La loi du 10 septembre 1940,
prévoyant la nomination d'administrateurs provisoires des
entreprises privées de leurs dirigeants, précise en son article
1er : « Un arrêté du ministre secrétaire d'Etat à
la production industrielle peut nommer un administrateur
provisoire de toute entreprise industrielle ou commerciale dont
les dirigeants qualifiés sont, pour quelque motif que ce soit,
placés dans l'impossibilité d'exercer leurs fonctions. »
Le décret du 16 janvier 1941 précise l'organisation de ces
nominations. Mais ces textes, qu'on aurait pu naïvement penser
comme utiles à régler l'économie de temps de guerre, vont
s'appliquer aux exigence d' « aryanisation » de l'occupant
allemand, avec la loi du 2 juin 1941, dite « second statut des
juifs », qui affirme en son article 4 : « Les juifs ne
peuvent exercer une profession libérale, une profession
commerciale, industrielle ou artisanale, ou une profession
libre, être titulaires d'une charge d'officier public ou
ministériel, ou être investis de fonctions dévolues à des
auxiliaires de justice, que dans les limites et les conditions
qui seront fixées par décrets en conseil d'État. »
La rédaction des décrets d'application de la loi du 2 juin 1941,
qui prévoient des dérogations, va donner lieu à de nombreuses
discussions entre le Secrétariat d'Etat à la Production
industrielle, le Ministère de la Justice, le Commissariat
Général aux Question Juives (créé dès le 29 mars 1941 et
englobant le SCAP, Service du contrôle des administrateurs
provisoires) et les Services du commandement militaire Allemand
(Militärbefehlshaber in Frankreich, MBF). Ces décrets concernent
divers secteurs d'activités : 16 juillet 1941 pour la profession
d'avocat, 11 août 1941 pour les médecins, 24 septembre 1941 pour
les architectes, 26 décembre 1941 pour les sages-femmes, 26
décembre 1941 pour les pharmaciens, et 5 juin 1942 pour la
profession de chirurgien-dentiste.
Mais la loi du 22 juillet 1941 (JO du 26 août) scelle le sort
des entreprise dès son article 1er :
-
« Art. 1. - En vue
d'éliminer toute influence juive dans l'économie nationale,
le commissaire général aux questions juives peut nommer un
administrateur provisoire à:
1. Toute entreprise industrielle, commerciale, immobilière
ou artisanale; »
-
avec spoliation immédiate
: « Art. 3. - La nomination de l'administrateur
provisoire entraîne le dessaisissement des personnes
auxquelles les biens appartiennent, ou qui les dirigent.
L'administrateur provisoire a de plein droit, dès sa
nomination, les pouvoirs les plus étendus d'administration
et de disposition; il les exerce aux lieu et place des
titulaires des droits et actions, ou de leurs mandataires,
et, dans les sociétés, aux lieu et place des mandataires
sociaux ou des associés, avec ou sans leur agrément. »
-
en prévision d'une vente
organisée par l'Etat : « Art. 11. - L'administration des
domaines est de plein droit administrateur provisoire des
actions et parts bénéficiaires que le commissaire général
aux questions juives décide de placer spécialement sous
administration provisoire. » et « Art. 12. - En
qualité d'administrateur provisoire, l'administration des
domaines est chargée, avec les pouvoirs les plus étendus,
d'administrer et de vendre dans les conditions fixées au
titre II, avec ou sans le consentement des intéressés, les
titres qu'elle est chargée d'administrer en vertu de
l'article 11 ».
-
pour laquelle la loi
prévoit « Art. 21. - Le montant du prix de vente ou de
cession des titres vendus ou cédés par l'administration des
domaines est versé par cette dernière à un compte de dépôt
ouvert au nom de l'administré à la caisse des dépôts et
consignations, sous déduction des frais de régie perçus au
profit du Trésor au taux et dans les conditions qui seront
fixés par arrêté et sous réserve des droits des créanciers.
»
Sur l'aryanisation, ses
acteurs et les procédures de restitution nous invitons nos
lecteurs à consulter le rapport
« ARYANISATION ÉCONOMIQUE ET RESTITUTIONS » publié en 2000
par la Mission d'étude sur la spoliation des Juifs de France.
En ce qui concerne Blâmont, voici deux nominations
d'administrateurs provisoires en mai 1942 :
Journal
officiel de la République française. - 11 mai 1942
Administrateurs provisoires.
Le secrétaire d'Etat à la
production industrielle,
Vu la loi du 10 septembre 1940 prévoyant la nomination
d'administrateurs provisoires des entreprises privées de leurs
dirigeants,
Vu le décret du 16 janvier 1941;
Vu l'impossibilité où se trouvent les dirigeants des entreprises
ci-dessous d'exercer leurs fonctions,
Arrête :
Article unique. - Sont nommés, pour les entreprises ci-dessous,
les administrateurs provisoires dont les noms suivent :
[...]
M. Olivier Villemin, secrétaire de mairie, à Blamont
(Meurthe-et-Moselle), pour l'entreprise Kahn (José) 1, rue
Notre-Dame, à Blamont (Meurthe-et-Moselle) (pour prendre effet à
la date du 31 décembre 1940).
Journal
officiel de la République française. - 27 mai 1942
Administrateurs provisoires.
Le secrétaire d'Etat à la
production industrielle,
Vu la loi du 10 septembre 1940 prévoyant la nomination
d'administrateurs provisoires des entreprises privées de leurs
dirigeants,
Vu le décret du 16 janvier 1941;
Vu l'impossibilité où se trouvent les dirigeants des entreprises
ci-dessous d'exercer leurs fonctions,
Arrête :
Article unique. - Sont nommés, pour les entreprises ci-dessous,
les administrateurs provisoires dont les noms suivent :
[...]
M. Conrad (Jules), à Blamont (Meurthe-et-Moselle), pour les
entreprises :
Lévy (Paul), Blamont (Meurthe-et-Moselle) (pour prendre effet à
la date du 31 décembre 1940) ;
Lévy (Paul-Salomon), dit Lambert, à Blamont (Meurthe-et-Moselle)
(pour prendre effet à la date du 31 décembre 1940).
Journal officiel
de la République française. - 18 décembre 1942
M. Lacroze, à Lunéville
(Meurthe-et-Moselle), pour: [...]
Deux immeubles sis à Blâmont (Meurthe-et-Moselle), appartenant à
Strauss (Jacques) et tous autres copropriétaires juifs (pour
prendre effet à la date du 9 juillet 1942). |