Bulletin du Comité des travaux historiques et
scientifiques. Section d'histoire et de philologie
Ministère de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts
Année 1905
ANIMAUX D'AFRIQUE À LA COUR DES DUCS DE LORRAINE AUX
XVe ET XVIe SIÈCLES.
COMMUNICATION DE M. PIERRE BOYE
Au moyen âge, les
souverains se faisaient un luxe de rassembler à
proximité de leurs résidences, ou même dans
l'intérieur de leurs palais, des animaux de toutes
sortes. Ils recherchaient surtout, pour augmenter
l'attrait de ces « ménageries », dussent-ils les
obtenir à très grands frais, des spécimens de la
faune exotique, dont ils divertissaient leur
entourage et qu'à certains jours ils exhibaient à
leur peuple. Dès le début du XIIe siècle, Henri Ier
d'Angleterre offrait à l'étonnement de ses sujets de
Caen : un jeune lion, un léopard, un lynx, un
chameau et une autruche. Cette collection de Beauclerc rappelle un peu telle modeste baraque de
nos foires de petites villes. Elle n'en n'excita pas
moins, à l'époque, un enthousiasme général. Le
moine-poète Raoul Tortaire qui la vit, au cours d'un
voyage dans la ville normande, entre 1100 et 1115,
ne trouve pas, pour en célébrer les merveilles, de
termes assez admiratifs (1).
Au XVe siècle, encore, les princes les plus riches
appréciaient fort les animaux rares. Ils en
demandaient aux contrées lointaines. Philippe le
Bon, entre autres, après Philippe le Hardi (2),
partageait cette curiosité. Pour distraire sa sombre
humeur, Louis XI, sur ses vieux jours, en faisait
quérir « de tous costez ». De Danemark et de Suède
venaient pour lui les élans et les rennes, et de
Barbarie « aucunes bestes sauvaiges et estranges ».
Parmi celles-ci, Commines cite « une espèce de petiz
lyons, qui ne sont point plus grans que de petiz
regnards », et appelés, nous dit-il, des « aditz »
(3). De toute probabilité, il faut y voir simplement
l'adive ou le chacal; et le silence du chroniqueur
laisserait à penser que les félins d'Afrique
n'étaient pas représentés à Plessis-lès-Tours.
Ces grands fauves constituaient, au contraire, une
des attractions de la cour de Provence. La situation
de leurs Etats donnait aux comtes plus de facilité
et d'occasions de s'en procurer. Ne subvenaient-ils
pas de leurs deniers à l'entretien du lion qu'à
l'exemple de Florence et comme allusion vivante à
ses armoiries, la ville d'Arles était dans l'usage
de nourrir (4) ? Mais aucun de ses prédécesseurs,
aucun membre de sa maison, ne se montra plus fervent
amateur de cette distraction, que le bon roi René.
On sait que, sous son règne, les relations de la
Provence avec la côte barbaresque se multiplièrent.
Des rapports constants s'établirent avec Bône,
Bougie et Tunis. Outre les denrées et les produits
de toute nature, débarquent à Marseille, pour le
plaisir du maître, des bêtes féroces, toujours
reçues avec joie, notamment des lions pour lesquels
le prince paraît avoir eu une prédilection marquée.
A peine a-t-il quitté son duché de Lorraine pour des
contrées plus chaudes, que l'on voit René faire
élever dans ses châteaux et ses bastides, à Aix et à
Marseille, quelques individus de cette espèce.
Transportés à Angers, quand le prince se fixa dans
cette cité, ils y formèrent l'embryon d'une
ménagerie comprenant des léopards, des singes, une
civette, des dromadaires, des autruches, et qui,
sans cesse renouvelée et accrue, n'avait peut-être
pas sa pareille en Europe. A la fin de 1471, René se
retire dans son comté de Provence. La ménagerie
angevine périclite, puis disparaît (5). Désabusé et
malade, le prince n'a pas toutefois complètement
renoncé à son amusement favori. Sur l'état des gens
de son hôtel, dressé à Aix en 1478, figure toujours
un « lionnier » (6).
En Lorraine, René II n'avait pas été sans entendre
parler de ce goût de son aïeul pour les animaux
étrangers. Son père, Ferri de Vaudémont, avait pu
l'en entretenir en connaissance de cause, lui qui,
depuis la Provence, se chargeait en 1464 d'expédier
une lionne à Angers (7). Vainqueur de Charles le
Téméraire au combat du 5 janvier 1477 et dès lors
jaloux de donner à sa capitale un éclat digne des
destinées qu'il entrevoit pour sa nation, le jeune
duc tint à posséder quelqu'un au moins de ces fauves
superbes dont l'éloignement où était le pays des
rivages méditerranéens augmentait encore la
singularité et la valeur.
Le 5 septembre 1479, l'émoi dut être vif à Nancy,
lorsque le souverain y reçut, cadeau sans doute du
roi de Sicile, une panthère femelle, ce produit,
croyait-on vulgairement, d'un être imaginaire, le
pardus, et d'une lionne (8). La « léoparde » fut
confiée au portier du palais ducal, moyennant 6
blancs par jour (9). Le prince lui fit fabriquer un
collier (10). Mais il ne jouit pas longtemps de sa
vue. La panthère fut trouvée morte le 2 juillet 1480
(11).
Huit jours après s'éteignait le roi René. La réunion
prochaine du comté au domaine royal, suivant celle
de l'Anjou, allait supprimer à jamais la splendeur
de la cour provençale. Mais déjà, à la ménagerie
d'Aix a succédé celle de Nancy. Soit que son
petit-fils en eût manifesté le désir, soit de la
recommandation même du défunt, les animaux de prix
que le vieillard gardait encore, deux forts lions,
le mâle et sa femelle - la « lyonnesse », - ont été
sans retard envoyés en Lorraine (12).
Aussitôt qu'il a été assuré de cet héritage, le duc
s'est préoccupé d'accueillir ses redoutables hôtes.
Naguère, à Angers, la ménagerie s'étendait dans
l'enceinte du château, toute proche de la Chambre
des Comptes (13). De même, René II veut-il que le
pavillon des fauves soit compris dans sa propre
demeure, et est-ce pareillement aux bâtiments
occupés par sa Chambre des Comptes, qu'il décide de
l'adosser. Cette « maison et logis » des lions, à
laquelle furent employés des maçons de Nancy et de
Chaligny, était assez importante, puisque sa
construction revint à 112 francs barrois 8 gros 7
deniers, - 2,500 francs d'aujourd'hui, - sans
compter quelque 3,000 tuiles que, pour la couvrir,
on tira des tuileries domaniales. Faite de
maçonnerie et de charpente, elle comprenait deux
parties : la « chambre des lyons » et, séparée par
une porte renforcée de solides verrous, la chambre
de leur gardien, où étaient suspendus divers
instruments, une hache, un grand couteau à débiter
la viande. Ces deux pièces étaient planchéiées.
Celle que l'on réservait aux animaux, prenait jour
sur la cour du palais par deux vastes baies garnies
de barreaux de fer, et auxquelles pouvait, l'hiver,
s'adapter un système de fenêtres (14).
Le 28 octobre 1480, les carnivores avaient pris
possession de leur nouveau gîte. Ils étaient
accompagnés de leur valet habituel, un nommé
Anthonelle ou Anthoynelle, que les documents
qualifient tour à tour de « lyonnier », de « maistre
des lyons », ou de « gouverneur des lyons ». Les
gages d'Anthonelle que l'on habilla d'une livrée en
drap de Bar, furent fixés à 12 francs 10 deniers par
trimestre. Cet homme avait droit, en outre, à 3 gros
1 denier par jour pour sa dépense de table, tandis
que la nourriture des félins, fournie par un boucher
de Nancy, lui était payée à raison de 5 gros
quotidiens. Le « norrissement et gouvernement» des
deux bêtes tient, de cet instant, une place
importante dans les registres du cellérier. Des
rubriques spéciales sont consacrées à ces débours.
Il n'est pas rare, aussi, de rencontrer çà et là,
aux endroits où l'on s'y attendrait le moins,
diverses mentions concernant nos fauves. A côté de
réparations aux appartements de Mademoiselle, sont
signalées celles effectuées dans la « chambre des
lyons » (15).
Grâce au régime sagace combiné par Anthonelle, ces
animaux eurent un meilleur sort que la panthère. A
Angers, en dépit de soins assidus et d'une
nourriture abondante, les lions vivaient à peine un,
deux ou trois ans, au bout desquels il ne restait au
roi de Sicile qu'à en faire « habiller et mectre en
couroy le cuyr », quitte à recommencer, avec une
persévérance méritoire, ces essais d'acclimatation
(16). A Nancy, le couple prospéra et se reproduisit.
Il eut d'abord deux petits que, le 17 mars 1483,
Anthonelle et un domestique conduisirent au comte
palatin (17). L'année suivante, autre portée, mais
de trois lionceaux, que René II offrit au jeune roi
Charles VIII. Des ouvriers nancéiens
confectionnèrent la charrette qui servit à cet
envoi, et nous savons que le véhicule coûta 9 livres
19 sols (18).
Cinq ans plus tard, le lion et la lionne vivaient
encore (19). Nombre de fois le duc et ses familiers,
traversant la cour du palais, s'étaient arrêtés
devant leurs barreaux; et, à diverses reprises sans
doute, aux jours de fête, les habitants de la ville
avaient été admis à les contempler. Mais il n'est
pas de plaisir dont, à la longue, on ne se blase.
Les gens de la Chambre des Comptes de Lorraine, qui
finissaient par trouver le voisinage immédiat de ces
animaux incommode, nous ont laissé une preuve de
leur lassitude. Le 21 novembre 1488, la Compagnie,
président en tête, juge opportun de réduire et
l'ordinaire des fauves, et le traitement du lionnier.
Anthonelle désormais « aura et emportera tant pour
ses gaiges, despens, que pour le norissement desdits
lyons, chacun jour v gros pour tout »; ce qui,
d'ailleurs, faisait encore, en notre monnaie
actuelle et si l'on tient compte du pouvoir de
l'argent, une rétribution mensuelle de 290 francs
environ (20). En Anjou ou en Provence, le roi de
Sicile, sentimental et doux, se contentait de
retenir captifs les animaux qu'il rassemblait, quels
qu'ils fussent. Ses ancêtres, cependant, prisaient
fort les combats de bêtes féroces, et René II avait
dans les veines du sang de ce bisaïeul, Louis II,
qui choyait dans son château un bélier jadis
vainqueur d'un lion (21). En quête d'émotions
neuves, le duc résolut donc d'utiliser, de sacrifier
au besoin ses félins, pour varier les
représentations, mystères, soties ou moralités, que,
presque chaque année, il donnait à son peuple (22).
Les pièces comptables du cellérier mentionnent, en
1487, une somme de 5 livres 12 sols remise au grand
veneur « pour le vin de ceux qui ont pris un sangle
vif à faire combattre les lyons » (23). Ce spectacle
dut plaire au prince et à ses sujets, car il fut
renouvelé en janvier 1488, cette fois plus
palpitant, sous la forme traditionnelle en honneur
dans le Midi. A cet effet, un « échafaud »,
semblable à celui sur lequel se jouaient les farces,
mais construit en énormes madriers, fut érigé. On le
surmonta d'une vaste cage qui, de la sorte, était
visible pour toute la foule se pressant alentour. Un
boucher de Lunéville eut charge de « chercher par le
pays un fort thoreau » pour entrer en lice contre
les lions. Il le trouva à Herbéviller (24), et le
paya 7 francs barrois. Le combat fut acharné.
Plusieurs broches de fer furent brisées. De cette
épreuve les lions sortirent sains et saufs (25). En
1489, maître Didier, chapelain de Madame de Saverne,
ne dédaigne pas de s'employer à découvrir un taureau
plus redoutable. Son choix se fixa sur une bête
puissante, achetée à Pulnoy (26) moyennant 5 francs.
Six hommes furent nécessaires pour la conduire à
Nancy. Au début de mars, néanmoins, les lions
triomphèrent encore de cet adversaire. En marge de
son registre, le cellérier précise que « ledit
thoreau fut tué et mengé par le lyon » (27). Blessée
peut-être, la « lyonnesse » mourut au mois de juin
(28). Anthonelle en défaveur, ne touchant plus que 3
gros par jour, repartit pour la Provence le 4 mai
1491. Confié à la garde timide du portier de
l'hôtel, Godefroy Hocquellet, le lion enfin, dernier
survivant de la ménagerie du roi René, ne tarda pas
lui-même à périr (29).
La reconstruction de son palais empêcha René II de
songer à remplacer ces animaux encombrants. Depuis
quatorze années, on n'avait plus vu à Nancy un seul
spécimen de la faune africaine, lorsque, le 20
septembre 1505, arrivèrent, dans la capitale, des «
compagnons » porteurs de deux civettes qu'ils
destinaient au prince, et que l'on installa aussitôt
dans une pièce de la demeure ducale restaurée (30).
Les documents n'indiquent pas la provenance de ces
civettes. Ce devait être, de toute probabilité; la
civette d'Afrique, de la taille d'un renard et à
robe tachetée (Viverra civetta), qui, d'ailleurs,
tout comme la civette d'Asie (Viverra zibetha), plus
petite et à robe rayée, s'élève fort bien en
captivité. Quoique cet animal ait été de bonne heure
domestiqué en Egypte et en Abyssinie, on le
regardait alors dans l'Europe occidentale comme une
véritable rareté. Le roi René n'en avait possédé
qu'un seul. Le couple était chose magnifique. Rien
ne parut trop beau, ni trop délicat, pour les deux
bêtes. Il faut croire que Grand Jehan, concierge de
l'hôtel, chargé d'une façon toute spéciale de
veiller sur elles, de même. qu'autrefois le
tapissier Ridet sur la civette d'Angers (31), prit
prétexté des recommandations qu'on ne manqua pas de
lui faire, pour augmenter ses émoluments, car il
fournit à ses voraces pensionnaires, ou fut censé
leur fournir, du 20 septembre au 31 décembre, cent
trente-cinq gigots de mouton, six poulets et trois
gelines, de la graisse de veau ou de mouton, sans,
compter le riz et les « chandoilles ». Bois de
quartier et fagots sont achetés « pour faire du feu
jour et nuyct en la chambre où sont lesdites, bestes
». Afin de les plus douillettement coucher, on
agence d'amples coffres que l'on capitonne de drap
gris et que l'on garnit de coussins (32). Bref, en
trois mois et dix jours, on dépensa à leur occasion
37 francs 7 gros 3 deniers, à peu près 625 francs
d'aujourd'hui (33). Leur entretien et le salaire du
portier furent ensuite taxés à 80 francs barrois par
an (1,500 francs) (34).
Savait-on, à la cour de Lorraine, que ces animaux
peuvent être dressés à présenter d'eux-mêmes leur
poche odorifère ? Grand Jehan vidait-il
périodiquement cet organe avec une cuiller, et,
pétri dans de l'huile, leur zibeth entrait-il comme
antispasmodique dans la pharmacopée ducale ? Nous
l'ignorons.
L'une des civettes mourut en décembre 1507 (35).
L'autre vivait encore en 1513, sous le règne du duc
Antoine, date à partir de laquelle il n'en est plus
question (36). Sur le désir réitéré du prince, une
nouvelle civette fut amenée à Nancy en septembre
1516. On réussit à l'y conserver en vie jusqu'à la
fin de l'année 1521 (37).
Le léopard, les lions et les civettes de René II
furent, sans doute, les premiers individus de ces
types que l'on put admirer dans le Duché. Le reste
du XVIe siècle et tout le XVIIe s'écouleront sans
qu'il soit fait mention, dans les archives locales,
d'aucun animal d'Afrique, à l'exception des singes,
si communs déjà à la fin du XVe siècle, qu'en 1491
le duc abandonnait le sien à un bateleur (38). Ce
fut un événement, soigneusement relaté par les
contemporains, quand, le 8 juin 1751, sous
Stanislas, on promena dans Lunéville un lion (39).
De nos jours, les combats de taureaux ont été
introduits dans l'est de la France. Nancy,
dernièrement, eut les siens. Mais combien fades ces
spectacles, savamment réglés et sans imprévu, en
comparaison des luttes cruelles, rappelant les jeux
du cirque, qui eurent lieu de 1487 à 1490 dans la
capitale lorraine, alors que les auditeurs de la
Chambre des Comptes discutaient gravement de la
pitance des fauves, délibéraient au rugissement du
roi du désert, et que la « ménagerie » nancéienne
fournissait de lionceaux les cours de France et
d'Allemagne.
(1) Ep. IX, Ad Robertum. - Cf. Eugène
DE CERTAIN, Raoul Tortaire, dans la Bibliothèque de
l'École des Chartes, 4° série, t. Ier, année 1855,
p. 508 et sq., 513 et sq.
(2) Mis DE LABORDE, Les ducs de Bourgogne, t, Ier,
p. 7, n° 35.
(3) Cf. Mémoires, édit. Mlle DUPONT (Soc. hist.de
France), t. II, p. 232-234.
(4) VILLENEUVE-BARGEMONT (DE), Histoire de René
d'Anjou, roi de Naples, duc de Lorraine et comte de
Provence. Paris, 1825, 3 vol. in-8°; t. Ier, p. 244,
note.
(5) A. LECOY DE LA MARCHE, Extraits des comptes et
mémoriaux du roi René, pour servir à l'histoire des
arts au XVe siècle. Paris, 1873, in-8°; nos 82 à
156, passim, - ID., Le roi René, sa vie, son
administration, ses travaux artistiques et
littéraires. Paris, 1875, 2 vol. in-8°; t. Ier, p.
219, 480 et sq.; t. II, p. 14-20, 50.
(6) Archives des Bouches-du-Rhône, B. 698.
(7) « Le vendredi benist XXIXe jour de mars [ccc]clxiij
avant Pasques, fut amené une lyonne, laquelle
Monsieur de Vaudemons envoya de Prouvence par Jehan
Gentilz. » (Extraits des comptes et mémoriaux du roi
René, j. cit., n° 130.)
(8) Hune creat in torva parvi genitura leaena ;
Velox inde feras saltibus exsuperat;
a dit Raoul Tortaire (op. cit.). - En réalité, le
mot latin pardus, dans son ancienne acception,
désigne la panthère mâle, par opposition à pardalis,
panthère femelle.
(9) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7551 [compte
du cellérier de Nancy pour 1478-1479], fol. 27; B.
7552 [compte du même officier pour 1479-1480], fol.
62.
(10) « Payé encore à un homme, le cellerier de
Nancy, pour ung neuf colier qu'il a fait pour ladite
beste parce que la vice estoit tout desrompu : iij
gr. xij d.» (Ibid., B. 7522, fol. 62.) -
Pareillement, Raoul Tortaire (op. cit.) montrait le
léopard de Henri Beauclerc, qui :
Colla vohebatur, nexibus implicitus.
(11) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7522, fol.
62.
(12) Il n'est pas spécialement question de ces
animaux dans le testament du roi René, rédigé en
1474. Le prince y donne à sa seconde femme, Jeanne
de Laval, ses bastides d'Aix et de Marseille, «
ensemble tous tes meubles estans esdictz lieux pour
en joyr sa vie durant seulement ». Cf. Cte DE
QUATREBARBES, Oeuvres complètes du roi René, Angers,
1845-1846, 4 vol. in-4°; t. Ier, p. 90.
(13) LECOY DE LA MARCHE, Extraits, des comptes et
mémoriaux du roi René, j. cit., nos 39, 73, 78, 106,
128 et 132. - ID., Le roi René, j. cit., t. II, p.
14.
(14) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7552, fol.
88; B. 7553 [compte du cellérier de Nancy pour
1480-1481], passim.
(15) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7553,
passim; B. 7555 [compte du cellérier de Nancy pour
1482-1483], passim; etc. - B. 981 [compte du
receveur général de Lorraine pour 1483-1484], fol.
489.
(16) LECOY DE LA MARCHE, Extraits des comptes et
mémoriaux du roi René, j. cit., nos 97, 100,101,
107, 112, 119, 120, 121, 140, 149 et 152. - ID., Le
roi René, j. cit., t. II, p. 16.
(17) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7555, fol.
71-72.
(18) Ibid., B. 981, fol. 487 v°.
(19) Les noms donnés à ces deux animaux ne nous sont
pas parvenus. Nous savons, au contraire, que Martin,
Dauphin et Marsault comptèrent parmi les hôtes de la
ménagerie d'Angers.
(20) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7558 [compte
du cellérier de Nancy pour 1488-1489], fol. 108.
(21) VILLENEUVE-BARGEMONT (DE), Histoire de René
d'Anjou, j. cit., t. Ier, p. 244, note.
(22) Chr. PFISTER, Histoire de Nancy, t. Ier, édit.
de 1902, p. 675-676.
(23) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7559
[acquits servant aux comptes du cellérier de Nancy
pour 1487-1489].
(24) Meurthe-et-Moselle; arr. de Lunéville, cant. de
Blâmont.
(25) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7559,
passim.
(26) Canton de Nancy-Est.
(27) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7558, fol.
109; B. 7559, passim.
(28) lbid., B. 7558, fol. 108 v°.
Ayant nous, MM. Emile DUVERNOY (Notes sur le palais
ducal au XVe et au XVIe siècle, dans le Journal de
la Société d'archéologie lorraine, t. XLVII, année
1898, p. 88) et Chr. PFISTER (op. cit., p. 676) ont
signalé, quoique plus sommairement, la présence à
Nancy de ces lions. Parlant des combats d'animaux
ordonnés par René II, M. DUVERNOY écrit : «
C'étaient bien là les spectacles qui convenaient à
ces rudes hommes de guerre dont Charles le Téméraire
avait éprouvé la valeur.» Et M. PFISTER : « Ainsi, à
côté des mystères qui rappelaient les scènes de la
vie du Christ ou les morts glorieuses des martyrs, à
côté des soties qui corrigeaient l'homme en le
faisant rire; se donnaient de sanglantes
représentations du cirque; et je m'imagine que les
dernières étaient attendues avec plus d'impatience
que les premières et mettaient aux joues des
spectateurs une fièvre plus ardente.»
(29) Le 27 août suivant. - Archives de
Meurthe-et-Moselle, B. 7560 [compte du cellérier de
Nancy pour 1490-1491], fol 81. - La liasse B. 7559
contient vingt-sept quittances en règle du lionnier,
pièces oblongues d'une fort belle conservation.
Voici, à litre d'exemple, la teneur de l'une d'elles
: « En présence de moy Cugnin Bayon, clerc juré de
Saint-Nicolas et tabellion de Monsr le duc,
Anthonelle lyonnier a cognu avoir eu et receu de
George des Moynes, celerier de Nancey, la somme de
huict frans quatres gros, xij gros pour franc, pour
la despense des lyons par les xx premiers jours de
novembre dernier passé, à la raison de v gros par
jor au taux du passé et jusques au xxj jour dudict
mois, que ledit lyonnier a reprins en charge et
gouvernement iceulx lyons et qu'ilz lui ont esté de
nouveau baillié en gouvernement à la raison de v
gros par jor tant pour iceulx son gouvernement et
gaiges, desquels viij fr. iiij gr. il s'a tenu
content et en acquite ledit celerier et tous autres.
Tesmoing mon seing manuel ici mis le Xe jor de
février mil iiije iiijxx viij. BAYON.»
(30) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7573 [compte
du cellérier de Nancy pour 1504-1505], fol. 94 v°. -
« A Nicolas de Metz, hoste demeurant à Nancey, pour
despence faicte en son hostel pour deux compaignons
et un cheval qui ont amené et apporté lesdites
cyvettes audit sieur roy... 7 fr. 8 gr.» (Ibid.).
(31) Sur cette civette, voir : LECOY DE-LA MARCHE,
Extraits des comptes et mémoriaux du roi René, j.
cit., nos 96 et 147. - Id., Le roi René, j. cit., t.
II, p. 17-18.
(32) « A un sellier pour avoir mis et clouer une
couverte de drap gris sur des coffres où sont
lesdites bestes et fait deux orrilliers pour les
reposer dessus, pour ce... vj gr. - A Nicolas Valet
pour quinze aulnes et demi de drap grys qu'il a
fourny pour faire ladite couverte, à raison de iiij
gr. jd. l'aune... v fr. vij gr. j d. - À Didier de
Germiney, serrurier, pour avoir ferré le grant
coffre que l'on a fait tout neuf à mectre lesdites
bestes et y faire une tenaille... ij fr. ij gr.»
(Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7573, fol, 94
v°.) - Sur le compte de l'année suivante, figure une
dépense de 2 francs pour drap gris acheté à un
marchand de Nancy, afin de, confectionner de
nouveaux « cusenets pour reposer lesdites cyvettes,
à cause que les autres estoient desja tout pourry.»
(Ibid., B. 7575, fol. 99 v°.)
(33) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7573, fol.
94 v° et 97.
(34) Ibid., B. 7575, fol. 99 v°.
(35) Ibid., B. 7676 [compte du cellérier de Nancy
pour 1607-1608], fol. 87.
(36) Voir notamment : Ibid., B. 7677, fol. 98 v°; B.
7579, fol. 103; B. 7582, fol. 87; B. 7584, fol. 89.
- Cette civette avait été confiée successivement,
après la mort de Grand Jehan (1607), à Thouvenin le
Masson, lieutenant de concierge, et à Henri de
Bervault, portier de l'hôtel, qui touchaient à cet
effet 40 francs barrois par an.
(37) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 7691, fol.
65 v°; B. 7592, fol. 65; B. 7593, fol. 88 v°; B.
7594, fol. 87 v°; B. 7596, fol. 80 v°.
(38) Ibid., B. 7560, fol. 82 v°.
(39) Cf. Journal de Nicolas DURIVAL (Ms. n° 863 de
la Bibliothèque publique de Nancy), d. cit.
Histoire des ménageries de l'antiquité à nos jours
Gustave Loisel
Ed. Paris O. Doin, 1912
[...]
LES MÉNAGERIES DE LORRAINE
III. Il y avait donc, à cette époque, dans les
domaines des ducs de Bourgogne, des collections
d'animaux plus variées et plus nombreuses que celles
des autres châteaux du moyen âge; et déjà l'on peut
prévoir, par là, l'influence que cette cour aura sur
le développement des ménageries en France. Pourtant,
l'habitude de garder uniquement un lion, un ours, ou
quelqu'autre bête, persistera encore longtemps chez
les princes et dans les villes.
Il en fut ainsi, par exemple, dans un duché voisin,
celui de Lorraine. On sait que le fils de Philippe
le Bon, Charles le Téméraire, s'était emparé de la
Lorraine en 1475; on sait également que, peu de
temps après, ce prince trouvait la mort sous les
murs de Nancy, la capitale du duché. Le duc légitime
de Lorraine, René II de Vaudémont, reprenait alors
possession du domaine de ses ancêtres.
Un de ses premiers soins fut de rendre hommage aux
Bernois, qui l'avaient aidé dans sa lutte contre le
Téméraire, en faisant nourrir, près de lui, un ours,
l'animal symbolique de ses alliés ; pour cela il
faisait construire une fosse que nous retrouverons
encore à Nancy, au XVIIIe siècle. En même temps, il
faisait élever une « Maison des lions » qui lui
coûta 112 francs barrois, 8 gros, 7 deniers (1),
sans compter quelques milliers de tuiles pour la
couverture, qu'on tira des tuileries domaniales.
Cette maison comprenait deux pièces planchéiées : la
« chambre des lyons », qui prenait jour sur la cour
du palais par deux vastes baies grillagées, pouvant
être fermées par des fenêtres pendant l'hiver, et la
chambre du gardien qui communiquait avec la
précédente par une porte renforcée de solides
verrous. C'est le 28 octobre 1480 qu'elle reçut ses
premiers habitants : un couple de beaux lions qui
venaient du château d'Aix, en Provence. Le «
lyonnier », Anthonelle, qui les accompagnait, fut
habillé d'une livrée en drap de Bar; ses gages
furent établis à 12 francs 10 deniers par trimestre,
et il reçut, en plus, 3 gros et 1 denier par jour,
pour sa dépense de table et 5 gros pour celle de ses
bêtes.
Les lions prospérèrent à ce régime, car ils se
reproduisirent; le 17 mars 1483 en effet, Anthonelle
porta deux jeunes lionceaux au comte Palatin ;
l'année suivante, ce furent trois autres lionceaux
que René II offrit au jeune roi de France Charles
VIII. Cinq ans plus tard, le lion et la lionne de
Nancy vivaient encore, mais il faut croire que leur
voisinage incommodait fort ces messieurs de la Cour
des comptes, car nous les voyons, le 21 novembre
1488, réduire l'ordinaire des fauves et le
traitement du lionnier. Anthonelle, désormais « aura
et emportera tant pour ses gaiges, despens, que pour
le norissement desdits lyons, chacun jour V gros
pour tout » ; ce qui d'ailleurs, calcule Boyé,
faisait encore une rétribution mensuelle de 290
francs environ.
Le duc de Lorraine ne se contentait pas de venir
admirer ses lions ; il s'en servait pour donner à sa
cour le spectacle de combats d'animaux. On
construisait alors un
(1) Environ 2.500 francs
d'aujourd'hui. Ce renseignement est pris dans des
Comptes de dépenses publiés par Boyé, p. 238. |