Revue Militaire
Suisse
1988
La libération de Strasbourg
par la 2e DB du général Leclerc *
par le général Alain de Boissieu
II y a quelque temps, j'avais
fait à Paris une autre conférence sur l'étrange discipline du
général Leclerc pour exécuter les consignes du général de Gaulle
à l'occasion de la libération de Paris **. Aujourd'hui, c'est
vraiment le général Leclerc qui va agir, à son initiative, pour
aller jusqu'à Strasbourg, comme vous allez le voir.
Je tiens à rappeler que, le 1er mars 1941, à 9 h 30 du matin, un
jeune colonel de 39 ans, au pied du mât des couleurs, dans le
fort italien de l'oasis de Koufra, prenait l'engagement de ne
déposer les armes que lorsque « nos couleurs, nos belles
couleurs, flotteraient sur la cathédrale de Strasbourg ». Ce fut
le fameux serment de Koufra prononce par le colonel Leclerc,
alias colonel Philippe de Hauteclocque, devant les officiers,
sous-officiers, grades et soldats de la colonne mobile qui
venait de conquérir l'oasis du sud de la Tripolitaine et de
détruire l'unité saharienne italienne chargée de la défendre.
Après Paris, comment aller à Strasbourg pour exécuter son
serment ? Dans mon livre de Souvenirs, j'ai écrit: « Autant le
général Leclerc s'était laisse guider par les directives du
général de Gaulle pour la libération de Paris, autant, pour la
suite, il va manoeuvrer de sa propre initiative auprès du
commandement américain afin de réaliser le fameux serment. » Dès
la libération de Paris, il négocie pour que sa 2e division
blindée retourne au 15e corps dans lequel la division avait été
pendant les Operations de Normandie. Le 15e corps appartenait à
la 3e armée du général Patton dont la mission était justement de
poursuivre la guerre en direction de l'est. En direction de
l'est, il y avait Strasbourg. Le 15e corps est en effet charge
de la flanc-garde de cette 3e armée, il sera donc le plus à
l'est du dispositif; cela convient parfaitement à Leclerc.
Le rattachement de la 2e DB lui procure l'occasion de libérer
Vittel et de résister à une attaque de deux brigades blindées
allemandes à Dompaire, où les Allemands perdront 61 chars ou
engins blindés entre l'action de nos canons et celle des forces
aériennes alliées qui sera extrêmement efficace.
Pendant quelques jours, ce score de 61 chars fut discuté. Le
général Patton vint au-dessus du champ de bataille en piper-cub,
il fit prendre des photos aériennes et dit à son état-major: «
Voyez-vous, Messieurs, j'ai la preuve que les Français ont bien
détruit 61 chars avec l'appui de nos avions. » Dans la foulée,
la 2e DB franchit la Meuse, puis la Meurthe, car le général
Leclerc a toujours horreur de rester avec la tête de sa division
sur une coupure, il veut toujours pouvoir manoeuvrer. Cela a de
l'importance, comme nous le verrons tout à l'heure.
Au-delà de la Meurthe, nous sommes arrêtés par le commandement
américain qui veut attendre l'alignement du groupe d'armées qui
vient de progresser depuis la Provence et qui comprend la 7e
armée américaine puis la Ire armée française.
C'est là que, tout à coup, un obstacle se dresse contre le
projet du général Leclerc. Nous apprenons que le général de
Lattre, commandant la lre armée, réclame la 2e DB dans son
armée. L'affaire se règle à l'échelon le plus élevé,
c'est-à-dire celui d'Eisenhower et du général de Gaulle. Ce
dernier connait les projets de Leclerc; en reconnaissance de sa
discipline pour la libération de Paris, il veut lui laisser
toutes ses chances pour celle de Strasbourg. Or, s'il laisse
passer la 2e DB à la Ire armée, celle-ci n'aura plus aucune
chance d'être la première à remonter la plaine d'Alsace pour en
libérer la capitale.
C'est le général Juin, chef d'état-major général de la Défense
nationale, qui réglera le problème sur ordre du général de
Gaulle, en suggérant aux Américains de faire passer tout le 15e
corps, qui entait à la 3e armée, à la 7e armée américaine, notre
voisine.
C'est alors que le général Leclerc va reprendre toutes ses
chances.
La Situation générale à l'époque (croquis N° 1) était la
suivante: les armées alliées étaient arrivées jusqu'à
l'embouchure du Rhin. Le front passait sensiblement aux
frontières de la Hollande, de la Belgique, du Luxembourg,
suivait le cours de la Moselle et arrivait à la frontière
suisse, à hauteur de Belfort.
Les groupes d'armées étaient ceux de Montgomery (le 21e), du
général Bradley (le 12e) et du général Devers (le 6e) comprenant
la Ire armée française et la 7e armée américaine.
Le 20 octobre, c'est-à-dire quelques jours avant que le front
redémarre, le général Eisenhower, commandant en chef, a pris la
décision d'atteindre le Rhin par des actions alternées du 21e
groupe d'armées de Montgomery, du 12e groupe d'armées de Bradley
et du 6e groupe d'armées de Devers.
C'est à cette date que se situe l'idée géniale du général
Leclerc d'aider nos voisins du 6e corps d'armée américain qui
butte sur la Meurthe devant Baccarat. Ayant traverse la Meurthe,
nous nous trouvons au nord, avec la 2e DB, à la lisière de la
foret de Mondon. Aussi le général Leclerc pense-t-il qu'en
aidant nos voisins américains à prendre Baccarat, cela servirait
certainement l'action générale, précipiterait notre engagement
et que, surtout, les Américains lui devraient quelque chose
qu'il négocierait par la suite.
Etant donné le temps qu'il
fait à l'époque, toute opération mécanisée semble impossible, et
le général Leclerc fait faire une expérience de progression avec
mes propres chars et
les quelques half-tracks qui étaient à ma disposition pour voir,
tout à fait en catimini, si réellement la progression est
impossible dans certains terrains du fait du mauvais temps. On
arrive ainsi à déterminer que les chars légers et les engins
semi-chenillés passeront à travers le terrain, mais que
probablement les chars moyens n'y arriveront pas.
Le général Leclerc maintient tout de même l'opération, car elle
est trop importante à ses yeux. On essaiera de se passer des
chars moyens, on fera l'opération tout terrain avec des chars
légers.
Dans la nuit du 30 au 31 octobre, le temps change, le sol se
durcit, à minuit il fait moins 2° et au lever du jour il fait
moins 5°. La division réussira son opération sans crier gare,
prendra Baccarat par-derrière, libérant le pont intact grâce à
une opération extrêmement courageuse montée par trois cadres du
régiment du Tchad. Les Américains continueront à tirer sur
Baccarat alors que nous y sommes et il nous faudra au moins une
heure pour faire lever leurs tirs - ils ne peuvent pas croire
que cette ville est entre nos mains.
Le projet Leclerc et la façon dont il a réalisé cette libération
de Baccarat ont considérablement impressionne les Américains. Le
général est donc consulte pour la suite et il voit aussitôt la
possibilité d'influencer le commandement du 15e corps américain
pour son opération de Strasbourg.
II va donc voir le général Haislip, commandant le 15e corps
américain; il lui annonce en toute franchise qu'il veut, s'il
passe les Vosges, aller jusqu'à Strasbourg. Le général Haislip
lui conseille de n'en rien dire à personne pour le moment.
Notre situation est la suivante (croquis N° 2). Le 15e corps, où
nous sommes, se trouve à hauteur de Baccarat, il vient de passer
de la 3C armée à la 7e armée US. Le 6e corps a du mal à
progresser et c'est là que l'action du général Leclerc permet de
prendre Baccarat.
A partir de cette prise, l'action va se dérouler en direction de
la trouée de Saverne, de façon à pouvoir remonter jusqu'au Rhin,
comme l'a prescrit le général Eisenhower.
L'opération qu'imagine le général Haislip, commandant le 15e
corps, est résumée dans le croquis N° 3. II veut partir avec ses
deux divisions d'infanterie US, la 44c ainsi que la 79e, qui
feront la percée, puis la 2e DB dépassera les divisions
américaines et s'engagera, suivant les ordres d'Haislip, en
direction de Sarrebourg et de Phalsbourg en essayant de passer à
Saverne par le col. Autrement dit, l'effort des Américains veut
être à l'ouest des Vosges, alors que, vous allez le voir, le
général Leclerc, lui, va orienter ses efforts par la montagne
sur Saverne et il confiera au commandant du 15e corps qu'il a
bien l'intention de se jeter sur Strasbourg lorsqu'il sera à
Saverne.
Dans l'ordre des Américains, il était écrit: « Attaquer au jour J
(qui sera le 13 novembre), s'assurer de Sarrebourg, forcer le
col de Saverne et être prêt à exploiter à l'est des Vosges en
vue de libérer le nord de la plaine d'Alsace.» Ainsi, il n'est
absolument pas question de Strasbourg dans l'ordre du 15e corps,
mais le général Leclerc ne s'avoue pas battu. II va voir les
Américains et leur dit: « Nous ne pouvons pas manquer cette
occasion exceptionnelle de libérer éventuellement la capitale de
l'Alsace. Bien sûr, je sais que Strasbourg n'est pas dans mon
fuseau, mais dans celui de mes voisins du 6e corps. Toutefois,
si j'ai la possibilité d'aller à Strasbourg, que dira le
commandement de l'armée ?» Car, en fait, le général Haislip ne
fait qu'exécuter les ordres du commandement de la 7e armée. D'où
le croquis que nous verrons tout à l'heure de l'action du
général Leclerc revue à travers les ordres du général Haislip.
Le croquis N° 4 résume le terrain sur lequel nous allons faire
la manoeuvre; il montre la trouée de Saverne avec deux points
d'appui allemands très solides à Phalsbourg, à Sarrebourg, mais
en même temps, en regardant le croquis, on s'aperçoit qu'un
certain nombre d'itinéraires permettent de passer à travers les
Vosges. II y a deux itinéraires au nord, la Petite-Pierre et
Eschbourg, et deux au sud, l'un qui est commun jusqu'au
carrefour de Rhethal et ensuite l'autre qui peut conduire soit
sur Phalsbourg, soit sur le Dabo.
En conséquence, le général Leclerc ne veut absolument pas
affronter la trouée de Saverne qui est très fortement tenue.
Nous verrons ultérieurement, lorsque nous aurons regardé de
quelle façon est organisée la défense ennemie, comment il va s'y
prendre pour bousculer ces défenses et les tourner.
Devant nous, il y a quatre divisions allemandes (croquis N° 5):
la Volksgrenadier-Division N° 361, la 553 qui constitue le corps
d'armée 89 et, au sud, la 708 et la 716 qui constituent le corps
d'armée 64. En fait, l'action que nous allons entreprendre
intéresse seulement deux divisions: la 553 et la 708.
Toutefois, signalons une Information qui est très importante et
que le général Leclerc connaissait parce que nos services de
renseignements avaient bien fonctionné: l'attaque aurait lieu à
la limite non seulement de deux corps d'armées, mais, comme vous
l'indiquent ces quatre étoiles, de deux armées allemandes. Or,
c'est toujours un point difficile où chacun rejette la
responsabilité sur l'autre pour ne pas mettre le maximum de
moyens sur une limite extrême.
Nous reparlerons plus loin de Cirey et de La Frimbole, ainsi que
de Badonviller qui ont été des endroits tout à fait essentiels
dans la manoeuvre que va tenter le général Leclerc.
Est-ce que ces divisions allemandes sont de premier ordre ?
L'une d'entre elles, la 553, vient d'être constituée et la 708
vient de recevoir des renforts de la Luftwaffe. Ce sont des
divisions qui comportent 72 canons antichars de 88, 370
panzerfausts (ce qui correspond à nos bazookas actuels) et 36
obusiers de 105; ce n'est donc pas rien du tout, bien que l'on
ait dit pendant très longtemps que les unités que nous avions
devant nous étaient de pacotille. Le Service historique allemand
a reconstitue la valeur de ces divisions et voilà ce qu'elles
représentaient au point de vue moyens de feu.
Le dispositif de défense allemand s'appuie sur deux lignes: la
Vor-Vogesen-Stellung qui a été entamée en partie par le général
Leclerc dans la région de Blamont au moment de l'opération sur
Baccarat. De plus, nous arrivons tous les jours, par grignotage,
à faire une véritable hernie qui correspond à la destruction des
avancées du système défensif allemand. La deuxième ligne, la
Vogesen-Stellung, basée sur un certain nombre de points d'appui
comme Phalsbourg, Sarre-Union, Rhethal, La Frimbole et le col du
Donon, est la ligne principale de résistance sur laquelle les
Allemands ont d'assez gros moyens techniques. Les troupes qui
doivent aller occuper en grande partie les positions qui sont en
arrière sont celles qui se trouvent sur la Vor-Vogesen-Stellung,
le général Leclerc le sait.
D'après les renseignements que nous avons par les Alsaciens, il
n'y a, dans la plaine d'Alsace, que 20000 hommes, sous la
direction du général Vaterrodt, pour défendre la région.
Cette défense est basée en grande partie sur les forts qui
entourent Strasbourg et sur des tirs d'artillerie; autrement
dit, le général Leclerc sent très bien que, s'il parvient à
Saverne, il a une chance de pouvoir se jeter sur Strasbourg, de
libérer la ville et peut-être de passer le Rhin vers Kehl.
Quel est le moral de cette armée allemande qui est devant nous
et du groupe d'armées en général qui vient de recevoir Himmler
en tant que chef et qui, par conséquent, est une armée qui est
solidement tenue en main ? Eh bien, la Wehrmacht est confiante !
Nous avons retrouvé à Saverne un document qui dit ceci: « Le
commandement allemand attend avec sérénité et optimisme le choc
principal des alliés à Sarrebourg, Phalsbourg et Saverne.» Comme
nous l'avons dit, le 15e corps, avec ses deux divisions, la 79e
au nord et la 44e au sud, est charge de faire la percée en
direction de la Petite-Pierre puis de prendre Saverne et
ensuite, d'après ce que nous savons, de foncer sur Haguenau. Les
deux divisions américaines sont chargées de faire la percée et
la 2e DB est chargée de l'exploitation.
A cette époque, la 2e DB est repartie en quatre groupements
tactiques qui portent en général les noms des colonels qui les
commandent. II y a le GTL qui est entre les mains du colonel de
Langlade, le GTD du colonel Dio, le GTV du colonel de Guillebon.
Pour ce groupement tactique, qui a change trois fois de chef
depuis la Normandie, le général Leclerc a dit au colonel de
Guillebon de prendre une bonne fois pour toutes la lettre V
comme victoire.
Enfin, le quatrième groupement, le GTR, est commande par le
colonel Rémy.
Dans cet ensemble, il y a trois régiments de chars, un régiment
d'infanterie mécanisée, trois groupes d'artillerie, un régiment
de chasseurs de chars, un régiment de reconnaissance, un
bataillon du génie, une compagnie de circulation routière, une
escadrille de piper-cubs.
Toutefois, si nous faisons le total de nos chars, nous nous
apercevons que, alors que nous aurions du en avoir 150, nous
n'en avions sensiblement que la moitié et nous n'avons plus que
12 piper-cubs sur 24. Dans l'artillerie, il n'y a pas eu trop de
pertes en matériel, mais on peut considérer que le régiment de
reconnaissance a déjà consomme le tiers de ses moyens blindes,
et notre infanterie mécanisée a perdu elle aussi 10% de ses
engins de transport chenilles.
Cette division, repartie en quatre groupements, va manoeuvrer
par sous-groupements. En général, un groupement tactique était
divisé en deux ou trois sous-groupements et le type idéal de
sous-groupement était le suivant:
- un escadron de chars,
- une compagnie d'infanterie mécanisée, une batterie
d'artillerie,
- un peloton de reconnaissance,
- un peloton de chasseurs de chars,
- une section du génie,
- un peloton de circulation routière.
Le 12 novembre, veille du jour J, le général Leclerc réunit tous
ses chefs de corps à Baccarat, les commandants de groupements
tactiques, les commandants de sous-groupements et les chefs de
corps. Personnellement, j'assiste à cette réunion parce qu'à
l'époque je commande le PC-Avant du général Leclerc et l'unité
qui y est rattachée, soit un escadron de protection qui comprend
un peloton de chars légers et deux pelotons d'obusiers de 75,
c'est-à-dire 12 canons de 75. Cette réserve de feu, entre les
mains du général Leclerc, agit pour le mieux en fonction de
l'effort qu'il veut faire suivant les axes. II faut donc que je
sois absolument au courant de la manoeuvre générale; c'est la
raison pour laquelle je suis présent à cette réunion.
Le général Leclerc est extrêmement brillant dans son exposé; il
décrit sa manoeuvre: « Je ferai effort avec un groupement au
nord et un groupement au sud. J'aurai deux groupements en
réserve prêts à agir en fonction des résultats des progressions
des groupements nord et sud, mais pas question d'essayer de
franchir la trouée de Saverne à partir de Sarrebourg vers
Saverne, c'est certainement beaucoup trop dur. J'y consommerais
des moyens et je ne réaliserais pas la surprise. II faudra
utiliser le facteur vitesse afin d'empêcher les Allemands, qui
tiennent la 1re ligne, de se rétablir sur la seconde.»
(L'intention du général Leclerc et le dispositif de la 2e DB)
(croquis N° 6)
Mais, pour faire cette manoeuvre, il faut que les Américains
percent. Au départ, les 13 et 14 novembre, la progression est
très lente. Le général Leclerc prévient ses commandants de
groupements que, si cette progression est trop lente, il
proposera aux Américains de les aider en leur accolant un ou
deux sous-groupements de la 2e DB. C'est finalement ce qui va se
passer.
A cette réunion, j'ai vu pâlir les chefs de corps qui ont tous
considéré, sauf un, que la manoeuvre du général Leclerc était
vraiment très risquée et qu'essayer de franchir les Vosges par
des itinéraires de montagne, comme celui de la Petite-Pierre ou
celui du Dabo, avec une division blindée, était vraiment tenter
le diable car, s'il y avait une coupure d'itinéraire, ce serait
toute la colonne qui s'arrêterait.
Le général Leclerc, lui, était confiant et disait: « Nous allons
les surprendre en manoeuvrant très vite de jour comme de nuit.
Vous roulerez éventuellement pleins phares de nuit, mais vous
continuerez la progression.» Le lieutenant-colonel Rouvillois,
qui avait été en garnison à Strasbourg avant guerre et qui était
le camarade de promotion du général Leclerc, se lève et lui dit
à la surprise générale: « Mon général, ta manoeuvre est
remarquablement montée, je puis te dire que, si tu me fais
l'honneur de me confier la progression par le nord, je serai à
Saverne le lendemain, et le surlendemain à Strasbourg.» Je vois
encore les autres chefs de corps descendre l'escalier avec des
souliers très lourds. J'en entends deux se faisant des
confidences et disant: « Cette fois, mon vieux, on va se casser
la gueule !» La progression des Américains au départ est très
difficile, les unités sont dans la boue, il pleut et il fait un
temps affreux. Le général Leclerc a placé, à côté des deux
divisions américaines, un détachement de transmissions du
groupement Dio pour le nord, du groupement de Langlade pour le
sud, et il a mis ces deux détachements, avec des postes radio
importants, sous les ordres du colonel de Langlade, de façon
qu'il soit informe à tout moment de la percée des Américains,
qui ne se produit malheureusement pas. Alors, le général Leclerc
fait ce qu'il avait dit à la réunion des chefs de corps: il met
deux sous-groupements à la disposition des Américains. II
choisit ces deux sous-groupements qu'il va personnellement
commander. Ce seront le lieutenant-colonel de La Horie sur
Badonviller et le lieutenant-colonel Morel-Deville sur Cirey,
deux chefs de cavalerie particulièrement manoeuvriers choisis
par Leclerc lui-même.
Ces deux sous-groupements vont tellement bien manoeuvrer qu'ils
vont s'emparer, l'un, celui de La Horie, de Badonviller avec des
pertes minimes (les pertes que nous aurons dans cette localité
interviendront par la suite, lors de la réaction allemande),
l'autre, celui de Morel-Deville, s'emparera de Cirey,
s'infiltrera par le feu et prendra intacts les ponts sur la
Vesouze, ce qui était extrêmement important pour la suite des
Operations. Cela se passe le 17 novembre.
Je ne résiste pas à l'envie de vous raconter comment le
lieutenant-colonel de La Horie a donné ses ordres au chef de
char qui est entre le premier dans Badonviller. C'est tout à
fait une histoire dans le genre de celle du soldat Chevert
devant Prague: « Tu vois, devant nous, un fossé antichar, les
Allemands ont mis une passerelle amovible, tu vas vite, tu
fonces, ils n'auront pas le temps de l'enlever, tu passes et tu
flingues tout ce que tu vois autour. Un peu plus loin, tu vois
dans tes jumelles, à l'entrée du bois, il y a des abattis. Tu
fonces, s'ils sont minés on l'entendra et l'on ira te secourir.
Si tu passes, tu vas tout de suite à l'orée du bois et là,
certainement, tu découvres, à droite ou à gauche, un canon
antichar, tu le détruis avec obus explosifs.» C'est exactement
ce qui s'est passé !
Le char Uskub, conduit par le sergent Dubouch, a passé le fossé
antichar avant que les Allemands n'aient eu le temps de retirer
la passerelle, il est arrive dans les abattis qui n'étaient pas
minés et les a franchis. Les spectateurs n'ont pas entendu le
boum caractéristique des mines, mais ont vu la fumée des
échappements du char lors de la rentrée dans le bois puis, tout
à coup, ont entendu une rafale de mitrailleuse et un coup de
canon. En effet, à la sortie du bois, Dubouch avait vu autour
d'une masse quelconque des Allemands s'agiter, il avait tire à
la mitrailleuse, il avait vu les balles qui ricochaient, il en
avait conclu qu'il y avait de la ferraille à cet endroit et
qu'il devait donc s'agir d'un canon. II a tiré un obus, a
flanqué le canon en l'air et tout le monde a suivi.
Le sous-groupement La Horie est arrive à Badonviller au milieu
d'une relève, ce qui est toujours un moment très difficile pour
le défenseur. L'unité qui est en place n'a qu'une envie, c'est
de s'en aller, et l'unité qui arrive traine les pieds pour aller
prendre les consignes. Nous avons fait, en une matinée à
Badonviller, 200 prisonniers et pris ce point fort de la défense
allemande rapidement. La réaction allemande fut très violente,
mais tardive.
A Cirey, le sous-groupement Morel- Deville en faisait autant.
Malheureusement, le 19 au matin, le lieutenant colonel de La
Horie, qui venait de réaliser cette prise de Badonviller par
surprise, est tué dans les carrières à la sortie de la ville.
C'est le sous-groupement Putz, du même groupement, le GTV, qui
prend la suite.
Le général Leclerc, s'apercevant que nous avions pris les ponts
de Cirey et que Badonviller était tombé, réagit aussitôt et
pousse en avant le groupement tactique Langlade en tête duquel
se trouve Massu, mais ce dernier est arrêté sur la ligne de la
Vogesen-Stellung à La Frimbole. Là, tout est prévu par notre
artilleur, le lieutenant-colonel Crepin. Non seulement notre
artillerie tonne, mais celle de la division américaine la plus
proche, la 44e, nous aide, si bien que c'est au milieu de
combattants allemands abrutis que le sous-groupement Massu
réussit à franchir le passage de La Frimbole. Nous progressons
tellement vite que nous allons littéralement défiler au milieu
des colonnes allemandes qui essaient de se replier, ne pouvant
le faire par la route parce qu'elles étaient dispersées à
travers bois, dans un terrain montagneux; elles seront dépassées
par notre propre progression. Ainsi, jusqu'au carrefour de
Rhethal, nous avons progressé au milieu des Allemands que les
unités de tête dépassaient et que les unités suivantes
désarmaient au fur et à mesure et envoyaient vers des centres de
rassemblement de prisonniers.
Dans les Vosges, le dispositif de la division était le suivant
(voir de nouveau croquis N° 6):
- le sous-groupement Massu sur l'axe D,
- le sous-groupement Minjonnet sur l'axe C,
- le sous-groupement Quilichini sur l'axe B,
- le sous-groupement Rouvillois sur l'axe A.
Les deux sous-groupements intérieurs B et C avaient pour but de
fixer l'ennemi sur Sarrebourg et sur Rhethal pendant que, d'une
part, Rouvillois passerait par la Petite-Pierre et que, d'autre
part, Massu essaierait de passer par le Dabo.
La manoeuvre du général Leclerc réussit au-delà de toute
espérance. Les Allemands ont cru que nous allions emprunter la
trouée de Saverne; ils n'ont pas imaginé que nous allions passer
par la montagne et, finalement, les deux groupements qui ont
fixe l'ennemi ont eu un rôle au moins aussi important que ceux
qui sont passes de l'autre côté des Vosges.
En effet, les deux autres groupements de la division, le GTV et
le GTR, ont réduit petit à petit toutes les résistances qui
avaient été dépassées, qui restaient derrière et qui empêchaient
nos camions d'essence et de munitions de nous rejoindre. Cela
est très important: dans la manoeuvre du général Leclerc, il y
avait un premier échelon pour faire la percée, puis un deuxième
échelon pour liquider les résistances et rétablir la
circulation.
La progression se déroule comme elle avait été prévue par le
général Leclerc (croquis N° 7).
Le fameux colonel Rouvillois passe par la Petite-Pierre après
des combats très difficiles pendant la progression mais, à la
sortie, à Bouxwiller, il descend sur Saverne comme à la parade.
En ce qui concerne Massu, il a réussi à envoyer une colonne sur
le Dabo, tandis qu'une autre s'en va sur Saverne et, comme un
ballet bien réglé, le sous-groupement Rouvillois arrive au nord
de Saverne et le sous-groupement Massu au sud. Dans la journée
du 22 novembre, la prise de Saverne par ces deux
sous-groupements est effective avec la capture de l'état-major
de la division allemande, lequel est totalement surpris.
Pendant ce temps, le sous-groupement Quilichini prend Phalsbourg
et le sous-groupement Minjonnet arrive à s'infiltrer et à
dégager l'axe entre Phalsbourg et Saverne, si bien que, peu
après la libération de Saverne, nous commençons à recevoir les
premiers camions d'essence et de munitions qui passent par
l'itinéraire principal, et surtout les unités américaines,
absolument ébahies, qui se demandent comment nous avons pu
réaliser cette manoeuvre à travers les Vosges en si peu de temps
et avec si peu de pertes.
Le soir de la prise de Saverne se passe un incident assez
comique qui montre combien, même dans le commandement américain,
on apprécie l'humour.
Le général Haislip, commandant du 15e corps, est, au fond,
d'accord pour que le général Leclerc, dont il est le vieux
complice, se jette sur Strasbourg, mais il agit aux ordres de la
7e armée. Aussi le général Leclerc voit-il arriver, en pleine
nuit, un colonel américain avec l'ordre de l'armée, retransmis
par le 15e corps d'armée US, de marcher sur Haguenau.
II dit au général commandant la 2e DB: « Nous avons appris que
vous auriez l'intention d'aller à Strasbourg, mais cette ville
est dans le fuseau de votre voisin du sud, le 6e corps.» Le
général Leclerc lit l'ordre l'envoyant à Haguenau, il le rend à
l'Américain et lui dit: « Ecoutez, vous allez suivre la colonne
et vous me donnerez ce papier-là à Strasbourg.» « L'officier
américain suivra le PC du général et remettra son enveloppe au
Palais du Rhin à Strasbourg, la 2e DB étant dans la ville le 23
novembre.»
Dans la nuit du 22 au 23, au cours de laquelle nous remettons
les matériels en état, c'est littéralement la grande veille à la
2e DB. Le général Leclerc, trouvant qu'il n'avait plus besoin de
moi pour protéger son PC, avait affecte mon escadron au
groupement tactique Rémy et j'avais pour mission, le lendemain,
d'attaquer Wasselonne, éventuellement de pousser une
reconnaissance en direction de Molsheim.
Pendant la nuit, les sous-groupements se mettent en place:
Rouvillois au nord, Massu un peu plus au sud, Cantarel au milieu
et le sous-groupement Putz à côté de Cantarel, si bien qu'il y a
cinq sous-groupements avec celui du commandant Debray qui
remplace le lieutenant-colonel de La Horie qui vient d'être tué.
Cet ensemble part comme à la manoeuvre; c'est la charge dont
rêvent tous les militaires dans leur carrière, c'est-à-dire
foncer sur un objectif sans qu'on vous fixe un itinéraire en
vous disant:« Vous partez de là en direction de tel objectif,
agissez au mieux et ne gênez pas les voisins.»
C'est ainsi que Rouvillois, qui connaissait bien le terrain
puisqu'il avait été en garnison à Strasbourg, fonce par les
petites routes et envoie le fameux message annonçant qu'il est
arrive dans Strasbourg. L'ordre du général Leclerc, à la réunion
de Baccarat, avait été: « Non seulement vous entrez dans
Strasbourg, mais vous essayez de passer le pont de Kehl.» Or, à
800 mètres du pont, le malheureux lieutenant-colonel Rouvillois
est arrêté par un barrage allemand particulièrement dense qui,
bien sûr, protégeait le passage du Rhin. Le sous-groupement
Debray, dans lequel était mon camarade d'évasion Branet, est
arrivé lui aussi à proximité du pont. Hélas ! à moins d'un
kilomètre de ce pont, il fut stoppé par une défense très serrée
des Allemands, défense absolument infranchissable dans la foulée
et qui se renforcera dans la nuit.
Le général Leclerc nous avait dit à Baccarat que, si le soir de
la prise de Strasbourg il avait à sa disposition une division
d'infanterie pour chausser nos bottes, il foncerait plein sud en
direction de Colmar, et il était convaincu que le premier bond
serait Sélestat, le deuxièmes Colmar. Toute la plaine d'Alsace
pourrait ainsi, à son avis, être libérée d'un seul coup et par
surprise avec l'appui de toute l'aviation du groupe d'armées.
Certes, il y a six divisions allemandes dans les Vosges mais,
étant donné que nous savions que, sur les arrières, il n'y avait
pas grand-chose, en manoeuvrant très vite et en nous faisant
soutenir le lendemain par tout l'appui feu aérien des alliés
(comme nous l'avions fait à Dompaire), nous devions empêcher les
artilleurs allemands de nous tirer dans la plaine et arriver à
Colmar.
Malheureusement, il n'y avait pas de division de réserve
disponible chez les Américains. Seule la 10e division du général
Billotte, qui venait de rejoindre la lre armée, aurait pu être
consacrée à cette mission. Mais le général de Lattre, à qui le
général Leclerc l'a suggérée, jugeait cette division trop peu
aguerrie pour oser la lancer dans une affaire comme celle-là et
préférait la mettre sur les crêtes des Vosges où elle ferait son
office.
Mais, pour vérifier ce qu'avait dit le général Leclerc à
Baccarat, je vais vous raconter ce qui s'est passé dans mon
sous-groupement pendant cette fameuse nuit du 23 au 24. Cette
affaire est typique.
Le 23, pendant que les autres prenaient Strasbourg, le
sous-groupement Morel-Deville du GTR, où j'étais avec mon
escadron, prenait Wasselonne, localité au-delà de laquelle nous
ne devions pas aller, puisque nous étions chargés de protéger la
RN 4 en direction de Strasbourg, de façon à permettre les
renforts et l'acheminement des ravitaillements pour aider la
division à soutenir son combat.
Dans la nuit du 23 au 24, je réclame au QG 97 mon camion
d'essence et de munitions conduit par le caporal Duhamel, auquel
je donne rendez-vous au passage à niveau de Wasselonne devant la
gare. Bien sûr, il se trompe et va au passage à niveau qui est
entre Wasselonne et Marlenheim puis, ne me trouvant pas, il
continue et va descendre comme ca jusqu'aux abords de Molsheim.
Progressant au milieu des Allemands, il voit tout d'un coup une
lumière dans une ferme où il demande si des Français ont été
rencontrés. Le brave fermier alsacien lui répond: « Les
Français, mais je ne les ai pas vus depuis 1940 !» Alors, mon
caporal Duhamel commence à passer par toutes les couleurs de
l'arc-en-ciel. Le fermier pousse la porte de sa ferme, ordonne à
Duhamel d'éteindre ses phares et l'aide à recouvrir de boue ses
insignes de division. II lui dit: « Des camions comme le tien,
les Allemands en ont pris aux Américains; par conséquent, tu vas
me faire le plaisir de faire demi-tour pour rejoindre ton
capitaine, tu vas remonter la colonne allemande et tu crieras: «
Saverne, Saverne » à chaque fois qu'on essaiera de t'arrêter car
je crois, d'après les coups de téléphone que nous entendons,
qu'il s'agit du mot de passe de cette nuit.» Comme mon gaillard
commençait à être un peu dépité, le brave fermier alsacien lui
donne une flasque de schnaps en lui disant que ca irait mieux
après l'avoir bue. Alors, il remonte la colonne et arrive à
Wasselonne toujours au milieu des Allemands.
Evidemment, l'adjudant lui « fait la fête » à l'arrivée, comme à
quelqu'un qui est en retard il le sermonne tellement fort qu'il
me réveille. Entendant des éclats de voix, je descends de
l'endroit où j'essayais de dormir et j'interroge moi-même le
caporal Duhamel, en larmes, qui me dit: « Je ne vous ai pas
trouve au passage à niveau, alors j'ai continué. A un moment
j'ai vu un poteau: Molsheim 2 kilomètres, alors là j'ai vraiment
pensé que je m'étais trompe, un fermier m'a renseigne et me
voilà.» Ensuite, comme je lui demande la réaction des Allemands
sur la route, il me répond: « Les Allemands cassent la croûte
sur les ponts, ils ont des casse-croûte jaunes.» Bien entendu,
il s'agissait d'explosifs; ils étaient donc en train de miner
les ponts et, dans la deuxième partie de la nuit, nous avons
entendu sauter tous les ponts sur la Bruche.
Le général Leclerc avait raison, il n'y avait rien devant nous.
Si, le soir de la prise de Strasbourg, nous avions été relevés
par une autre division et avions fonce plein sud, nous serions
arrivés, dans un premier temps, à Sélestat et, dans un deuxième
temps, à Colmar.
Le 24 novembre, pour nous faire patienter, le général Leclerc
nous envoie l'ordre du jour suivant: « En cinq jours vous avez
traversé les Vosges malgré les défenses ennemies et libéré
Strasbourg. Le serment de Koufra est tenu. Vous avez inflige à
l'ennemi des pertes très sévères, fait plus de 9000 prisonniers
au dire de nos propres alliés, détruit un matériel innombrable
et désorganisé le dispositif allemand. Enfin et surtout, vous
avez chassé l'envahisseur de la capitale de notre Alsace,
rendant ainsi à la France et à son armée son prestige d'hier. Au
nom du général de Gaulle et de la France, je vous en remercie.
Nos camarades tombes sont morts en héros victorieux. Strasbourg,
le 24 novembre 1943. Signe Leclerc.»
Liddell Hart, qui était en général sévère pour l'armée
française, a écrit que la libération de Strasbourg par la 2e DB
était la plus belle manoeuvre de division blindée de la deuxième
guerre mondiale.
Le général de Gaulle a écrit à son sujet que c'était la
manoeuvre « la plus complète depuis Turenne », « l'un des
épisodes les plus brillants de notre histoire militaire » et
cependant beaucoup d'entre nous, dont j'étais, avions, le
lendemain, un goût amer, nous qui connaissions l'idée de
manoeuvre du général Leclerc qui aurait pu être déterminante si
elle avait été adoptée.
En effet, ce n'est que le 27 novembre, c'est-à-dire trois jours
après la prise de Strasbourg, que nous recevions de nouveau
l'ordre, tant attendu, d'exploiter en direction du sud.
La 2e DB passe alors chez notre voisin, le 6e corps d'armée US,
rejoignant la 103e division qui marche sur Obernai et la 36e
division qui s'achemine vers Sélestat.
Je suis désormais commandant de sous-groupement au GTR et je
reçois comme bonds:
- Premier bond: Saint-Pierre / Benfeld,
- Deuxième bond: Sélestat / Sundhouse,
- Troisième bond: Guemar / Marckholsheim,
- Quatrième bond: Colmar / Andolsheim.
Hélas ! la situation a changé, les Allemands se sont renforcés.
Quatre jours seront nécessaires pour atteindre le carrefour nord
de Sélestat et il faudra attendre le 1er février 1945, après des
combats meurtriers, pour qu'avec mon unité je participe à la
libération de Marckolsheim.
Si le commandement allié avait fait sienne l'idée de manoeuvre
audacieuse du général Leclerc, il n'y aurait pas eu de campagne
d'Alsace, ni de menace sur Strasbourg en janvier, mais une
énorme victoire qui aurait ressemblé à une sorte de petit
Stalingrad. Six divisions allemandes auraient été prises au
piège dans les Vosges. Cette victoire aurait été remportée par
des troupes françaises, à l'égal de la victoire du général Juin
en Italie facilitant la prise de Rome par son offensive
victorieuse à travers la montagne.
Ayant été acteur et témoin dans cette affaire, il me fallait
apporter mon témoignage. Je l'ai fait par écrit dans mon livre
de Souvenirs: Pour combattre avec de Gaulle, qui n'a soulevé
aucun démenti. Je l'apporte ce soir devant vous verbalement, en
toute amitié.
A. de B.
* Texte établi d'après l'enregistrement de la
Conférence tenue à Genève en mai 1987.
** Voir RMS N° 11/1987. |