Si le chimiste
Antoine Lavoisier (1743-1794) a réalisé de très
nombreuses expériences dans divers domaines de
physique et chimie, peu de ses travaux ont été
publiés de son vivant, et il faudra attendre une
édition aux frais de l'Etat en 6 volumes (1861,
1862, 1865, 1868, 1892 et 1893).
Concernant l'analyse des eaux, Lavoisier détermine
que
« Les moyens généraux d'examiner les eaux se
réduisent à deux par les combinaisons et par
l'évaporation. Le premier dé ces deux moyens suffit
dans le plus grand nombre des cas pour nous
apprendre la nature des sels contenus dans l'eau;
mais il ne nous donne qu'une idée très-imparfaite de
la quantité de ces mêmes sels et de la proportion
qu'ils observent entre eux. L'évaporation a été
regardée jusqu'ici comme un moyen plus sûr, et c'est
par cette voie qu'ont procédé ceux qui nous ont
donné ce que nous avons de plus exact en ce genre.
Les Mémoires de cette Académie sont pleins des
recherches les plus curieuses en ce genre. On dirait
que les hommes de génie auxquels nous sommes
redevables de ces travaux voulaient laisser à la
postérité un modèle de ce qu'il était possible de
faire par les méthodes qu'ils avaient alors entre
les mains. [...] »
Il conçoit alors un « aéromètre » pour analyser les
résidus d'évaporation, dont un modèle réduit qui lui
permet d'effectuer ses expériences sur place :
« L'aréomètre qu'on voit représenté dans la
planche VIII, déplace 4 livres onces, 4 gros
39grains,64 d'eau distillée, à 10 degrés 1/4 du
thermomètre de M. de Réaumur, c'est-à-dire
41223grains, 64 ; la tige a environ une ligne de
diamètre, et cet instrument est si sensible qu'il
est difficile de commettre une erreur de plus d'un
quart de grain dans l'opération il s'ensuit donc
qu'on peut déterminer, par ce moyen, la pesanteur
d'un fluide à 1/164896 près de la masse, précision
singulière et à laquelle on n'avait point encore
essayé d'atteindre.
Cet aréomètre n'est pas celui dont je me suis servi
dans mon voyage des Vosges; il aurait été trop
lourd, trop volumineux, et, par conséquent, trop
embarrassant, surtout dans un pays naturellement
difficile, où il n'est pas même toujours possible de
voyager à cheval. Une exactitude aussi scrupuleuse
n'est pas, d'ailleurs, absolument essentielle; j'ai
donc cru qu'il suffisait de donner à mon aréomètre
de voyage 4 pouces de haut sur 2 pouces de diamètre.
Je l'ai fait exécuter en argent, afin qu'il ne fût
sujet ni à la rouille, ni au vert-de-gris, et qu'il
ne changeât pas sensiblement de poids, s'il était
possible, pendant le cours du voyage. Cet aréomètre
déplace 9 onces, 1 gros, 18 grains d'eau distillée,
à 10 degrés 1/4 du thermomètre de M. de Réaumur,
c'est-à-dire 5274 grains; il est aussi sensible que
le précédent, de sorte que l'erreur de l'observation
ne peut guère excéder un quart de grain, ce qui ne
donne que 1/21096 de la masse, c'est-à-dire moins
d'un demi-grain par livre. Cette exactitude est
suffisante à la rigueur; cependant, à des personnes
qui voyageraient en voiture, je conseillerais
toujours d'employer un instrument plus grand. »
C'est ainsi qu'en juin 1767, que le jeune Antoine
Laurent de Lavoisier part avec le docteur
Jean-Etienne Guettard, chargé d'un projet d'atlas
minéralogique de la France, afin de visiter la
Lorraine et l'Alsace. Il passe par Blâmont sans
doute vers fin septembre lors de son retour.
oeuvres
de Lavoisier
Tome 3
Mémoires et rapports sur divers sujets de chimie et
de physique pure.
Ed. Paris, 1865
De la nature des
eaux
[...]
Résultat des expériences faites sur les eaux des
pays composés de couches calcaires horizontales.
Ces expériences embrassent tout le terrain calcaire
qui environne de toutes parts les montagnes des
Vosges, une partie de la Lorraine, de la Champagne,
de la Brie et du Valois.
Noms des lieux d'où les eaux ont été tirées : Eau de
la fontaine publique de Blamont.
Pesanteur du pied cube de ces eaux à 10° 1/4 du
thermomètre, c'est à dire à la température des caves
de l'Observatoire : 70 Liv. 0 Onces. 3 Gros. 64,47
Grains.
Excès de pesanteur du pied cube de ces eaux sur le
pied cube d'eau distillée : 0 Onces. 7 Gros. 5,89
Grains.
Qualité et quantité des sels contenus dans l'eau :
7grains, 7 de sel gypseux.
2grains, 64 sel de Glauber.
Nature des terrains d'où sortent ces eaux : Les
coteaux voisins sont composés de pierres calcaires ;
il y en a qui contiennent du sable dans le haut.
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