Voici une étonnante « Table historique, généalogique et
chronologique des Ducs de Lorraine », signée « LIONNOIS Prêtre,
1765 », notée imprimée à Nancy en 1765.
Etonnante parce qu'elle indique le décès de Stanislas Leczynsky
le 23 février 1766 : Jean-Jacques Bouvier (1730-1806), dit
l'abbé Lionnois, aurait-il eu des dons prémonitoires ?
Mais la carte est dédié à « A.M. de Chaumont, marquis de la
Galaizière, chancelier de Lorraine & de Bar ». Antoine-Martin
Chaumont de La Galaizière (1697-1783), chancelier de Stanislas
depuis 1737 (Lettres Patentes du 18 janvier 1737), et dont les
fonctions à ce poste ont donc cessé avec la mort de Stanislas,
avait comme mission principale d'introduire en Lorraine
l'administration française : au-delà de prouver que la rédaction
initiale est bien de 1765, cela explique sans doute les propos
peu amènes contre Charles IV :
- « ayant pris le parti des ennemis de la France », « Il fit
avec la France plusieurs traités qu'il ne tint point, prétendant
n'avoir eu, et assez de liberté »,
- et ce curieux ajout « Sa conduite envers Nicole, son épouse ne
lui fait pas honneur », qui évoque Nicole de Lorraine
(1608-1657). S'il est vrai que le couple, marié en 1621, n'ayant
pas eu d'enfants, Charles IV tenta de provoquer l'invalidation
de son mariage en faisant en 1631, condamner au bûcher pour
sorcellerie le prêtre Melchior de la Vallée qui avait baptisé
Nicole, le rappel de ce fait dans cette simple table des Ducs
fait contraste avec les éloges adressées à Stanislas.
Dans son « Eloge de Jean-Jacques Lionnois » (Mémoires de
l'Académie de Stanislas - Séance publique du 22 mai 1890),
Christian Pfister apporte les précisions suivantes concernant
les tables historiques de Lionnois :
« Ces tableaux ont été gravés et imprimés à des époques
différentes. Les plus anciens portent la date de 1765. Chacun
est dédié à un personnage différent: l'un à M. de Chaumont,
marquis de La Galaizière; l'autre à M. de Choiseul, archevêque
de Besançon un troisième au prince de Condé, etc. Lionnois fit
successivement tirer 28 tableaux à environ 1,500 exemplaires. En
1770, il vendit ce qui lui restait au libraire Georges Henry,
sur les trottoirs, proche la porte royale (on verra plus loin la
suite de cette histoire). Henry réunit les 28 tables en 1 volume
sous le titre : Tables historiques, généalogiques et
géographique, contenant l'histoire du peuple de Dieu, de la
France, de la Lorraine, de l'Autriche, de l'Egypte, des
Assyriens, des Babyloniens, des Caldéens, 1771. »
Et Pfister détaille plus loin :
« En même temps que la grammaire, les autres traités qu'il avait
composés pour son pensionnat étaient mis entre les mains des
élèves du collège seulement. Lionnois eut, au sujet de ces
livres, bien des ennuis. Il les avait fait imprimer à ses
dépens, puis il avait cédé le fonds de son magasin, moyennant
8,000 livres au cours de France, au sieur Henry, libraire dans
notre cité. Henry prétendait avoir été trompé lors du marché ;
il publia contre le principal un mémoire fort vif auquel
celui-ci fut obligé de répondre. Le libraire prouva ses torts,
en partant pour Russie, sans naturellement solder ses comptes.
Il y emporta presque toute l'édition des Tables historiques ; ce
fut pour l'abbé Lionnois une très grande perte d'argent d'abord,
puis de réputation; car ces tables, qui se propageaient en
Russie, demeuraient ignorées en France. »
Ainsi, si nous savons que le document ci-dessous est postérieur
à 1765, il est difficile de déterminer si la modification du
cartouche « Stanislas Leczynsky » a été réalisée par Lionnois
lui-même pour continuer ses ventes jusqu'en 1770, où si la
modification a été apportée par Georges Henry (qui dans ce cas
ne se serait pas contenté des seuls exemplaires imprimés par Lionnois) pour son édition des Tables en 1771.
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