Jean-Marie ROLAND DE LA PLATIÈRE (1734-1973) est depuis 1754
inspecteur des manufactures.
Du 30 août 1769 au 3 janvier 1770, il effectue un voyage en
Suisse à partir d'Amiens, et passe à Blâmont le 16 septembre
1769.
(Il deviendra ministre de l'intérieur en 1792, démissionnera le
23 janvier 1793, et se suicidera le 10 novembre 1793).
On ne peut que sourire aux curieuses explications historiques
sur les princes de Blamont dont le château fut détruit
dans une révolution...
Jean-Marie Roland
de La Platière, 1734-1793
Voyage en France, 1769
Pub. par Cl. Perroud. Ed. Villefranche 1913
Nous partîmes de Lunéville le
samedi 16, à 5 heures du matin, par une carriole à deux chevaux,
prix fait pour nous rendre à Saverne, 15 lieues en un jour et
demi, comptant bien aller coucher le lendemain à Strasbourg;
mais autant valu, comme on verra.
D'abord nous allâmes à Blamont, en beau temps et chemins
magnifiques : le pays parait assez fertile, mais il était
singulièrement humecté pour lors par les fréquents ruisseaux que
les grandes pluies avaient si considérablement enflés que
plusieurs ponts en avaient été enlevés. On cultive abondamment
des pommes de terre dans ce pays-là. et c'est le premier sur
notre route. La vallée, qu'on suit toujours, est arrosée de la
rivière sur la gauche, tandis que d'immenses forêts couronnent
les côteaux de la droite: on aperçoit peu de vignes dans ces
cantons, si ce n'est aux environs de Blamont où le terrain
devient sablonneux et plus maigre. Les charrois et labourages se
font avec des chevaux et des boeufs mêlés ensemble. et les uns et
les autres sont de fort petite espèce.
Blamont, où nous dinâmes, est une petite vilaine ville, sur un
côteau très en pente. au haut duquel sont les ruines d'un
château qui a appartenu aux princes de Blamont, branche cadette
de la maison de Lorraine. Ils y faisaient la guerre, s'y
retranchaient, etc... et il fut détruit dans une révolution. Ces
débris ont été fieffés par un officier de judicature qui s'y est
bâti, et dont le fils nous conduisit très honnêtement les
visiter dans tous les détails que nous voulûmes.
On voit sur la gauche, à une lieue avant cette ville, une abbaye
de Saint-Augustin nouvellement et splendidement bâtie; le
général y fait sa résidence, et ne marche jamais qu'en carrosse
à 4 chevaux avec une suite de beaucoup de gens, et cela ad
majorem Dei gloriam.
Le pays devient ingrat, quoique aqueux, la route très inégale,
les aspects sauvages, des points de vue très étendus dont
quelques-uns néanmoins ne sont pas sans agrément; ou a sur la
droite, dans le lointain, l'immense chaîne des Vosges qui
séparent la Lorraine et l'Alsace de la F ranche-Comté. et dont
une des branches va se perdre dans le Palatinat. en couvrant
toute l'Alsace du côté de la France, comme un pays qui semblait
en devoir être séparé à jamais par la nature. Ces montagnes,
d'élévation très différente et couvertes de bois, paraissent
inhabitées et inhabitables. Cependant, il y a de gros bourgs, de
petites villes, et plusieurs établissements considérables dans
les gorges ou vallées qu'elles resserrent.
En cheminant ainsi. nous apercevons sur la droite, peu avant
Sarrebourg, [...]
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