Est-Républicain
21 novembre 1923
UNE FÊTE DE LA RECONSTITUTION
LE NONCE DU PAPE
consacre l'Eglise d'Ancerviller
(De notre envoyé spécial)
Mardi, le nonce apostolique, Mgr Ceretti, a procédé à la
consécration de l'église d'Ancerviller.
On sait que la première pierre du temple reconstruit avait été
posé le 30 octobre 1921 par M, le préfet Duponteil et bénite par
l'évêque de Nancy.
La cérémonie d'hier a eu lieu par un temps exécrable. Il tombait
une pluie froide accompagnée de flocons de neige.
L'inclémence de la température n'avait pourtant pas empêché les
habitants de la coquette localité de pavoiser leurs demeures.
A plusieurs endroits, notamment sur la place, devant l'église,
deux arcs de triomphes dominés par les armes du nonce et de Mgr
de la Celle, avaient été élevés.
Des guirlandes multicolores en papier couraient le long des
fenêtres, les couleurs pontificales, jaune et blanche,
dominaient.
L'église, due au talent de M. Deville architecte en chef de la
reconstitution termine en quelque sorte la rue principale d'Ancerviller.
C'est un édifice original dont la nef en forme d ogive, a une
élégance très recherchée. La tour, ainsi que toute la taille
extérieure, est en grès rose.
Sur le clocher inachevé, on avait posé à titre provisoire, un
cadran en carton qui marquait invariablement dix heures moins
cinq.
Les prières liturgiques ont commencé très tôt mardi vers 7
heures.
Mgr Ceretti, assisté de Mgr de la Celle, de Mgr Petit, curé de
Saint-Joseph et de nombreux chanoines que précédaient de jeunes
séminaristes en surplis, et une longue théorie d'enfants de
chœur, a consacré la nouvelle église, selon les rites et prières
tirés du pontifical.
Ce fut d'abord la cérémonie des lustrations, puis l'aspersion de
l'église, l'entrée du prélat accompagné seulement de ses
ministres, des chantres, des maçons et d'un photographe ; la
bénédiction du sel de l'eau, des cendres et du vin, la
consécration de l'autel.
La translation des reliques déposées à la mairie donna lieu à
une procession impressionnante entre une double haie de
sapeurs-pompiers.
D'abord venaient les prêtres en habit de choeur puis quatre
vénérables ecclésiastiques à cheveux blancs portant les
reliques, enfouies dans les oeillets roses et la verdure.
Ces prêtres avaient revêtu une chasuble de couleur lie de vin
barrée d'une large croix teintée en ocre.
Puis s'avançaient Mgr Petit, le vicaire général Barbier, le
chanoine Hubert de Saint-Vincent, maître des cérémonies ; le
chanoine Thouvenin, président de l'Union des coopératives de
reconstruction de Meurthe-et-Moselle ; le chanoine Fiel
secrétaire de cette Union, qui a tant fait pour la réédification
d'Ancerviller, son pays natal : l'Evêque de Nancy, enfin le
nonce du Pape, crossé, mitré et l'anneau orné de l'émeraude à la
dextre.
Derrière, fermant le cortège, marchaient M l'abbé de
Morlaincourt, secrétaire particulier de l'évêque de Nancy, et
Mgr Evreisnoff, secrétaire de Mgr Ceretti.
Pendant le déploiement du cortège les cloches sonnent à toute
volée, et vers le ciel gris et triste, montent les antiennes et
les psaumes
A un certain moment, le Pontife doit répandre sur l'autel
l'huile des catéchumènes et l'on s'aperçoit que la substance
sacrée nécessaire au rite a été oubliée à Blâmont.
Par bonheur, M. le baron de Turkheim, conseiller général, est
là. Il met son automobile à la disposition d'un jeune abbé, qui
se rend en hâte au siège du doyenné.
Et la cérémonie se poursuit longue, imposante, interminable. II
est près d'une heure de l'après-midi, lorsqu'elle prend fin,
après une allocution donnée par Mgr de la Celle et une réponse
en français du nonce qu'accompagne un accent italien assez
prononcé.
A l'église
Le public est désormais admis à pénétrer dans l'église.
On remarque que les arêtes et les pénétrations du choeur forment
comme une couronne au-dessus du maître-autel qui demeure le
centre de l'édifice.
La chaire est les bancs sont en préparation chez Vallin ; quant
aux grilles en fer forgé et aux lustres, ils sont l'oeuvre du
sculpteur réputé de Nancy, M Cayette.
Mais les travaux artistiques qui retiennent le plus longuement
l'attention des visiteurs sont les admirables vitraux conçus et
exécutés par le maître-verrier Jacques Grüber, à qui Mme Grüber
a prodigué sa collaboration, notamment en ce qui concerne la
somptuosité du coloris.
Au fond de l'église, nous admirons un vitrail représentant saint
Martin, patron d'Ancerviller, qui a obtenu une première médaille
à l'unanimité au Salon de Paris.
A côté, c'est la Conversion de saint Paul, pour laquelle M.
l'abbé Fiel a consenti à laisser reproduire ses traits.
Sur les côtés, la scène de la Tentation, avec un démon traité
dans un vert crû et sous les pieds de qui se profile le panorama
de Jérusalem.
Voici encore la Résurrection de Lazare, les Disciples d'Emmaüs,
un crucifiement dont les tonalités claires ressortent en une
éclatante luminosité.
La supériorité incontestable du maître Grüber lui a valu
d'ailleurs d'importantes commandes dans la partie sinistrée du
département. C'est lui qui exécutera les vitraux pour les
églises de Bouxières aux-Chênes, de Gerbéviller, de Fey-en-Haye,
et même pour l'église française de Mexico.
Le banquet
Vers une heure et quart, après une nouvelle procession, le
nonce, l'évêque Nancy, les invités de la municipalité et de la
paroisse d'Ancerviller se mettent à table.
Le banquet, qui réunit une centaine de convives, est
admirablement servi par M. Denis, le sympathique propriétaire de
l'hôtel de l'Univers, à Nancy.
Mgr Ceretti préside le déjeuner, a à sa gauche M. le vicaire
général Barbier et M. Collin, maire de la localité en fête.
Sont également présents : Mgr de la Celle, Mgr Petit, MM.
Deville, architecte en chef ; Préaud, chef du génie rural,
l'abbé Jacquot, curé d'Ancerviller, les chanoines Fiel, Oblet,
Thouvenin, Marchal, etc.
Le repas est servi dans la salle du patronage, vaste et
luxueusement installé.
Presqu'en face, le bâtiment d'école fait figure de parents
pauvres.
En dehors, la pluie continue à tomber, parsemée de blancs
papillons.
Pourtant, les convives ne restent pas longtemps dans cette salle
à manger improvisée. Le nonce doit en effet aller bénir la
nouvelle église d'Halloville où la municipalité lui réserve, là
encore, un respectueux accueil.
Et tandis que notre voiture nous ramène à Nancy, nous pensons
que pensons que le nouveau clocher du village lorrain va pouvoir
carillonner son premier Noël de paix ;
Car il existe à Ancerviller des hommes de coeur et de bonne
volonté dont le zèle a réussi à réaliser ce qui n'était hier
encore qu'une fragile perspective. - G. L. |