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                 Dans Napoleon the gaoler; 
				personal experiences and british sailors and soldiers during the 
				great captivity (Ed. Londres, 1914), Edward Fraser, nous 
				relate les mémoires d'un officier de marine anglais, le 
				lieutenant R.B. James, prisonnier des Français de 1804 à 1814, 
				et transféré de Sarrebourg à Verdun avec passage par Blâmont. 
				 
				Ce texte avait déjà été publié en version française dans La 
				Revue hebdomadaire n° 12 en novembre 1899 : 
				«  Le lendemain matin les gendarmes parurent : un sac, 
				contenant les fers, fut jeté sur la table avec un bruit qui fit 
				frissonner le pauvre docteur; quant à moi, je saluai les 
				menottes comme d'anciennes connaissances, d'ailleurs presque 
				oubliées. A chaque tour de vis les gendarmes nous maudissaient, 
				nous appelant Anglais damnés, et je n'eus pas la patience de me 
				taire : je leur déclarai qu'ils étaient des coquins et que le 
				gouverneur n'était qu'un vulgaire voleur. Ils serrèrent les vis 
				jusqu'à ce que nos mains fussent d'un bleu noir; une chaîne, 
				passée autour de notre taille, fut ramenée par dessus notre 
				épaule et fixée par un bon cadenas; nous reçûmes notre portion 
				de pain de munition, comme on l'appelle, et nous nous mîmes en 
				route pour Verdun. 
				Il y avait eu dégel ; le vent maintenant soufflait dur et il 
				pleuvait ; la boue était profonde sur les routes. Quand nous 
				fîmes halte pour changer de gardes, on nous enleva la chaîne et 
				on nous permit de marcher avec les menottes seulement 
				Dans l'après-midi nous arrivâmes, les souliers en pièces, à une 
				petite ville fortifiée nommée Blamont (1). 
				La prison était une sorte de grange, mais la paille avait l'air 
				propre ; pour nous sustenter on nous donna du pain et de l'eau. 
				Après une nuit passée dans nos vêtements mouillés, nous nous 
				levâmes raides de froid J'avais mal à la gorge; le docteur aussi 
				était malade; nos chapeaux, dont nous nous étions servis comme 
				de bonnets de nuit, avaient toutes les formes ; les menottes aux 
				mains comme la veille, chargés de fers lourds et le coeur lourd 
				aussi, nous atteignîmes Phalsburg les pieds complètement nus. 
				Nous vendîmes deux chemises de toile neuves, et avec l'argent 
				que nous en retirâmes, nous achetâmes deux paires de souliers 
				forts, bien garnis de clous, bons pour les terres grasses, qui, 
				bien qu'ils eussent déjà servi, nous durèrent jusqu'à Verdun. 
				(1) Sur la Vezouse, alors dans le département de la Meurthe, 
				aujourd'hui dans celui de Meurthe-et-Moselle. » 
				 
				La version anglaise diffère cependant largement : la Revue 
				hebdomadaire de 1899 précisait que ces mémoires «  ont été 
				mis au jour, dans le Blackwood's Magazine de juin 1899, par un 
				critique et historien fort distingué, le professeur Edward 
				Dowden, et, comme les autres, ils sont inédits en France. Dans 
				quelques lignes d'avant-propos, M. Edward Dowden nous apprend 
				que cette relation fut écrite en 1822 par un lieutenant de la 
				marine royale [...] Mr. Dowden ajoute qu'il l'a quelque peu 
				abrégée, et qu'il en a corrigé les phrases au point de vue de la 
				grammaire et de l'orthographe. » 
				 
				Mais il semble que l' «  abréviation » et la traduction ait 
				quelque peu altéré le texte original qui suit («  The 
				narrative is given exactly as originally set forth, nothing 
				being omitted or altered » selon Fraser), puisqu'on y 
				apprend que les prisonniers ont été enfermés à Blâmont dans une 
				écurie munie d'une solide porte de fenêtre à barreaux, 
				appartenant à un savetier vivant de l'autre côté de la rue, avec 
				qui ils vont négocier les deux paires de bonnes chaussures 
				d'occasion. 
				 
				«  The weather was now set in with sleet and snow; and bitter 
				cold - In the morning about seven o'clock, the Gendarmes came 
				for us; we were strongly Ironed together and set out on our 
				march with aching hearts and empty stomachs: - In the afternoon 
				we arrived at Blamont with our shoes worn off our feet; - The 
				prison we were put into was formerly a stable, but secured with 
				a strong door and iron bars at a small window: - the straw was 
				wet from the snow beating in on it through the window: - the 
				Jailor was a cobler who lived the other side of the street, - he 
				brought us our brown loaf, and Jug of water - while he was with 
				us, we bargained with him for a couple of pair of strong second 
				hand shoes; - we gave him each a good linen shirt and glad we 
				were of such a chance. - The next day, when the Gendarmes came 
				for us we were so numbed with the cold, and lying in our wet 
				clothes, that it was with great difficulty we got underweigh : - 
				our hats from the wet and making night caps of them, were all 
				manner of shapes made us cut a most ridiculous figure; This day 
				our Irons were screwed on tighter than usual, which made our 
				hands to swell and look black: we had nothing to eat until we 
				got to Phalsbourg, where we received our allowance of Bread. »  |