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Eloge de Jean-Jacques Lionnois - 1890
Note renumérotées

On trouve peu de données biographiques sur l'abbé Jean-Jacques Lionnois (1730-1806), historien nancéien, évoqué dans l'article Table historique des Ducs de Lorraine - 1765. C'est pourquoi nous reproduisons ici l'intégralité de l'Eloge prononcé à l'Académie de Stanislas par Christian Pfister (1857-1933) en 1890, lors de sa réception à l'Académie (et nous avons laissé en fin la "réponse" du président, M. Druon, qui ne concerne pas Lionnois mais Pfister).



Mémoires de l'Académie de Stanislas
1889
Séance publique du 22 mai 1890

ELOGE DE JEAN-JACQUES LIONNOIS (1)
DISCOURS DE RECEPTION

MESSIEURS,
ÉLOGE
L'Académie de Stanislas s'est toujours montrée bienveillante aux membres de l'Université de Nancy; toujours aussi, elle a témoigné une vive sympathie à ceux qui consacrent leur travail à l'histoire de la Lorraine. C'est à ma qualité de professeur et à mes études sur le passé de notre pays, que je dois le grand honneur d'être reçu aujourd'hui parmi vous. Comment pourrais-je mieux vous témoigner ma reconnaissance qu'en vous racontant la vie d'un homme qu'un double mérite fera toujours vivre dans la mémoire des Nancéiens ? Il a été l'une des gloires de votre ancienne Université, dont il a dirigé le collège et où le premier il a porté le titre de doyen de la Faculté des arts il a été l'historien fidèle et enthousiaste de votre ville, il en a décrit les monuments avec l'exactitude de l'archéologue et avec cet amour du clocher natal qui lui faisait dire «  Nancy est l'une des plus belles villes de l'Europe qu'on puisse voir. »
Au temps du bon duc Léopold, un jeune apprenti menuisier vint de Lyon chercher fortune à Nancy, où bientôt il s'établit comme maître. Son nom était Claude Bouvier; mais on prit l'habitude de le designer par son lieu d'origine: le Lionnois. Bouvier se maria à Anne Calot que quelques-uns ont voulu rattacher à la famille de l'illustre graveur (2), et, de cette union naquit, le 30 septembre 1730, sur la paroisse de Saint-Evre, au cœur même de la vieille ville, Jean-Jacques Bouvier, dit Lionnois (3), celui-là même qui sera l'objet de cet éloge. L'enfant donna, dès son plus jeune âge, les marques d'une vive intelligence. Quelques personnes, à la fois riches et charitables et dont nous regrettons d'ignorer les noms, furent frappées de ses heureuses qualités leur générosité lui permit d'entreprendre ses études (4). Vers l'époque où Stanislas prenait possession de son duché de Lorraine, Lionnois entra au collège des Jésuites, situé prés de l'église de Saint-Roch, entre la rue Saint-Dizier et la rue des Carmes il fut l'un des meilleurs élèves de cet établissement, où se pressaient les jeunes nobles et les fils des meilleures familles de la bourgeoisie ses succès furent la récompense de ses bienfaiteurs. L'écolier devint de bonne heure un maitre; il n'était encore qu'en troisième que déjà, pour venir en aide à sa famille, il enseignait les rudiments du latin aux enfants qu'on lui voulait bien confier; et ainsi, moitié élève, moitié professeur, il acheva paisiblement le cours de ses études et conquit le diplôme de maître es arts. Dès lors, il lui fallait embrasser une carrière. Il n'eut aucune hésitation il se fit prêtre. Ce choix lui était dicté par ses sentiments religieux très profonds et aussi par son désir de se vouer à l'enseignement il avait la vocation de l'instruction et vous savez qu'au dernier siècle presque tous les professeurs appartenaient au clergé. Lionnois fut attaché en 1755 à l'une des églises de Toul (5) ; peu après, il fut désigné comme prêtre habitué de Saint-Evre (6) à Nancy, et chargé de célébrer chaque matin la messe à l'une des deux chapelles de Saint-Nicolas ou de la Conception (7) ; tout en remplissant les devoirs de son saint ministère, il entra comme précepteur dans quelques familles nobles, où l'on sut l'apprécier; il dirigea ainsi l'éducation des fils de la comtesse d'Hofflize, veuve d'un ancien président de la cour de Lorraine, et celle des enfants de M. de Mérigny.
Le succès qu'il obtint auprès de ses élèves, le décida à tenter une grande entreprise. L'enseignement, donné au collège des Jésuites, ne préparait pas assez les jeunes gens à la vie active ; le latin avec ses accessoires, métaphores banales du discours, grâces élégantes et fades du vers, cahiers de belles expressions, y tenait presque toute la place. Le français avait réclamé timidement ses droits au lieu de lui ouvrir les portes toutes grandes, un les avait à peine entrebâillées comme devant un intrus. L'histoire et la géographie étaient des sciences à peu près inconnues; et personne ne songeait, à introduire les langues vivantes au programme des classes. Cette éducation, dont l'unique but semblait être de former des latinistes, ne convenait certes pas à des gentilshommes qui, au sortir du collège, allaient s'engager dans l'armée et conduire des régiments sur le champ de bataille. Lionnois comprit tous les vices de ce système et il résolut de porter remède au mal. Son projet fut de créer une grande pension où les gens de qualité pussent chercher une éducation mieux appropriée à leurs besoins. Il trouva aussitôt d'illustres encouragements; ses anciens élèves l'aidèrent de leurs conseils et de leurs deniers le roi Stanislas dont la vive intelligence saisissait fort bien l'utilité d'une telle réforme, promit de prendre le nouvel établissement sous sa protection. Le dessein fut rapidement exécuté et, en 1761 (8) à l'âge de 31 ans, Lionnois se trouva à la tête d'une pension noble, établie dans un faubourg de la ville, dans une maison qui porte aujourd'hui le n° 25 de la rue de Boudonville (9). Bientôt, le pensionnat devint célèbre; aux gentilshommes lorrains vinrent se joindre des étrangers. Les Pedored de Saint-Martin, de Dax en Gascogne, y coudoyèrent les rejetons des familles de Wignacourt et de Dombasle des seigneurs anglais et allemands accoururent; le nombre des élèves s'éleva jusqu'à cent et au delà. Ils étaient rangés en différentes classes, sous la conduite de seize maitres beaucoup d'entre eux avaient de plus leur précepteur particulier, comme ils avaient un domestique attaché à leurs personnes (10). Lionnois gouvernait toute la maison, ajoutant aux qualités de l'administrateur les vertus du pédagogue. En effet, sa méthode d'enseignement causa tout le succès de sa pension. J'ai sous les yeux un programme des exercices que faisaient les élèves, avant la distribution des prix (11). J'y vois qu'outre la classe latine, il y a une «  classe française ». J'y remarque que, dans presque toutes les classes, les écoliers récitent des dialogues allemands; que l'histoire et la géographie sont en grand honneur ; qu'il y a même des interrogations sur l'art de fortifier, d'attaquer et de défendre les places. On s'aperçoit combien sont importantes les réformes tentées par Lionnois. Mais, pour ce nouveau système d'éducation, les livres faisaient défaut et voilà pourquoi le directeur va se faire écrivain à l'usage de ses maîtres et de ses élèves, il publia un cours complet d'études par demandes et par réponses. Nous possédons ainsi de lui un ouvrage sur L'Art militaire dans la fortification (12), un autre sur les Principes du blason (13) où il explique sommairement les termes un peu barbares derrière lesquels cette science se dérobe aux profanes ; il choisit du reste tous ses exemples dans les armoiries de la noblesse lorraine. A la même époque, il met sous presse son Traité de la mythologie, celui de ses ouvrages qui aura le plus de succès; il en publia cinq éditions de son vivant (14) ; deux autres parurent après sa mort (15) ; on en fit de nombreuses contrefaçons à l'étranger (16); on la traduisit en plusieurs langues, même en russe et en polonais. Le traité de Lionnois peut encore être consulté de nos jours avec fruit, et en fait on s'en est servi à Nancy jusqu'à ces dernières années. Il nous donne des renseignements précieux sur la généalogie des dieux, sur leurs attributs, sur leur culte; on y trouve tous les détails qui aident à l'intelligence des auteurs anciens mais, pas plus que ses contemporains, Lionnois n'a compris quelle était l'âme de cette mythologie; selon lui, elle tirerait sa source de l'histoire sainte; après la dispersion des peuples, la vérité, que Dieu avait révélée et qui n'était point encore fixée par l'écriture, gardienne sûre des faits, se serait obscurcie peu à peu la fable aurait été créée par une sorte d'altération du culte primitif de Jéhovah.
Après la mythologie, ce fut à l'histoire que Lionnois donna le plus de soins. Il chercha à rendre cette étude alors si nouvelle attrayante et commode aux jeunes gens; et il composa une série de tableaux où les faits étaient groupés et énoncés en des formules faciles à retenir et où les principaux événements étaient reproduits par la gravure. Sans doute il nous serait aisé de nos jours d'y relever de nombreuses erreurs, de nous moquer même de véritables contre-sens historiques, par exemple de cette image exacte de la tour de Babel; mais cet essai d'enseignement par les yeux, ces leçons de choses méritent d'être signalées (17). Outre ces tables historiques, Lionnois a écrit une histoire sainte (18) ; il a rédigé une histoire profane (19) de l'antiquité où successivement il passe en revue les Égyptiens, les Assyriens, les Grecs, les Carthaginois, etc. Tout en amassant un grand nombre de faits, il s'inspire des principes que Montesquieu a proclamés «  L'étude de l'histoire profane, dit-il, ne se borne pas à la stérile connaissance des événements de l'antiquité, à la sombre recherche des dates, mais il est d'une grande importance de connaître comment les empires se sont établis, par quels degrés et par quels moyens ils sont arrivés à ce point de grandeur que nous admirons, quelles ont été les causes de leur décadence et de leur chute. » Lionnois a encore publié, en deux volumes, une his toire de France depuis l'origine des Francs jusqu'aux traités de 1763, qui terminèrent la guerre de Sept ans (20). Son livre, il le reconnaît en toute sincérité, n'a aucune valeur originale; l'auteur découpe en tranches ou résume l'histoire de l'abbé Velly et de ses continuateurs qui le mènent jusqu'à Charles IX; puis la continuation que Griffet a faite de l'histoire du P. Daniel lui sert de guide. Je sais tous les reproches qu'on a adressés à ces œuvres et qui retombent en partie sur celle de Lionnois. Le moyen âge n'a pas été compris ; les princes mérovingiens ressemblent un peu trop aux souverains du XVIIe siècle ; les longs cheveux qui retombent épars sur les épaules de Clodion sont artistement arrangés, comme la perruque de Louis XIV. Mais je préfère insister sur les mérites très réels de la tentative du vicaire de Saint-Evre. A travers celle histoire, passe un souffle libéral ; le peuple y est souvent en scène et à ces jeunes nobles qui sont ses auditeurs et ses lecteurs habituels, Lionnois enseigne qu'eux et le roi ne constituent pas toute la nation, que la grandeur du pays a été faite avec l'épée du gentilhomme, mais aussi avec le travail et les souffrances du peuple. Le prêtre, profondément dévoué au catholicisme et peut-être parce qu'il lui est dévoué, trouve des paroles de blâme et de colère contre toutes les persécutions « -Les rigueurs qu'on exerça contre les protestants, dit-il à propos de la révocation de l'édit de Nantes, firent peu de prosélytes de bonne foi, beaucoup de mauvais catholiques et bien des milliers de fugitifs qui allèrent chez l'étranger chercher la liberté de conscience qui leur manquait. Enfin, par-dessus tout, Lionnois veut inspirer à ses élèves l'amour du devoir et de la France. «  La France, écrit-il dans sa préface, est de tous les pays celui qui a produit le plus de grands hommes. Pour marcher sur leurs traces, pour les surpasser même, s'il est possible, dans leur héroïsme, il faut les connaître. » Si l'on songe que notre histoire nationale était enseignée de la sorte à Nancy, à un moment où le duché de Lorraine n'était pas encore complètement uni a la France, où il était encore régi par le roi de Pologne, votre glorieux fondateur, l'on comprendra que Lionnois n'a pas seulement accompli une révolution dans la pédagogie ; il a, pour son humble part, aidé à l'union intime, à la fusion entière du pays de René Il avec celui de François 1er, de Henri IV et de Louis XIV. Pendant huit années, Lionnois dirigea avec zèle le pensionnat de la rue de Boudonville, et il n'avait d'autre ambition que d'achever au milieu de ses élèves, toujours plus nombreux, le reste de son existence. Un double événement vint tout coup changer ses projets ce furent l'expulsion des jésuites et le transfert à Nancy de l'Université de Pont-à-Mousson.
En novembre 1764, une déclaration royale, confirmant l'arrêt du parlement de Paris du 6 août 1762, abolit dans le royaume de France la Société de Jésus ; mais en vain Louis X.V demanda-t-il à son beau-père d'imiter son exemple et de supprimer l'ordre dans les deux duchés de Lorraine et de Bar. Stanislas se montra reconnaissant aux jésuites des services rendus et sa large tolérance lui interdisait de faire la guerre à des doctrines. Cependant, en 1766, Stanislas mourut et il fallut dès lors appliquer à la Lorraine, devenue partie intégrante de la France, les lois du royaume. L'édit contre les jésuites fut renouvelé en juillet 1768 (21) et enregistré à la cour de Nancy. Ordre fut donné aux membres de la Compagnie d'évacuer dès le 1er septembre leurs collèges, maisons et séminaires. Cette décision produisit un grand désarroi dans le pays presque tout l'enseignement secondaire y était distribué par l'illustre Société dans ses cinq collèges de Nancy, de Saint-Nicolas, de Pont-à-Mousson, d'Epinal et de Bouquenom (Saar-Union) il fallut songer à remplacer immédiatement les anciens maîtres, afin que les classes pussent s'ouvrir à temps, pour l'année scolaire 1768-1769. On prit aussitôt des mesures; on supprima l'ancien collège de Saint-Nicolas, trop voisin de celui de Nancy (22) ; on maintint les quatre autres et l'on donna à chacun d'entre eux une organisation autonome fort curieuse. Le collège de Nancy fut administré par un bureau, formé de l'évêque, du premier président de la cour, du procureur général, du lieutenant général de police, de deux notables de la ville, du recteur de l'Université et du principal. L'État nommait le principal; mais les professeurs et régents étaient choisis à la suite d'un concours jugé par l'Université de Nancy. Tout le personnel recevait des appointements sur les biens confisqués des jésuites ; l'économe-séquestre était tenu de les leur fournir en temps opportun (23).
Cette entreprise exigeait un administrateur assez zélé pour ne pas négliger le moindre détail, assez intelligent pour comprendre l'importance et la grandeur de sa tâche. L'intendant de la Lorraine, M. de La Galaizière, jeta les yeux sur Lionnois et nul choix meilleur ne pouvait être fait. Il souleva pourtant bien des colères dans les rangs de cette fraction du clergé qui regrettait les jésuites (24) ; les reformes que Lionnois avait tentées dans son pensionnat le rendaient suspect on l'accusait d'être «  enfariné de philosophie (25) »; on lui lançait à la tête l'épithète de janséniste La Galaizière eut le mérite, et il lui en faut savoir gré, de passer outre. L'évêque de Toul surtout, Mgr Drouas, - un digne prêtre d'ailleurs -, se montra tout à fait hostile. N'ayant point réussi à empêcher la nomination de Lionnois, il se décida à faire concurrence au collège ; il fonda dans la ville de Toul le petit séminaire de Saint-Claude, qui conduisait les jeunes gens de la sixième à la rhétorique ; il voulait, disait-il «  leur faire sucer, comme avec le lait, à l'abri des scandales et de la perversité du siècle, l'horreur du vice, l'amour de la vertu, le zèle du culte de Dieu, cette ferveur de son service qui est le fruit précieux de l'innocence conservée (26). »
Avec sa charge de principal, Lionnois acquérait une autre dignité, il devenait doyen de la Faculté des arts de Nancy. L'Université de Pont-à-Mousson avait, vécu ; elle avait eu, au XVIe et au début du XVIIe siècle, sa période de splendeur; mais, depuis les épouvantables malheurs que la guerre de Trente ans avait causés en Lorraine, elle était tombée dans une profonde décadence. On songea à lui donner une nouvelle vie, en la transportant dans une autre ville plus active. Stanislas déjà avait préparé les voies. Par différentes lettres patentes de 1760 et de 1761, il avait agrégé à l'Université le collège de Nancy ; il y avait transféré de Pont-à-Mousson la chaire de mathématiques ; il y avait créé deux chaires nouvelles de philosophie, une d'histoire et de géographie (27). Après la mort du roi de Pologne, on voulut dédommager Nancy, déchue de son rang de capitale ; un Lorrain qui avait vu le jour sur la place de la Carrière, le duc de Choiseul, était au pouvoir ; tous ces motifs expliquent les lettres du 3 août 1768, qui enlevèrent à Pont-à-Mousson son Université et la donnèrent à Nancy (28), malgré les plus énergiques et les plus éloquentes protestations de la petite ville qui se mourait. Les professeurs de rhétorique, de philosophie, d'histoire et de mathématiques du collège de Nancy constituèrent désormais la Faculté des arts de cette Université, à l'exclusion des régents des classes inférieures qui n'appartenaient qu'au collège; le principal, Lionnois, se trouvait naturellement le doyen de cette Faculté. Autrefois, en effet, les Facultés des arts n'étaient composées que des professeurs des hautes classes, dans les collèges universitaires; il n'y avait pas dans les Universités de France d'enseignement supérieur des lettres et des sciences; au sortir du collège, il semblait qu'on n'eût plus rien à apprendre, ni des littératures anciennes, ni des mathématiques ou de l'histoire. Il y avait pourtant une exception, l'Université protestante de Strasbourg, qui aurait dû servir de modèle aux autres établissements (29).
Le titre de doyen de la Faculté des arts assurait à Lionnois des honneurs beaucoup plutôt que des charges; il lui donnait l'un des premiers rangs aux processions et dans les autres cérémonies où les autorités se trouvaient rassemblées ; en revanche, sa situation de principal du collège lui causait bien des soucis (30). Tout était à créer : le local, les maîtres et même les élèves. Les bâtiments de l'ancien collège des jésuites qui tombaient en ruines furent abandonnés à la Faculté de droit; le nouveau collège fut transporté au noviciat des jésuites, qui jadis avait eu la gloire de compter Bourdaloue parmi ses élèves; c'est là, près de la porte Saint-Nicolas, dans les maisons occupées de nos jours par l'hôpital de Saint-Stanislas, au coin de la rue Saint-Dizier et de l'ancienne rue étroite et fort irrégulière de Paille-Maille (maintenant rue des Fabriques), que les Nancéiens ont fait leurs classes de 1768 à 1790 (31). Lionnois surveilla l'installation avec une grande vigilance. J'ai toujours admiré ces hommes qui s'arrachent à leurs études, pour descendre aux plus humbles détails du ménage; mais combien ces détails sont relevés, quand il s'agit de la santé et du bien-être des jeunes gens qu'un leur a confiés comme un dépôt sacré.
Lionnois trouva des maitres dignes de lui ; ils étaient au nombre de dix (32), presque tous prêtres séculiers; ils logeaient dans une maison du collège, appuyée dans la rue Paille-Maille sur les vieilles fortifications de la ville. Ils étaient ainsi a côté de leurs élèves, toujours prêts à les conseiller aussi bien pour leurs devoirs classiques que pour la direction morale. Ces élèves étaient assez nombreux ; Lionnois sut retenir ceux des anciens jésuites et en attirer de nouveaux. On l'avait laissé libre de créer un pensionnat dans le collège ; il profita de cette licence, il fit, pour loger ses pensionnaires, de nouvelles constructions fort coûteuses sur la cour intérieure du noviciat, on le remboursa en partie avec le produit de la vente des bâtiments des jésuites, situés prés de Saint-Roch ; mais jamais il ne put recouvrer toutes les sommes qu'il avait dépensées.
Pendant huit ans, de 1768 à 1776, il resta à la tête du collège et le dirigea avec une sagesse à laquelle ses adversaires mêmes rendirent justice. Tout absorbé qu'il était par les travaux de l'administration, il surveilla le cours des études et introduisit dans les classes d'utiles réformes grâce à lui, le grec fut enseigné pour la première fois à Nancy. On se plaignait des anciennes grammaires latines, trop touffues, trop chargées de citations il écrivit un traité élémentaire sur les principes de cette langue (33) ; cet ouvrage lui coûta bien des labeurs et il choisit cette épigraphe
Fronte exile negotium
Et dignum pueris putes :
Agresses labor arduus (34).
Mais les services qu'il rendit à la jeunesse furent une récompense suffisante pour ce Lhomond de Nancy. En même temps que la grammaire, les autres traités qu'il avait composés pour son pensionnat étaient mis entre les mains des élèves du collège ; seulement Lionnois eut, au sujet de ces livres, bien des ennuis. Il les avait fait imprimer à ses dépens, puis il avait cédé le fonds de son magasin, moyennant 8,000 livres au cours de France, au sieur Henry, libraire dans notre cité. Henry prétendait avoir été trompé lors du marché ; il publia contre le principal un mémoire fort vif auquel celui-ci fut obligé de répondre (35). Le libraire prouva ses torts, en partant pour la Russie, sans naturellement solder ses comptes. Il y emporta presque toute l'édition des Tables historiques ; ce fut pour l'abbé Lionnois une très grande perte d'argent d'abord, puis de réputation; car ces tables, qui se propageaient en Russie, demeuraient ignorées en France.
Les études du collège de Nancy étaient fécondes: mais bientôt l'argent vint à manquer. Sur les biens confisqués des jésuites il fallait payer les pensions des anciens membres de l'ordre, le traitement des principaux et professeurs des collèges, différentes rentes, des indemnités de logement au recteur de l'Université, à des professeurs de la Faculté de droit et de médecine. Les revenus de ces biens ne furent bientôt plus suffisants pour couvrir les dépenses; l'on vendit un certain nombre de maisons, mais on sacrifia de la sorte l'avenir au présent. Bientôt l'économe-séquestre fut obligé de déclarer qu'il lui était impossible de pourvoir aux dépenses des collèges. Il fallait prendre une mesure ; alors, en 1776, se présenta une congrégation riche et puissante, celle des chanoines réguliers de Nôtre-Sauveur qu'avait créée au XVIIe siècle le bienheureux Pierre Fourier; elle offrit de diriger les collèges de Nancy, de Pont-à-Mousson, d'Épinal et de Bouquenom, à l'unique condition qu'on la laisserait jouir des biens de l'ancienne société de Jésus ; on accepta ce marché, tout en stipulant que sur ces biens continueraient de peser un certain nombre de charges (36). Une pension devait être donnée aux professeurs qui allaient quitter le collège ; Lionnois obtint pour sa part 200 livres. C'était une faible compensation pour toutes les sommes qu'il avait affectées au pensionnat, pour huit années de labeurs et de soucis incessants. Il réclama vivement auprès du Conseil d'Etat; et on fit droit à sa requête le 26 septembre 1777 (37). Le Conseil d'État lui conserva tous les honneurs et privilèges dont il était en possession dans l'Université de Nancy, le nomma doyen honoraire de la Faculté des arts; enfin, il lui accorda, outre les 200 livres dont nous venons de parier, 1,600 autres livres de pension viagère, comme indemnité des dépenses faites par lui au collège; cette indemnité, comme la précédente, devait être soldée par la congrégation de Nôtre-Sauveur.
Au 1er septembre 1776, Lionnois avait quitté le collège dont les chanoines réguliers prirent possession. Il se trouvait assez riche il avait, outre sa pension, quelques maisons à Nancy; l'hôtel d'Olonne, au n° 27 de la rue de la Source, était sa propriété; une autre demeure sur la place de Grève (le n° 7 de la place de l'Académie), deux maisonnettes de la rue Derrière (aujourd'hui rue Jacquard) dépendaient encore de lui (38). Il fixa pourtant sa résidence ailleurs; le 10 novembre 1777, il se rendit acquéreur de la maison qui porte aujourd'hui le n° 41 de la Grande-Rue; le 27 du même mois, il recevait les clefs des mains du notaire Pierson, montait dans la chambre du premier étage, allumait dans la cheminée un paquet de chanvre nu (39) ; dès lors il en était légitime propriétaire. Il vécut là jusqu'en l'année 1802, allant pourtant chercher lors de la belle saison quelque fraicheur et quelque repos à sa maison de campagne de la Calaine. Elle était située sur la côte Sainte-Catherine et elle touchait par une de ses extrémités au ruisseau de Boudonville (40); Lionnois parle d'elle dans son Histoire de Nancy (41) avec un véritable amour ; près de là se dressaient les somptueuses villas d'Auxonne et de Montbois; mais je suis bien sur que l'ancien principal préférait son humble demeure aux riches lambris qui décoraient les châteaux de ses voisins.
Au moment où Lionnois était condamné d'une façon inattendue à la retraite, il était dans la force de l'âge; ses fonctions de vicaire à Saint-Evre qu'il reprit ne suffirent pas pour l'occuper; et dès lors, il entreprit une série de travaux historiques. A la prière de quelques-uns de ses élèves du pensionnat, il rechercha quelles étaient les lointaines origines de leurs maisons et il reconstitua leur arbre généalogique. Dès 1777, il donna un catalogue de toutes les pièces qui concernaient la branche des marquis du Hautoy de Clémery, depuis l'an 1454 jusqu'à son époque (42) ; la même année, il fit un travail analogue et plus important pour la maison de Raigecourt dont l'antiquité était plus reculée, puisqu'elle remontait en 1243 (43). Un peu plus tard, à la prière du comte de Saintignon, seigneur de Puxe et autres lieux, lieutenant général au service de l'Autriche, il catalogua les archives de cette maison et il publia sur elle un gros ouvrage, fort estimé de tous ceux qui s'occupent de nos anciennes familles de la Lorraine et des Trois-Ëvechés (44). Mais ces livres, tout précieux qu'ils soient, étaient trop particuliers et trop arides pour faire pénétrer son nom dans la foule ; aussi résolut-il d'employer ses loisirs à l'histoire même de la ville qu'il habitait et à la description des monuments qui s'y dressaient. Voici comment l'idée d'un tel projet se présenta à son esprit.
Dans l'ancienne église du noviciat des Jésuites avait jadis de enterrée une princesse de Lorraine, fille du duc François Ier et décédée en 1621 ; on y avait dépose aussi les cœurs de la princesse Antoinette, duchesse de Clèves et de Juliers, + 1610 ; du cardinal Charles de Lorraine, évêque de Metz et de Strasbourg, + 1607 ; des grands ducs Charles III, Charles V, Léopold; du prince Clément, fils de Léopold, ravi a l'affection de son père en 1723 et trompant par sa mort les espérances des Lorrains. Quand le collège fut installé au noviciat, quand l'église en fut affectée à la paroisse Saint-Nicolas, on songea à transférer ces vénérables reliques à la Chapelle ronde, au couvent des Cordeliers. La cérémonie eut lieu le 25 mars 1772 (45) ; Lionnois fit remise des cœurs et des ossements ; les gentilshommes les plus nobles de l'ancienne chevalerie lorraine se disputèrent l'honneur de tenir les coins du poêle; l'évêque de Tout, Mgr Drouas, prononça l'oraison funèbre (46). Cette solennité fit sur l'esprit du principal une impression profonde : ces princes dont la poussière était transportée sous la coupole des Drouin, avaient jadis rempli le monde du bruit de leurs exploits. Ne devait-on pas raconter à la postérité quel était le lieu de leurs sépultures; ne fallait-il pas recueillir pour elle les épitaphes gravées sur leurs tombeaux ? Le 25 mars 1772, Lionnois avait déjà formé dans sa tête le plan de ses Essais sur la ville de Nancy
Lorsque plus tard Lionnois eut quitté le collège, d'autres considérations le vinrent fortifier dans son dessein. Le comte de Saintignon lui avait remis un recueil manuscrit des épitaphes de l'ancienne abbaye de Saint-Paul à Verdun. Ce recueil avait été fait sur l'ordre de l'évêque, Nicolas Psaume, au moment où Charles-Quint menaçait la ville de Verdun et où l'on détruisit la célèbre abbaye (47). Lionnois le livra à la presse (48), et il se dit: «  Sans la sage précaution de Psaume, toutes ces inscriptions, si précieuses pour l'historien, auraient à jamais péri. Qu'arriverait-il, si un accident frappait l'église des Cordeliers ? Ne devons-nous pas imiter l'exempte donne par le prélat de Verdun. » Et voilà pourquoi avec les épitaphes recueillies à Saint-Paul de Verdun, il fit imprimer celles des ducs de Lorraine qui reposaient sous les dalles de la chapelle ronde. Puis, il se fit cet autre raisonnement : «  Une simple copie de ces épitaphes de nos ducs peut ne pas présenter d'intérêt pour le lecteur, ne lui faut-il pas apprendre ce qu'étaient, ces anciens princes, lui résumer l'histoire de leurs exploits ? Sans doute aussi, il serait utile d'ajouter aux épitaphes la description des tombeaux, à la description des tombeaux celle de l'église qui les contient, à la description de l'église celle de la ville où elle s'élève. » De ce raisonnement sortirent les Essais sur la ville de Nancy publiés encore en l'année 1779, à la Haye (49). Nous venons d'en faire l'éloge et aussi un peu la critique. L'ouvrage est des plus précieux pour la topographie de Nancy au XVIIIe siècle; de plus, on y trouve une foule de renseignements sur le passé de la ville, sur les transformations qu'elle a subies au cours des siècles, sur les changements des noms des rues mais Lionnois est parti, si j'ose dire, d'un mauvais côté; il s'est placé à un point de vue trop humble; il a décrit la ville moins pour elle-même que pour les épitaphes qu'elle renferme; s'il en admire la beauté, c'est plutôt de confiance, par patriotisme local, que par véritable sentiment artistique.
Les Essais furent dédiés à Charles-Alexandre, fils puîné du duc Léopold et frère de l'ancien empereur d'Allemagne François Ier. Charles qui gouvernait les Pays-Bas au nom de Marie-Thérèse, fut très sensible à cette attention. Il fit sans doute imprimer le volume à ses frais; il envoya à Lionnois son portrait et une magnifique tabatière d'or, remplie d'or. Il le pria de se rendre à Bruxelles et, quand l'ancien principal eut accepté l'invitation, il lui donna les témoignages de la plus vive amitié (50).
Dans les Essais, il n'était question que de la ville vieille. Lionnois avait promené tour à tour son lecteur des Cordeliers à Notre-Dame, des Dames Pècheresses à Saint-Evre et à Saint-Michel; un nouveau volume devait décrire les sanctuaires de la ville neuve, et les beaux monuments civils dont Stanislas venait d'embellir la cité. Ce second tome était achevé en 1788 (51) et nous en avons conservé le manuscrit, de la main de Lionnois (52). Mais des difficultés pécuniaires empêchèrent l'auteur de l'imprimer son protecteur, le prince Charles, était mort, et, à Nancy, peu de personnes s'intéressaient au passé de leur ville et à ces institutions que la Révolution allait emporter.
Il nous est resté peu de traces de la vie de Lionnois dans les dix années qui précèdent le cataclysme. Il refit deux nouvelles éditions de sa Mythologie ; quand le siège épiscopal de Nancy eut été crée, il publia pour les fidèles du nouveau diocèse un Bref perpétuel pour la récitation l'office divin (53) ; enfin, il se montra plein de charité et de miséricorde envers les pauvres et tous ceux qui souffraient. J'ai plaisir à vous raconter un trait de sa vie, peu connu et qui lui fait le plus grand honneur.
L'hiver de 1783 à 1784 avait été particulièrement dur; le froid était fort vif, la neige ne cessait de tomber, la misère des pauvres gens était extrême; une série de semblables hivers allaient se succéder et ils expliquent en partie la Révolution. La charité alla au-devant des malheureux ; on vit un seigneur anglais, résidant à Nancy, faire distribuer chaque jour du vin, du bouillon et de la viande à dix-huit pauvres de la paroisse de Saint-Evre. Mais, dans ce concours de bonnes volontés, Lionnois se distingua entre tous. Il alla quêter de porte en porte; il écrivit aux officiers du régiment du Roi, infanterie, pour leur demander leur aide et ces braves gens, aussi généreux que courageux, lui envoyèrent chaque matin 600 livres de pain. Les officiers de Royal-Auvergne et du régiment d'Artois, dragons, ne restèrent pas en arrière; ils suivirent l'exemple donné par leurs camarades. Lionnois adressa aussi des requêtes à tous les corps constitués le Parlement, la Chambre des comptes, le chapitre de la Primatiale, l'Université, le Présidial, l'Hôtel-de-Ville, les juges-consuls, les fonctionnaires du domaine, la communauté des Juifs lui votèrent des subsides ; il réunit ainsi des sommes assez considérables et il créa des ateliers de charité ; les femmes et les enfants furent employés à balayer les rues couvertes d'une épaisse couche de neige. Lionnois, en procurant du travail aux malheureux, soulagea leur misère sans les humilier; il rendit en même temps service aux habitants de Nancy, qui purent s'aventurer hors de leurs demeures. Sa conduite lui valut les justes félicitations de l'évêque, Mgr de Fontanges, et de l'intendant, M. de la Porte (54).
Cependant la Révolution éclatait, et bientôt, les rapports entre l'Église et l'État se tendirent. Les biens du clergé furent mis à la disposition de la nation ; l'Etat s'empara définitivement à Nancy des revenus des jésuites qu'administraient les chanoines réguliers et sur lesquels était payée la pension de Lionnois. Lionnois se trouvait ainsi privé, aux approches de la vieillesse, du fruit de son travail ; ses libraires l'avaient trompé; puis, comme il comptait toucher toute sa vie sa rente de 1,800 livres, il s'était lancé dans d'aventureuses constructions «  Il avait, nous dit son biographe Psaume, deux passions extrêmement dispendieuses, celle de se faire imprimer et celle de bâtir. » Ses dettes déjà alors étaient considérables ; aussi !e décret de l'Assemblée constituante fut-il pour lui plus que la ruine ; il le réduisit dans une situation fort voisine de la misère ; à partir de ce jour, Lionnois ne vécut plus que d'expédients; il vendit une à une ses propriétés; il se défit même de sa maison de la Calaine qu'il aimait tant ; il lui adressa, plus tard, un touchant adieu (55), semblable à celui que Casimir Delavigne dira à sa belle campagne de la Madeleine
Je pars, il le faut, et je cède;
Mais le coeur me saigne en partant.
Qu'un plus riche qui te possède
Soit heureux où nous l'étions tant !
La situation devint encore plus grave pour Lionnois, le jour où l'Assemblée nationale eut voté la constitution civile du clergé, et celui où elle exigea de tous les prêtres, en fonction dans les églises, le serment de maintenir de tout leur pouvoir la nouvelle loi ecclésiastique. Il avait salué avec enthousiasme l'avènement de la Révolution ; les principes de justice et d'égalité qu'elle proclamait étaient les siens (56). Mais la constitution civile du clergé blessait profondément la conscience du pieux prêtre ; elle était en contradiction avec les dogmes de l'Eglise ; elle créait un véritable schisme. Aussi ne voulut-il pas prêter le serment, et il quitta sa charge de vicaire général de Saint-Evre que depuis 1776 il remplissait sans aucune rétribution.
L'abime entre la Révolution et le clergé se creusait chaque jour plus profond. Le 29 novembre 1791, la Législative exigea le serment, même des ecclésiastiques non fonctionnaires, s'ils ne voûtaient pas perdre les pensions qui leur avaient été maintenues ; Lionnois fit encore la sourde oreille et peut-être fut-il privé à ce moment des pensions dont il avait joui sous l'ancien régime. C'était faire preuve d'abnégation et même de courage : car ne menaçait-on pas déjà alors de la déportation les prêtres réfractaires ?
Cependant quand la Législative eut suspendu Louis XVI de ses pouvoirs, elle modifia la formule autrefois imposée aux prêtres ; elle n'exigea plus d'eux un assentiment à la constitution civile, mais seulement un serment à la liberté et à l'égalité. Cette fois-ci, Lionnois n'hésita pas à le prêter; il jura, dans la sincérité de son coeur, en septembre 1792, d'être fidèle à la liberté et à l'égalité. Comme on attaquait vivement sa conduite, comme on lui reprochait de ratifier toutes les mesures violentes que la Convention prenait à ce moment même, il se défendit avec une très grande vivacité et une véritable éloquence. Une religieuse de Metz qui avait prêté le même serment éprouvait des remords ; elle demanda conseil à Lionnois et celui-ci la rassura. «  Moi aussi, lui dit-il, dans une lettre rendue publique, j'ai juré fidélité à la nation, à la liberté, à l'égalité j'ai juré de mourir en les défendant. J'y suis bien résolu et déterminé, parce que je crois dans le fond de mon âme que ces sentiments sont bons, que j'en connais les avantages pour les autres et pour moi, que d'ailleurs les choses qui en sont l'objet sont justes et légitimes. » Il repoussa ensuite le reproche d'être schismatique et il termina par ces paroles: «  Voila les principes qui nous ont déterminés à faire le serment en question. Que ceux qui l'ont refusé nous montrent non par des visions et des injures, mais par des raisons solides que nous nous sommes trompés; bien loin de résister, nous recevrons leur avis avec reconnaissance et rétracterons tout ce que la faiblesse humaine aurait pu nous faire adopter de contraire à la foi... On ne manquera pas de nous accuser de jansénisme. C'est le grand cheval de bataille de tous ceux qui n'ont point de raison à donner aux ignorants et aux idiots qui veulent bien les écouter. A cette imputation calomnieuse qui ne fait plus de sensation, outre le mentiris impudentissime que nous pourrions opposer, nous répondrons qu'il n'est point question ici de jansénisme, mais de préceptes très importants de l'Evangile et de maximes très claires de la morale (57). » La conduite de Lionnois fut en somme très nette; il repoussa toujours avec véhémence tout serment, qui impliquait une adhésion à la constitution civile du clergé, contradictoire avec les maximes du catholicisme mais sa conscience ne lui défendait point de jurer des serments politiques qui attestaient sa fidélité au gouvernement établi.
Combien Lionnois était attaché à son culte et à ses devoirs de prêtre, il le montra aux sombres jours de la Terreur. Le 18 août 1793, il fut mis sur la liste des citoyens qui devaient rester en surveillance ; il se cacha dans la cave de sa maison de la Grande-Rue; mais, tous les matins, il montait dans le cabinet du premier étage et y disait sa messe. On voit encore aujourd'hui une fenêtre fort étroite, au-dessus de la porte d'entrée : elle éclaire la petite salle où Lionnois, au péril de sa vie, offrait le saint sacrifice en 1793 et en 1794. Parfois aussi, l'abbé s'échappait de sa demeure, pour porter au dehors quelque consolation à un fidèle (58). Son dévouement le rendit de plus en plus suspect ; à cinq reprises il réclama des autorités un certificat de civisme ; à cinq fois il lui fut refusé (59).
De meilleurs jours allaient se lever. Dès 1795, prêtres assermentés comme prêtres réfractaires revinrent d'exil ou sortirent de leurs retraites (60). Les premiers s'emparèrent des élises, et y célébrèrent l'office divin; à Nancy, grâce aux soins d'un comité ou presbytère qui remplaçait l'évêque élu démissionnaire, la cathédrale fut de nouveau consacrée au culte du Christ. Les prêtres réfractaires, de leur coté, tenaient de nombreuses réunions; les fidèles se pressaient autour des uns et des autres; il y eut alors une véritable renaissance de la vie religieuse. Malheureusement, entre les deux fractions du clergé, les haines étaient fort vives. On le vit bien quand, en 1797, il fut décidé qu'un grand concile national, destiné à organiser l'Eglise sortie des persécutons, se réunirait à Paris. L'évêque métropolitain de la Marne avisa le presbytère de la Meurthe de ce projet dont l'honneur revint en grande partie à l'ancien curé d'Emberménil, Grégoire, devenu le chef du clergé constitutionnel. Il l'invita à être un représentant, et à réunir le clergé du département en synode diocésain, pour qu'à son tour celui-ci choisit un délégué (61). L'assemblée synodale fut fixée au 26 juillet (62); mais cette annonce causa une vive colère au camp des prêtres assermentés. Lionnois fut parmi les plus exaltés. Lui qui s'accommodait si bien du régime de la République, qui avait même pour lui de secrètes sympathies, nourrissait contre l'Église constitutionnelle une vive haine; à la lettre circulaire lancée par le presbytère de la Meurthe, il répondit par une brochure anonyme qui eut dans notre cité le plus grand retentissement (63). Il montra que l'Église constitutionnelle était schismatique, et, pour faire cette preuve, il se borna à citer les rétractations des anciens évêques et vicaires élus en 1791, telles que les enregistraient, avec complaisance les Annales catholiques, journal opposé par le parti réfractaire aux Annales de la religion, inspirées par Grégoire. Il termina en disant «  Nous prêtres catholiques du diocèse de Nancy érigé par bulle expresse du souverain pontife, nous sommes unis à notre évêque, qui l'est au pape, à qui se réunissent comme au centre commun toutes les Églises catholiques de l'univers. Messieurs du presbytère nous citent dans leurs lettres un métropolitain de la Marne et un évêché de la Meurthe. Nous connaissons les rivières de la Marne et de la Meurthe ; mais nous n'avons encore trouvé dans aucune carte ecclésiastique ni dans l'histoire d'aucun peuple catholique l'érection canonique de ces évêchés. Où peut-on en être instruit ? »
Lionnois avait refusé toute adhésion à ceux qui se rattachaient à l'ancienne Église constitutionnelle. Pourtant lorsque, à quelque temps de là, eut. éclaté le triste coup d'État du 18 fructidor, lorsque le Directoire eut exigé de tous les prêtres serment de haine à la royauté et à l'anarchie, d'attachement et de fidélité à la République et a la Constitution de l'an III, il n'eut aucun scrupule à obéir, poussé par les mêmes motifs qui l'avaient déterminé en 1792. Il publia, cette fois encore, une brochure pour justifier sa conduite (64). Il passa en revue chacun des termes du serment imposé et démontra qu'ils ne pouvaient blesser une conscience catholique : «  L'attachement et la fidélité à la République, dit-il, ne peuvent être refusés par aucun Français catholique, à plus forte raison par ceux qui enseignent les préceptes de cette sainte religion. Saint Paul n'a-t-il pas dit: Que toute personne soit soumise aux puissances supérieures? `? On doit de même respect à la Constitution, librement votée et adoptée par les Français. Quel catholique ne déteste pas l'anarchie ? Mais, objectez-vous, vous ne pouvez pas jurer haine à la royauté, Lionnois répond : «  Que veut donc le gouvernement nous faire haïr dans la royauté ? Ce qui mérite, comme dans l'anarchie, d'être haï, c'est-à-dire le crime. Pour faire détester l'anarchie, et conclure unanimement qu'on peut lui jurer la haine, il n'a fallu qu'en donner la définition. Pour inspirer aujourd'hui en France pour la royauté le même sentiment à tous ceux qui professent la religion chrétienne, il ne faut que leur montrer la puissance existante actuellement, et le crime que commettrait la faction qui voudrait la renverser en rétablissant le trône. »
Grâce à ce serment et à son âge déjà avancé (il était presque septuagénaire), Lionnois échappa aux persécutions dont l'Église de France fut de nouveau victime à la fin de 1797 et au début de 1798 (65). Au milieu des soucis de tous genres qui l'assaillaient, il songeait souvent à son histoire de Nancy, complètement achevée et qu'il lui était impossible de publier faute de ressources. En 1797, on lui demanda pour un almanach quelques pages sur l'État ancien et actuel de la ville: à défaut de son grand ouvrage, il mit sous presse une brochure (66) où il compare le Nancy de cette date au Nancy d'avant la Révolution. Les divers régimes qui s'étaient succédé depuis 1789, avaient imposé des noms divers aux places et aux rues de notre cité; la place des Dames s'était tour à tour appelée place Marat et place des Vétérans; la Petite-Carrière était devenue petite place de la République, après avoir été place Philopœmen; un titre nouveau avait été imposé à chacune des portes qui embellissent notre ville: au lieu de porte Sainte-Catherine, on disait porte de la Garde nationale ; au lieu de porte Saint-Nicolas, porte de la Constitution, etc. De toutes ces mutations il était résulté que Nancy était devenue aussi inconnue à ses anciens habitants qu'aux étrangers. Lionnois voulut bien leur servir de guide à travers la nomenclature révolutionnaire, et aujourd'hui que ces noms sont retombés dans l'oubli, il nous conduit notre tour à travers le Nancy de cette époque, théâtre de tant de scènes à la fois tragiques et comiques, sublimes et grotesques.
Cependant, après l'organisation du Consulat, la situation devenait meilleure pour le clergé. Lionnois se remit au travail et remania entièrement sa Mythologie. La conquête de l'Égypte par Bonaparte avait mis les savants de l'Europe en face d'une civilisation jusque-là à peu près ignorée. Le mystère des hiéroglyphes piquait vivement la curiosité, tandis que la grandeur des monuments du désert frappait les imaginations. On ne douta point que ces caractères, que ces gigantesques pyramides étaient autant de symboles qui cachaient quelque vérité astronomique ou bien quelque enseignement moral. On soutint que le sens symbolique avait été peu à peu oublié, qu'insensiblement on avait pris l'habitude de regarder ces monuments comme des divinités et de leurs rendre hommage on fit ainsi remonter à l'Egypte l'origine de la mythologie et de la fable. Lionnois développa cette thèse avec force détails dans la quatrième édition de sa Mythologie, parue en 1801 (67) Il nous explique avec beaucoup d'assurance les mystères qui se dérobent sous les symboles égyptiens. Voulez-vous savoir ce que veut dire le sphinx, cette figure composée d'une tête de jeune fille et du corps d'un lion couché ? Lionnois vous le dira: «  Cela signifiait qu'il fallait rester oisif sur les terrains élevés de l'Égypte, tant que l'inondation du Nil durerait, et qu'elle continuerait au moins pendant deux mois dans sa force, savoir, tout le temps que le soleil parcourrait les signes du Lion et de la Vierge (68) ». On oublia, d'après Lionnois, ce sens ; on considéra le sphinx non plus comme un signe, mais comme un monstre, comme un être vivant; de l'Égypte, il émigra en Grèce et ainsi est née la fable d'Œdipe. Tous les mystères de l'antiquité ont une origine analogue. Le livre classique que Lionnois avait écrit dans sa jeunesse pour les élèves de son pensionnat devenait de la sorte un gros ouvrage à thèse, à la très grande gloire du Premier Consul ; la Mythologie se terminait par une description de l'Egypte, «  la contrée la plus féconde du monde entier » : elle se remplissait de flatteries à l'adresse «  du très prudent et très heureux Bonaparte ». Sur le titre même, on lit «  Dès la deuxième année de son consulat, Bonaparte donne la paix à l'Europe entière. Que ne fera-t-il les années suivantes (69) ? »
Mais l'ouvrage n'enrichit pas son auteur. La situation de Lionnois devenait de plus en plus obérée et il lui fallut bientôt se résoudre à quitter sa maison de la Grande-Rue, où il vivait depuis 35 années. Le 2 floréal an X (22 avril 1802), il la vendit à Anne-Marie Breton (70); le prix servit à désintéresser ses créanciers et, quand toutes les dettes furent réglées, il ne lui resta qu'une fort petite somme et quelques meubles; pourtant de son naufrage il avait sauvé un trésor: sa bibliothèque, ses chers livres qu'il aimait tant, qui avaient été sa consolation dans le malheur et qui vont lui rendre plus doux ses derniers moments (71). Lionnois se retira au n° 17 de la rue de l'Opéra (72); il vécut encore quatre années dans sa nouvelle demeure, située à côté de celle où devait mourir plus tard l'illustre savant Braconnot.
Le malheur fondait sur Lionnois à un moment où le poids de l'âge était déjà fort lourd et où les maladies commençaient à le saisir. Peut-être quelque allégement eût-il été apporté à sa misère, si ses concitoyens lui avaient témoigné la juste estime qu'il méritait. Mais on lui reprochait d'avoir été favorable à la Révolution, en prêtant les serments d'égalité et de haine à la royauté ; ce modéré qui avait pris une position si originale entre les deux partis était maintenant repoussé partout. En particulier, votre Compagnie l'oublia. Dissoute comme toutes les autres institutions de l'ancien régime en 1793, l'Académie de Stanislas s'était reconstituée en juillet 1802 sous le titre de Société libre des sciences, lettres et arts de Nancy. Cette restauration était surtout l'œuvre des professeurs de l'École centrale Mollevault, de Haldat, Coster, qui enseignaient les langues anciennes, la physique, l'histoire. La Société qui se plaça sous le protectorat du vainqueur de Marengo, qui mit aussitôt au concours un éloge du 18 Brumaire (73), ne pouvait accueillir, malgré la nouvelle édition de la Mythologie, le prêtre qui avait juré en fructidor. Il se trouva pourtant un homme pour réclamer: ce fut un ami intime de Lionnois, Étienne Psaume, le seul citoyen de Nancy qui vota contre les projets de Bonaparte (74). Il écrivit dans une lettre adressée à M. Mollevault et qu'il répandit dans la ville : «  Les membres résidants de la nouvelle Société m'ont paru tous des hommes d'un mérite connu. J'ai pourtant regretté de n'y point voir d'autres hommes recommandables et entre autres un vieillard estimable, qui a consacré son existence et ses talents à l'instruction publique et qui a publié divers ouvrages élémentaires sur cette matière. Mais un de ses premiers titres à la dignité d'Académicien de Nancy, c'est qu'il a débrouillé le chaos des antiquités de cette ville, dans quelques ouvrages depuis longtemps publics, et dans d'autres qu'il se propose de publier encore. J'aime donc à croire que cette légère omission sera réparée dans une de vos prochaines séances (75) » Psaume réclamait en outre le titre de membre national pour Palissot, dont la querelle avec Jean-Jacques Rousseau avait jadis fait beaucoup de bruit. La Société des arts fit droit à cette dernière demande, Palissot fut élu. Mais Lionnois mourut sans avoir reçu satisfaction. La Compagnie ne lui rendit justice que lorsqu'il ne fut plus là. Dans la séance du 22 novembre 1806, elle souscrivit à l'Histoire de Nancy, alors sous presse (76) ;et, aujourd'hui, à 84 années de distance, je lui fais, en votre nom, les honneurs de votre assemblée.
Psaume montra bientôt, d'une autre façon encore, la tendre amitié qu'il professait pour Lionnois, la haute estime dans laquelle il le tenait. Depuis 1788, l'ancien vicaire de Saint-Evre avait achevé son histoire de la Ville-Neuve de Nancy qui devait faire pendant aux Essais sur la Ville-Vieille parus en 1779. Cette histoire devenait d'autant plus précieuse que beaucoup des monuments qui y étaient décrits avaient disparu dans la tourmente révolutionnaire. Psaume songea à la publier ; c'était contribuer à la gloire de Lionnois, c'était aussi une manière fort délicate de lui venir en aide. Une souscription fut ouverte au début de 1803 (77) ; elle fut accueillie avec beaucoup d'indifférence. Psaume eut beau faire insérer des avis dans le Journal de la Meurthe (78) ; il eut beau multiplier les démarches : les promesses de paiement furent, rares. Le zèle pour les études historiques s'était refroidi, à une époque qui fournissait à l'historien de si grands événements et une si belle matière. En 1805 pourtant, grâce aux encouragements de Psaume, un volume parut; seulement, sur la demande de quelques souscripteurs, Lionnois commença son ouvrage par la Ville-Vieille (79), reprenant ses anciens Essais de 1779 et les complétant, indiquant aussi les graves modifications survenues dans la période de la Révolution. Il fit d'abord l'historique de la ville, puis seulement passa aux monuments ; brisant le cadre trop étroit des Essais, il insista davantage sur la beauté des édifices et multiplia les digressions sur les grandes cérémonies dont jadis ils virent la pompe. L'histoire de la Ville-Neuve suivit la description de la Ville-Vieille; là s'arrête le premier volume. Lionnois n'eut plus la joie de voir paraître les deux autres, où sont énumérées les rues, les places, les églises de la cité de Charles III : ils furent publiés longtemps après sa mort, en 1811 (80), grâce à Psaume, à l'éditeur Haener et à un ancien magistrat de la cour, Michel-Hubert Oudinot. On a accusé parfois Oudinot d'avoir tronqué l'oeuvre de Lionnois, d'avoir fait notamment des coupures dans le troisième volume (81); mais ces reproches tombent si l'on compare l'édition avec le manuscrit retrouvé et déposé aujourd'hui à la Bibliothèque publique de Nancy (82). Les deux derniers volumes, comme le premier, ont été composés par Lionnois; c'est l'ouvrage même tel qu'il était écrit en 1788 (83). Seulement la dernière main de l'auteur n'y a pas été mise l'on s'aperçoit que Lionnois n'était plus là. Ces deux tomes contiennent des emprunts trop visibles à des histoires antérieures, notamment à Dom Calmet (84); ils renferment, de nombreuses redites. Ces taches auraient disparu si Lionnois avait encore pu les revoir.
Mais Lionnois n'était plus là : le 14 juin 1806, il s'était éteint à l'âge de 76 ans, après deux années de souffrances physiques, dans son humble demeure de la rue de l'Opéra (85) ; et la mort fut pour lui une délivrance. Il avait supporté son malheur avec grande résignation. Un contemporain rend de lui ce témoignage «  Il avait dans l'indigence je ne sais quoi de vénérable qui ajoutait encore au respect qu'il inspirait (86). » Pourtant, il fut heureux quand vint l'heure dernière, celle où il allait jouir au ciel de la récompense d'une vie consacrée tout entière au travail, au bien, à l'accomplissement à la fois rude et doux du devoir.
Il fut enterré au cimetière des Trois-Maisons, à la place où s'élève de nos jours l'une des grandes imprimeries de notre ville. Un commerçant de Nancy, poète à ses heures, lui composa une épitaphe un peu prétentieuse (87).
Ce savant vertueux, au sein de sa Patrie,
Sans se plaindre, expira sous le poids du malheur ;
O vous qu'il chérissait jusqu'à l'idolâtrie,
Pleurez-le, Nancéiens, il vous légua son coeur.
A quelque distance de l'endroit où reposait Lionnois, avaient été déposés en 1793 les restes des anciens ducs de Lorraine ils avaient été transportés là par les soins de l'administration municipale, après qu'on eut brisé les cercueils de la Chapelle ronde (88). Ainsi l'historien dormait tout près des héros dont il avait raconté les exploits: près de René II, l'heureux vainqueur du Téméraire, près de Charles V, jadis si redoutable aux Turcs (89) !
Messieurs, d'autres citoyens de Nancy ont un renom plus grand que Lionnois; mais leur gloire est, si j'ose dire, plus générale ; ils appartiennent à la Lorraine ou à la France; Lionnois appartient tout entier à Nancy. Son nom est intimement uni à celui de notre cité et voilà pourquoi sa mémoire ne périra pas, tant que nos magnifiques monuments resteront debout, tant que Nancy tiendra une place brillante dans les sciences, dans les lettres ou dans la politique, tant qu'elle méritera la réputation d'une des villes à la fois les plus belles et les plus polies de l'Europe ce sont là, certes, des garanties d'immortalité.

APPENDICE

I.

La bibliothèque publique de Nancy possède deux lettres autographes de Lionnois, l'une adressée à M. Villemet, et datée du 30 avril 1805 ; il en a été question à la page LXXII, note 2. Nous donnons ici le texte de la seconde, qui nous donne quelques renseignements assez curieux sur le pensionnat de Lionnois
A Monsieur Breton, lieutenant général au bailliage royal de Pont-à-Mousson.
A Nancy, 3 mai 1766.
J'ai chez moi un jeune homme nommé Chardard, théologien depuis 4 ans, que l'on dit être déclaré fuiard, pour ne pas s'être présenté lors du tirage à la Milice dans votre ville permettez, Monsieur, que j'aye l'honneur de vous observer que ce jeune homme avoit obtenu un passe-port pour Luxembourg, dez le mois de février; que cette ville ne lui ayant pas fourni les ressources qu'il espéroit, il me fit demander si je pouvais le recevoir chez moi en qualité de précepteur: sur le bien que j'en avois ouï dire, je priai son père de me l'envoyer en conséquence, il revint à Pont-à-Mousson, où la mort de sa mère le retint quelques jours, et de suite chez moi, avant la publication de la Milice dans votre ville; il doit donc être censé de Nancy, puisqu'il y a établi sa demeure. On ne peut donc le revendiquer que dans la capitale, où il a joui de l'exemption accordée à ma maison, où l'on n'est pas même venu inscrire. Un seigneur qui mettroit dehors un de ses domestiques la veille de la publication de la Milice pour en reprendre un autre, exempteroit ce dernier, par le droit que le Roi lui accorde. Je pense. Monsieur, que c'est ici le même cas. Le Roi en m'accordant sa protection, de même que M. l'intendant et l'hôtel de ville ont bien voulu m'accorder tout ce qui étoit nécessaire pour n'être pas troublé dans mes études. Dans le nombre d'enfants qui sont dans ma maison, il en est plus de 40 qui ont droit d'avoir un précepteur et un domestique. Dans les 14 maîtres que j'ai, il n'en est que trois qui par leur état ne soient pas exempts; je ne pense pas qu'on puisse dire que c'est par fraude que j'ai pris ce jeune homme. D'ailleurs, il n'a fait qu'en remplacer un qui m'a quitté. J'espère donc, Monsieur, que vous voudrez bien avoir égard à ce que j'ai l'honneur de vous représenter dans la plus grande vérité. Si cependant vous croiez ne pouvoir agir en sa faveur pour quelque raison que j'ignorerois, je vous prierois de vouloir m'en faire avertir, pour en faire part à M. l'intendant, qui voudra bien m'accorder cette nouvelle grâce. Je suis bien flatté que cette occasion me procure l'avantage de vous assurer que personne n'est avec plus de respect, Monsieur,
Votre très-humble et très-obéissant serviteur,
J.-J.Lionnois, prêtre.

II.

Voici la liste des professeurs du collège qui furent remplacés en 1776 par les chanoines de Notre-Sauveur. (D'après les comptes de pension, aux. Archives de Meurthe-et-Moselle. H. 2302.)
Desvillers, prêtre, sous-principal.
Marc, professeur de philosophie, plus tard curé d'Imling (auj. canton de Sarrebourg).
Guillot, professeur de philosophie.
Crud, professeur de mathématiques, né à Chatel-d'Abondance dans le Chablais, plus tard professeur à Chambéry (Savoie).
Larcher, professeur d'éloquence, plus tard supérieur du petit séminaire de Châlons-sur-Marne.
Maillete, professeur de géographie.
Ferlet, régent de seconde, plus tard secrétaire de l'archevêque de Paris et chanoine de Saint-Louis du Louvre.
Massieu, régent de troisième, plus tard curé de Cergy (auj. canton de Pontoise, Seine-et-Oise), et député à l'Assemblée nationale.
Maigret, régent de quatrième, plus tard curé d'Azincourt (auj. canton de Parcq, Pas-de-Calais).
Therrin, régent de cinquième, avocat au parlement de Nancy.
Thourelle. régent de sixième, plus tard curé d'Ailly (auj. canton de Saint-Mihiel, Meuse).

III.

Extrait des registres du Conseil d'État du roy, accordant pension de 1,600 livres à Lionnois. (Archives de Meurthe-et-Moselle H. 2286.)
Le roy s'étant fait représenter en son Conseil les Requêtes et Mémoires du Sr' Lionnois, ci-devant Principal du Collège de Nancy, l'état des dépenses qu'il a été autorisé à faire pour monter le pensionnat dud. Collège de Nancy, ensemble l'avis du s. Intendant et Commissaire départi en la Province de Lorraine que Sa Majesté a chargé de vérifier lesd. dépenses, et Sa Majesté étant informée du zèle et des talents dont led. s. Lionnois a donné des marques dans l'exercice de ses fonctions, elle a jugé convenable en lui conservant les honneurs et privilèges dont il étoit en possession dans l'Université de Nancy en qualité de Principal dud. Collège de lui assurer un dédommagement proportionné à ses dépenses à quoi voulant pourvoir, oui le rapport, Sa Majesté étant en son Conseil a accordé et accorde au s. Lionnois pour indemnité des dépenses qu'il a été autorisé à faire pour l'établissement du pensionnat de Nancy seize cents Livres de pension viagère qui lui seront payées de six mois en six mois sur ses simples quittances par la Congrégation des Chanoines réguliers du Sauveur auxquels Sa Majesté a accordé la régie et administration des biens des Collèges de Lorraine et sera lad. pension viagère payée aud. s. Lionnois compter du premier octobre prochain. Veut aussi Sa Majesté que led. s. Lionnois jouisse à l'avenir du titre de Doyen honoraire de la Faculté des arts de l'Université de Nancy et de tous les honneurs, privilèges et exemptions qui peuvent être attachées à lad. qualité et sera le présent arrêt transcrit sur les Registres. L'université de Nancy a notifié de l'ordre de Sa Majesté à qui il appartiendra. Fait au Conseil d'État du Roy, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le vingt-six septembre mil sept cent soixante dix sept.
LE PRINCE DE MONTBAREY.

IV.

L'évoque Grégoire avait pour Lionnois la plus vive estime. Son correspondant à Nancy, le bibliothécaire Fachot, l'entretint souvent des travaux de l'ancien principal. Nous détachons des lettres adressées par Fachot à Grégoire et conservées à la Bibliothèque publique de notre ville (Manuscrit n° 534, n° 958 du catalogue Favier) les passages suivants :
Nancy. 28 fructidor an XII - «  M. l'abbé Lyonnois vient de faire paraître le premier volume de son Histoire de Nancy. Il vous l'enverra incessamment. Il a eu la bonté de me faire passer les feuilles au fur et à mesure qu'elles étaient tirées Je vous assure que j'y ai trouvé des anecdotes peu connues et très-curieuses. J'ai taché de concourir à la perfection de son ouvrage en lui communiquant les pièces originales dont je suis possesseur. M. Lyonnois se plaint avec raison de l'insouciance de la plupart des anciennes familles lorraines, quoiqu'il ait multiplié les avis et les prospectus. Les souscripteurs ne se présentent pas en foule. Apparent rari nantes in gurgite vasto»
2 frimaire an XIII. - «  Malgré les grandes occupations que nous a données l'organisation des cinq bibliothèques, la 1re pour la cour d'appel, la 2e pour M. l'évêque, la 3e pour le lycée, la 4e pour la mairie et la 5e pour la préfecture, je ne perds pas de vue la promesse que je vous ai faite de pousser à la découverte des ouvrages qui vous manquent pour completter votre précieuse Bibliothèque. Si jusqu'à présent mes recherches ont été infructueuses, je ne me décourage pas pour cela. J'espère qu'une occasion favorable me mettra dans le cas de vous prouver que je mérite votre confiance dans la partie bibliographique. Vous avez dû recevoir le 1er volume de l'Histoire de Nancy écrite par M. l'abbé Lyonnois. Ce digne ecclésiastique à qui j'ai communiqué l'article de votre dernière lettre qui le concerne, a promis qu'il vous enverrait incessamment ce premier volume. Le second, qui est maintenant sous presse, s'exécutera avec plus de promptitude. Il sera encore plus intéressant que le premier à cause d'un grand nombre d'anecdotes curieuses et peu connues que l'auteur a sçu y répandre.... »
26 juin 1806. - «  Nous venons de perdre deux estimables ecclésiastiques, M. Sanguiné, curé de Saint-Epvve, et M. l'abbé Lyonnois, principal émérite de l'ancien collège de l'Université de Nancy. Ce dernier, mort d'une maladie qui lui a causé les plus grandes douleurs, n'a pas eu la satisfaction de voir son Histoire des villes vieille et neuve de Nancy entièrement imprimée. M. de la Baye, son imprimeur, promet que sur la fin de cette année, l'ouvrage sera définitivement sorti de ses presses. Chargé par les parents de M. l'abbé Lyonnois de dresser le catalogue de ses livres, je me suis acquitté gratuitement et avec plaisir de cette occupation. Pendant le cours de mon travail, j'ai trouvé dans les manuscrits de ce sçavant historien plusieurs cahiers concernant l'histoire de notre pays. Je les ai remis avec soin à l'imprimeur. Je vous ferai parvenir avec les mémoires dont je viens de parler un Éloge historique de M. Lyonnois, il est sous presse. C'est une fleur qu'un de mes amis jette sur sa tombe. »
7 décembre 1809. -«  Quant à l'ouvrage de M. l'abbé Lyonnois sur la ville de Nancy, l'imprimeur pourra bientôt le livrer au public le second volume est fort avancé. J'en corrige les épreuves. »
20 mars 1810. «  L'impression de l'histoire de Nancy touche à sa fin, j'en corrige les épreuves et la 500e page du second volume est déjà imprimée. J'ai prévenu M. de la Haye, l'imprimeur, que vous désiriez vous en procurer un exemplaire. Je pense que l'ouvrage sera terminé lors de votre prochain voyage à Nancy. Cette histoire sera accueillie à cause des faits curieux et intéressants que l'auteur y rapporte. Mais il eut été bien à désirer que le bon abbé Lyonnois eut emprunté votre plume éloquente pour l'écrire. De longues phrases où il faut chercher le point à la fin de la page, des détails minucieux qui n'intéressent pas même nos bons Lorrains, voilà ce qu'on trouve assez fréquemment dans cette histoire. Si l'auteur avait eu le don de l'analyse, il nous aurait donné une bonne histoire en un petit volume in-12. Cependant nous devons lui avoir la même obligation qu'à Dom Calmet, il nous a présenté de précieux matériaux dont nos neveux tireront le meilleur parti en éloignant les choses inutiles. »

RÉPONSE DU PRÉSIDENT M. DRUON
AU RÉCIPIENDAIRE

MONSIEUR,
S'il en est, dans cette assemblée, qui soient venus sans savoir d'avance quels mérites vous avaient désigné à nos suffrages, j'ose assurer qu'après vous avoir entendu, tous sortiront d'ici bien persuadés de l'incontestable valeur du jeune confrère que nous nous sommes donné. A tous les titres que vous possédiez déjà, voici que vous venez d'en ajouter un nouveau. L'historien de Nancy était digne d'avoir lui-même son histoire. Je vous remercie de l'avoir écrite. Elle est fort intéressante, la vie de ce fils d'un humble artisan, qui, par son intelligence et ses travaux, attire de bonne heure sur lui les regards, se voue tout à la fois au ministère sacré et aux fonctions de l'enseignement, ouvre une maison où affluent bientôt les fils des plus nobles familles, pressent les besoins de l'avenir et introduit dans l'école des méthodes nouvelles, s'élève jusqu'à la considération publique et même aux honneurs car le jour où on le met à la tète de l'Université lorraine, on fait de lui un personnage, et un personnage fort en vue.
Mais après avoir connu les années heureuses, Lionnois voit fondre sur lui toutes les infortunes il est une des victimes de cette tourmente révolutionnaire qui bouleverse tant d'existences; on refuse à ses derniers jours les témoignages d'estime qui auraient pu le consoler il mourra dans l'isolement et dans l'indigence.
Avait-il donc mérité ses malheurs ? Dans les temps de crises politiques, quand toutes les passions sont surexcitées, il n'est personne qui doive compter sur l'impartiale équité de ses contemporains. Lionnois en fit la dure expérience. Voyait-il d'un œil satisfait les transformations qui s'étaient opérées en France ? Je l'ignore, mais je ne puis m'empêcher d'en douter. Admis dans l'amitié de quelques princes, il avait été assez bien traité par le régime qui venait de tomber, pour ne pas ressentir peut-être quelques regrets en le voyant disparaître. Il y perdait d'ailleurs la meilleure partie de sa fortune. Mais quelles que pussent être ses préférences secrètes, pour obéir au précepte de l'apôtre, il sacrifia ses opinions personnelles, parce qu'elles n'étaient que des opinions, mais il ne voulut pas sacrifier ses convictions religieuses, sa foi. Citoyen, il avait pu jurer d'être fidèle à la liberté, à l'égalité; prêtre, il refusa de prêter serment à la constitution civile du clergé, et ce refus pouvait entraîner pour lui les plus terribles conséquences. Plus tard, quand la réaction se fit contre les excès des précédentes années, réaction excessive elle-même, si l'on ne pardonna pas a Lionnois l'espèce d'adhésion qu'il avait donnée aux idées républicaines, est-ce lui qu'il faut plaindre, ou ceux qui ne furent pas assez justes pour reconnaître combien il avait montré de courage, de Fermeté, de dévouement ? Lionnois, sans doute, ne vécut pas assez pour voir tomber de regrettables préventions, et s'entendre absoudre de tout reproche. Mais vous avez vengé sa mémoire, et si l'honneur d'appartenir à l'Académie lui a manqué, il vient d'avoir l'honneur plus grand d'être, dans l'Académie, l'objet d'un éloge public.
Il est une louange qui vous est due, Monsieur, et je me croirais inexcusable de ne vous la point donner. Autant que personne, je suis frappé du talent de l'écrivain qui nous mène, à la suite de Lionnois, dans la petite chambre où, chaque matin, ce proscrit (car il a du se cacher) monte pour célébrer les saints mystères, et dans ces réduits où il va, au péril de sa vie, porter quelques consolations à des fidèles. Mais ce qui me frappe encore plus, c'est l'évidente sympathie du narrateur pour ce prêtre réfractaire. Je me souviens qu'un jour, comme je causais avec un partisan décidé de la Révolution «  Oh ! si j'avais vécu dans ce temps-là, me dit-il, je n'aurais pas été de ceux qui poursuivaient, qui traquaient ces fanatiques ; je les aurais dédaignés, jusqu'à les laisser tranquilles. Mais pour les plaindre et les admirer, il faut être de leur église. » Eh bien ! non, il n'est pas nécessaire d'être de leur église, et nous venons d'en avoir la preuve. Il vous a suffi, pour vous intéresser à Lionnois, pour l'honorer, pour l'aimer, de le trouver fidèle à ce qu'il considérait comme un devoir sacré ; il a obéi à la voix de sa conscience et vous êtes, en quelque sorte, entré en communion d'idées et de sentiments avec le prêtre catholique. Cette impartialité, dont j'ai rencontré de fréquents exemples, je le dis tout de suite, dans tout ce que vous avez écrit, est une des qualités maîtresses de l'historien.
C'est aux études historiques en effet que vous appelait votre vocation. Pour la mieux préparer, vous avez ambitionné le titre d'élevé de l'École normale supérieure. Vous aviez raison. L'Ecole normale. je n'ose, et vous le comprenez aisément, la louer autant que je le voudrais. Mais il est au moins permis à l'un des plus humbles, parmi ceux qu'elle a formés, de rappeler qu'elle a fourni, qu'elle fournit, tous les jours, des professeurs distingués aux lettres, à la philosophie, à l'histoire, aux sciences ; qu'elle a donné, qu'elle donne a la presse ses critiques et ses publicistes les plus éminents ; qu'elle a envoyé plus de quatre-vingts de ses élèves à l'Institut; que parmi les hommes qu'elle a produits beaucoup se sont fait un nom, plusieurs même sont promis à la gloire ; je ne veux citer ici qu'un Victor Cousin, un Augustin Thierry, un Jules Simon, et cet autre illustre, dont on a pu dire qu'il n'était pas seulement un grand savant, mais aussi l'un des bienfaiteurs de l'humanité, notre incomparable Pasteur. Oui. vous aviez raison, Monsieur, d'aspirer à cette école, où l'esprit doit se fortifier et s'étendre grâce aux leçons d'excellents maîtres, mais grâce aussi à cette vie commune avec des condisciples, tous passionnés pour l'étude, avides de savoir, et qui n'ont pas de plus grande joie que de remuer, que d'agiter entre eux toutes les questions d'ordre intellectuel. Oh ! que d'idées suscitent ces controverses, vives, ardentes parfois, mais sincères et amicales toujours !
Ce que vous avez été à l'École normale, Monsieur, votre succès à l'agrégation d'histoire nous le dit assez : en effet, vous êtes sorti de ce concours avec le premier rang. Mais ceux qui savent le plus sont ceux qui ne croient pas en savoir assez. Vous avez voulu compléter encore votre instruction : une année passée à l'Ecole pratique des hautes études vous a permis d'acquérir un trésor de nouvelles connaissances : c'est ainsi que vous avez été jugé, quand vous n'aviez que vingt-six ans, déjà mur pour l'enseignement supérieur.
Vos anciens maîtres attendaient beaucoup de vous. Vous avez justifié leur attente en présentant à la Faculté des lettres de Paris un savant ouvrage. L'Etude sur le règne de Robert le Pieux dépasse de beaucoup, dans sa portée, le titre modeste, trop modeste, que vous lui avez donne. C'est, en réalité, une histoire politique, religieuse, intellectuelle, c'est-à-dire une histoire complète de la France, pendant trente-cinq ans. Le plan de l'oeuvre est large, l'ordonnance simple et lumineuse. Avant de nous montrer le roi vous nous montrez l'homme. Nous assistons à son éducation, qui ne se fait pas au fond d'un palais, mais à l'école épiscopale de Reims, ou son père, Hugues Capet, l'envoie suivre les leçons du premier des maitres du temps, du fameux le futur Silvestre II. Et à ce propos vous entrez dans de piquants et instructifs détails sur l'organisation de l'enseignement public au XIe siècle. Dans des pages tout à fait originales vous nous faites connaître les différentes espèces d'écoles avec leur discipline plus ou moins sévère, avec leurs programmes, comme nous dirions aujourd'hui, plus ou moins élevés. Robert arrive à l'âge viril ; il est temps qu'il prenne femme : avec vous nous sommes témoins de ses divers mariages et de leurs suites fâcheuses car ils furent cause surtout des difficultés dans lesquelles se débattit pendant tout son règne ce prince qu'on pourrait presque nommer le mal marié. Mais ce n'est pas le récit même des faits qui tient la plus grande place dans votre livre : vous pénétrez surtout dans l'intime esprit, dans le caractère même du temps, dans ce fond qui ne se révèle qu'à des investigations patientes et perspicaces. Grâce à vous, nous pouvons nous rendre un compte exact de l'autorité royale, telle qu'elle existait alors, de sa nature, de son étendue des rapports du roi avec la société laïque, avec l'Église.
Je ne donne là que des indications fort sommaires, Monsieur; mais si je voulais signaler tout ce qui est à signaler dans votre livre, cela m'entraînerait trop loin. Il faut vous lire pour voir tout ce que vous ajoutez à ce que nous savions déjà ; je dirai aussi tout ce que vous retirez à ce que nous pensions savoir. Les légendes, de quelque part qu'elles viennent, même les plus accréditées, ne trouvent pas grâce devant vous quand elles se substituent à l'histoire véritable. Par exemple, cette croyance que le monde allait finir en l'an mille, cette immense terreur s'emparant de toute l'Europe à mesure qu'approchait la date fatale, n'ont pas été, à beaucoup près, vous nous le prouvez, aussi générales qu'on nous l'avait dit, et surtout n'ont pas été propagées par le clergé, tout au contraire ; car il les a combattues, au lieu d'en profiter pour obtenir des populations tremblantes de nouveaux avantages. Il est, difficile de contester vos informations, car tous les témoignages sont consultés, rapprochés, discutés par vous. Quel que soit le sujet que vous traitiez, je le dis une fois pour toutes, vous commencez par nous indiquer toutes les sources où vous puisez. Vos contradicteurs, si vous en aviez, n'auraient pas à se mettre en quête des documents vous leur en fournissez vous-même la liste complète.
Qu'après la discussion publique de ce beau travail, un juge éminent, dont l'histoire déplore la perte récente (90) vous ait dit, et dans sa bouche ces expressions avaient une grande valeur : «  Monsieur, vous avez le cœur et l'esprit d'un historien », c'est un éloge qui ne pouvait, à ce qu'il semble, être surpassé. Et cependant, il l'a été. Entre les couronnes que distribue l'Institut, il en est de plus particulièrement enviables : deux Académies décernent des récompenses, instituées par le même fondateur, pour les ouvrages les plus distingués sur quelque partie de l'histoire de la France. Notre Compagnie comptait déjà deux lauréats du prix Gobert à l'Académie française (91); avec vous, elle a un lauréat du prix Gobert à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Vous le voyez, Monsieur, nous vous avons offert, dans la personne de ces deux confrères, une société digne, sous tous les rapports, et de vous et d'eux.
Les règlements du doctorat ès lettres vous imposaient l'obligation d'écrire une thèse en latin. Le sujet pris par vous n'a été que la continuation de vos études sur Robert. Vous aviez vu, parmi les condisciples de ce roi à Reims, Fulbert, qui devint lui-même l'un des maitres les plus renommés de son temps. Il brilla si bien par ses talents et par ses vertus, qu'il fut appelé, malgré son humble extraction, a s'asseoir sur le siège épiscopal de Chartres, qu'il occupa pendant plus de vingt ans. En vous lisant, Monsieur, on voit quelle était la vie d'un évêque dans ces époques troublées. L'évêque d'alors n'a pas seulement à enseigner les fidèles, mais aussi à les protéger, a les défendre, au milieu de toutes ces guerres que se font les princes et les seigneurs. Au pouvoir spirituel, il joint le pouvoir temporel, et il devra souvent, avec toutes les armes dont il dispose, soutenir ses droits, pour ne pas laisser déchoir en sa personne l'Eglise elle-même. Parfois même, son action s'étend bien au delà de son diocèse : les évêques sont fréquemment les conseillers des rois; ils sont appelés a jouer un rôle politique et mêlés à toutes les affaires du temps. C'est ainsi que dans une assemblée tenue par Robert en 1026, il fut décidé, sur les insistances éloquentes de Fulbert, et malgré les menées de la reine Constance, que la couronne devait passer de plein droit à l'aîné des fils du roi. En faisant régler ainsi l'ordre de succession, Fulbert épargnait sans doute à la France, dans l'avenir, de dangereuses compétitions et beaucoup de malheurs.
J'avais cru jusqu'ici, Monsieur, sur la foi de plusieurs historiens et de certains calendriers, que Fulbert avait été canonisé. Vous assurez qu'il n'en a rien été. Soit; vous soumettez les faits à un examen si scrupuleux que l'on peut s'en rapporter à votre affirmation. Mais il est un point, me permettez-vous de vous le dire, sur lequel il m'est vraiment difficile d'être de votre avis : un dissentiment avec vous est si rarement possible, que je puis bien indiquer celui-là en passant ; et si j'ai tort d'ailleurs, je vous aurai au moins donné une preuve de ma franchise. Tous les saints, dites-vous, brillent sans doute de gloire et de vertu mais entre tous il y a une grande ressemblance, une ressemblance qui va jusqu'à l'uniformité. Or, Fulbert est une figure fort originale qui sort du commun et peu s'en faut que cette originalité ne soit à vos yeux la raison qui aurait mis obstacle à la canonisation de Fulbert. L'uniformité des saints ! Je vous avouerai, Monsieur, que je ne m'en suis jamais aperçu. Sans doute ils ont tous, et à un haut degré, la sainteté ; sans cela ils ne seraient pas des saints ; mais dans cette sainteté, j'en ai toujours été frappé, quelle infinie diversité ! Diversité d'âges, de conditions, d'éducation, de vie, de travaux, d'épreuves, d'esprit, de caractères, de vertus même. M. Renan (et j'invoque là une autorité qui n'est pas suspecte), M. Renan a écrit quelque part que, s'il était condamné à vivre dans une prison perpétuelle, et qu'on lui laissât, pour adoucir les heures de sa captivité, le choix d'un livre, d'un seul livre, celui qu'il demanderait serait la Vie des saints, par les Bollandistes, «  et je ne m'ennuierais pas ! », ajoute-t-il. Je suis tenté de penser, en cela, comme M. Renan.
Quoi qu'il en soit, Monsieur, de ce léger désaccord sur un détail, j'ai éprouvé à lire votre Fulbert un grand plaisir. Un grand plaisir ! Oui, je ne m'en dédis point; et pourtant il faut que je vous fasse un aveu. Vous preniez, pour nous l'exposer, une époque où les coutumes, où les institutions, où les idées, ne ressemblent plus du tout aux coutumes, aux institutions, aux idées de l'ancienne Rome. Nous sommes là dans un tout autre monde. Aux choses nouvelles il faut des termes nouveaux, je le sais bien. Mais enfin toutes ces expressions qu'un Romain n'a jamais connues, tout ce vocabulaire du moyen âge introduit dans l'idiome de Cicéron, ne laissent pas que de m'importuner quelque peu. Vous, Monsieur, vous avez manié et remanié les chroniques, les cartulaires, les diplômes du Xe et du XIe siècle, écrits dans cette langue, que l'on continue d'appeler encore la langue latine, quoique pourtant... Ces mots, ces tours de phrases ne vous étonnent plus ; je le conçois ; vous avez dû vous y habituer; le fond vous rend indulgent pour la forme. Mais pardonnez à un ancien professeur de latin, s'il a la faiblesse de regretter que vous n'ayez pas pris un sujet où vos qualités de latiniste auraient pu mieux se déployer; un de ces sujets où il ne soit pas difficile, impossible même, de mettre d'accord les choses de l'histoire avec les exigences de la grammaire et la pureté du lexique. D'autre part, votre travail est si curieux ! Ce serait grand dommage que vous ne l'eussiez pas fait. Voyons, ne pourriez-vous tout concilier ? Pourquoi ne consentiriez-vous pas à le mettre en français ? Soyez à vous-même votre traducteur. Permettez au public de connaître un livre vraiment digne d'être connu : j'ose vous promettre beaucoup de lecteurs.
On aurait pu croire que le succès de vos recherches sur Robert le Pieux et sur Fulbert allait vous retenir dans le moyen âge et dans l'histoire de France proprement dite. Vos études ont pris cependant une autre direction, je n'en suis pas surpris. Il est un sentiment auquel vous avez sans doute obéi. Quand des personnes qui nous étaient chères nous sont enlevées, nous aimons a parler d'elles, à nous les rendre encore présentes par la pensée. Vous aussi, Monsieur, vous portez un deuil, le deuil de la Patrie perdue. Nous ne vous saurions pas l'un des fils de cette province qui nous a été violemment arrachée, que nous pourrions le deviner au choix des sujets que vous traitez, et parfois aussi à la manière dont vous les traitez. Ce qui vous attire maintenant, c'est l'histoire de votre chère et malheureuse Alsace, et de cette voisine, de cette sœur de l'Alsace, victime comme elle d'une guerre néfaste, car elle en est sortie mutilée. L'Alsace-Lorraine, tel est donc maintenant l'objet de vos travaux. Je ne peux m'y arrêter comme je le désirerais, car le temps me presse. J'aurais voulu cependant parler avec vous de cet historien de l'Alsace, Schoepflin, qui méritait un biographe tel que vous ; car vous et lui, avez le même amour pour l'histoire, vous et lui, unissez dans un même culte la Patrie alsacienne et la Patrie française et Schoepflin ne fait qu'exprimer vos sentiments lorsqu'il écrit, c'est vous qui nous citez ses paroles «  Si la nature a été prodigue envers l'Alsace, il faut convenir que parmi les biens dont l'Alsace a été accablée, l'on regardera comme l'un des plus grands le bonheur d'avoir appartenu à la nation française. » Hélas ! ce qui était pour Schoepflin un bonheur présent, n'est pour vous qu'un souvenir, tout au plus une espérance toujours persistante. J'aurais encore voulu vous suivre dans le comté de Horbourg et la seigneurie de Riquewihr, dont l'histoire et l'organisation sous l'ancien régime sont vraiment curieuses, et que vous mettez sous nos yeux avec un soin où se décèle cette affection toute particulière que l'on garde pour le pays natal. Mais il faut passer.
Votre étude, sur les légendes de S. Dié et de S. Hidulphe, et celle sur monument de Mercure, mériteraient aussi mieux que la simple mention, a laquelle je suis forcé de me borner. Mais on me saurait, sans doute, fort mauvais gré de ne pas dire, au moins quelques mots, de ces leçons à la Faculté, de ces conférences à la Société de géographie, si appréciées de tous vos auditeurs, pour la solidité des recherches, pour la justesse de la critique, pour la largeur des vues, en même temps que pour l'ordre, la netteté et l'élégante simplicité de l'exposition. Dans la chaire que vous occupez, votre enseignement a eu, jusqu'ici, pour objet, l'histoire de l'Alsace vous êtes remonté jusqu'à ces temps mystérieux, qui n'ont laissé, de leur passage, que des monuments figurés ces monuments, vous les avez interrogés vous avez pénétré dans les cavernes, vous êtes descendu dans les tombeaux, pour percer le mystère des siècles anciens. C'est ainsi que vous avez fait revivre des générations disparues, des générations pour lesquelles vous avez un respect filial : car ces antiques habitants, ils n'étaient pas de la race germaine, comme le prétendent, là-bas, ceux qui voudraient justifier les conquêtes de la force par les raisons de la science : c'étaient des Celtes, c'étaient des Gaulois et César, Strabon, Tacite ne se trompaient pas quand ils disaient : Ce qui sépare la Germanie de la Gaule, c'est le Rhin. L'Alsace germaine au moyen âge, c'était déjà l'Alsace envahie, usurpée. En la restituant, au nom de l'histoire, à ses premiers, à ses légitimes possesseurs, vous avez fait œuvre, non pas seulement d'historien, mais de patriote.
Poursuivez vos travaux, Monsieur. Le temps ne vous est pas strictement mesuré, comme à ceux qui sont au déclin de la vie. Des jours nombreux vous sont encore promis ; prenez donc le long espoir et les vastes pensées. Dans cette académie il n'y a point de rangs sans doute, nous sommes tous égaux; mais enfin, il est peut-être permis à l'un des anciens d'âge d'adresser un conseil, ou plutôt un encouragement, au plus jeune de tous les membres, et je vous dirai: Vous pouvez, vous devez donc vous attacher à une œuvre considérable, je le sais, mais qui ne l'est pas trop pour vos forces. Cette histoire de l'Alsace, que Schoepflin lui-même a plutôt préparée, en rassemblant de nombreux matériaux, qu'il ne l'a vraiment édifiée; cette histoire, donnez-nous-la nous l'attendons de vous. D'un pareil travail accompli, il vous reviendra beaucoup d'honneur, Monsieur; et il en reviendra un peu aussi à l'Académie, à l'Université, à cette école qui nous est chère, et dont tous les élèves, nourris des mêmes traditions, formés aux mêmes disciplines, peuvent se regarder comme des condisciples malgré la distance que mettent entre eux les années. Hoc erat in votis. Et comme dernier vœu que je forme et pour vous et pour notre compagnie, quand arrivera le jour où, à cette place, vous aurez à votre tour à recevoir un nouvel élu, puisse vous échoir la même bonne fortune qu'à moi, de souhaiter la bienvenue à l'un de ces condisciples dont je parlais, et de n'être que juste en louant en lui beaucoup de savoir uni à beaucoup de modestie.


(1) De nombreuses suppressions ont été faites à ce discours à la séance publique
(2) Lionnois fut plus tard un grand collectionneur des oeuvres de Callot. Cf. (Husson) Éloge historique de Callot, noble lorrain, célèbre graveur. Bruxelles, 1756, fol. XXXIX, note.
(3) Courbe, Promenades historiques, p. 251. En général, on l'appelle Jean-Joseph mais l'acte de baptême porte bien Jean-Jacques (il est du 1er octobre 1730) ; le parrain fut Jean-Jacques Lemaire, marchand, et la marraine Catherine Joly, épouse d'un maitre lanternier. Une année avant la naissance de Jean-Jacques, jour pour jour, ses parents avaient perdu leur fille Barbe, née le 15 octobre 1728.
(4) Psaume, Éloge de M. l'abbé Lionnois, ci-devant principal du collège de l'Université de Nancy. Cet éloge, auquel nous empruntons beaucoup, a été imprimé après la mort de Lionnois en 1806. Haener. s. d, 17 p. Psaume n'y a pas mis son nom. Une seconde édition signée a été ajoutée en 1811 au troisième volume de l'Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, de Lionnois.
(5) Il y fut ordonné prêtre le samedi saint. Voir la note de M. Charlot, citée par l'abbé Thiriet dans la Semaine religieuse de Nancy (30 septembre 1883), t. XX, 778. Chatrian, dans son journal cité par Courbe, Promenades historiques, p. 252, affirme qu'il devint prêtre à Toul en septembre 1756.
(6) C'est le titre qu'il se donne lui-même sur le titre de ses ouvrages.
(7) Lui-même (Histoire de Nancy, t. 1, p. 233) nous apprend que des prêtres habitués étaient attachés à ces deux chapelles.
(8) Psaume, Éloge de Lionnois ; Charlot, note parue dans la Semaine religieuse de Nancy; numéro du 30 septembre 1883 voir aussi la note que consacre à Lionnois M. de Gironcourt, dans son Histoire manuscrite de Nancy, à la bibliothèque de notre ville, et l'article Lionnois dans la Biographie de Didot ; il est dû à M. Lamoureux ainé.
(9) Louis Lallement, les Maisons historiques de Nancy, 1859, p. 10,n° 1.
(10) Voir la lettre que nous publions en appendice et qui est empruntée à la collection des autographes de la bibliothèque de Nancy.
(11) Il appartient à la bibliothèque du Musée lorrain; il a été imprimé chez Pierre Antoine; il a 9 pages in-4°.
(12) L'Art militaire dans la fortification, l'attaque et la défense des places, in-4°, sans date ni lieu, imprimé avec encadrement, cf. Catalogue des collections de Noël, n° 6586.
(13) Principes du blason. Nancy, chez Pierre Antoine et Pierre Barbier, in-8°, 47 pages avec encadrement. 3 planches (l'une représente les armoiries des ducs, duchesses, villes et plusieurs gentilshommes de Lorraine), pas de nom d'auteur.
(14) 1re édition. Traité de la mythologie ou de l'histoire poétique. Nancy, chez Haener, in-4°, 69 pages avec encadrement, pas de nom d'auteur. 2° édition. Traité de la mythologie, Nancy, chez Henry Haener, 1782, 1 vol. in-8°, 194 pages (180 gravures en taille-douce). - 3° édition, Nancy, chez Henry Haener, 1788 (conforme à la précédente). - 4° édition. Explication de la fable par l'histoire et les hiéroglyphes des Egyptiens, véritable source de la fable. Nancy, Guivard, 1800, in-12, 5 parties réunies en 3 volumes (planches). - 5° édition. Traité de la mythologie ou explication de la fable par l'histoire et les hiéroglyphes des Egyptiens, véritable source de la fable, Nancy, Haener et Delahaye, an XIV-1805, 1 vol. in-8°, 543 pages (116 gravures).
(15) 6° édition (conforme à la précédente), Nancy, Haener et Delahaye, 1816. - 7° édition (conforme aux précédentes). Paris, Lecointe, 1829, introduction de xxxvi pages, .540 de texte.
(16) La bibliothèque de Nancy possède une édition de la mythologie, imprimée à Mannheim en 1798. C'est un in-8° de 180 pages, qui porte «  troisième édition »
(17) Ces tableaux ont été gravés et imprimés à des époques différentes. Les plus anciens portent la date de 1765. Chacun est dédié à un personnage différent: l'un à M. de Chaumont, marquis de La Galaizière; l'autre à M. de Choiseul, archevêque de Besançon un troisième au prince de Condé, etc. Lionnois fit successivement tirer 28 tableaux a environ 1,500 exemplaires. En 1770, il vendit ce qui lui restait au libraire Georges Henry, sur les trottoirs, proche la porte royale (on verra plus loin la suite de cette histoire). Henry réunit les 28 tables en 1 volume sous le titre : Tables historiques, généalogiques et géographique, contenant l'histoire du peuple de Dieu, de la France, de la Lorraine, de l'Autriche, de l'Egypte, des Assyriens, des Babyloniens, des Caldéens, 1771.
(18) Histoire sainte depuis la création jusqu'à Jésus-Christ, 1 vol. in 4°, Nancy, Charlot, sans date ni nom d'auteur.
(19) Histoire profane, 1 vol. in-4°. 145 pages. Nancy, Charlot, sans date ni nom d'auteur. (Les deux histoires ont été aussi imprimées à la suite l'une de l'autre. Voir Catalogues de Noël n° 5979)
(20) Histoire de France depuis l'établissement de la monarchie jusqu'au règne de Louis .XV, à l'usage des jeunes gens de qualité. Francfort-sur-le-Mein, Verduren, 1767, 2 vol. in-8° de 309 et 400 p.
(21) Recueil des ordonnances et règlements de Lorraine t. XI, p. 370.
(22) Ibid., p. 390.
(23) Ibid., p. 393
(24) Psaume, Éloge de Lionnois.
(25) L'expression est de Chatrian dans son Essai d'une histoire du clergé du diocèse de Nancy pendant la Révolution, ms. du grand séminaire, citée par M. Thiriet (Semaine religieuse de Nancy, 30 septembre 1883, t. XX, p. 779).
(26) Mandement du 17 avril 1769, in-4°. Voir la collection de mandements de la bibliothèque de Nancy.
(27) Recueil des ordonnances et règlements de Lorraine t. X, p. 57 et 135.
(28) Recueil des ordonnances, t. XI, p. 404. Voir la lettre du duc de Choiseul à Mgr l'évêque de Metz, exposant les motifs qui ont décidé le roi à transférer à Nancy l'Université de Pont-à-Mousson. (Journal d'archéologie lorraine, t. XXV, 18769, p. 79)
(29) Cf. Liard, l'Enseignement supérieur en France, t. I, p.64.
(30) La rentrée put avoir lieu en 1768, après un peu de retard, le 3 novembre. Recueil des ordonnances, XI, p. 422. Cette date devint du reste la date de rentrée ordinaire; les vacances commençaient le 25 août pour les élèves de physique et de mathématiques, le 8 septembre pour la logique et l'histoire, le jour de la Saint-Matthieu (21 septembre) pour la rhétorique et les autres classes. Voir le très intéressant règlement vote en 1770. (Recueil des ordonnances, XII, 109.)
(31) Voir la description détaillée de ces bâtiments, faite par Mique en l'année 1776, au moment où les chanoines de Nôtre-Sauveur en prirent possession Archives de .Meurthe-et-Moselle, H. 2223. Voir le plan dressé par le même, ibid. H. 2260.
(32) Voir l'appendice II.
(33) Les principes de la langue latine, mis dans un ordre très clair, divisés en six parties, 1 vol. in-8°. Nancy, Leclerc, 1771 (sans nom d'auteur).
(34) L'épigraphe est empruntée à Terentianus Maurus.
(35) Nous n'avons pu retrouver le mémoire de Henry mais nous avons sous les yeux celui de Lionnois il est intitulé Réponse au Mémoire instructif pour Georges Henry, marchand-libraire à Nancy, contre M. Lionnois, principal du Collège-Université, 11 p. in-4°. Nancy, Pierre Antoine et Pierre Barbier. Il résulte de ce mémoire qu'outre les ouvrages que nous avons énumérés, Lionnois a fait imprimer un Nouveau Testament, et plusieurs livres classiques par extraits.
(36) Recueil des ordonnances de Lorraine, t. XIII, p. 614.
(37) Nous publions l'acte en appendice, d'après les Archives de Meurthe-et-Moselle.
(38) Courbe, Promenades historiques, p. 38-39.
(39) Voir l'acte de prise de possession dans Courbe, p. 442-413. Le 21 mars 1883, on a posé sur cette maison une plaque commémorative, rappelant qu'elle avait appartenu à Lionnois, et une autre, rappelant que le défenseur des naufragés de Calais, Prugnon, y a habité et y est mort en 1828. Les inscriptions de ces plaques sont dues à Courbe et les frais en ont été couverts par M. Gouy, Lucien Wiener, Louis Lallement, Meaume, Bretagne et M. Amédée Lepage.
(40) La maison, aujourd'hui détruite, se trouvait en face de l'église Saint-Mansuy.
(41) T. I, p. 388.
(42) Preuves de la branche des marquis du Hautoy de Clemery; 56 pages in-fol. Nancy, Pierre Barbier, 1777 (sans nom d'auteur).
(43) Maison de Raigecourt, 1 vol. in-fol. Préface et table cxxiii p., texte 227 p. Preuves des XV autres lignes de MM. les marquis de Raigecourt, p. C.; tableau généalogique. Nancy, veuve Leclerc, 1777 (sans nom d'auteur).
(44) Maison de Saintignon, 1 vol. in-fol. Préface cccxii p., texte 360 p., 1 feuille d'additions et corrections, 3 planches. Nancy, veuve Leclerc, 1778 (sans nom d'auteur).
(45) Nous avons sous les yeux une copie manuscrite du procès-verbal du cette translation. Ms. du Musée lorrain, n° 253, fol. 174, une lettre de Mory d'Elvange où il raconte cette cérémonie au prince Charles de lorraine, gouverneur des Pays-Bas. Même ms., fol. 192.
(46) Imprimé à Nancy, chez Claude Lescure, 10 pages in-8°.
(47) Voir à ce sujet Frizon, Petite bibliothèque verdunoise, t. V. p. 183
(48) Recueil des sépultures anciennes et épitaphes de Saint-Paul de Verdun, fait en 1552, par ordonnance de M. Psaume, Évêque de Verdun, des ducs, duchesses et autres nobles inhumés en l'église des RR. P. Cordeliers de Nancy. Nancy, 1779, in'8", sans nom d'auteur. Cette brochure a été réimprimée à Nancy en 1865, par Cayon-Liébaut.
(49) Essai sur la ville de Nancy, dédiés a son Altesse Royale Mgr Chartes-Alexandre. À la Haye, aux dépens de la Compagnie, M.DCC.LXXIX, 1 vol. in-8°, II-475 pages avec plans de l'ancien palais de Nancy et du premier étage du nouveau palais (sans nom d'auteur).
(50) Psaume, Eloge de Lionnois.
(51) Voir le prospectus de Psaume de 1803. Cf. infra.
(52) A la Bibliothèque publique de Nancy.
(53) Bref perpétuel pour la récitation de l'office divin, conforme aux bréviaire et missel de Toul, adoptée par Mgr l'évêque et primat de Nancy pour son diocèse, à l'usage des fidèles qui fréquentent leurs paroisses, Nancy, Lescure, 173. Voir Catalogue de Noël, n° 3667.
(54) Voir Courbe, les Promenades historiques, p. 25. Courbe y reproduit un article du Journal littéraire de Nancy, année 1784, t. XIII, p. 89, qui nous fait connaître ce fait. L'Hôtel-de-Ville vota 1,000 livres. M. Lepage (Archives de Nancy, t. III, p. 18) a cru à tort que cette somme était destinée à Lionnois lui-même.
(55) Au t. I de son Histoire de Nancy.
(56) Parmi les gardes nationaux les plus enthousiastes se trouvait un certain Lionnois. Quand on apprit à Nancy la nouvelle de la fuite du roi, il partit aussitôt pour Varennes, afin de renseigner au plus vite le conseil général de la commune. Séance du 23 juin 1791. Procès-verbaux manuscrits aux Archives municipales. Plus tard, ce même Lionnois sera accusé d'être un modéré et menacé d'être traduit en jugement. Nous ignorons s'il était parent de l'abbé Lionnois; mais nous ne le pensons pas. Il y avait au commencement du XVIIIe siècle à Nancy un père de famille, du nom de Nicolas Lionnois, qui avait épousé Anne Deblois. (Registres de la paroisse de Saint-Evre.)
(57) Réponse d »un religieux du département de la Meurthe à une religieuse de Metz qui demandait avis sur le serment qu'elle a prêté au mois de septembre 1792, avec un entretien sur le serment, le schisme et l'excommunication, 39 p. in-8°. M. Thiriet (Semaine religieuse de Nancy, 30 septembre 18S3) cite une note de M. Chariot, qui prouve suffisamment que Lionnois est l'auteur de cette brochure.
(58) Courbe, Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, par le sieur J.-J. Lionnois, p.7.
(59) On lit dans les procès-verbaux du corps municipal de Nancy, à la date du 17 frimaire an III (17 décembre 1794). Le maire donne lecture d'une lettre de Lionnois, ci-devant prêtre, demandant pour la cinquième fois les motifs de refus en certificat de civisme. Renvoyé au bureau de sûreté pour répondre définitivement. » Le jour suivant, 18 frimaire, le conseil général de la commune opposait à cette demande un nouveau refus. (Communication de M. Rousselle.)
(60) Gazier, Études sur l'histoire religieuse de la Révolution française, p. 261 et suivantes.
(61) Lettre de l'évêque métropolitain de la Marne au presbytère de la Meurthe, broc. in-4°, dans la collection des mandements de la bibliothèque publique de Nancy.
(62) Lettre circulaire du presbytère de la Meurthe à tous les ecclésiastiques exerçant des fonctions du saint ministère, ibid.
(63) Note citée de M. Chariot. Le titre exact de la brochure est ; Réponse des prêtres catholiques de Nancy à la lettre circulaire du presbytère de la Meurthe du 11 juillet 1797, par la bouche même des évêques constitutionnels, vicaires épiscopaux, curés, prêtres et religieux qui, comme le presbytère, ont juré la constitution civile du clergé et ont reconnu qu'elle ne donne qu'un ministère de mort er de séduction, brochure in-8° de 24 pages. Une autre brochure, où l'on trouve la même idée, fut publiée au même moment à Nancy. Au haut on lit les lettres de l'évêque de la Marne et du presbytère de la Meurthe, indiquées nos 1 et 2 de la page LXI ; au bas on lit : Réponse des prêtres catholiques ; Rétractation de François-Thérèse Panisset, évêque constitutionnel du Mont-Blanc, in-4°, 16 pages. Une série d'autres libelles furent lancés dans le public à propos de la convocation de ce synode diocésain : un membre du presbytère, Darail, vicaire épiscopal, répondit par les Éclaircissements sur un libelle diffamatoire diffusé et colporté au nom des prêtres catholiques, pour réponse à la lettre de l'évêque métropolitain de Reims et à celle du presbitère de la Meurthe. Brochure de 7 pages in-8°. Nancy, Vigneulle.
(64) Elle porte le titre : Question sur le serment exigé des prêtres par l'article 25 des lois du 19 fructidor an V. Plaquette in-8° de 8 pages, sans date ni nom d'auteur. L'abbé Charlot (note citée) nous est garant qu'elle a été écrite par Lionnois.
(65) Sur les persécutions qui éclatèrent alors, voir de Pressensé, l'Eglise et la Révolution française, p- 313.
(66) Etat ancien et actuel de Nancy, 52pages in-8°.L'exemplaire de la bibliothèque de Nancy ne porte pas de couverture, par suite pas de nom d'imprimeur. Cf. Justin Lamoureux, Mémoire pour servir à l'histoire littéraire du département de la Meurthe, Nancy an XI (1893), p.8S-89.
(67) Voir plus haut, p. XXXVII. note 3. (note renumérotée 14)
(68) T. II, p. 196.
(69) On attribue Lionnois la rédaction de l'Annuaire du citoyen pour le département de la Meurthe, qui parut pendant la Révolution. Si le fait est exact, l'ancien principal est l'auteur de cet éloge du 18 Brumaire qu'on lit dans l'Annuaire de l'an XI: «  Le lendemain, 19 Brumaire, la Révolution française a été finie sans effusion de sang. Une commission consulaire investie de la plénitude du pouvoir directorial a réduit au silence toutes les factions : elle a rétabli l'ordre dans toutes les parties de l'administration. »
(70) Courbe, Promenades historiques p. 443. L'acte de vente énonce comme faisant partie de l'immeuble «  une tapisserie peinte sur toile, laquelle est dans la chambre occupée par le vendeur ». Le 14 février 1802, Lionnois avait encore célébré dans sa chapelle domestique de la Grande-Rue un mariage religieux, en vertu du pouvoir à lui accordé par le légitime curé de Saint-Evre, pendant son absence. (Journal de la Société d'archéologie et du Musée lorrain, t. VIII, 1859, p. 31.)
(71) Psaume, Notice citée.
(72) Aujourd'hui rue Braconnot. Courbe, Promenades historiques, p. 253.
(73) Procès-verbaux de l'Académie de Stanislas, à la bibliothèque publique de Nancy.
(74) Michel, Dictionnaire de l'ancienne province de Lorraine, article Psaume.
(75) Lettre au citoyen Mollevault père, à Nancy, chez l'auteur, an XI (1803) - Plaquette de ii-19 pages.
(76) Procès-verbaux de l'Académie de Stanislas.
(77) Un prospectus rédigé par Psaume fut distribué à cette date. Il a été réimprimé dans une brochure de Ch. Courbe, Histoire des villes vielle et neuve de Nancy, par le sieur J.-J. Lionnois, Nancy, 1883, 39 p. Courbe a fait connaître en outre la liste des souscripteurs, d'après un vieux registre à souches. Le .Journal de la Société d'archéologie et du Musée lorrain (VIIe année, 1858, p. 202) a publié une lettre que Lionnois adressa à l'un des souscripteurs, M. Mathieu, en lui adressant Je tome Ier. Elle est datée du 9 nivôse an XIII. L'un des hommes qui témoignèrent le plus d'intérêt à la publication de Lionnois fut l'évêque Grégoire. Voir Appendice IV.
(78) Numéro du 29 thermidor an XI (15 août 1803).
(79) Histoire des villes vieille et neuve de Nancy depuis leur fondation jusqu'en 1788, 200 ans après la fondation de la ville-neuve, par J.-J. Lionnois. Nancy, Haener fils et Delahaye, an XIII-MDCCCV, vol. in-8° XIII-639 p. avec 2 plans (l'ancien plan de 1611 et un plan moderne dû à Mique, ancien architecte du roi de Pologne, constructeur des casernes de Sainte-Catherine). Lionnois, dans un besoin d'argent, avait vendu la planche de Mique à un papetier de la ville, M. Dorvasy. M. Oudinot, ancien magistrat, en racheta les tirages de ses propres deniers et en fit cadeau à l'ancien principal. Voir Dictionnaire de Michel, art. Oudinot.
(80) Les tomes second et troisième portent les mêmes titres que le premier. Les épreuves en furent corrigées par le bibliothécaire Fachot. Voir Appendice IV. Le second volume a XXII-595 pages, le troisième 326 pages. Il est suivi de l'éloge de Lionnois par Psaume, qui s'étend sur 12 pages, et d'une table des matières de XII p. Comme l'ouvrage complet est un peu confus, une table analytique était indispensable, pour qu'on put s'y retrouver aisément. Cette table a été dressée en 1855, par M. Paul Digot, Nancy, Hinzelin, brochure de 40 p. in-8°.
(81) C'était l'opinion de Courbe, il l'a exprimée dans sa brochure sur l'Histoire de Lionnois, p- 12.
(82) Ce manuscrit en deux volumes a été retrouvé chez l'imprimeur et donné à la bibliothèque de Nancy par M. P. Guyot. Il est coté n° 50:3 (886-887 dans le catalogue dressé par M. Favier). Le tome du manuscrit et le début du tome Ier jusqu'à la page 74 correspondent au tome II de l'Histoire imprimée. On a transporté aussi au tome Il de l'imprimé (pages 137 et ss.) la dissertation sur les jetons de la ville de Nancy qui est à la fin du tome II du manuscrit, et cela sur les indications de Lionnois lui-même. Le tome III de l'imprimé est conforme au reste du tome II du manuscrit.
(83) Voilà pourquoi on n'y trouve aucune indication sur les changements survenus pendant la Révolution, comme dans le premier volume.
(84) Noël, dans son Catalogue n° 1126, dit: «  Tout ce que cet auteur rapporte de Catherine de Lorraine, abbesse de Remiremont (t. III, p. t48 et ss.) est pris mot pour mot dans Dom Calmet, Bibliothèque de Lorraine, et sans que cet auteur soit cité. Le fait est exact mais il faut se souvenir que souvent il y a dans le manuscrit de 1788 de simples notes, que Lionnois se proposait de mettre plus tard en œuvre.
(85) Courbe, l. l. Sur les souffrances physiques de Lionnois, voir une lettre qu'il écrivit à son «  bon protecteur » M. Villemet, directeur du Jardin botanique, professeur de l'École centrale, à la date du 30 avril 1805. Elle est conservée dans la collection d'autographes de la bibliothèque de Nancy.
(86) Psaume, Éloge de Lionnois.
(87) L'épitaphe est reproduite en entier à la fin de l'éloge fait par Psaume. Le Musée lorrain possédait un portrait de Lionnois; il a été égaré depuis; mais il a été reproduit par M. Auguin dans la Lorraine illustrée p.445.
(88) Voir Lepage, le Village de Saint-Dizier-lés-Nancy (Mémoires de la Société d'archéologie lorraine, IIIe série, t. IX, 1881, p. 46-47.)
(89) Les ossements des anciens ducs lorrains demeurèrent au cimetière des Trois-Maisons jusqu'en 1826 ; ils furent exhumés le 26 octobre de cette année, transportés à la Cathédrale, puis réintégrés solennellement le 9 novembre dans le caveau de la Chapelle ronde. Voir Procès-verbal de la translation des dépouilles mortelles des anciens souverains, princes et princesses de l'auguste maison de Lorraine, in-4°de 30 pages.
(90) M. Fustel de Coulanges.
(91) M. Mourin et M. l'abbé Mathieu.

 

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