1947 : deux ans après la fin
de la seconde guerre mondiale, la France manque toujours de
pain.
L'Office national interprofessionnel des céréales, successeur en
1940 de l'Office national interprofessionnel du blé (ONIB) créé
en 1936, a pour charge les attributions de farines : mais en mai
1947, elle supprime toutes attributions de farine aux communes
rurales...
Feuille d'Avis de Lausanne - 3 juin 1947
La suppression des farines
aux communes rurales est d'autant plus décriée dans certains
départements que toute commune rurale n'est pas nécessairement
productrice de blé.
Mais pour mieux décrire la situation qui conduit, en cette année
1947, à cette mesure pour atténuer de la crise du blé, il est
intéressant de relire le très long débat parlementaire dans la
séance du 20 mai 1947 (JO du 21 mai 1947), dont nous
reproduisons
ci-dessous l'introduction complète par le rapporteur de la
commission de l'agriculture.
JOURNAL
OFFICIEL DU 21 MAI 1947
DÉBATS PARLEMENTAIRES
CONSEIL DE RÉPUBLIQUE
Séance du Mardi 20 Mai 1947.
MESURES A PRENDRE EN VUE D'ASSURER AUX FRANÇAIS LE PAIN
QUOTIDIEN
Discussion d'une proposition
de résolution.
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la
proposition de résolution de M. Dulin et des membres du groupe
du rassemblement des gauches républicaines, tendant à inviter le
Gouvernement à faire connaître les mesures qu'il envisage de
prendre à la suite des révélations faites par les autorités
responsables sur la situation dramatique des céréales, en vue
d'assurer aux Français le pain quotidien d'ici la soudure 1937.
J'ai reçu un décret désignant, en qualité de commissaires du
gouvernement, pour assister M. le ministre de l'agriculture :
M. L. Bou, directeur du cabinet;
M. Braconnier, directeur de la production agricole;
M. Durand, directeur général de l'office national
interprofessionnel des céréales.
Acte est donné à cette communication.
La parole, dans la discussion générale, est à M. Dulin,
rapporteur.
M. Dulin, rapporteur de la commission de l'agriculture.
Mesdames, mes chers collègues, par une proposition de résolution
qu'au nom du groupe du rassemblement des gauches républicaines,
j'ai eu l'honneur de vous présenter et qui a été annexée au
procès-verbal de la séance du 20 février 1947, je demandais au
Gouvernement de faire connaître les mesures qu'il envisageait de
prendre en vue d'assurer aux Français le pain quotidien d'ici la
soudure 1947. Je m'efforçais alors d'établir un bilan exact et
objectif des ressources sur lesquelles notre pays était en droit
de compter et, parallèlement, des besoins qui restaient à
couvrir jusqu'à la date de la soudure.
Par prudence, je m'appuyais sur les chiffres retenus par le
Gouvernement lui-même dans une note émanant de la présidence du
conseil et datée du 31 janvier 1947. Dès cette époque, le
Gouvernement déclarait: « la France va connaître bientôt une
crise grave pour son ravitaillement en pain si elle ne reçoit
pas, à bref délai les importations qui lui sont nécessaires.
Par arrêté du 30 octobre 1946, le ministre de l'agriculture
avait estimé la récolte métropolitaine de blé à 66.738.000
quintaux et celle de seigle à 4.384.090 quintaux.
Sur cette base, l'office national interprofessionnel des
céréales avait évalué à 48 millions de quintaux de blé et 1
million de quintaux de seigle la commercialisation escomptée,
soit au total .49 millions de quintaux.
En face de ces, ressources, l'ensemble des besoins calculés par
l'O.N.I.C. s'élevaient théoriquement à 53.500.000 quintaux
exprimés en blé. Le déficit ainsi accusé, en début de campagne,
correspondait donc déjà à 4.500.000 quintaux.
Ce déficit, auquel on devait ajouter celui de l'Afrique du Nord,
initialement évalué à près de 4 millions de quintaux, devait
être couvert par des importations correspondantes, qui furent
demandées à l' « International emergency food council » à
Washington.
Au 1er janvier 1947, le déficit métropolitain qui ressortait
.des évaluations statistiques, s'élevait, pour la métropole, à
plus de 6 millions de quintaux et, pour l'Afrique du Nord, à 4
millions de quintaux.
II était donc, dès cette époque, nécessaire de prévoir
l'importation massive d'un minimum de 10 millions de quintaux.
Cette situation fut encore aggravée et compliquée par les gelées
successives qui s'abattirent sur les régions du Nord, de l'Est
et du bassin parisien, c'est-à-dire nos plus grosses régions
productrices de céréales.
Sur 3.800.000 hectares emblavés au cours de l'automne 1946,
1.500.000 hectares étaient totalement détruits, le reste était
plus ou moins gravement atteint.
Ce désastre, on pouvait en être certain, allait gravement
handicaper la collecte métropolitaine et nous obliger à
accroître encore nos demandes à l'étranger.
La présidence du conseil chiffrait, fin janvier, le déficit
global en résultant à plus de 15 millions de quintaux. Conscient
du danger, le Gouvernement prescrivait certaines mesures
d'économie: réduction de 1.150.000 quintaux du stock de fin de
campagne; réduction de 1 million de quintaux des attributions
consenties aux industries utilisatrices; incorporation d'une
prime de réensemencement de 2.500 francs par hectare emblavé;
intensification de la commercialisation du blé, et rappel au
respect strict du rationnement.
L'économie qui résultait de ces mesures était, il faut l'avouer,
plus virtuelle que réelle. Seule la garantis d'importations
massives pouvait calmer nos légitimes inquiétudes.
La proposition de résolution dont j'ai rappelé l'objet, il y a
quelques instants, fut renvoyée à la commission du
ravitaillement et cette commission, forte des assurances données
par le ministre de l'agriculture dans la séance du conseil de la
République du 25 février dernier, n'a pas cru devoir lui donner
la suite qu'à mon avis elle comportait.
Sur ces entrefaites, en effet, M. Tanguy- Prigent- était revenu
d'Amérique et rapportait tous apaisements. Confiante sans doute
en la parole du ministre; la commission du ravitaillement ne
jugea pas à propos d'ouvrir un débat sur la question.
M. le ministre de l'agriculture revenait, en effet, de
Washington avec, disait-il, 5.530.000 quintaux de toutes
céréales qui, devant nous parvenir avant là soudure, comblaient
notre déficit. Les communiqués officiels à la presse étaient
très optimistes et les communications du ministre et du
Gouvernement devant les assemblées parlementaires reflétaient le
même état d'esprit.
Au cours de la séance du 25 février 1947 et à l'occasion de la
discussion de ma proposition de résolution relative à la mise en
place des engrais de printemps, M. le ministre de l'agriculture
affirmait : « En ce moment, avec les quantités de blé de
consommation que nous venons d'acheter, avec les quantités de
blé de semence, blé alternatif et blé de printemps dont nous
disposons, nous pouvons dire que la soudure est faite, mais à
deux conditions :
« D'abord qu'il n'y ait pas de gaspillage ;
« Ensuite que la- commercialisation de tous les blés restant en
culture se fasse correctement ».
Quiconque, Cependant voulait examiner objectivement et
sérieusement la situation trouvait plus de motifs d'inquiétude
que de tranquillité : D'une part, la politique générale en
matière de céréales et de pain suivie par le Gouvernement était
critiquable et, en dehors de toutes intempéries et circonstances
atmosphériques défavorables, risquait de provoquer de graves
déboires pour la collecte de fin de campagne ;
D'autre part, les quantités de céréales que rapportait de
Washington M. le ministre de l'agriculture, et quand bien même
elles auraient fait l'objet de livraisons en temps voulu,
étaient et restaient nettement insuffisantes.
Dès cette époque, il y avait lieu de craindre, dès le mois
d'avril ou mai, des ruptures d'approvisionnement généralisées et
prolongées.
En effet, dès la mi-avril, la crise survint.
Dans de nombreux départements, les boulangeries manquèrent de
farine, même dans les grandes villes ; on ne put approvisionner
de manière régulière l'ensemble des boulangeries, les files
d'attente réapparurent aux portes des boutiques.
Dès la rentrée parlementaire et au nom des membres du groupe du
rassemblement des gauches républicaines, je -vous présentais une
nouvelle proposition de résolution, qui a été annexée au
procès-verbal de la séance du 29 avril dernier et qui faisait le
point de la situation à cette date.
De l'examen comparatif des chiffres des besoins et des
ressources, il ressortait, à cette date, un déficit de 3.175.000
quintaux, représentant pratiquement un mois de consommation.
J'ajoutais « les mesures d'économie sans doute courageuses mais
trop tardivement ordonnées par le Gouvernement paraissent donc
notoirement insuffisantes ». Tout laisse craindre d'ici la
soudure des ruptures d'approvisionnement extrêmement graves et
prolongées dans les régions déficitaires et même clans les
grands centres de consommation.
L'ordre- public de notre pays risque d'en être profondément
troublé.
Si l'on veut éviter une nouvelle et massive réduction du taux
des rations, il est nécessaire que le Gouvernement obtienne de
la production française un immense effort de livraison - qui
serait notamment facilité par le rétablissement de la prime de
livraison - et également des gouvernements alliés une aide
nouvelle et substantielle.
Cette proposition de résolution ne vint pas en discussion
publique, afin de ne pas gêner par un débat prématuré l'action
entreprise par le Gouvernement et par déférence pour l'Assemblée
nationale où les demandes d'interpellation avaient été déposées
M. le président du conseil, au courage et à l'énergie
inlassables, auquel nous devons tous rendre un respectueux
hommage (Applaudissements à gauche, au centre et à droite.) a,
depuis quinze jours et personnellement, pris en mains la haute
direction de notre ravitaillement, de l' agriculture et de
l'économie nationale.
Avec toute l'expérience qu'il a de ces délicats et irritants
problèmes, il a entrepris l'action qui s'imposait. Sous
l'autorité de M. le Président de la République a été constitué
un comité national du pain, chargé d'organiser, dans tout le
pays, un immense mouvement de propagande en faveur de la
collecte des céréales.
M. le président du conseil, au cours de la séance du 13 mai
dernier à l'Assemblée nationale, a défini la situation exacte.
Sans doute l'effort et le patriotisme dé nos agriculteurs
permettront-t-ils d'éviter; le pire, mais, à mon avis, le
problème du blé et du pain doit être résolu autrement que par
des mesures d'exception dans des moments de détresse.
(Applaudissements à gauche, au centre et à droite.) Trop
nombreuses et trop lourdes ont été les fautes commises par nos
gouvernements successifs en matière agricole et notamment dans
le domaine des céréales.
J'analyserai ces erreurs et, en m'excusant à l'avance d'élever
quelque peu' le débat, je me permettrai de vous exposer
l'actuelle et difficile situation de notre agriculture.
Je parlerai ensuite du problème des importations et j'examinerai
enfin les véritables remèdes à apporter à notre politique
agricole et plus spécialement destinés à redresser notre
production céréalière.
Depuis la guerre, on a mené la politique du « blé bon marché ».
A la libération, et ceci comme dans beaucoup d autres domaines
d'ordre économique, on n'a pas voulu rompre avec la politique
dictée par l'occupant.
Le Gouvernement s'obstina à conserver toute liberté en matière
de fixation du prix du blé et des céréales. Malgré les demandes
pressantes et réitérées des représentants de nos agriculteurs,
les votes unanimes à l'Assemblée nationale, les dispositions de
la loi du 15 août 1936, relative à la fixation annuelle du prix
du blé» demeurèrent suspendues et ainsi la légalité républicaine
non rétablie.
Les prix fixés pour les trois dernières récoltes furent
nettement inférieurs à ceux réclamés par les agriculteurs et
proposés par le conseil central de l'office national
interprofessionnel des céréales.
Les divers ministres de l'économie nationale qui se sont succédé
s'opposèrent toujours âprement aux propositions de prix qui leur
furent soumises. - A, la récolte 1946, la moyenne des prix
proposés par les comités départementaux des céréales
s'établissait aux environs de 1.300 à 1.350 francs le quintal.
Le prix avancé par le conseil central de l'office, nationale
interprofessionnel des céréales était de 1.220 francs. Ce prix
était accepté unanimement par les producteurs et les
consommateurs lors de la réunion de la conférence nationale
économique.
Par décret du 3 août 1946, le prix brut fixé par le Gouvernement
fut de 1.125 francs qui correspondait, défalcation faite de la
taxe de. 112 francs pour le fonds de Solidarité agricole et la
taxe de statistique de 10 francs, à un prix net de 1 .003 francs
par quintal.
A ce prix, le Gouvernement décidait d'ajouter une prime
dégressive de prompte livraison de 100 francs par- quintal livré
avant le 1er octobre, puis de 75 francs par quintal à livrer
avant le 1er novembre.
Le principe de la prime de prompte livraison était combattu par
l'ensemble des agriculteurs. Ils savaient, en effet, de par les
expériences passés, que l'attribution arbitraire de ces primes
engendrait de très nombreuses injustices.
Malgré toute leur bonne volonté, tous les agriculteurs ne
peuvent battre et livrer au début de la campagne et, partant,
bénéficier de la prime.
D'autre part, les producteurs s'élevaient avec énergie contre la
fixation d'un prix, taxes non déduites. En toute bonne logique,
on doit admettre que le prix d'une marchandise est la somme
d'argent que perçoit le vendeur.
A gauche. Très bien! très bien!
M. le rapporteur. Le prix réel du blé était donc non pas de
1.125 francs, mais bien de 1.003 francs. Au 1er novembre, la
prime de prompte livraison cessait de jouer. Sa reconduction fut
demandée de manière instante. Les pourparlers entre les diverses
administrations, et notamment avec le ministère des finances,
s'éternisèrent, aboutissant à un résultat négatif, ce qui
apporte un très grand trouble à la collecte.
Le 2 janvier, après la première baisse générale de 5 p. 100, le
prix du blé descendait à 953 francs, puis à 903 francs le 1er
avril à la suite de la seconde baisse générale de 5 p. 100.
Cette dernière réduction de 5 p. 100 fut cependant déclarée non
applicable aux quantités livrées sur engagements de livraison
souscrits par les producteurs.
Je n'ai tenu à rappeler ces différentes variations de prix que
pour mieux souligner le caractère arbitraire et incohérent d'une
telle politique de prix. Nos producteurs ne peuvent, dans leur
bon sens, comprendre de telles complications bureaucratiques.
Cette politique de bas prix du blé si longtemps suivie a
entraîné, depuis plusieurs années, une désaffection de plus en
plus marquée des agriculteurs pour cette production. M. Waldeck
Rochet, président de la commission de l'agriculture de
l'Assemblée nationale, faisait remarquer, au cours des derniers
débats, que le prix du blé se trouve à l'indice 4,5 par rapport
au prix de 1939, alors que les indices applicables tous autres
produits varient de 8 à 15.
De 1939 à 1946, la régression de la culture du blé atteint 20 p.
100. En 1938, en effet, les emblavements couvraient, d'après les
statistiques officielles, plus de cinq millions d'hectares ; en
1946, et malgré une légère amélioration par rapport à l'année
précédente, cette culture ne s'étendait plus flue sur 4.058.000
hectares.
Cette réduction des ensemencements, dénoncée depuis longtemps
par tous les professionnels et les responsables de
l'agriculture, constitue une menace d'une extrême gravité pour
l'approvisionnement en pain, tant de la France métropolitaine
que de l'Afrique du Nord. Elle représente, de plus, un danger
permanent pour notre indépendance, aussi bien économique que
politique.
(Applaudissements sur quelques bancs à gauche.) La politique du
blé bon marché pour avoir un pain bon marché a entraîné, entre
les diverses spéculations agricoles, un profond déséquilibre.
Vous savez tous, car le fait a été maintes fois dénoncé, que,
cette année, les céréales secondaires dont la valeur alimentaire
est inférieure à celle du froment se sont traitées à des prix
nettement supérieurs à celui du blé. Au mois de juillet dernier,
M. le chef du Gouvernement, pour faire admettre plus facilement
aux producteurs le sacrifice de prix qui leur était imposé,
s'était engagé à leur attribuer certains avantages en nature
leur permettant notamment d'acquérir, par priorité, des biens
d'équipement agricole et des objets d'utilité professionnelle.
Les agriculteurs en furent bien entendu informés, mais, comme à
l'habitude, ne virent rien venir.
La moisson avait été faite, les producteurs avaient livré au
delà de ce que l'on attendait, et plus personne ne se
préoccupait réellement de tenir les promesses faites.
Toutefois, un décret du 1er février 1947, libellé en termes du
reste fort vagues, vint cependant, mais très tardivement,
consacrer les précédents engagements.
Il disposait qu'en vue de développer la culture du blé et du
seigle, et de faciliter aux producteurs l'équipement de leurs
exploitations, chaque livraison de blé .ou de seigle effectuée
aux organismes stockeurs, au cours de la campagne 1946-1947,
donnerait lieu à l'attribution, aux producteurs, de points dits
« d'équipement ». Des arrêtés interministériels devaient définir
la liste des bons et articles pouvant être répartis ainsi que
les modalités de distribution et d'utilisation des points ainsi
attribués. Un arrêté du 14 mars dernier, signé des ministres de
l'agriculture, de l'économie nationale, de la production
industrielle et du commerce, précisait enfin les modalités
d'attribution si longtemps attendues.
Est-il surprenant, dans de telles conditions, que les
agriculteurs se montrent méfiants des promesses que leur font
les pouvoirs publics ? Les petits producteurs vont-ils, d'autre
part, être sérieusement encouragés par des attributions de
points prioritaires aussi- minimes - l'allocation étant
seulement d'un point par quintal pour des livraisons égales ou
inférieures à 10 quintaux ? Ce n'est là qu'un exemple des
procédés administratifs auxquels les Français, et peut-être plus
spécialement les agriculteurs, sont malheureusement habitués.
En ce qui concerne les engrais, dont mon collègue de l'Assemblée
a souligné Les inégalités de répartition, au détriment des
départements de petite production, qui représentent cependant 60
p. 100 de notre récolte, je tiens à dire à cette tribune que les
fournitures faites aux agriculteurs sont bien loin .d'atteindre
les chiffres initialement prévus.
Mesdames, messieurs, cette Assemblée s'est préoccupée, dès le
début de la session, du très grave problème des engrais et, plus
spécialement, de la mise en place des engrais de printemps. Au
cours de la séance du 25 février dernier, M. le ministre de
l'agriculture avait, de cette tribune, déclaré à son retour
d'Amérique; « Néanmoins, nous avons remonté le courant et,
aujourd'hui, nous pouvons dire que nous mettons à la disposition
de l'agriculture les quantités suivantes d'engrais, pour la
campagne en cours qui va s'achever en juin prochain: 200.000
tonnes d'engrais azotés contre 220.000 tonnes avant la guerre;
350.000 tonnes d'engrais phosphatés contre 422.000 tonnes avant
la guerre; 340.000 tonnes d'engrais potassiques contre 295.000
tonnes avant- la guerre.
Ces chiffres vous donnent une idée de l'effort qui a été
accompli en matière de production d'engrais. » Voilà ce que
disait M. le ministre de l'agriculture le 25 février dernier.
Or, des renseignements que je possède, et pour ne parler que des
engrais qui me préoccupent le plus, à savoir les engrais azotés,
les livraisons, au 30 avril dernier, s'élevaient, exprimées en
azote, à 115.000 tonnes seulement pour les directs, et à 35.000
tonnes environ pour les engrais composés.
Nous sommes loin des 225.000 tonnes initialement escomptées par
le commissariat général du plan.
En ce qui concerne l'importation des engrais azotés, les 100.000
tonnes initialement prévues ont été réduites à 76.000 puis à
50.000.
Au 30 avril, 45.000 tonnes seulement avaient été reçues dans les
ports.
M. le ministre de l'agriculture ne nous avait-il pas promis, à
son retour des Etats-Unis, que le solde des 76.000 tonnes, soit
34.000 tonnes, serait expédié à raison de 12.000 tonnes en mars,
12.000 tonnes en avril et de 10.000 tonnes en mai ? Je sais très
bien que M. le ministre de l'agriculture n'est pas le maître
absolu de la situation et qu'il ne peut donner que ce qu'il
perçoit, mais j'attire ici encore l'attention de l'Assemblée sur
l'effet désastreux que ne manquent pas de produire les promesses
qui ne sont point tenues.
Les quantités de semences de printemps mises à la disposition
des agriculteurs par l'office national interprofessionnel des
céréales sont de bien loin inférieures â celles annoncées.
Pour réemblaver, si les circonstances atmosphériques l'avaient
toutefois permis, les 1.500.000 hectares totalement détruits, il
aurait fallu quelque 3 millions à 3 millions 500.000 -quintaux
de semences au minimum.
Or, l'office national interprofessionnel des céréales n'a pu
fournir aux agriculteurs que 550.000 quintaux à peine de
semences de printemps 85.000 quintaux de Florence Aurore de
provenance nord-africaine, 450.000 quintaux de Manitoba
nord-américain, et quelque 7.000 quintaux de semences de
provenance scandinave. C'est bien peu, surtout si l'on tient
compte du fait qu'en raison du mauvais temps on n'a pu, dans de
trop nombreuses régions, semer de blés alternatifs.
J'ai demandé fin mars dernier à M. le ministre de l'agriculture
-- et n'ai pas encore obtenu de réponse - de bien vouloir me
faire connaître dans quelles conditions il comptait, cette
année, assurer l'approvisionnement des agriculteurs en
ficelle-lieuse. Vous n'ignorez pas, en effet, que malgré les
promesses faites, les producteurs ont rencontré, l'an dernier,
les difficultés les plus grandes pour se procurer la
ficelle-lieuse.
Maints agriculteurs dûment instruits par les expériences passées
hésitent à se livrer à une culture de moins en moins rentable et
pour laquelle ils n'éprouvent que des déboires. Nombreuses
seront, cette année, dans ma région, les machines à battre qui
ne pourront pas fonctionner, faute de matériel de traction. Les
locomobiles au charbon datent, la plupart du temps, de 25 à 30
ans et sont dans un état de fatigue extrême. Les coopératives de
battage, très nombreuses dans ce secteur, ont demandé avec
insistance que des tracteurs leur soient alloués. Elles
attendent toujours ces tracteurs et ne savent comment elles
pourront effectuer les battages de la prochaine récolte.
Ce sont là peut-être des problèmes complexes dont la solution
dépend de plusieurs ministères, mais, il faut bien le
reconnaître, les cultivateurs ne peuvent que s'adresser au
ministre dont ils dépendent et qu'ils considèrent comme
responsable de la situation, à savoir: le ministre de
l'agriculture.
Au cours de précédentes interventions, notamment de la
discussion du budget extraordinaire de l'agriculture, j'ai
signalé à votre attention, au nom de la commission de
l'agriculture du Conseil de la République, la part réellement
par trop insuffisante qui était consentie à notre agriculture.
Nous avons examiné l'insuffisance des fournitures d'engrais, je
tiens à redire combien insuffisante demeure la fourniture de
tracteurs et, plus généralement, de matériel d'équipement
agricole.
Mon collègue de l'Assemblée nationale a signalé que, pour
l'année 1947, l'agriculture bénéficiait d'une attribution
théorique de 500.000 tonnes de métaux ferreux, sur un ensemble
de ressources de 6.500.000 tonnes, soit un peu moins de 8 p.
100.
Des réductions seraient même opérées sur certains postes.
Au cours de cette année, les agriculteurs ne pourront compter
que sur la fourniture de 15.000 à 20.000 tracteurs, alors que le
plan Monnet en prévoyait 40.000. II faut à tout prix développer
et standardiser l'industrie française du machinisme agricole.
Les attributions de fil de cuivre pour l'électrification rurale
ne permettent pas au service technique compétent d'envisager en
moyenne, l'équipement de plus de 30 kilomètres de lignes par
département.
Les attributions de matériaux pour canalisation d'eau potable
dans les campagnes ne permettront pas, cette année, de réaliser
une moyenne, de plus de 1 kilomètre de travaux par département.
Au cours de la séance du 27 mars dernier, je posai la question
de savoir s'il était sage de ne consacrer à l'agriculture que
2,3 p. 100 du budget extraordinaire pour l'exercice 1947, alors
que les produits agricoles représentaient près de la moitié du
revenu de notre production nationale.
Je n'ai tenu à vous donner ces quelques exemples que pour
souligner d'une manière plus concrète combien nous sommes loin,
dans le domaine de l'agriculture et plus spécialement de la
production agricole, de réaliser les programmes établis par le-
commissaire général au plan.
Si les cultivateurs ne disposent pas des engrais et du matériel
qui leur sont indispensables, comment voulez-vous qu'avec la
pénurie actuelle de main-d'oeuvre et de moyens de production ils
parviennent à produire suffisamment et à satisfaire les besoins
de la consommation ? Un orateur signalait à l'Assemblée
nationale que l'importation de 1 million de quintaux de blé
coûtait à la France l'équivalent de 8.000 tracteurs.
On a parlé du « goulot d'étranglement » du plan Monnet. J'estime
qu'à l'heure actuelle, le déficit de notre production agricole
en est le principal « goulot d'étranglement ».
La politique agricole suivie en matière de céréales est, nous
l'avons vu, condamnable.
Elle a, certes, pesé lourdement sur la production et la
commercialisation de cette campagne. Mais, n'y a-t-il pas eu
également des erreurs et des fautes de tactique en matière
d'importation de céréales panifiables et de céréales,
secondaires ? A-t-on, dans ce domaine, fait tout ce qu'il
fallait ?
Je me garderai bien, par précipitation ou prévention, de
passionner le débat et ne voudrai en rien manquer à toute
l'objectivité que requiert l'examen de cette question.
Toute personne avertie savait pertinemment, avant même la
récolte, que notre pays, tant la métropole que l'Afrique du
Nord, souffrirait d'un grave déficit de céréales panifiables- et
d'aliments du bétail.
Dès le mois de juin 1946, à la conférence de Washington où il
présidait la délégation française, mon ami Longchambon, alors
ministre du ravitaillement, responsable devant le Gouvernement
de notre approvisionnement en pain, avait déjà évalué et chiffré
de 10 à 12 millions ce quintaux de céréales panifiables le
déficit métropolitain et nord-africain de la campagne 1946-1947.
Il avait signalé également nos besoins considérables en céréales
secondaires d'importation.
Je crains, une fois résolues les énormes difficultés qu'il avait
fallu vaincre pour assurer la soudure 1946, que .les services et
administrations responsables se soient encore une fois un peu
endormis.
La récolte paraissait abondante ; de funestes campagnes de
presse, provoquées par certains intérêts professionnels à peine
camouflés, trompaient l'opinion en répandant des chiffres de
récolte très supérieurs à la réalité.
Nous ne saurions assez condamner de telles campagnes mensongères
qui, tant dans l'esprit des Français que vis-à-vis des
gouvernements étrangers,- nous ont suscité par la suite les plus
graves difficultés.
Certes, les chiffres de récolte et de commercialisation
officiellement retenus par le ministre de l'agriculture avaient
été calculés de manière prudente.
A la lumière de l'expérience on ne saurait accuser les services
compétents d'avoir été trop prudents.
Aux yeux des gouvernements étrangers et notamment de
l'International Emergency Food Council, les campagnes de presse
françaises rendirent très difficile la tâche de nos missions
d'achats.
A-t-on cependant pris, à l'époque, toutes mesures pour bien
informer les gouvernements alliés et l'organisation
internationale ? Notre mission d'achats à Washington, notamment,
a-t-elle reçu en-temps voulu, et de manière suffisamment
précise, tous les renseignements utiles pour lui permettre
d'introduire, en les justifiant pleinement; nos demandes
d'importation ?
Les ministères de l'économie nationale et des finances
eurent-ils une connaissance suffisamment exacte de nos besoins
réels ?, Les devises étaient rares et certes on avait, à juste
titre, le souci de les ménager, mais n'a-ton pas cependant perdu
de vue l'importance des crédits qu'il fallait, coûte que coûte,
réserver à l'achat de céréales ? Attendre était à coup sûr nous
oblige par la suite à payer plus cher.
A son retour de Washington, M. le ministre de l'agriculture a
annoncé avec beaucoup d'optimisme que les 5.530.000 quintaux de
céréales- qui lui avaient été promis permettraient d'assurer la
soudure. Le ministre de l'agriculture avait-il en mains un
contrat ferme et dûment signé ? Au reste, les 5.530.000
quintaux, soi disant -rapportés, ne correspondaient qu'à la
moitié de la demande exprimée. Dans ces 5.530.000 quintaux de
toutes céréales, je le souligne, était incluse une précédente
attribution de 1.910.000 quintaux antérieurement allouée par l'I.E.F.C.
à l'Afrique du Nord. Les déclarations officielles se gardèrent
bien de le préciser.
Sur les 5.530.000 quintaux promis, les quantités effectivement
portées au programme de l'I.E.F.C., de février à juin
inclusivement, ressortent seulement à 4.230.000 quintaux.
Le déficit était donc, là encore, de 1 .300.000 quintaux.
Il ne s'agit pas, croyez-le bien, sans commettre une flagrante
injustice, de rejeter sur l'organisation internationale et plus
particulièrement, sur les gouvernements des Etats-Unis
d'Amérique et du Canada, la responsabilité de la crise que nous
déplorons en France.
M. le ministre de l'agriculture a rendu à nos amis américains le
juste hommage qui leur était dû. Il a rappelé le magnifique
effort que l'Amérique du Nord a réalisé depuis la libération et
réalise encore tous les jours pour venir en aide aux populations
affamées d'Europe et d'Asie. (Applaudissements.) La France
(métropole et Afrique du Nord réunies) a reçu des Etats-Unis et
du Canada près de 8 millions de quintaux de céréales panifiables
au cours de la campagne 1944-1945.
Pour la campagne 1945-1946, c'est le chiffre considérable de 33
millions de quintaux de céréales panifiables qui nous est
parvenu d'Amérique -du Nord.
Au 26 avril 1947, 1 .278.000 quintaux avaient été reçus en
provenance des deux mêmes pays.
Le Conseil de la République s'associera, j'en suis sûr, au
sentiment de reconnaissance que l'Assemblée nationale a déjà
exprimé à nos grands alliés d'outre-Atlantique. (Vifs
applaudissements.) J'en viens enfin, en m'excusant d'abuser de
votre patience, aux mesures urgentes qu'il convient de prendre
pour remettre en honneur dans notre pays la culture du blé et
pour éviter qu'à l'avenir nous ne retombions dans une crise
aussi aiguë et aussi inopinée que celle que nous traversons.
Il faut, au premier chef, revaloriser la culture du blé. C'est
là le remède essentiel en dehors de l'application duquel toutes
autres mesures seront illusoires et Inopérantes.
Il convient que le cultivateur ait intérêt à cultiver le blé.
Aucun règlement, aucune loi ne pourra jamais l'empêcher
s'abandonner une culture difficile et qui ne rapporte pas.
Il faut que cesse enfin la prévention de certains milieux et de
certaines administrations vis-à-vis de notre agriculture
française.
La structure économique de notre pays est équilibrée. Notre
industrie n'aurait rien à gagner à la ruine de notre agriculture
et notre agriculture aurait tout à perdre de l'appauvrissement
de notre industrie.
Dans l'un et l'autre secteurs, le problème primordial est et
reste le développement maximum de la production.
La dévalorisation des prix du blé a entraîné inéluctablement la
régression de cette culture.
Il est essentiel qu'un redressement immédiat soit opéré et que
le prix du blé soit rémunérateur.
L'ordre du jour adopté par l'Assemblée nationale à la fin des
récents débats sur le blé réclame une harmonisation des prix
agricoles. Il est essentiel que ce voeu, comme beaucoup
d'autres, ne reste pas lettre morte.
Un décret interministériel du 22 mars 1947 détermine les
conditions de fixation ide prix du blé pour les campagnes 1947-
1948 à 1949-1950 incluses.
Les dispositions retenues m'ont semblé bien obscures et peu
propres à redonner confiance à, nos cultivateurs.
Je demande instamment que l'on retienne franchement aux
principes de la loi Républicaine de 1936. Cette formule
donnerait un apaisement normal dans les milieux paysans et
serait certainement le plus sûr garant de la réussite de la
commercialisation de la campagne 1947-1948.
Il est absolument indispensable qu'en matière de prix du blé,
toutes assurances soient immédiatement données aux producteurs.
On bat à l'heure actuelle en Afrique du Nord et l'on ne saurait
prétendre amener les producteurs de ces territoires à nous
envoyer leurs céréales avant que ne soient fixés sinon les prix
définitifs, du moins les acomptes qui doivent leur être
immédiatement versés.
Les prix qui seront fixés doivent être, comme je l'ai dit tout à
l'heure, des prix nets, déduction faite de toutes taxes.
Il convient également que cesse, une bonne fois pour toutes, le
système des primes de prompte livraison.
L'attribution de ces primes est une source d'injustices et de
réclamations de la part des producteurs.
Ces primes n'ont du reste été dans le passé que des formes
déguisées d'augmentation des prix. Elles ont été reconduites,
presque chaque année, après d'interminables discussions entre
les diverses administrations et organismes professionnels,
discussions et retards qui n'ont pas manqué d'entraîner un vif
mécontentement des producteurs et de profondes perturbations
dans la collecte, mais, par contre, les primes de conservation
doivent être maintenues.
Je soutiens que le prix du blé doit tenir compte des prix de
revient.
Il y a là un problème délicat et complexe à résoudre, mais il
est essentiel qu'il le soit pour que, par voie de conséquence,
soit maintenue la culture du blé dans toutes les régions de
faible rendement.
Il est absolument inadmissible, d'autre part, que le prix du blé
soit constamment modifié en cours de campagne. Il y a là une
preuve irréfutable de désordre économique et une source
d'injustices absolument intolérables entre les producteurs.
Le pain doit être fixé à son prix de revient réel, c'est-à-dire
qu'il doit correspondre au prix normal et rémunérateur des
céréales.
Je prétends que la politique démagogique du pain bon marché est
à l'origine de la crise que traverse la culture du blé en
France. Par contre, je considère que des facilités devront être
accordées sur le prix du pain aux familles nombreuses.
Il est absolument anormal et finalement nuisible que soit ainsi
systématiquement déprécié notre aliment de base. Comme
l'indiquait un orateur au cours de la séance du 16 mai dernier à
l'Assemblée nationale : « Le Gouvernement a vendu du pain bon
marché, mais il ne s'est pas soucié de savoir s'il y en aurait
toujours ». L'interpellateur aurait pu ajouter que ce pain bon
marché coûtait en fait très cher au Trésor et, par voie de
conséquence aux contribuables.
Il faut en finir avec la politique trop souvent aveugle et
socialement injuste des subventions économiques.
L'annonce faite par le Gouvernement qu'il est fermement décidé à
une saine politique en matière de fixation des prix du blé est,
à mon avis, le plus sûr moyen de réussir dans l'effort de
collecte que le comité national du pain vient d'entreprendre.
Nos paysans français n'ont de leçon de Patriotisme de à recevoir
de personne. Ils ont fait leur devoir et tout leur devoir sur
les champs de bataille; ils l'ont fait malgré d'énormes
difficultés au cours des sombres années de l'occupation. Ils ont
poursuivi leur inlassable labeur depuis le jour où la libération
de la patrie a fait naître un immense espoir au coeur des
Français. Ils sont bien décidés à ne pas marchander le concours
que le Président de la République et le chef du Gouvernement
viennent de leur demander avec tant d'autorité et de dignité.
Mais il est essentiel que les pouvoirs publics comprennent enfin
les légitimes intérêts de nos agriculteurs. Ceux-ci supportent,
avec de plus en plus d'impatience, les mesures arbitraires et de
contrainte d'une bureaucratie qui n'a malheureusement aucun
contact avec les réalités de la terre. (Applaudissements sur
quelques bancs à gauche et à droite.) M. le ministre de
l'agriculture a fait à la Chambre, à nouveau, une profession de
foi en faveur du dirigisme. Mais par contre M. le président du
conseil s'est déclaré partisan du socialisme non dirigiste et,
depuis, nous avons bon espoir, puisque M. le président du
conseil a effectivement pris en main la politique économique du
pays.
En terminant et en m'excusant de ce trop long exposé, je
voudrais, mes chers collègues, signaler à votre attention l'aide
substantielle que nous pouvons attendre du Maroc, d'ici la
soudure.
Si la récolte s'annonce médiocre et même franchement mauvaise en
Algérie et en Tunisie, elle est, par contre, excellente au
Maroc.
D'après les renseignements recueillis, le Maroc récolterait,
cette année, 32 millions de quintaux de céréales, dont environ
10 millions de quintaux de blé, 17 millions de quintaux d'orge
et 5 millions de quintaux d'avoine.
M. le ministre de l'agriculture a annoncé qu'il convenait
d'attendre de ce territoire, avant le 15 juillet, 130.000 tonnes
de blé et d'orge.
Il semble que M. Tanguy Prigent ne puisse à ce propos être taxé
d'un optimisme exagéré.
Je crois, au contraire, qu'avec l'autorité dont dispose et fait
preuve le Gouvernement, ce chiffre pourrait être largement et
même très largement dépassé.
Mais faudrait-il avoir les moyens de transport nécessaires.
Les Marocains seraient, paraît-il, disposés à nous expédier
d'importants tonnages d'orge, peut-être 2 millions à 3 millions
de quintaux.
Ces orges pourraient être livrées sur le marché français à des
prix très raisonnables allant de 850 à 900 francs le quintal.
Vous n'ignorez sans doute pas que le marché des céréales
secondaires est libre au Maroc et qu'il conviendrait d'éviter
qu'une marchandise qui nous est, à l'heure actuelle, si
précieuse, soit dirigée sur d'autres pays et en particulier sur
l'Espagne franquiste. (Applaudissements à l'extrême gauche et
sur quelques bancs à gauche.)
Je demande donc à M. le ministre de l'agriculture de se pencher,
d'une manière toute particulière, sur ce problème et de prendre
immédiatement les dispositions qui s'imposent pour que
l'opération, réussisse.
Si des erreurs ont été commises, le pays se trouve aujourd'hui
devant une situation de fait.
D'abord nous avons à assurer la soudure et, comme je le disais
dans ma proposition de résolution, le pain quotidien aux
Français jusqu'à la prochaine récolte. Nous devons ensuite
demander au Gouvernement de ne pas renouveler les erreurs
commises les années précédentes et de prévoir un plan concret
pour la prochaine récolte qui, vous le savez, sera très
déficitaire.
Mais je pense aussi que le Conseil de la République et tous les
bons Français doivent s'unir pour demander aux paysans français
de livrer jusqu'au dernier grain de blé, afin que soit assurée
la soudure en 1947 et que soient maintenus en France l'ordre
public et, par là même, le régime républicain. (Vifs
applaudissements.) |