Bulletin
international des sociétés de la Croix-Rouge.
Tome LI - n° 215 - 15 juillet 1920.
La Croix-Rouge française aux frontières.
Le numéro d'avril du Bulletin
de la Société française de Secours aux blessés militaires (1)
publie le compte rendu de l'activité de cette société dans les
20me et 21me régions. On sait qu'en France les sous-comités des Croix-Rouges françaises sont répartis par régions militaires,
sous le contrôle d'un délégué régional. Les 20me et 21me régions
dépendaient de la délégation régionale de Nancy, c'est dire tout
l'intérêt de ce compte rendu qui expose l'activité de la
Croix-Rouge pendant la guerre, sur un des points où l'action
militaire était la plus violente.
Les trois sociétés de la Croix-Rouge, quelques années avant la
guerre, limitaient aux villes d'une certaine importance leurs
efforts de propagande et de préparation. Quand elles se
décidèrent à les étendre aux campagnes, c'est en Lorraine
qu'elles entreprirent leurs essais. En 1911, des avis officieux
de l'autorité militaire informèrent les dirigeants de la
Croix-Rouge que l'utilisation des ressources des trois sociétés
dans les campagnes avait pris place dans les prévisions et les
plans de la défense nationale.
La Société de secours aux blessés militaires commença
immédiatement sa propagande. Quatre comités de frontières furent
créés en 1911, 17 en 1912, 43 en 1913; le Ier août 1914, il y
avait 62 comités ou sous-comités de frontière et 31 sections
annexes comprenant 8,000 adhérents et 2,300 brancardiers.
L'Union des Femmes de France, de son côté, avait créé des
équipes à Mirecourt, à Rambervillers, à Cirey, à Badonviller, à
Blamont. En principe, aucun comité ne devrait être établi sur la
rive droite de la Meurthe, néanmoins presque en contrebande, la
S. B. M. avait formé des groupes à Sommerviller, Crévic,
Einville, qui furent les premiers à la peine. Le Bulletin rend
compte du dévouement déployé par les équipes de brancardiers,
pendant les mois d'août et septembre 1914 principalement, de
tous ces petits comités de création si récente : « Custines,
fournissant 164 journées de travail, évacuait 110 blessés,
enterrait 103 cadavres allemands et français; Frouard envoyant
ses hommes jusqu'à Dombasle (25 kilomètres) ; Champenoux et
Manonville, ramenant des blessés et des réfugiés ;
Lay-Saint-Christophe, secourant 60 soldats; Saint-Max et Essey,
arrivant le 21 août à 2 heures du matin à Belleau ; leurs
équipes étaient le 25 à Cercueil, le 26 à Réméréville, le 28 à
Erbéviller, le 29 à Hudiviller. Celles de Laxou poussaient
jusqu'à Dombasle, Crévic, Réméréville, ramenant près de 80
blessés. L'équipe de Malzéville parvenait à Réméréville, Amance,
Buissoncourt, et souvent sous le feu, relevait une centaine de
blessés. Saint-Nicolas avec Varangéville formant une importante
section de 90 brancardiers, ont compté 500 hommes relevés par
leurs soins, dont 27 sur l'ouvrage fortifié du Rembêtant. »
Le règlement interdisait aux sous-comités d'organiser des
hôpitaux; or tous les comités de frontière, sans exception, se
sont affranchis de cette entrave. « Aucun n'a admis qu'il ne fût
pas utile de constituer des ambulances, de réunir de la
lingerie, de la pharmacie, des pansements. Dames et jeunes
filles ont voulu pouvoir se dire, et beaucoup sont devenues
réellement, dames de la Croix-Rouge. Leurs formations
improvisées ont rendu assez de services pour qu'il apparaisse
clairement qu'elles étaient nées des nécessités du moment, et
qu'il convienne par conséquent d'amnistier leur éclosion
extra-réglementaire. Il est difficile de savoir combien de
blessés ont été reçus dans ces hôpitaux de fortune. Bayon en a
vu passer 12,000 ; Pont-Saint-Vincent en a déchargé 4,000 des
péniches et des voitures; Saint-Nicolas n'a pu compter les
siens. Nous croyons qu'on peut évaluer à 1,500 le nombre de lits
réunis par les comités de frontière, et à près de 18,000 celui
des blessés qu'ils ont secourus pendant la période des grands
combats. »
La circulaire ministérielle du 6 octobre 1914 reconnut
légalement l'existence de 24 de ces hôpitaux bénévoles. Au 31
mars 1917, date de leur suppression, ils avaient fourni 121,894
journées de malades.
(1) Croix-Rouge Française. Bulletin de la Société française de
secours aux blessés militaires. (Nouvelle série; N° 17). -
Paris, 21, rue François Ier, avril 1920. In-8, p. 1 à 80. |