Semaine
religieuse du diocèse de Nancy et de Toul
3 février 1923
Bénédiction de l'Eglise de Domèvre-sur-Vezouze
Le 23 janvier 1923 marque,
sur la route de la reconstitution de Meurthe-et-Moselle une
nouvelle étape : Monseigneur l'Evêque bénissait ce jour-la
solennellement l'Eglise de Domèvre reconstruite.
Domèvre-sur-Vezouze était, avant la guerre, un gracieux village
voisin de Blamont. Ses maisons coquettes, étagées sue les bords
de la Vezouze, étaient groupées autour de son église romane,
dont la tour solide lançait ,vers le ciel une flèche hardie.
Domèvre avait déjà en ce moment un caractère spécial de confort
et d'élégance.
La guerre arrive: les habitants, obligés de s'enfuir devant
l'ennemi sans pouvoir rien sauver, connurent toutes les
souffrances de l'exil; le village fût presque entièrement brûlé.
ainsi que l'église. et quand, après l'armistice, il nous fût
possible de pénétrer jusque-là, le spectacle était lamentable :
de l'église et de la tour, il ne restait que des débris calcinés
au milieu d'apparences de maisons ..., et plus loin, sur les
bords de la Vezouze, dont on avait fait sauter le pont, des
débris de murailles, qui s'élevaient vers Je ciel, comme pour
implorer un miracle impossible. Qui rendra la vie à tant de
ruines ? où trouver l'argent, les matériaux, les ouvriers qui
répareront l'immense désastre ? Grace à Dieu et à l'énergie des
hommes, le miracle s'est réalisé.
Aujourd'hui, sous un soleil radieux, au milieu d'un paysage
couvert de neige, nous voyons apparaître le Domèvre d'autrefois:
c'est bien son église avec sa flèche élancée, ses demeures
agréables, mais plus belles encore. La vie est revenue, car
voici que se pressent les jeunes gens et les jeunes filles ; on
travaille aux derniers apprêts de la fête; on chante, on chante
bien, et de tout cœur ; c'est la joie d'une résurrection.
Monseigneur l'Evêque vient d'arriver; M. le chanoine Thouvenin
et M. l'abbé Fiel accompagnent Sa Grandeur. Arrivent les membres
du clergé. parmi lesquels nous distinguons M. l'Archiprêtre de
Saint-Jacques et M. le Curé de Saint-Maur de Lunéville; les
autorités officielles: M. de Turckeim, conseiller général, le
Conseil paroissial, M. le Maire de Domèvre et son Conseil
municipal.
M. le Maire, en des paroles heureuses, exprime avec beaucoup de
cœur et d'énergie. la reconnaissance de la population. Nous
citons textuellement :
« MONSEIGNEUR,
« Au nom de la population de Domèvre et du conseil municipal que
j'ai l'honneur de vous présenter, je suis heureux de vous
souhaiter la plus cordiale bienvenue.
« Votre visite en ce jour nous cause une grande. joie car elle
est la résultante du relèvement de Domèvre.
« Notre commune est une de celles qui ont le plus souffert
pendant la guerre. De tout ce qui formait notre cher village,
rien ne subsistait.
« Vous avez vu, Monseigneur, après l'armistice, nos maisons en
ruines, notre village anéanti. Mais aujourd'hui vous avez pu
admirer de nombreuses et belles maisons habitées, d'autres en
cours de construction et d'aménagement et qui nous donneront des
demeures coquettes, saines et confortables.
« Ah! Monseigneur, qu'ils nous paraissent déjà bien loin les
durs débuts de l'année 1919, où, sans aucune ressource. nous
étions réduits, comme au temps primitifs, à nous suffire à
nous-mêmes.
« Mais ni la pénurie des moyens employés, ni les récriminations
des mécontents ou les impatients n'ont réussi à nous faire
dévier de la voie que nous nous étions tracée : « faire
disparaître le plus têt possible les traces de la guerre ».
« A l'heure actuelle, nos efforts commencent à être couronnés de
succès et dépassent de beaucoup les espérances les plus
optimistes.
« Mais, Monseigneur, nous savons très bien que si nous avons
obtenu d'aussi beaux résultats, nous les devons en grande partie
aux membres éminents de votre clergé, M le chanoine Thouvenin,
M. l'abbé Fiel et M l'abbé Renauld, notre digne curé, qui,
aussitôt l'armistice signé, ont parcouru nos villages dévastés
pour susciter des énergies, redresser les courages chancelants,
enflammer les coeurs et nous réunir en groupements très bien
organisés pour affronter le problème de la reconstitution qui
paraissait insoluble. Pour eux, la reconnaissance de la commune
doit être éternelle.
« C'est grâce au dévouement inlassable au zèle infatigable de M.
l'abbé Renault, que la vie communale a pu reprendre sa marche
normale; que nos bâtiments communaux. ont pu être réparés. et
nos maisons reconstruites.
« Je suis heureux de lui rendre ce témoignage de gratitude
devant vous, Monseigneur, tant en mon nom personnel qu'en celui
de tous les sinistrés.
« Malgré ses nombreuses occupations et des soucis de chaque
jour, son activité se portait sur sa chère église dévastée.
« Son désir ardent était de la reconstruire au plus tôt et lui
rendre son ancienne splendeur. Tâche difficile et délicate qui
aurait arrêté de moins vaillants.
« Combien sa récompense est grande aujourd'hui ! Les travaux de
construction sont achevés, ceux d'aménagement à l'intérieur et
du mobilier sont en bonne voie d'achèvement.
« Et pour accomplir cette tâche si ardue. il a été bien secondé
par les talents de M. Deville, architecte départemental. qui,
lui aussi, a mis tout son cœur et son dévouement à
l'accomplissement de cette œuvre grandiose.
« Vous pourrez juger. Monseigneur, que rien n'a été ménagé pour
faire de notre église un monument à peu près parfait, qui soit
digne du grand rôle qu'il est appelé à remplir dans notre
commune.
« Et les carillons joyeux de nos cloches retrouvées que vous
allez baptiser et bénir, annonceront dans toute la vallée que
Domèvre est enfin sorti de ses ruines. qu'il est ressuscité.
« C'est cette église, Monseigneur, que nous avons l'honneur de
remettre entre vos mains pour la rendre à sa destination
première et en souhaitant qu'elle n'ait pas à subir le triste
sort de son aînée. »
Monseigneur remercie M. le Maire, et trouve une parole aimable
pour toutes les personnes présentes. Mais la cloche nous appelle
.....
Bientôt la procession sort de la chapelle provisoire et conduit
Monseigneur à l'église nouvelle qu'il va bénir. La cérémonie
extérieure se fait rapidement, enfin la porte s'ouvre, et nous
pouvons voir l'intérieur de l'église. Le chœur est ce qu'il
était autrefois; nous revoyons les hautes boiseries qui
entouraient l'église; mais deux rangées de colonnes lambrissées
avec chapitaux dorés, forment trois nefs et supportent des
voûtes élégantes. Idée heureuse. due à M. Deville, architecte
départemental. Après que les rites liturgiques de la bénédiction
sont terminés, M. l'abbé Renault, curé de Domèvre, l'âme de
toutes ces reconstructions, prononce quelques paroles émues qui
nous font sentir jusqu'à quel point il s'est donné à sa tache de
reconstitution matérielle et morale: reconnaissance à Dieu
d'abord, qui a mis dans les âmes les idées et le courage
nécessaires, qui a inspiré à la France le geste généreux et
grandiose de la réparation des dommages de guerre. Hommage à la
bonne volonté et à l'énergie des habitants, énergie
traditionnelle puisque trois fois avant 1914, le village et
l'église ont été détruits : en 1568. par les Reitres : en 1638,
par les Suédois; en 1678, par les armées de Turenne; et trois
fois, ils ont été relevés. Il rappelle le souvenir de la
première messe dite en 1919, au milieu des ruines et pendant
laquelle on a invoqué avec tant de ferveur Notre-Dame du
Perpétuel-Secours et l'assistance chante alors avec enthousiasme
le cantique : Nous avons confiance...
La messe commence, chantée par M. le Curé d'Ogéviller. Les
chants de la foule, parfaitement exécutés, entremêlés de
morceaux de musique délicats, nous montrent que l'église
nouvelle a gardé sinon amélioré encore la sonorité de
l'ancienne.
A l'Evangile, Monseigneur dégage de la résurrection de Domèvre
des leçons pratiques : « L'église est élevée au-dessus des
demeures ordinaires; élevez vos âmes au-dessus des
préoccupations matérielles; l'église est vaste, elle est
accueillante et agréable, venez-y avec plaisir et souvent. Ne
vous contentez pas d'y venir clans les grandes circonstances,
mais venez-y accomplir fidèlement votre devoir de chrétiens
surtout venez-y entendre la messe chaque dimanche et faire la
communion pascale. »
Après la messe. Monseigneur bénit deux nouvelles cloches: Jeanne
et Marguerite-Marie, dont la vallée de la Vezouze a entendu
vendredi dernier, pour la première fois, les voix graves et
harmonieuses. Elles ont exprimé la reconnaissance de la
population envers la Providence et tous ceux qui ont été ses
auxiliaires pour le relèvement des ruines.
J. MEYER, cure de Domjevin.
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