Voici un modèle de contrat adopté en différents endroits
et notamment au diocèse de Paris :
Article premier. - La Compagnie assure, aux conditions générales qui
précèdent et à celles particulières qui suivent, à M. le curé de l'église
de... actuellement M... agissant en cette qualité, la somme de...... à l'effet
de garantir sa responsabilité civile ainsi que celle du personnel employé au
culte et des fidèles en cas d'incendie de cette église ou des objets la
garnissant.
Cette somme est ainsi divisée :
1 franc sur bâtiments, y compris la sacristie et le clocher ;
2 francs sur les objets mobiliers. (Dans cette dernière somme sont compris :
les orgues pour ..... francs, les vases et autres objets rares ou précieux
pour francs.)
Art. 2. - Dans le cas où les responsabilités ci-dessus ne seraient pas en
cause, si les objets désignés au présent contrat ne sont pas garantis par
leur propriétaire légal ou le sont insuffisamment, et si ce dernier
s'engage, avant toute expertise, à employer ou à laisser employer par
l'assuré le montant de l'indemnité à reconstruire ou à réparer les objets
mobiliers, en leur conservant la même affectation, ladite indemnité ne
devant être payée que contre la production des mémoires ou des factures de
remplacement, la Compagnie consent à ce que cette assurance de
responsabilité se transforme en une assurance pour le compte de qui il
appartiendra, soumise aux conditions générales d'assurance de la Compagnie.
Art. 3. - Dans le cas où il existerait un autre contrat souscrit par le
propriétaire légal avec quelque assureur que ce soit, la présente police ne
pourrait jamais être considérée comme une coassurance mais seulement, et
sous les réserves spécifiées ci-dessus, comme une assurance complémentaire
si cette garantie était insuffisante.
Art. 4. - L'assuré et la Compagnie se réservent la faculté réciproque de
résilier annuellement la présente police, en se prévenant par lettre
recommandée un mois avant l'échéance de la prime.
Si le propriétaire du local assure l'église et le mobilier, sans s'occuper
du curé, celui-ci garantira seulement sa responsabilité civile; il
supprimera les articles 2 et 3 du modèle précédent.
Taux des primes. - Une Société très sérieuse et très solvable, que nous
indiquerons à tous les ecclésiastiques qui nous en feront la demande,
propose les tarifs suivants, que nous trouvons convenables. Nous croyons
savoir que d'autres Compagnies les acceptent également.
Il y a une réduction, sur les tarifs ordinaires, de 40 % dans le premier cas
et de 50 % dans le deuxième cas. Le tableau ci-dessous donne la prime nette
pour 1000 francs de capital assuré. Il y aura lieu d'ajouter les impôts et
les frais.
Abbé L. Thouvenin.
I. - Avec l'auteur de cet article, nous n'envisageons nous-mêmes que
l'hypothèse, d'ailleurs normale où le curé est un simple occupant de
l'église communale. S'il était propriétaire de l'église, l'église ne serait
plus communale. Quant au cas d'un curé locataire, à moins que l'église
n'appartienne à un particulier ou à une Société privée, il est devenu
chimérique, depuis que les évêques de France ont, d'accord avec Rome, refusé
de laisser signer à leurs prêtres les contrats de jouissance en lesquels M.
Briand avait mis quelque temps sa confiance. Nous répéterons seulement ici
l'observation que nous avons faite naguère, à savoir que l'expression d' «
occupant sans titre juridique » est inexacte et risque d'engendrer de
fâcheuses équivoques. Il faut la laisser pour compte à ses inventeurs, MM.
Clemenceau et Briand, qui l'ont employée les premiers dans l'exposé des
motifs de la loi du 2 janvier 1907 et dans la circulaire du 3 février 1907
(1), Mais, puisque nos curés tiennent leur droit d'occuper les églises d'un
texte très formel, l'article 5 § 1er de la loi du 2 janvier 1907, prenons
l'habitude, nous, catholiques et jurisconsultes, d'un langage plus précis.
Les curés sont de simples occupants, soit. Mais encore ont-ils le droit de
l'être, et ce droit est fondé sur le meilleur des titres juridiques, sur la
loi (2).
II. - Nous avons distingué soigneusement nous-mêmes (3) la responsabilité
personnelle du curé et le risque de l'immeuble.
S'agit-il, pour le curé, de se garantir, au cas d'incendie de l'église,
contre le recours de la commune propriétaire ou de l'assureur, alors nous
sommes d'accord avec la Semaine de Nancy pour conseiller l'assurance. Nous
avons fait observer que ce risque est, en définitive, assez minime, puisque
en sont exclus non seulement les sinistres dus à un cas fortuit ou au fait
d'un tiers, mais ceux mêmes qui sont la conséquence d'une faute du curé ou
de ses préposés toutes les fois, que la preuve de la faute ne pourra pas
être établie. En conséquence, nous disions que les Compagnies doivent
assurer ce risque moyennant des primes très peu élevées. Une réduction de 50
% n'a rien d'excessif.
Qui doit supporter cette assurance ? C'est incontestablement le curé,
puisque c'est de sa responsabilité personnelle qu'il s'agit. La Semaine
religieuse de Nancy suggère une combinaison d'après laquelle la commune,
tout en s'assurant elle-même contre la destruction ou la détérioration de
l'église par l'incendie, stipulerait de sa Compagnie d'assurance la
renonciation à tout recours que celle-ci pourrait exercer contre le clergé,
ses préposés, ainsi que contre les fidèles. C'est fort bien, et nous
souhaitons qu'il se rencontre en France beaucoup de communes et beaucoup
d'assureurs pour adopter une semblable clause. Toutefois, que l'on remarque
bien que si le curé est par là garanti contre le recours de l'assurance, il
ne l'est pas contre le recours de la commune. Cette clause diminue le risque
personnel du curé plutôt qu'elle ne le supprime, et n'enlève point, par
conséquent, toute utilité à l'assurance personnelle du curé.
« Certaines municipalités, ajoute la Semaine de Nancy, accepteront peut-être
de faire l'assurance comme nous venons de le proposer, mais en exigeant que
le curé paye la prime annuelle. » Nous sommes absolument d'avis que le
clergé ne devrait subir cette condition que si la commune s'engageait à
employer à la reconstruction de l'église toute l'indemnité que la Compagnie
verserait contre la production des factures ou des mémoires de remplacement.
III. - Ceci nous amène à l'assurance de l'immeuble et du mobilier qu'il
contient. Nul doute que ce ne soit aux communes, propriétaires légales de
nos églises, qu'il incombe de la supporter. Nul doute non plus que, devant
l'abstention d'une commune, un curé n'ait le droit de contracter une
assurance à la place et pour le compte de celle-ci. C'est une application
parfaitement légitime de la stipulation pour autrui.
Mais, si c'est légitime, est-ce vraiment utile, et faut-il conseiller cette
combinaison ? On l'a pensé dans plusieurs diocèses, la Semaine de Nancy
indique fort bien pourquoi.
Après avoir contracté dans l'article 1er de la police une assurance pour
garantir sa responsabilité civile personnelle, celle de ses employés et même
celle des fidèles (4), en cas d'incendie de l'église, le curé stipule dans
les articles 2 et 3 de la même police une assurance pour garantir la
réparation ou la reconstruction de l'édifice, ou des meubles détruits par le
sinistre. Cette seconde assurance, souscrite par le curé et dont les primes
seront payées par lui, profitera donc à la commune. C'est la commune qui
aura droit à l'indemnité en cas de sinistre.
Le danger est que, après avoir réalisé ce gain aux dépens du curé, la
commune évite d'affecter la somme encaissée aux réparations ou à la
reconstruction de l'église.
Pour parer à ce danger, la police spécifie que l'indemnité ne sera payée par
l'assureur au propriétaire légal, autrement dit à la commune, que s'il
s'engage, avant toute expertise, à employer ou à laisser employer par le
curé le montant de l'indemnité à reconstruire l'immeuble ou à réparer les
objets détruits ou détériorés en leur conservant la même affectation. Pour
comble de précaution, on stipule que l'indemnité ne sera payée que contre la
production des mémoires ou des factures de remplacement.
Un pareil contrat, signé par le curé et la Compagnie seuls, ne saurait lier
la commune, qui n'y est point partie. Donc, quand le sinistre prévu se
réalisera, ce n'est pas ce contrat qui obligera la commune à reconstruire
l'église ; mais ce contrat lui permettra de le faire, et c'est déjà
beaucoup.
Il le lui permettra en mettant les sommes nécessaires à sa disposition ; et
l'on suppose qu'il ne se rencontrera pas de commune assez sectaire et assez
peu soucieuse de ses intérêts pour refuser cette aubaine et renoncer à une
indemnité qui ne lui a rien coûté, plutôt que de réparer ou de relever une
église.
Sans être, pour notre part, optimiste au point de croire une pareille
hypothèse complètement invraisemblable, nous accordons volontiers qu'elle ne
se réalisera pas fréquemment. Le contrat donnera tout au moins au clergé et
aux fidèles un moyen de pression morale considérable pour vaincre le mauvais
vouloir des communes, lorsque mauvais vouloir il y aura.
Donc, en général, l'église sera réparée ou réédifiée grâce à l'assurance
signée par le curé.
Mais sera-t-elle sûrement, après cela, conservée à l'usage du curé et des
fidèles? Lui gardera-t-on sûrement la même affectation, ainsi qu'il a été
écrit dans la police ?
C'est beaucoup plus douteux.
Tant que la législation actuelle sera maintenue, la nouvelle église sera
soumise au même titre que l'ancienne à toutes les causes de désaffectation
posées par la loi du 9 décembre 1905. Si la législation est aggravée, la
nouvelle église sera atteinte, par toutes les mesures légales nouvelles. Une
fois que la Compagnie d'assurance aura versé les fonds à la Caisse
municipale, une fois que ces fonds auront été transformés en pierres de
taille et en ciment, en salaires d'ouvriers et en honoraires d'architectes,
il sera trop tard pour en demander la restitution. La Compagnie d'assurance
ne s'en souciera plus et, d'ailleurs, ne le pourra plus.
Ainsi donc, l'assurance souscrite par le curé pour le compte de qui il
appartiendra (lisez : de la commune) ne peut nous procurer qu'un bénéfice
toujours précaire et aléatoire. Nous ne disons pas que ce bénéfice, tel
quel, ne vaille pas de légers sacrifices. Mais nous demandons aux intéressés
de ne pas se faire d'illusions, et de mesurer prudemment l'étendue de leurs
sacrifices au bénéfice qu'ils sont en droit d'en attendre.
IV. - N'y a-t-il rien autre à faire pour nous que de payer des primes afin
de sauvegarder la propriété des communes sur des églises dont nous ne sommes
pas plus assurés par là de jouir toujours ou même seulement pendant un
nombre certain d'années ?
Il nous semble que si.
Mais pour cela il faudrait rompre avec les habitudes faites et sortir du
vieux cadre de l'assurance-incendie.
Par le fait de l'incendie qui le met à la porte de l'église, le curé subit
un dommage. C'est ce dommage, c'est cette privation de jouissance en vue de
la quelle il devrait, selon nous, contracter, l'assurance, en sorte que, le
sinistre se réalisant, il entre sans aucune condition en possession de
l'indemnité et demeure maître de l'utiliser comme il le jugera bon, soit en
la mettant à la disposition de la commune pour reconstruire l'église
communale, soit en construisant lui-même, sur son terrain et sans con cours
de la commune, une église dont il demeurera propriétaire dans des conditions
à fixer par l'Ordinaire.
Je ne sais si parmi les Compagnies d'assurance actuellement établies, il en
existe quelqu'une qui se prêtât à cette adaptation du contrat d'assurances.
Aujourd'hui que l'on assure tant de risques nouveaux qui échappaient hier
encore aux prévisions des hommes du métier, la « privation de jouissance »
trouverait peut-être bien ses assureurs, tout comme la grève, le chômage ou
le vol. Mais il me semble que les Compagnies d'assurance ne sont point ici
un rouage essentiel.
Ce qu'elles ne feraient pas, la mutualité le ferait mieux encore, avec plus
de souplesse et avec moins de déchet. Pourquoi les évêques ne seraient-ils
pas leurs propres assureurs ? Ne pourraient-ils pas, à l'aide de primes très
légères perçues sur leurs curés, constituer un capital suffisant pour
couvrir les risques d'incendie de toutes les églises de leurs diocèses ?
Et n'y aurait-il pas lieu, ensuite, de prévoir d'autres causes de privation
de jouissance que le seul risque d'incendie et de s'assurer aussi, pour
chaque paroisse dont l'église viendrait à être désaffectée, des ressources
qui permissent de rouvrir sans délai un autre asile au culte ?
Nous ne nous dissimulons pas les difficultés d'application d'un semblable
projet. Elles ne nous semblent pas cependant telles qu'on ne puisse les
vaincre.
Un danger menace actuellement les catholiques de France dans l'œuvre da
réorganisation rendue nécessaire par la séparation, et à laquelle ils
apportent tant de générosité et de bonne volonté : c'est la mauvaise et même
simplement la moins bonne utilisation de leurs ressources. A ce point de
vue, la centralisation des primes d'assurances dans des caisses diocésaines
nous paraît préférable à leur éparpillement dans les caisses des Compagnies
d'assurance. J'espère qu'en le disant je n'ai manqué ni à la modestie qui
convient au fidèle ni au respect qui est dû aux pasteurs, et je laisse à de
plus compétents le soin de dégager ce que peut avoir de pratique l'idée dont
je me suis fait l'interprète.
P. Ravier du Magny, avocat & la Cour d'appel de Lyon,
professeur à la Faculté catholique de droit.
(1) R O. D., 1907, n° 22, p. 2, et n° 25,
p. 103.
(2) Voir, en ce sens : importante note de M. Tissier, professeur à la
Faculté de droit de Paris (S., 1908. II. 274, col. 1 et 2) ; - C. Bourges,
16 juin 1909 (R. O. D., 1909, n° 82, p. 414) ; - C. Pau, 30 juin 1909 (R. O.
D., 1909, n° 87, p. 565).
(3) R. O. D., 1908, n° 46, p. 1 et suiv.
(4) A l'égard des fidèles, c'est une stipulation pour autrui, car on ne
saurait prétendre les ranger parmi les personnes dont, aux termes de
l'article 1384 du Code civil, le curé doit répondre.
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