Un impôt sur le
revenu sous la Révolution; la contribution patriotique
André Boidin
Ed. Berger-Levrault 1910
[...]
Lorsque, en septembre 1789, le ministre des finances Necker
proposa, pour sauver le Trésor d'une situation des plus
critiques, un impôt extraordinaire portant notamment sur une
quote-part du revenu global de chaque citoyen, il ne présenta
point à l'Assemblée nationale un système qui fût au fond bien
nouveau, ni un instrument fiscal inconnu jusqu'à cette époque.
[...]
En septembre 1789, la situation financière de la France était
presque désespérée. Cependant il fallait à tout prix trouver le
moyen d'empêcher une catastrophe imminente. Les derniers
emprunts n'ayant pas réussi, ce n'était plus aux ressources de
cette nature que l'on pouvait songer. Les dons patriotiques
n'étaient qu'une goutte dans le gouffre où avaient disparu
toutes les recettes du Trésor. Les anciens impôts étaient
devenus odieux au pays. De quel côté fallait-il chercher le
remède?
[...]
Le décret du 6 octobre organise la contribution patriotique qui
porte à la fois sur le revenu et sur certaines valeurs
improductives. De l'ensemble de ses dispositions se dégagent ses
principaux caractères. C'est une contribution extraordinaire et
momentanée. Elle n'aura lieu qu'une fois; on ne pourra jamais y
revenir pour quelque cause que ce soit. Ainsi on engage même
l'avenir.
Elle est égale et proportionnelle. Elle est fixée pour tous au
quart du revenu, déduction faite des impôts et charges, et à 2,5
% de la valeur de l'argenterie, des bijoux et du numéraire gardé
en réserve. Exception est faite toutefois à ce principe pour les
personnes ayant moins de 400 livres de revenu, les hospices et
hôpitaux, les ouvriers et journaliers sans propriétés.
C'est une obligation morale et sans sanction. L'engagement est
libre; le quantum en est fixé par le
contribuable lui-même au moyen d'une déclaration. Ni recherche,
ni inquisition ne seront faites pour la contrôler.
Enfin elle est présentée comme une simple avance de fonds. Le
remboursement en est prévu pour l'époque où le crédit national
permettra d'emprunter à 4 % d'intérêts en rentes perpétuelles.
Aussi au moment où elle est établie, peut-on dire qu'elle
apparaît comme un prêt sans intérêts et à fonds
vraisemblablement perdus.
[...]
Ce décret fut sanctionné par la déclaration du Roi du 9 octobre;
et une proclamation à ce sujet fut adressée le 11 au Peuple
français.
[...]
La loi posait seulement les principes d'application; il
convenait d'en régler les détails. C'est ce que fit une
instruction publiée par ordre du Roi. Comme l'indique son
préambule, elle avait pour but de « seconder l'empressement des
citoyens à se conformer au décret de l'Assemblée nationale, et
d'obtenir une uniformité propre à accélérer les opérations ».
Aux termes de l'article 1 de la loi, la contribution patriotique
est « demandée » à tous les habitants et à toutes les
communautés du Royaume. Une exception cependant, portée en
l'article 14, est faite au profit des « ouvriers et journaliers
sans propriétés », qui sont exempts de la contribution, mais
dont une offrande libre et volontaire sera néanmoins acceptée.
Cette contribution patriotique est fixée au quart du revenu net
dont chacun jouit, à 2,5 % de l'argenterie et des bijoux d'or et
d'argent dont on sera possesseur, et à 2,5 % de l'or et de
l'argent monnayés que l'on garde en réserve (art. 2). Toutefois,
ceux dont le revenu n'est que de 400 livres ou d'un chiffre
inférieur, ainsi que les hospices et les hôpitaux, ne sont point
obligés de se conformer aux proportions établies; ils sont
libres de fixer leur contribution selon leur volonté (art. 13);
mais ils sont néanmoins tenus de contribuer .
La loi fixe ainsi le taux de la contribution. Il s'agit
évidemment d'un taux minimum, car, la contribution étant
essentiellement patriotique, c'eût été faire injure au
patriotisme des citoyens que de le limiter; et chacun pourra
offrir à la Patrie une contribution dépassant de beaucoup les
proportions établies par la loi.
La contribution ne doit porter que sur le revenu net dont chacun
jouit, « déduction faite, dit l'article 2, des charges
foncières, des impositions, des intérêts par billets ou
obligations, des rentes constituées auxquelles il se trouve
assujetti ».
La loi indique donc ce qui ne devra pas être compté dans
l'évaluation du revenu de chaque citoyen ; mais elle ne
détermine pas les différentes sortes de revenus qui devront
entrer dans cette évaluation générale.
Quant à la base même de l'impôt, c'est-à-dire au quantum du
revenu, des charges à en déduire et des richesses possédées, il
est de toute évidence que la loi ne peut la déterminer
directement, d'une façon sérieuse, n'ayant aucune donnée sur la
fortune de chacun. Elle doit donc demander à chaque contribuable
de le faire lui-même en conscience et de le déclarer avec
sincérité.
Aussi la loi des 6-9 octobre établit-elle le système de la
déclaration individuelle et solennelle.
[...]
Si la loi avait établi sur quels revenus la contribution
patriotique devait porter, des doutes s'étaient élevés sur le
paiement de cette contribution par les fonctionnaires
relativement à leurs appointements. Quelle était leur situation
à cet égard ? Le Directoire du district de Blâmont, et après lui
le Directoire du département, décidèrent qu'il faut distinguer.
Si le fonctionnaire, juge, administrateur ou autre pensionnaire
public, a fait une déclaration contestée, il n'est tenu, s'il
n'a pas payé, qu'à la retenue de la somme offerte et, s'il a
payé, qu'à la production de sa quittance. S'il n'a pas fait de
déclaration, il devra subir la retenue du douzième de son
traitement ou de sa pension jusqu'à ce qu'il ait satisfait aux
prescriptions de la loi sur la déclaration (Avis du Directoire
du district de Blâmont du 7 octobre 1791).
[...]
Quant aux charges à déduire pour le calcul du revenu net, base
de la contribution, la loi les indiquait, mais son énumération
était-elle limitative? Un contribuable ayant voulu les étendre
aux services domestiques, le Directoire de Blâmont ne voulut pas
le suivre dans cette voie (Avis du Directoire du district de
Blâmont du 15 novembre). D'autres, ayant omis de déduire des
charges prévues par la loi au moment de leur déclaration,
demandèrent la réduction de leurs offres et la jurisprudence
admit qu'il convenait de rétablir la déclaration telle qu'elle
aurait pu être, mais qu'en principe, les conséquences s'en
feraient sentir seulement pour les termes à venir.
[...]
Pour permettre à l'Assemblée nationale de se rendre compte du
résultat de la contribution patriotique, l'article 6 de la loi
des 25-31 octobre 1790 prescrivait aux directoires de
département d'adresser, chaque mois, au commissaire du Roi,
chargé de l'administration de la Caisse de l'Extraordinaire, un
état des décharges et réductions prononcées sur cette
contribution, en faveur des soumissionnaires. Malgré une lettre
circulaire d'Amelot, en date du 18 novembre 1790, rappelant ces
dispositions légales, le Directoire du département de la Meurthe
ne put adresser les premiers états que le 28 septembre 1791. A
partir de cette date, il les envoya tous les mois.
Un relevé de ces états, établi par district, permet de se rendre
compte de l'importance des réductions et décharges prononcées
par le Directoire du département de la Meurthe, jusqu'au
commencement de 1794.
Le total des dégrèvements, jusqu'à cette époque, fut:
Pour le district de Pont-à-Mousson de 16.141 l 4 s 8 d
Pour celui de Toul - 8.674 2 6
- Sarrebourg - 187 3
- Vézelise - 13 4
- Dieuze - 449 2 8
- Blâmont - 1.718 2 8
- Nancy - 76.253 1 7
[...]
Les administrateurs du district de Blâmont font connaître que
les Directoires de Saint-Dié, Lunéville et Vic, ne leur ayant
pas envoyé les extraits qui concernent les municipalités de leur
arrondissement, ils n'ont pu encore transmettre leur état de
situation de la contribution patriotique (Lettre du 9 juin 1791
des administrateurs du Directoire du district de Blâmont aux
administrateurs et procureur général syndic du département de la
Meurthe - Arch. dép., L. 316).
[...]
Le recouvrement de la contribution patriotique se fît encore
péniblement pendant l'année 1794; mais comme les sommes à
recevoir devenaient de moins en moins considérables, il semble
que le pouvoir exécutif ait mis moins d'activité à poursuivre
des rentrées qui devenaient problématiques.
Cependant, une lettre du 8 février 1795 de la Commission des
Revenus nationaux adressée aux administrateurs du district de
Nancy, donne la situation de ce district au point de vue de la
contribution patriotique, constate qu'au mois de vendémiaire an
III (septembre-octobre 1794), il y avait encore à percevoir dans
ce district 28.256 livres, et leur donne en exemple les
districts de Blâmont, Dieuze, Lunéville, Pont-à-Mousson et
Sarrebourg, qui sont entièrement en règle. Elle les invite à ne
rien négliger pour que le recouvrement n'éprouve plus de retard,
après leur avoir fait remarquer que le dernier terme du paiement
de la contribution patriotique devait être, d'après la loi des
6-9 octobre 1789, le 1er avril 1792.
[...]
Une fois les rôles établis, les collecteurs étaient chargés d'en
assurer le recouvrement. Ils étaient responsables de la
perception et devaient, en principe, payer de leurs deniers les
sommes dont ils n'auraient pu opérer la rentrée. [...] Mais il
arrivait que certains articles des rôles demeuraient
irrécouvrables. La mort, l'indigence, l'émigration, l'absence et
quelquefois même la mauvaise volonté des contribuables,
faisaient souvent obstacle au paiement de certaines cotes. Les
collecteurs alors, pour s'en faire décharger, devaient saisir le
directoire du district, qui, après avoir instruit l'affaire,
l'envoyait avec son avis au Directoire du département, qui
statuait définitivement.
A Blâmont, nous voyons le Directoire de district donner un avis
favorable à une demande en décharge formulée par le collecteur
Louis Michel, d'une somme de 36 sous offerte comme don
patriotique par Dominique Langlave, mort sans ressources et sans
héritiers voulant ou pouvant remplir son intention (Avis du 14
décembre 1790 du Directoire de district de Blâmont - Arch. dép.,
L. 311).
[...]
Il sera alloué aux greffiers des municipalités de campagne pour
la formation des registres deux deniers par livre du montant du
rôle de la contribution patriotique, lorsque ce rôle n'excédera
pas la somme de 3.000 livres. Si ce rôle s'élève à une somme
plus forte, il sera passé 2 deniers pour livre pour les premiers
1.000 écus, 1 denier et demi pour livre de la somme excédant,
depuis 3.000 livres jusqu'à 6.000, et enfin, 1 denier seulement
pour livre sur ce qui excédera 6.000 livres, à quelque somme que
le rôle puisse s'élever.
A l'égard des greffiers ou secrétaires des municipalités des
villes, il est décidé qu'étant rétribués, il n'y a pas lieu de
leur accorder la même indemnité qu'à ceux des campagnes, mais
qu'ils pourront obtenir des gratifications sur les propositions
des administrateurs de la province ou du département.
[...] C'est ainsi que la ville de Rambervillers demande pour son
greffier une gratification de 150 livres de France, et que celle
de Blâmont fixe à 12 livres de France la rétribution
supplémentaire du sien, qui n'a pour honoraires ordinaires que 3
louis par an (Délibération du 18 juillet 1790 du Corps municipal
de Blâmont - Arch. dép., L. 1308).
[...]
TABLEAU DES MEMBRES QUI COMPOSENT L'ASSEMBLEE ADMINISTRATIVE DU
DÉPARTEMENT DE LA MEURTHE.
[...]
Jean Renaut, procureur du Roi au bailliage de Blâmont.
Germain Bonneval, cultivateur à Ogevillers.
Christophe Bathelot, lieutenant particulier au bailliage de
Blâmont.
[...]
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