Est-Républicain
1er novembre 1921
Une fête de l'énergie
lorraine
La résurrection d'Ancerviller
Notre province a l'heureux
privilège de pouvoir proclamer aujourd'hui : « De toutes les
réglons meurtries, massacrée par' l'horrible guerre, de toutes
les provinces qui ont subi le choc effroyable des armées
combattantes, et pendant quatre années, ont été bouleversées,
martyrisées dans leur sol et, dans leur chair par la
catastrophe, la Lorraine est la première qui donne à la France
et au monde le spectacle magnifique d'un courage et d'une
ténacité sans exemple. »
C'est en Lorraine, en effet, dans l'arrondissement de Lunéville,
qu'a été célébrée hier la première fête de reconstitution d'un
Village détruit, sur le front de bataille !
Le village qui s'enorgueillit, à juste titre, de ce privilège,
est, Ancerviller,
Après avoir souffert les tortures de la destruction presque
totale, Ancerviller a vécu, hier, une heure d'apothéose pendant
laquelle des voix autorisées, des voix vibrantes de patriotique
émotion, ont exalté le prodigieux labeur, la foi incomparable de
ceux de ses enfants qui ont été les artisans de sa résurrection.
La réception
Nous Sommes arrivés à Ancerviller à 10 heures. Les toitures
flambantes, les façades vêtues d'un crépi mauve ou crème, les
rues nettes, ornées de sapins, de drapeaux, de guirlandes,
d'oriflammes, les arcs de triomphe attestent la joie de la
population. C'est la fêté, la grande fête d'allégresse comme
jamais le joli village n'en connut, comme - souhaitons-le, - il
n'en' connaîtra plus jamais.
Sur le perron de la maison commune, toute claire, le sympathique
maire d'Ancerviller, entouré de son conseil municipal, reçoit
les autorités et les invités : M. Duponteil, préfet de
Meurthe-et-Moselle ; M. le général Pénet, commandant le 20e
corps d'armée ; Mgr de la Celle, évêque de Nancy et de Toul ;
MM. Louis Michel et Henri Michaut, sénateurs ; M. Georges
Mazerand, député ; M. Bègue, secrétaire général à la
reconstitution ; M. Paul Bouët, sous-préfet de Lunéville ; M.
Préaux, chef du service rural ; M. Adrien Michaut, conseiller
général ; M. Coulon, inspecteur primaire ; M. Deville,
architecte départemental de la reconstitution ; M, Vercelli,
entrepreneur ; M. l'abbé Thouvenin, président de l'Association
des coopératives de reconstruction ; M. Delorme, architecte
d'arrondissement ; le statuaire Michel-Malherbe, délégué
administratif à la commission cantonale de Blâmont ; M.-Léon
Thouvenot ; M. Désiré Monzein, maire de Halloville ; M. Gérard,
maire de Nonhigny ; M. Liengey, maire de Mignéville ; M. Alizon,
maire de Blémerey, etc...
L'excellente fanfare des Etablissements Mazerand, de Cirey ; «
l'Industrielle », sous la direction de son chef, M. Schimmer,
prête à la cérémonie son dévoué concours. En casqué poli et
uniforme bleu de roi tout neuf - tout brille, tout reluit, tout
est neuf aujourd'hui, à Ancerviller, les maisons, les atours des
jeunes filles et le coeur des hommes, - la compagnie des
sapeurs-pompiers forme la haie. Devant le perron, se tiennent
les jeunes filles portant les coussins sur lesquels, tout à
l'heure, le général Pénet épinglera la croix des braves.
Les discours
M. Collin, maire d'Ancerviller, prononce le premier discours.
Après avoir rendu aux enfants de la commune, morts pour la
patrie, le pieux hommage de reconnaissance qui leur est dû. M.
Collin salue M. l'abbé Fiel, qui fut l'admirable ouvrier de la
reconstitution du pays. Il s'incline respectueusement devant M.
le préfet de Meurthe-et-Moselle et les chefs des services de
reconstitution de la préfecture qui prêtèrent à la commune
l'appui d'une bienveillance sans cesse en éveil et d'un
.dévouement sans bornes.
M. L'ABBÉ FIEL
Tout l'historique de la reconstitution d'Ancerviller tient dans
le beau discours prononcé par M. l'abbé Fiel. Nous nous faisons
un devoir d'en reproduire les passages essentiels :
Complètement évacués, par ordre militaire, le 15 décembre 1914,
les habitants d'Ancerviller se fixèrent presque tous dans la
région de Baccarat et Rambervillers.
De cette date jusqu'au il novembre 1918, les deux lignes
françaises et allemande se partagèrent le territoire et les
maisons elles-mêmes, sans aucune variation. Le sort des
habitations fut celui de tous les villages de première ligne qui
toutefois n'avaient été le théâtre d'aucune offensive. Les
maisons qui n'étaient pas incendiées ou effondrées sous des
obus, n'étaient plus que des squelettes en désagrégation. ,
Après les quelques jours de dépression qui suivent un long
cauchemar, on décida de s'éloigner des prophètes sinistres qui
annonçaient que jamais nos villages ravagés ne se relèveraient
et qu'il ne fallait pas songer au concours de l'Etat pour cette
oeuvre impossible. Le 28 janvier 1919, trente-cinq propriétaires
répondirent à l'invitation de M. le maire et se trouvèrent ici
même avec un agent de la préfecture. La neige fondue découlait
de tous les côtés et démontrait que les quelques toitures non
effondrées n'en valaient pas mieux. Il fut impossible de trouver
une garantie contre l'eau et le froid ailleurs que dans un abri
militaire : le spectacle était navrant ; on évacua de nouveau,
mais la résolution était prise : la circulaire "du ministre des
travaux publics, en date du 14 octobre 1917 avait rassuré les
hésitants et enhardi les braves jusqu'à la témérité. Le 24
février, nous nous retrouvions au nombre de cinquante au milieu
de nos ruines, et sur les débris d'une caisse de munitions
américaines nous établissions l'acte constitutif d'un groupement
communal qui décidait de confier à un même architecte et à un
seul entrepreneur la restauration des maisons qui n'étaient pas
complètement démolies. Quinze jours après une convention était
signée avec M. Vercelli, entrepreneur ; et le 1er avril deux
cents ouvriers commençaient les travaux.
Avec un optimisme communicatif M. Vercelli avait partagé notre
confiance dans les chefs du gouvernement français qui avalent
promis de réparer aux frais de l'Etat, les dommages causés par
la guerre. Appuyé sur sa promesse, le comité du groupement
communal garantit aux habitants que cent-vingt maisons seraient
couvertes pour l'hiver. Dès le printemps l'initiative de la
municipalité reçut les plus chaleureuses approbations de la
préfecture de Meurthe-et-Moselle, elle fut également encouragée
par M. le chanoine Thouvenin, qui, toutefois, dans sa haute
expérience, souligna les inconvénients d'un groupement extra
légal.
Ses réserves furent vite justifiées, et en juin notre
groupement, communal devenait une coopérative de reconstruction
avec les statuts proposés par M. le ministre du blocus et des
régions libérées.
Désormais l'horizon, qui ne fut pas toujours au beau fixe,
s'éclaircit à la lumière et à la faveur des circulaires du 8
juillet et du 13 août 1919.
Pendant que l'entrepreneur développe ses conceptions hardies
sous la haute direction de nos architectes, M. Le Bourgeois et
M. Deville, le conseil de l'administration de la Coopérative est
en liaison étroite avec les services de la reconstitution. A
Chacune de « es démarches répondaient fidèlement de précieux
appuis et de chaleureux encouragements. Si vous multipliez par
trois-cents, c'est-à-dire parle chiffre de communes dévastées le
nombre nos démarches et de nos importunités en ajoutant que
toujours et partout ce furent le même accueil, la même
intelligence et le même dévouement, vous conclurez vite que la
patience ne fut pas la moindre des vertus mises par les
fonctionnaires départementaux au service des sinistrés.
Permettez donc M. le préfet, qu'à côté de votre personne, je
groupe tous vos collaborateurs d'hier et d'aujourd'hui et qu'à
tous j'exprime l'hommage de la gratitude la plus franche et la
plus émue.
Sous peine d'être incomplète, notre démarche doit s'étendre
jusqu'à l'Union des coopératives, dont le président ne
souffrirait pas que je le nommasse un grand bienfaiteur du
département et aller jusqu'à la Société centrale d'agriculture,
qui trouve une juste récompense dans la prospérité agricole des
régions ravagées, pour atteindre ensuite MM. les parlementaires
qui ont préparé la réparation des dommages de guerre et font
bonne garde pour assurer son application.
Tel est, Messieurs, le secret de la rapide reconstitution des
villages dévastés de Meurthe-et-Moselle. Voilà pourquoi les
habitants d'Ancerviller sont déjà tous et seront tous, pour Noël
prochain, dans leur installation d'avant-guerre. Voilà pourquoi,
Monsieur le préfet, si vous nous allouez seulement 300.000
francs dans le programme de 12922, nous aurons fini les maisons
rendues nécessaires par l'extension des familles déjà rentrées
dans leur foyer.
M. l'abbé Fiel, auquel la foule fait une longue ovation, conclut
en saluant son évêque et le représentant du gouvernement de la
République par le cri de « Vice la France ! ».
M. LOUIS MICHEL
L'éloquence chaleureuse du sénateur de Meurthe-et-Moselle va
droit au cœur de ses grands amis, les agriculteurs.
Si toujours son succès est grand lorsqu'il leur adresse la
parole, rarement, nous devons le reconnaître, M. Louis Michel
prononça une allocution plus heureusement inspirée.
En sa qualité de président de la Société centrale
d'agriculture, M. Louis Michel exprime toute la fierté qu'il
ressent de cette résurrection quasi miraculeuse après
l'effroyable tourmente. « Nous, agriculteurs, dit-il, nous
sommes fiers des agriculteurs de cette région, fiers des
villages reconstruits, fiers des terres ensemencées qui sont la
vie de la nation, fiers du pays lorrain et de l'exemple de
travail discipliné et fécond qu'il donne à la France. »
Il y a quelques jours, un sénateur de l'Aisne, rencontrant M.
Michel au Sénat, lui demandait « Est-ce qu'il y a, dans votre
département, des fermes reconstruites ? » Oui, répondit-il,
presque toutes. » Le sénateur de l'infortunée région qui a,
hélas ! beaucoup plus souffert encore que la nôtre, ne voulait
pas ajouter foi à cette déclaration.
M. Michel expose l'étendue de la tache magnifique accomplie par
M. l'abbé Fiel, secondé avec une sollicitude incomparable par M.
Duponteil et les Services de reconstitution de la préfecture.
Avec une bonhomie charmante, notre dévoué sénateur exprime ce
vœu : « Quand votre village sera complètement reconstruit, vous
trouverez, mes chers amis, un petit bout de rue, et ce petit
bout de rue, vous l'appellerez la rue du Chanoine Fiel ! »
De frénétiques applaudissements saluent tette péroraison et M.
Georges Mazerand prend, à son tour, la parole.
M. GEORGES MAZERAND
Le dévoué député de Meurthe-et-Moselle rappelle ses souvenirs
personnels.
Vous ne serez pas surpris, si la cérémonie qui nous réunit
aujourd'hui à Ancerviller me cause une émotion particulière.
Certes, déjà avant la guerre, j'avais parcouru la région, mais
au cours de la campagne j'eus l'occasion d'y séjourner dans des
conditions un peu spéciales, il faut l'avouer. C'était en
février 1915, ma division prenait possession des lignes, aux
abords immédiats du village, jusque la zone neutre entre les
deux camps mais qui venait d'être coupée en deux par les
tranchées ennemies et les nôtres. Presque chaque jour et chaque
nuit je traversais le village, vide de ses habitants, tous les
jours un peu plus dévasté et présentant un inoubliable spectacle
de désolation ! Vous m'excuserez si ces souvenirs personnels
montent tout naturellement de mon coeur à mes lèvres : au moment
où nous avons la joie de voir la résurrection d'Ancerviller
devenir un fait accompli, comment n'aurai-je pas évoqué, comme
vous-mêmes, les épreuves qui se sont appesanties cruellement sur
vous, et dont je fus un instant le témoin navré !
Rappellerai-je les étapes de ce long martyr ? D'abord
l'envahissement presque immédiat, qui dura du 8 au 14 août, puis
le recul des Allemands - éphémère hélas - marqué d'incendies et
d'exactions, puis de nouveau la bataille et l'occupation jusqu'à
la victoire de la Marne ! Ancerviller aurait pu être délivré
définitivement comme le fut Lunéville, mais le sort en décida
autrement. Il devait être deux fois encore occupé par l'ennemi,
servir d'enjeu à d'incessants combats et finalement partagé
entre nos adversaires et nous, situation tragique qui dura de
1915 à l'armistice !
Et pendant ce temps, que devenaient les habitants ? Leur
conduite fut simplement et constamment admirable. Dès le début,
ils cachent et ravitaillent, malgré la présence des Allemands,
vingt-cinq chasseurs qui purent rejoindre nos lignes à Montigny
! Une poignée d'hommes, de femmes, d'enfants aussi, éteignent
avec des moyens de fortune les incendies allumés par les
Allemands ou suscités par les obus !
Les notables, au risque de leur vie, tels l'ancien maire et le
curé, essaient de s'opposer aux exigences de l'ennemi vainqueur.
Pendant toute la guerre, l'entraide réciproque, le dévouement à
nos blessés, la poursuite des travaux agricoles en pleine zone
de bataille furent les traits d'héroïsme quotidiens dont vos
compatriotes, Monsieur le maire, ont donné l'admirable exemple !
Pour ces braves gens le moment le plus pathétique fut sans
doute l'évacuation devenue un instant nécessaire : ordonnée le
11 novembre 1014, elle ne fut exécutée que le 13 décembre,
commentaire le plus élogieux de l'esprit de sacrifice qui
animait la population toute entière !
M. Mazerand donna lecture des belles citations à l'ordre de
l'armée d'Ancerviller et de Halloville et commente éloquemment
le miracle de sa résurrection.
Détachons ce passage à l'honneur de M. l'abbé Fiel :
Par un sentiment de délicatesse dont tous lui ont su gré, il n'a
pas voulu que le représentant du culte parut favoriser l'église
au détriment d'un autre monument public ou même d'une humble
demeure, et il décida que l'église serait élevée la dernière.
Nous rendons de tout coeur, à M. l'abbé Fiel, l'hommage que
méritent son labeur, son dévouement. Plus que tout éloge,
aujourd'hui, le spectacle que nous avons sous les yeux est pour
lui la récompense de ses efforts.
La restauration du village a été accomplie dans des conditions
d'aménagement bien supérieures à celles qui existaient
autrefois, grâce à l'initiative combinée de la Coopérative de
reconstruction et de l'entrepreneur Vercelli.
Tous les cultivateurs (dont le nombre s'est accru) possèdent
leur outillage d'avant-guerre, perfectionné encore par l'usage
des machines à moteur électrique. Actuellement, il y a à l'étude
n projet d'adduction d'eau de la montagne, avec les villages de
St-Maurice et de Ste-Pôle (auxquels viendront sans doute s'en
ajouter d'autres encore), qui rendrait à la population toute
entière les plus grands services, et marquerait un progrès
considérable pour l'hygiène et la salubrité.
M. Mazerand montre ensuite les mérites des autres communes qui
recevront toute l'heure la croix de guerre et, longuement
acclamé par la population, conclut en ces termes :
Quand sera assurée la sécurité des frontières par l'exécution
stricte du traité de Versailles, quand l'équilibre budgétaire
aura été rétabli, en tenant compte de la restauration des
régions dévastées, objet de nos premières préoccupations, alors,
nous assisterons à une période de prospérité économique
merveilleuse et nous récolterons toute la moisson de gloire
promise par la victoire à notre chère patrie.
M. LE PREFET
Dans une improvisation vibrante, M. Duponteil dit sa joie de
s'associer à cette fête de la renaissance, la première qui sera
suivie de bien d'autres, jusqu'à la reconstitution totale de
notre pays.
De jour en jour, les plaines, les vallons les coteaux
s'égaieront de maisons neuves et cela sera notre réponse au
barbare qui disait que nous entretenions à dessein des plaies
béantes pour attirer la sympathie des autres nations et
maintenir la haine de l'ennemi.
C'est la France qui, avec ses seules ressources, a supporté
jusqu'ici les charges accablantes de la reconstitution ; ces
charges, elle les supporte vaillamment fraternellement. Et
devant le travail accompli dont nous sommes aujourd'hui les
témoins émerveillés, le souvenir des fautes et des erreurs
commises, doit disparaître. Mais, ne nous endormons pas sur le
mol oreiller de la satisfaction : nous savons tout ce qui reste
à faire.
M. le Préfet célèbre les bienfaits de l'organisation, de cette
Association des coopératives appelée à rendre de si grands
services à ses collaborateurs zélés et à l'assemblée
départementale qui ne lui a jamais ménagé conseils et critiques
bienveillantes. Il salue les apôtres de la reconstitution d'Ancerviller,
ainsi que la population, revenue sur le sol maternel, avec sa
foi inébranlable dans un avenir réparateur. Dans une superbe
envolée, M. Duponteil déclare que l'oeuvre de la reconstitution
apparaîtra bientôt comme le chef-d'oeuvre collectif des énergies
d'une race, comme le chef-d'oeuvre de la ténacité lorraine.
Les applaudissements crépitant pendant de longs instants,
jusqu'à ce que M. Crémel, le vénérable instituteur d'Ancerviller,
donne la liste glorieuse des morts de la commune.
Les noms des héros et victimes
M. l'abbé Lefèvre, curé d'Ancerviller, ancien aumônier à
l'hôpital Maringer; Denis Joseph, lieutenant au 1er régiment
colonial ; Durand Camille, sous-lieutenant au 226e R.I.. ;
Blaise Emile, du 20e B.C.P. ; Jacquot Joseph, sergent au 17e
B.C.P.; Denis Louis, caporal au 17e B.C.P.; Colin Auguste, du
26e R.I.; Colin Joseph., .du 57e C.A.P. ; Colin Emile, du 17e
C.A.P. ; Hachon Louis, du 20e C.A. P. ; Martin Jean, du 405e R.
I. ; Lhôte Charles, du 275e R.I. ; Munier Paul, du 10e C.A.P. ;
Troché Joseph, du Z26e R. I. ; Dévot Marcel, du 140e R I. ;
Jacquot Eugène, du 17e chasseurs à cheval ; Klein Charles ;
Michel Joseph, du 168e R.I. ; Georges Charles, du 252e R.I. ;
Dieudonné Henri, du 69e R.A.L.
Les enfants répondent à l'appel des noms et entonnent ensuite le
chant des Girondins, puis les clairons ouvrent le ban et M. le
général Pénet donne lecture des citations d'Ancerviller,
Halloville, Blémerey, Mignéville et Nonhigny. La croix est
ensuite remise à chacun des maires : remises, également,
plusieurs décorations à titre posthume, La Légion d'honneur à la
mémoire du sous-lieutenant Durand ; la médaille militaire à la
mémoire des chasseurs Blaise Charles, Munier Paul, du caporal
Colin Joseph.
La bonne Française
Mais voici qu'un mouvement se produit dans la foule. Tout le
monde s'écarte respectueusement pour laisser passer Mme Denis,
qui doit recevoir la médaille de la Reconnaissance française.
Mme Denis, mère de 13 enfants, dont deux ont été tués à la
guerre, a été l'objet d'une citation magnifique pour avoir,
pendant l'occupation d'Ancerviller par les Allemands, recueilli,
soigné et caché pendant quatre jours deux soldats français
blessés. Et les deux soldats qu'elle a sauvés au péril de sa
vie, sont venus pour lui faire honneur. Ils encadrent la bonne
vieille maman et, pendant que le général Pénet lui donne
l'accolade, de grosses larmes roulent sur son visage.
Une ovation enthousiaste est faite à la vaillante Française qui,
très émue, et les bras chargés de fleurs, regagne le groupe
émouvant formé par ses enfants et petits-enfants.
La première pierre de l'église
L'industrielle jour la Marseillaise et la foule se rend à
l'emplacement de la nouvelle église où un autel a été dressé,
surmonté d'un tableau représentant le futur édifice.
Après un sermon de Mgr de la Celle, la cérémonie de la pose de
la première pierre a lieu. Le procès-verbal en latin, écrit sur
parchemin, est introduit dans une cavité ménagée dans la pierre.
En voici la traduction
POUR PERPETUELLE MEMOIRE
Sachent tous que l'an de N.S. 1921, le dimanche 30 octobre, tous
les paroissiens d'Ancerviller et d'autres personnes de
distinction état présents, la première pierre de cette nouvelle
église, érigée comme l'ancienne qui fut détruite par les
Allemands dans le cours de la grande guerre, sous le vocable de
Saint-Martin-des-Tours, a été posée par M. Edm. Duponteil,
préfet de Meurthe-et-Moselle, et bénite solennellement par sa
Grandeur Mgr Hippolyte de la Celle, évêque de Nancy et de Toul.
Les assistaient : l'abbé A. Jacquot, curé de la paroisse ;
Pierre Colin, maire de la commune et tous les conseillers
municipaux ; le chanoine Thouvenin, président de la Société
coopérative de Nancy, l'abbé Paul Fiel, enfant du lieu,
secrétaire de la même Société ; M. Deville, architecte, et M.
Vercelli, entrepreneur, qui ont assumé la tâche de construire
cet édifice.
Afin que le présent acte, écrit su parchemin, et revêtu de la
signature de chacun d'eux, perpétuât le souvenir de cette
solennité, on renferma le dit parchemin dans une ampoule de
verre qui fut déposée et scellée à l'intérieur même de la pierre
bénite.
Le banquet
La messe terminée, les personnalités officielles ont visité le
village. A midi et demi, un charmant et délicieux banquet servi
par le restaurateur Louis, d'Ancerviller, un banquet lorrain par
la qualité des mets et l'exquise cordialité qui les assaisonne,
réunit à la maison commune les invités de la municipalité.
Des toasts y sont prononcés par M. le Maire, M. Henri Michaut et
M. le préfet qui fait acclamer le président de la République.
A deux heures et demie, nous remontons en voiture pour assister
à la cérémonie d'Halloville, dont nous rendons compte demain.
Une heure plus tard, en repassant à Ancerviller, nous nous
rappelons l'admirable formule que Robert de Flers voudrait que
l'on accolât désormais à Verdun, devenu nom commun. La première
commune ressuscitée de notre province ne pourrait-elle pas, elle
aussi, devenir nom commun et se glorifier de cette définition.
« Ancerviller : persévérance dans le prodigieux effort, foi
inébranlable dans les destinées de la Patrie. »
Fernand ROUSSELOT |