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14 juillet à la gare d'Avricourt avant 1914
 


La France nouvelle : revue de l'Union française
Union française - association nationale pour l'expansion morale et matérielle de la France
Avril 1922

Le Pays de France

LE TOURISME EN ALSACE
Alsace ! Quel mot prestigieux, dont chaque syllabe résonne dans l'âme de tout français, vibrante de souvenirs, émouvants ou tragiques, de symboles sacrés, d'impérissables visions qui restent gravées au plus profond des coeurs ! Tous ceux qui ont, eu le bonheur de rentrer, auréolés des couronnes du vainqueur, dans l'Alsace libérée, ont eu, à cette minute précise, la sensation nette de n'avoir pas «  fait la guerre pour rien ». Et ils ont pu crier sur les tombes à peine fermées de leurs camarades, comme sur celles, nivelées depuis un demi-siècle, de leurs grand pères ; «  Reposez en paix, votre sacrifice n'a pas été vain, nous sommes dans cette Alsace qui hantait les rêves du peuple de France, et nous l'avons retrouvée fidèle, palpitante, aussi et plus française de coeur que si le boche n'était jamais passé là ».
On ne connaît bien quelque chose que lorsqu'on l'a perdu. C'est après qu'elle nous fut arrachée que nous apprîmes à connaître l'Alsace, à travers les romans et les poèmes, mais tous en parlaient et nulle province de France ne tenait une place plus grande, dans les oeuvres de l'esprit et dans les préférences avouées ou secrètes du coeur, que les chères provinces que les géographes avaient marquées d'un violet de deuil sur les cartes des Ecoles.
Avant la guerre, en arrivant à Avricourt, lorsqu'on venait de Paris, ou à Montreux-Vieux lorsqu'on venait de Lyon, on ressentait à la frontière une indéfinissable angoisse. Ces uniformes verts, ces casques pointus et ces casquettes plates, tout cela avait un air d'hostilité manifeste et provocante.
Cette frontière là était la seule de France qu'on ne franchît pas sans un gros serrement de coeur. Ce n'était pas la frontière italienne qui vous ouvre le prestigieux musée de son art et de son histoire, ce n'était pas la frontière espagnole que l'on franchit dans une joyeuse surabondance de lumière, ce n'était pas non plus cette frontière belge que Déroulède saluait, bien avant la guerre, de ces prophétiques paroles :
Salut, vaillant petit peuple, si grand de fierté
Où l'on vous rend si légère l'hospitalité.
A Avricourt. où le ciel brumeux et la plaine morne, semblaient concourir à jeter un froid, le français sentait peser sur lui le regard du policier secret. Il savait qu'il serait «  filé » espionné, trahi, surtout s'il appartenait à cette catégorie de français qui quittèrent l'Alsace pour ne pas servir sous le casque à pointe. A Avricourt on enlevait les rubans et les rosettes rouges qui trahissaient l'officier et on observait dès lors la règle du silence.
Une fois par an, Avricourt s'éveillait : c'était le 14 juillet. Ce jour-là de très bonne heure les trains arrivaient de Strasbourg, comblés d'une foule silencieuse. Deutsch-Avricourt passé, cette foule se mettait soudain à crier comme si elle se fut éveillée d'un mauvais rêve : de dessous toutes les vestes, du fond des chapeaux surgissaient miraculeusement des rubans et des cocardes. C'étaient les patriotes d'Alsace qui allaient passer le i4 juillet «  en France ».
Le soir, quand on avait bien crié, chanté la Marseillaise toute la journée, vu les défilés de nos soldats, espoir ultime de l'Alsace, on reprenait le train. Et le miracle inverse se produisait. Passé le poteau frontière, ce pylône de fer gris surmonté d'un disque sur lequel s'étalait, hideux et noir, l'aigle héraldique, les chants cessaient brusquement et les cocardes disparaissaient, les fronts un moment déridés reprenaient leur aspect fermé et buté, sous l'oeil narquois des gardes frontière et des douaniers. Les Alsaciens réintégraient leur Prison, mais raffermis dans leur foi dans la Patrie, ayant respiré pendant douze heures l'air de la France.
En passant à Avricourt, je voudrais que les Français accordent une seconde de recueillement à ceux pour qui le jour de la victoire n'a pas lui, à ceux qui sont morts avant que l'Alsace redevienne libre. Maintenant la halte de Montreux ou celle d'Avricourt ne saurait nous rappeler qu'un souvenir heureux, elle est en quelque sorte l'entrée de la terre promise.
Entre Sarrebourg et Saverne le train franchit en sept tunnels et autant d'admirables Vallées, les Vosges qui ferment l'Alsace au nord. Les sapins couvrent les délicieux massifs qui laissent par endroits apparaître leur chair de grès rouge, de ce grès dont a été faite la Cathédrale de Strasbourg.
[...]
Georges WAGNER

 

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