On connaît le goût lorrain
pour le lard (et la célèbre réplique vosgienne « Tu préfères
ton père ou ta mère ? » - « J'aime mieux le lard ! »)
; mais ce qui est surprenant dans l'extrait ci-dessous est que
les médecins dissertent sur l'usage de la fougère dans le
traitement du tænia... sans paraître le moins du monde étonnés que,
le patient du docteur Charles-Justin Spire n'étant déjà qu'un
enfant de treize mois, « depuis l'âge de cinq semaines
l'enfant mangeait du lard cuit ».
Bulletin général
de thérapeutique.
T.86 - 1874
SOCIÉTÉ DE THÉRAPEUTIQUE
Séance du 10 juin 1874; présidence de M. MOUTARD-MARTIN.
Du traitement du tænia. - M. Constantin PAUL signale à la
Société l'observation publiée dans la Revue médicale de l'Est
(1) par M. Spire (de Blamont). Il s'agit dans ce fait d'une
enfant de treize mois, ayant un tænia qui fut expulsé après
l'administration de 1 gramme d'extrait éthéré de fougère mâle et
5 grammes de poudre de fougère à prendre en six fois, à dix
minutes d'intervalle 10 grammes d'écorce de racine de grenadier
avaient été administrés auparavant sans aucun résultat.
M. Paul appelle l'attention de la Société sur les deux points
suivants : sur la dose très considérable d'extrait éthéré de
fougère employé dans ce cas, et sur la fréquence du tænia chez
les enfants auxquels on fait prendre de la viande crue; dans le
fait qu'il a cité, depuis l'âge de cinq semaines l'enfant
mangeait du lard cuit.
Pour M. LIMOUSIN la dose de 1 gramme d'extrait éthéré de fougère
mâle ne paraît pas exagérée; il a administré à un enfant de
quatre ans, et avec succès, 4 grammes de cet extrait, qui, selon
lui, n'est pas toxique.
M. MARTINEAU a vu cependant des accidents assez sérieux se
produire chez un jeune homme de vingt et un ans, auquel il avait
administré 4 grammes d'extrait éthéré de fougère.
M. CRÉQUY a depuis longtemps conseillé l'usage de capsules
contenant chacune 50 centigrammes d'extrait éthéré de fougère et
5 centigrammes de calomel. Il unit ainsi l'anthelminthique avec
le purgatif. Il donne jusqu'à 8 et 10 grammes d'extrait éthéré
et n'a jamais observé d'accidents; ce traitement, appliqué par
lui une douzaine de fois, ne lui a donné qu'un insuccès. Il faut
que les capsules soient minces, car, sans cela, elles peuvent ne
se dissoudre que dans un point plus ou moins éloigné de
l'intestin et n'avoir ainsi aucune action sur le tænia.
M. DELIOUX DE SAVIGNAC croit qu'il faut, avant d'avoir recours à
l'extrait éthéré de fougère mâle, employer les semences de
citrouille, qui lui ont toujours donné d'excellents résultats.
Voici comment il opère : il fait une émulsion avec 60 à
80grammes de graines de citrouille décortiquées à laquelle il
ajoute 50 à 40 grammes d'huile de ricin ; puis, deux heures
après, il administre 60grammes d'huile de ricin.
M.TRASBOT dit que chez les animaux, et en particulier chez les
chiens, les tænia sont très-fréquents, et que tous les moyens
employés, écorce de grenadier, extrait éthéré de fougère mâle,
kousso, sont tous efficaces ; il cite en particulier un mélange
d'éther sulfurique et d'aloès qui donne d'excellents résultats.
Quant à l'alimentation comme cause du tænia, il faut distinguer
la chair de bœuf de celle de cochon et de mouton ; la première
ne contenant pas de cysticerques, il lui paraît difficile
qu'elle puisse déterminer la présence du tænia .
M. DALLY croit qu'il ne faut pas exclure la chair de bœuf comme
cause de tænia; dans l'étude qu'il a faite des Abyssins, il a
montré que la fréquence du tænia était due à l'alimentation par
la chair crue du bœuf.
M. DUJARDIN-BEAUMETZ est d'avis que dans le traitement du tænia
il faut attacher, comme l'a fait remarquer M. Laboulbène, une
grande importance au moment où l'on doit administrer le
purgatif. Les anthelminthiques ne tuent pas le tænia, ils
l'endorment, et il faut saisir le moment où le tænia n'est plus
fixé à la paroi intestinale pour l'expulser au dehors par une
purgation. Il reconnaît d'ailleurs que ce moment est fort
difficile à bien fixer.
M. FÉRÉOL. ll est des cas où le tænia résiste, quelle que soit
la méthode employée ; il a en ce moment sous les yeux un cas où
neuf fois il a fait des tentatives qui toutes ont été
infructueuses ; le tænia s'est toujours reproduit. Il a essayé
ainsi tous les anthelminthiques en usage et s'est efforcé de
suivre les indications posées par M. Laboulbène pour
l'administration du purgatif. Tout a échoué.
M. Constantin PAUL croit aussi que dans bien des cas il est fort
difficile d'obtenir l'extraction complète du tænia. Il cite
cependant un remède qui donne à Genève, où le bothriocéphale est
si fréquent, d'excellents résultats : ce sont les pilules de
Peschier, faites avec de l'extrait éthéré obtenu avec des
bourgeons frais de fougère mâle. Ces pilules s'administrent
ainsi : la veille on met le malade à la diète lactée, puis on
administre les vingt pilules en deux doses. Ce médicament
produit des coliques très-vives.
M. BLONDEAU rappelle que dans le Traité de thérapeutique de
Trousseau et Pidoux on trouve tout au long le traitement
préconisé par M. Laboulbène.
A propos du bothriocéphale, il signale le fait suivant qui lui a
été communiqué par M. Potain. Il s'agit d'une famille où l'on
avait observé la présence de ce vers. Cette famille n'avait
jamais voyagé et surtout elle n'avait jamais été en Suisse. En
cherchant la cause de ce fait, on reconnut que le domestique
était Suisse et avait depuis longtemps un bothriocéphale.
M. LEGROUX a vu un fait analogue. Il s'agit d'une dame qui avait
contracté en Suisse le bothriocéphale; revenue à Paris, elle
sous-loua une partie de son appartement à un monsieur qui,
n'ayant jamais voyagé, fut au bout d'un certain temps atteint
aussi par le même cestoïde,
(1) Revue médicale de l'Est, 1er juin 1874, p.
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