Camille Jean Augustin Thiaucourt est né à Domjevin le 12
novembre 1854, fils de Augustin Thiaucourt, instituteur, et de
Marie-Anne Chaton.
Elève au lycée Bichat de Lunéville, puis élève de l'Ecole
normale, de la promotion 1876. Agrégé de philosophie en 1880,
puis de grammaire, en 1881, il est chargé de conférences de
philologie ancienne à la Faculté de Nancy le 13 octobre 1881. Il
devient Docteur es-lettres, le 20 mars 1885 en présentant à
Paris sa thèse « Essai sur les traités philosophiques de
Cicéron et leurs sources grecques » (Ed. Hachette Paris
1885) et une thèse secondaire « De Iohannis Stobaei eclogis
earumque fontibus » (Ed. Hachette Paris 1885).
Il épouse à Nancy le 31 août 1885 Josèphe Catherine Laudet. Il
est honoré du titre d' « officier de l'instruction publique » en
tant que chargé de cours à la faculté des Lettres de Nancy par
arrêté ministériel du 29 décembre 1888.
Professeur de langue et littérature latines le 16 avril 1889, il
restera attaché à l'Université de Nancy jusqu'en 1925 (pension
civile à compter du 1er août 1925, pour 49 ans, 11
mois et 26 jours de service - JO du 19 novembre 1925). Camille
Thiaucourt décède à Nancy le 2 octobre 1932.
On trouve notamment parmi ses oeuvres :
- Les causes et l'origine de la seconde guerre punique, et le
commencement de la troisième décade de Tite-Live (Ed : Hachette
Paris 1890),
- Les bibliothèques de Strasbourg et de Nancy (Ed. Berger-Levrault
et cie ; Paris-Nancy, 1893),
mais bien d'autres publications sont citées dans la nécrologie
ci-dessous.
Annales de l'Est
1933 - Fascicule 3
CHRONIQUE DE LA FACULTÉ DES
LETTRES
NECROLOGIE
CAMILLE THIAUCOURT
(1854-1932)
Le 5 octobre 1932, la Faculté
des Lettres et l'Université de Nancy ont rendu les derniers
devoirs à Camille Thiaucourt, professeur de langue et
littérature latines. Normalien de la promotion de1876, il était
venu à la Faculté des Lettres de Nancy en 1881, après avoir
conclu par une double agrégation les études philosophiques et
philologiques qu'il avait menées de front. Non qu'il fût un
dilettante. Mais il sentait la nécessité de fonder sur la
psychologie et sur la logique la science du langage; et il
portait déjà le dessein des travaux qui allaient bientôt se
réaliser. En 1885 il soutenait ses thèses de doctorat. L'Essai
sur les traités philosophiques de Cicéron et leurs sources
grecques paraissait deux ans après le troisième volume des
Untersuchungen de R. Hirzel; il ne donna pourtant pas
l'impression qu'il paraissait trop tard. Hirzel ne s'était
occupé que du de naturadeorum, du de finibus, du de officiis,
des Academica priora, desTusculanas disputationes : l'Essai,
dans un développement beaucoup plus restreint, envisage
l'ensemble de l'oeuvre : évitant les constructions
hypothétiques, n'accueillant qu'avec réserve les données du
dehors, il laisse voir un loyal effort de critique interne
:l'analyse s'applique au texte, chapitre par chapitre; c'est du
texte que se tirent un à un les indices qui, dans leur
dispersion et dans leur diversité, finissent par révéler comme
la bibliothèque philosophique de Cicéron, l'éclectisme des
livres répondant naturellement à l'éclectisme de la doctrine.
Les traités sont mis régulièrement en rapport avec les
circonstances publiques et privées de la vie de Cicéron : ils
apparaissent ainsi avec leur caractère propre, tranchant les uns
sur les autres, dans une lumière de vérité. Malgré l'oeuvre d'Hirzel,
après la résurrection de Philodème, après les travaux des
Plasberg, des Philippson, des Reinhardt, on se reporte encore
utilement à une thèse bientôt ancienne de cinquante ans.
L'exposé de la morale stoïcienne fait sous Auguste par Didyme
est passé dans le Recueil de Stobée ses études cicéroniennes
conduisirent Thiaucourt à poser la question des sources de l'excerpteur
: la thèse secondaire de lokannis Stobaei eclogis earumque
fontibus [Paris], 1885, garde le mérite d'avoir été tentée alors
que Wachsmuth n'avait publié que les deux premiers volumes de
l'édition qu'Hense devait reprendre de 1894 à 1912. Pour
l'Essai, il eut une suite l'édition scolaire du deuxième livre
du de natura deorum, Paris,1897; les traités de philosophie
religieuse et les opuscules philosophiques de Cicéron, Paris,
1902; les Académiques de Cicéron et le contra Academicos de
saint Augustin, Mélanges Boissier, Paris, 1903; et ces cours sur
les traités philosophiques de Cicéron qui ont fait l'objet d'une
publication restreinte (6 vol. autogr. ou lithogr. Nancy,
1912-1915) et dont le dessein principal semble avoir été de
dégager ce qui peut subsister d'actuel dans l'œuvre antique.
Le goût du concret et du vivant, qui est sensible dans le
premier livre de Thiaucourt, devait se satisfaire dans deux
séries d'études, dont les premières sont historiques Essai sur
la conjuration de Catilina de Salluste, Paris 1887; Les causes
et l'origine de la deuxième Guerre Punique, Paris, 1890; Le
Consulat de Cicéron, Paris,1894; les autres, pédagogiques :
L'éducation nationale et les langues classiques ou les langues
modernes, Le Havre, 1898; La question du latin à la Renaissance
et aujourd'hui, Paris, 1899. On ajoutera un mémoire sur les
Bibliothèques de Strasbourg et de Nancy, Nancy, 1893.
Pourquoi fallut-il que la maladie, s'insinuant dans un corps
d'athlète, mit prématurément un terme à cette activité ? Patient
et sage, Thiaucourt accepta les limites que son destin lui
imposait il se partagea entre la méditation des historiens
latins et le dévouement à ses étudiants. Ceux qui ne l'ont connu
qu'au soir de sa vie aimaient à entendre rappeler le temps où,
ayant déjà travaillé une demi-douzaine d'heures à l'ouverture
matinale de la Bibliothèque, il y venait bousculer les livres et
relancer ses collègues, où des lectures les plus diverses et
parfois les plus inattendues, il récoltait des monceaux de
fiches, où il était ami des gais propos. Ils gardent le souvenir
d'un parfait honnête homme, droit et bon, et qui réserva toutes
ses forces au service de l'Université.
Henri FRÈRE. |