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Avricourt - Trafic d'appareils photographiques
 



Bulletin de la Chambre syndicale des pharmaciens de la Seine
30 novembre 1915

L'INVASION
dans l'Industrie et le Commerce de la Photographie

Il ne s'agit pas ici de l'invasion qui a souillé et dévasté nos départements du Nord et de l'Est. Celle-là, notre héroïque armée se charge de lui faire expier ses horreurs. Il s'agit de cette infiltration industrielle et commerciale qui nous avait littéralement englués avant la guerre et qui se dispose à nous embourber encore après, si nous n'y mettons bon ordre.
Je voudrais appeler l'attention sur un des points caractéristiques de cette mainmise allemande, de cette inondation, dans une des branches de notre industrie qui, par certains côtés, tient au tourisme, et montrer, pour éviter la reproduction des mêmes erreurs, de quelle façon nous avons été noyés dans certains produits de la Kultur.
Il s'agit de la photographie.
Si je choisis ce sujet, c'est d'abord parce que, par sa nature, il intéresse notre association et parce que les procédés employés par nos ennemis, contrairement à leurs habitudes, ne constituent, en ce cas particulier, pas autre chose qu'une habileté tenace et patiente à laquelle notre bonne foi, notre insouciance du danger, un peu d'apathie aussi, se sont trop aisément laissé prendre. Nous avions en face de nous quelques maisons sérieuses, dirigées avec une véritable maestria commerciale. Elles ont envahi la France, qui ne s'est pas défendue autant qu'elle l'aurait pu. Nous ne devons pas mépriser de tels adversaires.
Nous allons montrer quelle importance ils avaient su prendre chez nous ; puis nous verrons si leurs produits justifiaient leurs succès ; et enfin nous nous demanderons quels efforts exige la nécessité de les chasser afin de rester les maîtres dans notre maison.
Commençons par les points où nous avons été le plus rudement malmenés : la fabrication des appareils photographiques, et principalement des appareils à main, de beaucoup les plus nombreux. Là, nous avons subi une grave défaite; non pas que nos constructeurs manquent d'habileté technique, mais ils se sont certainement montrés moins bons commerçants. Il y avait de tout dans la fabrication allemande, de la camelote inénarrable à côté d'appareils soignés ; mais le tout était toujours assez bien présenté, et les prix de revient nous déconcertaient.
Nos fabricants vendaient peu. Ils ont reculé devant l'audace nécessaire pour entreprendre la fabrication en série, la seule qui puisse donner des bénéfices. Ils ont dû lutter péniblement contre une organisation industrielle puissante, contre une main-d'œuvre moins coûteuse et plus docile, et le résultat a été, en dépit des tarifs douaniers, que sur 10 appareils vendus, 9 étaient «  made in Germany ».
Les tarifs douaniers, ils s'en sont longtemps moqués. Vous vous rappelez qu'à certain moment la douane française refusait au touriste, retour de l'étranger, l'entrée en franchise de son appareil personnel, fût-il outrageusement usagé. Plus tard la douane s'adoucit et mitigea ses rigueurs. Mais elle avait été parfaitement fourrée dedans.
Les pièces détachées payant moins cher que les objets fabriqués, les Allemands envoyaient par divers bureaux de douane les pièces séparées de leurs appareils, et, à Paris, un atelier boche les montait et leur donnait le dernier coup de vernissage. Il n'y avait rien à dire. Mais ils trouvèrent mieux. La douane tolérante laissait au voyageur la faculté d'entrer en franchise un ou plusieurs appareils, même non usagés, pourvu qu'ils fussent transportés avec lui. C'était une simple tolérance.
Mais l'Allemand ne manque pas d'astuce. Il se faisait adresser à Deutsch-Avricourt sa pacotille, et moyennant un billet pour Igney-Avricourt (2 kilomètres) et même sans billet, car on peut user de la route, par des voyages successifs, à la barbe du poste de douane, il faisait franchir, sans bourse délier, la frontière à ses appareils. La douane finit par se fâcher, mais elle y mit le temps. Inutile de dire que pour l'avenir les précautions sont prises. [...]

 

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