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Mémoires de la
Société d'archéologie lorraine
Éd. A. Lepage (Nancy), 1910
LES PRÉLIMINAIRES DE LA RÉVOLUTION A NANCY
L'ÉLECTION AUX ÉTATS GÉNÉRAUX
LE CAHIER DE LA VILLE DE NANCY
Christian PFISTER
[...]
COURTE BIOGRAPHIE DES DÉPUTÉS ET
DE LEURS SUPPLÉANTS ENVOYÉS AUX ÉTATS GÉNÉRAUX PAR L'ASSEMBLÉE DE
RÉDUCTION DE NANCY.
1. CLERGÉ.
[...]
GRÉGOIRE, Henri Grégoire naquit, le 4 décembre 1750, à Vého (auj.
canton de Lunéville), qui faisait partie avant la Révolution de
l'évêché de Metz. Il fit ses études aux jésuites de Nancy, puis
étudia la théologie à l'Université de Pont-à-Mousson jusqu'au moment
de la suppression de l'ordre en Lorraine en 1768. Il fut régent de
sixième au collège de Pont-à-Mousson, vicaire à Marimont de 1776 à
1782, puis curé à Emberménil, dans la province de Lorraine. Il se
fit connaître par divers travaux que couronna en 1773 l'Académie de
Nancy (Histoire de Nancy, t. III, p. 785) en 1788, il donna le
fameux Essai sur la régénération morale et physique des Juifs, à
propos d'un concours ouvert par l'Académie de Metz (Histoire de
Nancy, t III, p. 330). Il prit en janvier 1789 une part active à
l'assemblée des trois ordres qui se tint à l'hôtel de ville de Nancy
et s'établit presque en permanence dans cette cité, à l'hôtellerie
des Trois-Maures.
Désigné comme député par le clergé du bailliage de Lunéville, le 27
mars, il fut choisi le 6 avril par l'assemblée de réduction de Nancy
au troisième tour de scrutin. Aux états généraux - il avait alors 39
ans - il ne tarda pas à se placer au premier rang. Il décida au mois
de juin les curés à se joindre au tiers état, présida du 13 au 15
juillet la séance permanente de 72 heures pendant laquelle le peuple
prenait la Bastille, réclama dans la nuit du 4 août la suppression
des annates, vota l'abolition des voeux monastiques et, bien qu'il
ne fit pas partie du comité ecclésiastique qui élabora la
constitution civile du clergé, il fut l'un des premiers à voter cet
acte et prêta le serment. Aussi fut-il choisi comme évêque
constitutionnel par les électeurs de la Sarthe et du Loir-et-Cher le
18 février 1791 ; il opta pour ce dernier département, fut sacré par
Gobel le 13 mars et déploya bientôt à Blois ses hautes qualités
d'organisateur. Il présida l'administration centrale de ce
département qui le choisit en 1792 comme député à la Convention. Il
demanda, dès la première séance de cette assemblée, l'abolition de
la royauté et la proclamation de la République. Il se trouvait en
mission dans la Savoie, au moment du jugement de Louis XVI ; il se
déclara dans une lettre partisan d'une condamnation, mais affirma
que sa conscience de prêtre lui défendait de se prononcer pour une
peine capitale : c'est à tort qu'il est rangé parmi les régicides.
Revenu de sa mission, il devint l'un des membres les plus actifs du
Comité de l'instruction publique, contribua à la création du Bureau
des longitudes, du Conservatoire des arts et métiers, protégea les
monuments, etc. Sur sa demande, l'assemblée abolit, en février 1794,
l'esclavage des nègres. Il demeura fidèle, pendant la Terreur, à ses
convictions religieuses et c'est en partie à lui qu'on doit le vote
des décrets de ventôse an III, reconnaissant la liberté des cultes.
Il voulut profiter de cette liberté pour réorganiser l'Église
constitutionnelle, avec l'aide des cinq « évêques réunis». Il fut
véritablement le chef de cette église, inspira le journal qui était
son organe : Les Annales de la religion. Il entra au conseil des
Cinq-Cents où il siégea jusqu'au 20 mai 1798 : puis, après le 18
brumaire, il fit partie du corps législatif dont il fut pendant
quelque temps président : il s'efforça de faire échouer le
Concordat. En décembre 1801, il fut appelé au sénat conservateur et
sa nomination fut comme une protestation contre le pacte signé entre
Bonaparte et Pie VII. En 1797 et en 1801, il convoqua à Paris deux
conciles nationaux de l'Église constitutionnelle ; le second fut
déclaré clos par le premier consul, après la signature du Concordat.
Mis en demeure de se démettre de son évêché, il le fit sans
résistance, mais continua à remplir son ministère de prêtre. Au
Sénat, il s'opposa au sénatus-consulte qui établissait l'Empire,
combattit la création des titres nobiliaires, se prononça contre le
divorce de Napoléon. En 1814, il se déclara l'un des premiers pour
la déchéance de l'Empereur mais la Restauration lui fut très
hostile. Il fut rayé en 1815 de l'Institut, dont il avait été l'un
des fondateurs, et on lui supprima sa pension de sénateur. Il se
retira à Auteuil, ou il acheva une série de travaux littéraires. En
1819, les électeurs de l'Isère l'envoyèrent à la Chambre des députés
mais il n'y fut pas admis, sous prétexte que la loi ne permettait
pas d'élire plus d'un certain nombre de députés en dehors du
département. Le gouvernement de juillet ne fit rien pour lui, et
l'on ne lui rendit même pas son siège à l'Institut. Il mourut à
Paris le 28 avril 1831, à 81 ans. Malgré la défense de l'archevêque
de Paris, les derniers sacrements lui furent administrés par l'abbé
Guillon ; les jeunes gens des écoles s'attelèrent à sen corbillard
et le traînèrent jusqu'au cimetière du Montparnasse. Rappelons que
la chapelle de l'abbé Grégoire se trouve au Musée lorrain (J. S. A.
L., 1882, p. 140), et qu'on a élevé à Lunéville une statue à
l'ancien évêque constitutionnel. Les ouvrages et brochures de l'abbé
Grégoire sont innombrables et la bibliographie n'en est pas encore
faite. On lira avec intérêt ses Mémoires, dont le manuscrit se
trouve à la bibliothèque de l'Arsenal et qui ont été publiés par
Hippolyte Carnot, Paris, A. Dupont, 1837, 2 vol. in-8. Les
principaux ouvrages sur Grégoire sont indiqués par MAURICE TOURNEUX,
Bibliographie de l'histoire de Paris pendant la Révolution
française, t. IV, pp. 313-315. Signalons surtout A. GAZIER, Etudes
sur l'histoire religieuse de la Révolution française, d'après des
documents originaux inédits, Paris, Armand Collin, 1887; série
d'articles de L. MAGGIOLO, dans les Mémoires de l'Académie de
Stanislas, 1873, p. XXX (1re partie, 1730-1789) 1883, p. 75 (2e
partie, 1789-1793) 1884, p. 1 (3e partie, 1794-1831) ; Édouard
MEAUME, Étude historique et biographique sur les Lorrains
révolutionnaires, Palissot, Grégoire, François de Neufchâteau,
Nancy, 1882; Paul PISANI, Histoire biographique de l'épiscopat
constitutionnel, pp. 110-116.
[...]
Les siècles
littéraires de la France, ou Nouveau dictionnaire historique,
critique et bibliographique de tous les ecrivains français, morts et
vivans jusqu'à la fin du XVIIIe siècle:
Desessarts, Nicolas Toussaint Lemoyne
Ed. Paris
GRÉGOIRE, ci-dev. curé à
Embermenil, de l'acad. de Metz, et de la soc. des amis des Noirs,
memb. de l'assemb. const. de la convent. nat., du conseil des
cinq-cents, du corps législat., évêque de Blois, memb. de l'inst.
nat., de la soc. d'agric. de Paris, de la soc. libre des sciences et
des arts, etc. est né le 4 décembre 1750, près de Lunéville. En
1773, il fit l'Eloge de la Poésie, qui fut couronné par l'acad. de
Nancy, in-8°. - En 1788, celle de Metz couronna un Essai sur la
régénération physique morale et politique des Juifs, qu'il publia
in-8°. Cet ouvr. a été traduit en anglais. Ayant été nommé aux
états-généraux, il publia pour décider la réunion du clergé au
tiers-état, et le vote par tête, la lettre d'un curé à ses confrères
in-8°. de 40 pages. Il fit paraître ensuite un Mémoire en faveur des
gens de couleur, ou sang-mêlés, in-8°. 1789. Une Lettre aux
Philantropes, sur les malheurs, les droits, les réclamations des
gens de couleur, 1790, in-8°. Et enfin une Lettre aux citoyens de
cou- eur et nègres-libres, en 1791. Le duel de Barnave avec Cazalès
le détermina à publier un petit écrit, intitulé : Réflexions sur le
duel. Lorsqu'il fut question du serment imposé aux ecclésiastiques,
il donna une Brochure ayant pour titre : La légitimité du Serment
civique. Vers la même époque, il fit imprimer les deux ouvrages
suivans : Observations sur la circonscription des paroisses, in-8°.
- Mem, sur la dotation des cures en fonds territoriaux, in-8°.
Devenu évêque, il publia un grand nombre d'Instructions pastorales,
etc. qui ont été imprimées. Ayant été nommé à la convention nat., il
a fait, pendant sa durée, beaucoup de Rapports sur des questions
importantes, entr'autres sur l'Ordre de Malthe, et celui de la
Réunion de la Savoie à la France, sous le nom de Département du
Mont-Blanc. Au milieu des désastres et des destructions des factions
qui existaient dans la convention, il fit entendre sa voix, d'abord
en faveur des Monumens du génie, par un rapport sur la Bibliographie
et trois sur le Vendalisme ; ensuite en faveur des savans, gens de
lettres et artistes, par un rapport en leur faveur. Il obtint cent
mille écus d'encouragemens et de récompenses à leur distribuer. Vers
le même tems, il publia un Essai histor. sur les arbres de la
liberté, I vol. in-12, et il eut part à la Correspondance sur les
affaires du tems, ou Lettres politiques, etc. 3 vol. in-8°, - En
1774, il a été un des fondateurs de l'ouvrage périodique, qui a pour
titre : Les Annales de la Religion, auquel il a eu beaucoup de part.
Il publia ensuite diverses Brochures relatives à ses fonctions
épiscopales, au rétablissement du culte et à la validité des
fonctions des prêtres assermentés, ect. Il a attaqué l'inquisition
d'Espagne, par une Lettre adressée au grand inquisiteur. Cet ouvrage
a été trad. en espagnol et en anglais. Devenu memb. de l'institut
nat. il у lu une Notice sur la colonie de Siera-Léone. - Un Mém. sur
les moyens de perfectionner les sciences politi-ques ; - Un autre
sur la reconnaissance, contre la théorie de William -Godwin ; - Un
sur les facultés morales des negres - Une Hist. de la liberté des
négres. - Un Voyage dans les Vosges. - Un Mém. apologétique sur
Barthelemy de las-Casas. Les deux premiers de ces ouvrages sont
imprimés, l'un dans la Décade philosophique, l'autre dans les Mém.
de l'institut. |
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