta l'argent
qui lui restait : 1,300 francs environ. C'est encore un joli
denier pour un conscrit, mais c'était trop peu pour que Démangel
renonçât au crime.
A la station de Laveline-devant-Bruyère un prêtre monta dans le
compartiment. C'était un géant (il mesurait 1 m. 96), à la
carrure d'athlète, portant en bandoulière une de ces sacoches
dont les ecclésiastiques se servent volontiers en voyage.
La vue de cette sacoche affole littéralement Demangel. Il songe
qu'un trésor est peut-être caché dedans. Il songe aussi qu'il a,
dans sa poche, un revolver bien pratique, acheté la veille à un
camarade de la « classe ». Tandis que l'idée du crime naît et
mûrit ainsi dans la cervelle du misérable, le prêtre (c'est l'abhé
Hans, vénéré curé de Repaix), s'absorbe sans méfiance dans la
lecture du Journal, tapotant machinalement sa sacoche, qui
contient non point une fortune mais une bouteille d'excellent
vin blanc et du linge de rechange.
Sournoisement Demangel l'épie. Le train file. Voici Corcieux....
Saint-Léonard... Tout à coup Demangel bondit. Il a tiré son arme
: il fait feu. Mortellement atteint, l'abbé Hans a pourtant la
force de se dresser, de saisir son agresseur à la gorge. Mais
l'assassin fait feu une deuxième fois, puis une troisième. Alors
l'abbé Hans s'écroule, dans une mare de sang. Des parcelles de
matière cérébrale se répandent sur les banquettes.
Les détails de ce drame rapide et effrayant c'est Demangel
lui-même qui les a contés. Son arrestation fut opérée une heure
et demie après la découverte du cadavre de la victime, faite à
l'arrivée du train en gare de Saint-Dié. Sa trace avait été
retrouvée facilement car des cultivateurs travaillant à
proximité de la voie ferrée l'avaient vu sauter du train en
marché Mais la confession du criminel ne fut obtenue qu'à
grand'peine. Tour à tour il nia, mentit, ergota. Les
supplications d'un parent, auxiliaire de la justice par
profession, qui se mit à genoux pour l'adjurer de dire la
vérité, ne parvinrent pas à ébranler sa volonté de dénégation.
Ce n'est qu'au bout de quatre jours d'un interrogatoire serré
qu'il se résigna à l'aveu.
Les débats, qui auront lieu jeudi, seront présidés par M. Bour.
conseiller à la cour d'appel de Nancy. M. Sadoul, procureur de
la République, occupera le siège du ministère public. Me Dussaux
défendra Demangel. Enfin, Me Saby se portera partie civile au
nom de la famille du prêtre assassiné.
Geo London.
L'ASSASSIN DE L'ABBE HANS
est condamné au bagne à perpétuité
[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]
EPINAL, 27 mars. - Derrière le gendarme qui le guide, le
conscrit Jules Demangel, qui assassina l'abbé Hans, dans le
train Epinal-Saint-Dié, s'avance tête basse. Pour atteindre le
banc des accusée, il lui faut traverser la salle dans toute sa
largeur. Un peu effarées à cette apparition, quelques dames
élégantes, qu'on a galamment et confortablement installées dans
le prétoire, se lèvent en hâte pour lui livrer passage et cent
ménagères d'Epinal, entassées dans la galerie supérieure,
poussent un : « ah ! » de curiosité enfin satisfaite.
Mais Demangel n'a point de regard pour l'assistance. Il
s'assied, hébété, derrière son défenseur, Me Dussaux, pétrissant
et, parfois même, tordant entre ses mains son chapeau de feutre.
S'il n'a point l'expression cruelle de l'assassin, ses yeux
durs, sombres, qui semblent se dissimuler sous la voûte profonde
de l'arcade sourcilière, ne laissent pas d'être inquiétants. Le
reste de la physionomie est plutôt .plaisant, et si l'on voyait
passer dans la rue le jeune Demangel, avec ses cheveux drus,
bien peignés, et sa courte moustache, on le prendrait pour un
jeune homme bien sage.
Au cours de l'interrogatoire, auquel le conseiller Bour, qui
préside les débats, procède avec soin, deux choses frappent : la
froideur vraiment stupéfiante de l'assassin et la lassitude
polie avec laquelle il acquiesce à peu près à tout ce que
l'accusation a établi.
Le Journal a conté dans quelles circonstances Demangel après
avoir fait la fête à Epinal, à l'occasion de son conseil de
révision, abattit, à coups de revolver, dans un wagon de 3e
classe, l'abbé Hans, curé de Repaix, dont il projetait de voler
la sacoche. On sait aussi comment, aperçu par les paysans au
moment où il sautait sur la voie, Demangel fut bientôt rejoint
et dut avouer son crime.
Ces aveux, il .les renouvelle ici, après que le président a
résumé l'enfance banale, paresseuse et un peu maladive de cet
assassin de vingt ans.
Le président. - Vous avez acheté votre revolver à un camarade
conscrit, qui avait tiré une salve en l'honneur du conseil de
révision ?
Demangel. - J'ai acheté ce revolver comme j'aurais acheté
n'importe quel autre objet.
Ainsi Demangel voudrait faire croire que l'idée de son crime
germa subitement dans son cerveau, épaissi par trois jours de
bombance. Pour le démontrer, il murmure, à plusieurs reprises,
sans trop de conviction : « J'étais saoul ! J'étais saoul ! »
Le président. - Votre victime était un véritable colosse, doué
d'une force herculéenne. Pendant la guerre, l'abbé Hans portait
facilement deux blessés sur son dos. C'est traîtreusement que
vous l'avez assailli. D'un coup de pouce, il vous aurait
foudroyé !
Demangel. - Ah ! oui.
C'est tout. Pas un mot de regret. Et le président souligne cette
indifférence.
Le président. - Pourquoi avez-vous rechargé votre revolver après
le crime ?
Demangel. - Pour me suicider.
Le président est sceptique et il le dit. Et Demangel n'insiste
pas.
Le. président. - Vous n'en vouliez pas aux curés, en général ?
Demangel. - Oh ! non. J'appartenais même au patronage catholique
de Saint-Dié.
Les témoins n'ajoutent rien à ce que nous savons de ce crime
aussi clair qu'horrible.
Un conscrit, le jeune Berbeley, très lié avec Demangel, peint
très naïvement mais très justement l'accusé, en déclarant :
Il n'était pas causeur et il regardait en bas.
Après le conscrit, il en vient d'autres qui participèrent à la
fête où l'honnêteté de Demangel sombra dans le vin mousseux et
dans l'alcool ; puis les tenanciers des nombreux cabarets
visités par cette joyeuse et bruyante jeunesse.
Enfin, c'est l'émouvante apparition à la barre de la mère de
l'accusé, une rude paysanne, nette dans sa pauvre toilette
noire. Son langage est à l'image de sa personne : précis et
fruste.
Mme Demangel. - Je ne sais pas quoi vous dire. Je ne peux rien
lui reprocher. Il travaillait, même quand il était malade.
Toutes les semaines, je lui donnais dix francs pour qu'il les
mette à la Caisse d'épargne. Je ne sais pas quoi vous dire. Son
revolver, je ne l'ai point vu. Sans ça, je l'aurais battu, car
il a beau avoir vingt ans, quand il avait fauté, je le battais
comme quand il était petit.
D'un revers de main, la pauvre femme essuie les larmes qui
inondent son visage. Un silence angoissé plane sur l'auditoire,
mais Demangel contemple sa vieille maman d'un air parfaitement
détaché, tandis que celle-ci, d'une voix aigre, où percent des
sanglots, répète inlassablement : « Je ne sais pas quoi vous
dire, je ne sais pas quoi vous dire ! »
Après Me Saby, pour la partie civile, le procureur de la
République, Sadoul, prononce un réquisitoire inexorable.
Enfin, le défenseur de Demangel, Me Dussaux supplie les jurés de
ne pas chasser de leur esprit toute pensée miséricordieuse.
Cette exhortation n'est pas vaine, puisque le jury admet les
circonstances atténuantes. Sauvé de l'échafaud, Jules Demangel
s'entend condamner à la peine des travaux forcés à perpétuité.
Geo London.
Tortionnaire allemand condamné à mort
NANCY, 17 juin.- Le conseil de guerre a condamné à la peine de
mort le commandant von Vallade, du 48 régiment de landvehr
bavaroise. Il fut l'ordonnateur de fusillades contre les
habitants d'Embermenil, notamment d'une femme Husson, âgée de 28
ans, qui était enceinte, et d'un réformé, Louis Dime. Après
l'exécution de ces civils von Vallade ordonna d'incendier les
habitations appartenant aux parents des victimes. - (Journal.) |