Sur ce prêtre, né à Vého, L'abbé
Dedenon écrit dans « Vého - Éléments
de Monographie » :
« NICOLAS JENNAT dut naître aussi à Vého, vers 1762; après sa
prêtrise, il fut donné comme vicaire à Grégoire pour administrer
Vaucourt et passa à Lagarde, comme vicaire en 1789. On dit que,
pendant la Terreur, il vécut caché à Martincourt avec Colin,
curé d'Emberménil, connu sous le nom de P. Nicolas.
A la restauration du culte, l'abbé Jennat fut envoyé à Croismare
et y acheva sa carrière. On lui doit la fondation de deux lits à
l'hospice des Vieillards de Lunéville, surnommé le Coton. Les
paroisses qui pouvaient en bénéficier étaient Vého, Vaucourt,
Croismare et Manonviller. L'attribution de ces lits était
réservée au curé de Manonviller »
La date de naissance indiquée est
fausse, puisque Nicolas Jennat est né le 28 juillet 1756
comme on le voit sur l'acte de naissance ci-contre de
l'état-civil de Vého : |
|
Il convient aussi d'ajouter que si Jennat n'a été que très
brièvement vicaire de l'abbé Henri Grégoire (1750-1831) à
Emberménil en 1782, leur précédente relation d'amitié intime à Vého,
devenue
après le départ de Grégoire principalement épistolaire, a duré
jusqu'au décès de Grégoire (qui lègue ainsi à Jennat sa montre
par testament).
Les divers extraits ci-dessous apportent des compléments
aux données biographiques sur Jennat de la
« Notice
nécrologique sur l'abbé Jennat » de Charles Marchal. Ce texte indique d'ailleurs l'existence d'un
buste de l'abbé Jennat « par Foyatier » : où se trouve cette oeuvre du sculpteur Denis Foyatier (1793-1863) ? |
M. et Mme Dalancour : figures du vieux Lunéville
Colonel de Conigliano
Éd. Berger-Levrault (Nancy) - 1929
Le digne maire de Lunéville [DALANCOUR, Jacques Joseph François
POUPONOT d'ALANCOURT] ne se doutait guère, lorsqu'on lui avait
annoncé l'arrivée de ce redoutable ennemi du premier Consul,
qu'il allait avoir à surveiller le futur beau-frère de sa fille
Henriette.
Non content de traiter avec bienveillance émigrés et suspects,
il rendit aussi de signalés services à la cause religieuse à une
époque où l'impiété révolutionnaire exerçait encore son
influence néfaste. C'est lui qui, peu après le Concordat, fit
venir à Lunéville « les soeurs watelotes » et y ramena les
frères de la Doctrine chrétienne pour diriger les écoles.
C'est lui qui, le 27 messidor an X, procéda, à la réconciliation
des ecclésiastiques (assermentés et non assermentés) résidant à
Lunéville. A la suite du Concordat, Mer d'Osmond, évêque de
Nancy, avait fait paraître une instruction recommandant cette
cérémonie qui, vraiment conforme à l'esprit de l'Évangile,
devait mettre fin aux dissensions passées. Le préfet - est-ce
d'après des ordres venus de plus haut? est-ce sous l'inspiration
de son zèle personnel ? - prescrivit aux maires de présider
cette réunion de réconciliation.
M. Halanzier, curé assermenté de Saint-Jacques, exprima, dans
une lettre adressée à M. Dalancour le 21 messidor, la joie que
lui causait la décision de l'évêque et l'adhésion complète qu'il
y donnait.
L'abbé Jennat, empêché de se rendre à la réunion, écrivit au
maire dans le même sens, tout en lui exprimant son regret de
voir cette réconciliation s'opérer sous les auspices du pouvoir
civil.
A la réunion des ecclésiastiques, M. Dalancour prononça un
discours, dont le texte est conservé dans nos archives de
famille, et qui, par ses sentiments religieux, par son onction -
presque sacerdotale - est un véritable sermon.
A la suite de cette réunion, le maire écrivit au sous-préfet : «
Je leur ai fait (aux ecclésiastiques) les observations analogues
à la circonstance. Ils en ont paru pénétrés et ont déclaré tous
être bien disposés à travailler à rétablir entre eux la concorde
la plus parfaite, à donner aux fidèles l'exemple de l'union la
plus entière et à ensevelir dans le plus profond oubli tout ce
qui pourrait renouveler des discussions, trop longtemps
prolongées...»
L'abbé Jennat (1), dont je viens de prononcer le nom, était un
respectable ecclésiastique, ami des famille Crousse, L'Hotte,
Conigliano, Hugard et Dalancour.
De 1792 à 1796, pendant la persécution religieuse, l'abbé Jennat,
favorisé secrètement par le maire de La Garde, où il avait été
vicaire, resta caché dans sa maison. Ce maire était M. Crousse,
beau-frère de mon bisaïeul L'Hotte, et père de la première femme
de mon grand-père Conigliano.
Nicolas-Louis Crousse, châtelain de La Garde et député à
l'Assemblée législative, étant mort en 1793, l'abbé Jennat
administra sa fortune en qualité de tuteur de ses enfants, à
l'éducation desquels il veillait également comme précepteur.
Lors du règlement des comptes, il eut le chagrin de voir le bien
de ses pupilles et cousins - car il était parent de la famille
Crousse - très diminué par suite de la dépréciation dès
assignats. Pour réparer en partie le tort causé aux enfants
Crousse et dont, dans sa délicatesse exagérée, il se considérait
comme : un peu responsable, il vendit dans des conditions très
avantageuses à mon grand-père Conigliano (le mari de
Marie-Thérèse-Pauline Crousse) la maison où lui-même avait
longtemps vécu à Lunéville (2). Cette maison, où j'ai encore
connu nies tantes Amélie et Sophie, était située au fond d'un
jardin, au n° 37 de la rue Banaudon. Elle existe: encore
aujourd'hui.
Très lié, avant la Révolution, avec l'abbé Grégoire, originaire
lui aussi de Vého, Jennat avait, sous l'influence du célèbre
curé d'Emberménil, prêté le serment prescrit par la constitution
civile du clergé. Revenu de son erreur; il passa le reste de sa
vie à la pleurer, après, d'ailleurs, s'être rétracté. Je possède
un recueil manuscrit, autographe, de ses sermons.
L'abbé Jennat fut inhumé dans le cimetière de notre ville. Sa
tombe, à l'ouest et en bordure de l'allée centrale, fait pendant
à celle de l'abbé Blampain (3), le premier curé concordataire de
Lunéville.
(1) Nicolas Jennat, prêtre, né à Vého, le 28 juillet 1756, mort
à Lunéville le 11 août 1844. Il était compatriote et devait être
lointainement allié des L'Hotte.
(2) L'abbé Jennat se retira, en 1841, au « Coton ». En juin 1844
il fit à la maison des vieillards et des orphelins une donation
de la somme de 15.000 francs pour la fondation de trois lits.
Ces trois lits étaient « destinés à recevoir les parents et
alliés du donateur jusqu'au sixième degré et, lorsqu'il n'en
existerait plus, un de ces lits devait être à la disposition de
l'administration, tandis que les deux autres seraient réservés
aux pauvres infirmes ou orphelins des communes de Vého et de
Croismare. Une messe devait être dite, chaque année, pour le
repos de l'âme du donateur » (A. GILLET, Historique de la Maison
des vieillards et des orphelins de Lunéville, dite « le Coton ».
Nancy, Berger-Levrault, 1899).
(3) Né en janvier 1738, mort le 15 juillet 1824.
Mémoires de l'Académie de Stanislas (Nancy)
1853
L'ABBÉ GRÉGOIRE
1750-1789
par M. MAGGIOLO, Recteur honoraire
DISCOURS DE RÉCEPTION [...]
Professeur au collège de Lunéville, en 1830, j'étais lié par de
respectueuses sympathies avec M. l'abbé Jennat, le compatriote,
le condisciple préféré de Grégoire, son vicaire, son ami
toujours fidèle, le confident de ses plus intimes pensées, le
dispensateur de ses pieuses libéralités (7).
[...]
7. M. l'abbé Jennat, né à Vého en 1756, mourut à Lunéville, le
11 août 1844. Prêtre assermenté, il n'a pas cessé, durant les
plus mauvais jours, de prodiguer les consolations religieuses
aux habitants de Vého, de Vancours, de Xousse et d'Emberménil.
Sa foi vive, son ardente charité, sa bonté indulgente, sa
rétractation, sa pénitence austère, lui méritèrent la vénération
des fidèles et du clergé. Je dois à sa bienveillance des détails
intimes sur la jeunesse de Grégoire, sur les circonstances les
plus critiques de sa vie, sur sa pieuse et inépuisable
générosité envers les pauvres et les églises. Il me lisait ses
lettres et il rappelait avec émotion, en présence de i'abbé
Colin (le Père Nicolas) qui avait remplacé Grégoire à la cure d'Emberménil,
les souvenirs de leur laborieuse jeunesse et de leur constante
et réciproque affection. J'ai gardé longtemps les livres qui
avaient servi à leurs études: une grammaire générale et
raisonnée de Port-Royal, un Virgile, un Racine, dont plusieurs
passages étaient soulignés, l'histoire de l'Ancien et du Nouveau
Testament et des Juifs de Dom Calmet. L'abbé Jennat éprouvait
quelques scrupules à confier à un jeune homme des ouvrages qui
contenaient des doctrines condamnées par l'Église, et il ne
cessait de prier Dieu de faire miséricorde à son ami. Il
connaissait ses volontés dernières, il regrettait amèrement la
perte de ce testament moral, que Mme Dubois avait promis de
faire imprimer. Sans jamais accepter de discussions au sujet de
la foi de Grégoire, il affirmait la sincérité, la droiture de
ses vues et de ses intentions. Combien de fois il a exprimé
devant moi sa douleur de le savoir entouré d'hommes
intelligents, dévoués, honorables, sans aucun doute, mais
hostiles à ses convictions religieuses. J'ai vu des larmes dans
ses yeux lorsque je m'indignais devant lui des manifestations
impies qui se produisirent au cimetière Montparnasse, autour de
la tombe de l'ancien évoque de Blois, le 31 mai 1831. Je ne
citerai qu'une des anecdotes qu'il aimait à raconter. « En
floréal, an II, des sans-culottes de Lunéville arrivent à
Emberménil; ils se dirigent vers l'église pour la profaner. Le
bon peuple, qui n'a oublié ni les leçons, ni les exemples de son
curé, ni sa lettre de 1791, s'enfuit ou se cache ; l'un des
commissaires court au presbytère (qui ne trouva d'acquéreur que
le 12 thermidor an IV), il force la mère de Grégoire à assister
à la dévastation du saint lieu, en lui répétant : « Citoyenne,
c'est ton fils qui nous envoie pour briser les autels et
détruire la superstition. » L'impression de cette scène horrible
altéra gravement la santé de cette pieuse et sainte femme ;
l'abbé Jennat et le Père Nicolas, cachés à Martincourt pendant
ces dévastations, eurent beaucoup de peine à calmer son effroi
et sa terreur ; il ne fallut rien moins qu'une lettre de son
fils pour lui rendre la certitude qu'il réprouvait les
sacrilèges dont elle avait été le témoin. A son lit de mort, le
22 septembre 1799, elle chargeait encore Jennat et Colin, qui
l'assistaient, de transmettre à l'abbé, avec ses dernières
bénédictions, la prière de conserver intacte la foi qu'elle lui
avait donnée. Personne mieux que Grégoire n'a flétri en termes
énergiques les fêtes de la Raison, à Lunéville (14 brumaire et
31 germinal an II), à Nancy (30 brumaire an II),à Dieuze (5
fructidor an II), où l'agent du district invite les communes de
son arrondissement à remplacer, dans les temples, les idoles des
prêtres par les bustes de Marat et de Lepelletier ; à
Sarreguemines (13 ventôse an II).(Voir les détails surtout dans
l'Histoire des sectes religieuses, t. Ier, chap. III à chap.
XVII).
On lit dans le testament de Grégoire : « Je lègue à M. Jennat,
prêtre à Lunéville, mon ami, mon condisciple, compatriote et un
peu parent, ma montre à répétition. Je voudrais faire aussi un
legs à M. Colin, curé d'Emberménil, mon successeur; je prie Mme
Dubois d'en déterminer l'objet et la quotité. »
Le 13 décembre 1831, M. l'abbé Jennat remercie M. Marchal de lui
avoir fait parvenir la montre « que le respectable M. Grégoire
lui a destinée, dernière marque de cette inépuisable bonté de
coeur qui le caractérisait d'une manière si rare jointe à tant
d'autres qualités. Je n'avais pas besoin, pour me souvenir de
lui, de ce legs; mort comme vivant, il ne pouvait qu'occuper
habituellement ma pensée ».
La Révolution française : revue historique
Société de l'histoire de la Révolution française (Paris)
Paris 1935 Lettres de Grégoire
PREFACE
Depuis bien des années, j'ai entre les mains les originaux des
lettres de l'abbé Grégoire dont on lira plus loin le texte ; je
m'étais toujours proposé de les livrer à la publicité, mais j'en
trouve aujourd'hui seulement le loisir et l'occasion.
Il s'agit d'une série de lettres intimes, adressées à un ami
très cher par l'ancien évêque de Blois, lettres dont il était
bien loin de penser qu'elles pussent un jour tomber sous les
yeux du public et, par suite, pleines de naturel et d'abandon
sans que le style en soit pour cela jamais négligé.
Pour l'intelligence de cette correspondance, il semble
indispensable d'en connaître le destinataire et je crois utile
d'exposer sommairement ce que j'ai pu savoir de ce dernier.
Nicolas Jennat était né à Vého le 28 juillet 1756 : il était
donc le compatriote de Grégoire et de six ans plus jeune que
celui-ci leur étroite amitié dura autant que leur vie. En 1791,
l'abbé Jennat était depuis neuf ans vicaire de La Garde,
résidant à Xures, c'est-à-dire à quelques kilomètres d'Emberménil
dont Grégoire était curé ; il prêta le serment civique.
Lorsque Grégoire prit possession de l'évêché de Blois, il
insista vainement pour que son ami consentît à venir l'y
rejoindre ; l'abbé Jennat était trop attaché à sa Lorraine pour
se résoudre à la quitter. Pendant la Terreur, il vécut caché par
la famille de son ami Crousse, ancien député à l'Assemblée
Législative. A la fin de la Révolution, nous le retrouvons à
Lunéville, prêtre habitué de la paroisse et titulaire d'une
pension ecclésiastique de 800 francs. Sa vie était consacrée au
bien il demeurait le correspondant fidèle et l'intermédiaire
pour les bonnes oeuvres de Grégoire qui lui écrivait, le 4 avril
1820 « De tous les hommes que je connais, vous êtes en première
ligne dans mon coeur » peu de temps avant sa mort, il lui
écrivait encore, le 19 mars 1830 « Depuis notre tendre jeunesse,
rapprochés par nos sentiments religieux, nos études, nos
principes, notre état, il semblait que la Providence nous
destinât à vivre ensemble » et il le priait de venir, « avec lui
ou près de lui, achever la carrière de la vie ».
Sur une vieille Bible illustrée qui a appartenu à l'abbé Jennat,
j'ai trouvé, au-dessous de la signature de celui-ci, la mention
suivante « Prêtre vénérable, pieux, bienfaisant, se privant de
tout pour tout donner, mort saintement à Lunéville le 11 août
1844. Signé Périn, juge de Paix à Lunéville ».
L'abbé Jennat avait donc survécu pendant treize ans à Grégoire
qui lui avait légué « sa montre d'or à répétition » (1).
M. Périn, juge de paix, qui fut son exécuteur testamentaire,
était mon arrière-grand-père, et c'est ainsi que les lettres de
l'abbé Grégoire, précieusement conservées par leur destinataire
jusqu'à sa mort, passèrent ensuite dans les archives de ma
famille où je les ai recueillies.
Cette correspondance s'échelonne de 1791 à 1830, mais on y
constate malheureusement une lacune de dix-neuf ans (1791 à
1810), lacune qui porte sur la période historique la plus
intéressante, et qui s'explique d'ailleurs de reste par les
événements de l'époque.
Quoi qu'il en soit, les documents qui subsistent semblent
présenter encore un intérêt incontestable. Tout d'abord, ils
montrent sur le vif et à chaque page l'inlassable charité de
l'abbé Grégoire qui, malgré ses difficultés pécuniaires
personnelles, ne cessait de venir en aide à tous ceux qu'il
croyait dans le besoin, alors même et surtout qu'il comptait
certains d'entre eux au nombre de ses détracteurs.
Constamment et cruellement meurtri, surtout dans la dernière
période de sa vie, par les odieuses campagnes que ses ennemis
s'acharnaient à diriger contre lui, Grégoire trouvait dans ses
sentiments chrétiens le courage de pardonner à ses calomniateurs
et manifestait le désir de pouvoir un jour leur rendre le bien
pour le mal.
Son âme ardente et généreuse, non exempte parfois d'illusions,
sa religion profondément sincère quoi qu'on en ait pu dire, sa
fidélité aux principes de l'Eglise gallicane, son indéfectible
attachement à ce titre d'évêque qu'il n'avait pas consenti à
renier même devant la Convention déchaînée au jour de la scène
des abjurations, son rêve de rapprochement des peuples et des
religions, sa profonde affection pour Mme Dubois, son amour
filial pour la Lorraine, tout cela ressort à chaque page d'une
correspondance dont la publication constitue un hommage à la
mémoire de son auteur.
Aux lettres de Grégoire, j'ai cru intéressant de joindre trois
documents postérieurs à sa mort et que j'ai également entre les
mains ils concernent un curieux et pénible incident, d'où
résulta l'exhumation du corps de l'ancien évêque de Blois, sur
la réquisition de Mme Dubois qui accusait un M. Fabré-Palaprat,
qualifié de « Chef de l'Ordre des Templiers », de s'être emparé
de la croix pastorale placée sur la poitrine du défunt.
Henri Cosson,
Premier Président honoraire de la Cour d'Appel de Besançon.
1. Cette montre appartient aujourd'hui à l'un de mes parents.
En 1871, le docteur Emile Putegnat de Lunéville écrit un roman
intitulé « Mélanie de Valtef ou les inconnus. Episodes de la vie
d'un médecin ». Dans le premier chapitre publié par le Journal
de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, il glisse un
témoignage sur l'abbé Jennat
Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie
Volume 53
1871 Qui ne sait que c'est d'Emberménil qu'est parti, comme député
aux Etats-généraux, l'abbé Grégoire, devenu membre de la
Convention, évêque de Blois, membre du conseil des Cinq-cents,
de l'Institut; puis sénateur et commandeur de la Légion
d'honneur !
Ce prêtre éminent a dû ces grandes dignités à sa haute moralité,
à une conduite privée exemplaire, à une belle éloquence et à une
vaste érudition.
Il a eu pour ami intime l'abbé Jennat, né et élevé avec lui à
Vého (Meurthe).
Tandis que l'évêque constitutionnel, type de ces hommes créés
par la révolution et qui seront toujours un sujet d'étonnement,
d'admiration et d'étude pour l'historien et de méditation pour
l'homme d'état, a joui, pendant un demi siècle, du privilège
d'occuper l'attention publique; l'autre, M. Jennat, s'est
attaché à vivre humble, à se rendre utile sans bruit et sans
ostentation et à pratiquer la charité.
Souvent je l'ai vu chez mon père, dont il était locataire : je
me souviens de sa haute taille, de sa maigreur, de son grand
nez, de ses cheveux blancs, de son regard, doux, timide et
bienveillant, de son doux sourire.
Je le vois marchant, la tête nue et modestement inclinée vers la
terre ; les mains dans les poches de sa soutane; je le vois
donner à tout pauvre, mais avec de sages conseils ; et je me le
rappelle prêtant, avec joie, les oeuvres si morales du pasteur
Schmitt.
L'abbé Jennat ne confessait point: aussi il était l'ami de mon
père et de ma mère.
Quels magnifiques exemples pour Messieurs les prêtres
d'aujourd'hui, qui, pour la plupart, sans la moindre fortune,
sans éducation première, partis qu'ils sont de la classe intime,
ne connaissent point le monde ; mais tout simplement, un peu de
latin et quel latin ! et leur théologie, deviennent de petits
pédants et despotes et adoptent ces sentences : Omnia obediunt
pecuniae; Omnia serviliter pro dominatione. |