En ce qui concerne la fonte : de 504.000 tonnes en 1880 à
3.403.000 tonnes en 1914, représentant les 67 % de la production totale de
la France.
En ce qui concerne l'acier : de 178.000 tonnes à 2.290.000 tonnes, soit les
50 % de la production totale de la France.
Le nombre des hauts fourneaux de la Meurthe-et-Moselle dépasse les deux
tiers des hauts fourneaux existant pour la France entière.
MOUTON FAIT ET UTILISÉ PAR LES ALLEMANDS POUR BRISER LES MACHINES DU
LAMINOIR PENDANT LA GUERRE (1914-1918)
Filatures et tissages. - L'industrie de la filature et
du tissa go était représentée en matière de filature de laine par les Usines
de Pierrepont, en matière de filature de coton par les usines Bechmann à
Blâmont, la Société Cotonnière Lorraine à Val-et-Châtillon.
Au 2 août 1914, 1.400 métiers battaient dans les différentes firmes qui
avaient également en action 145.000 broches.
Industries diverses. - Toutes les industries de produits réfractaires, de
céramiques et de verreries étaient en pleine production et se divisaient en
catégories bien nettes :
Produits de construction ou réfractaires, elles desservaient avec un soin
jaloux les industries locales et étendaient leur rayon d'action;
Ameublement et verreries d'art, elles portaient avec les noms des Majorelle,
des Daum et des Gallé, des cristalleries de Baccarat, la réputation de l'art
lorrain hors des limites de l'Europe;
Brasseries, minoteries, industries diverses, telles que papeteries de luxe
avec les Mazerand, fabriques d'explosifs, elles étendaient le renom des
industries lorraines bien au delà de la région.
Mais le rayonnement d'une industrie ne saurait être en rapport avec la
puissance qui la caractérise si elle n'accompagnait et quelquefois même ne
précédait le mouvement scientifique.
S'appuyant sur une Université largement ouverte à toutes les conceptions
scientifiques et pratiques, elle collabore avec elle par ses multiples
instituts et ses laboratoires, formant cette pépinière d'ingénieurs qui, au
point de vue mines, industrie chimique, industrie électrique, industrie
mécanique, brasseries, vont encore propager dans toute la France et au delà
le renom de l'industrie lorraine.
Une prospérité sans précédent, fruit d'une persévérance dans le
perfectionnement et dans la recherche du mieux, qu'il s'agisse de moyens
industriels, qu'il s'agisse du bien-être des ouvriers, qu'il s'agisse de la
formation des ingénieurs et des apprentis, telle est la caractéristique de
l'industrie en Meurthe-et-Moselle, au 2 août 1914.
La guerre.
Les événements ont démontré que nos ennemis s'affranchissant de toutes les
règles du droit international, les maux ont été décuplés, et dans nul autre
département la chose n'est mise mieux en évidence que par la situation de la
Meurthe-et-Moselle au moment de l'armistice.
La carte schématique qui en a été établie fait ressortir, en effet, que la
zone de combats est relativement étroite, et l'on reste confondu quand on
lit les tableaux ci-après et que l'on constate ce que sont les destructions
matérielles résultant directement des combats, par rapport aux destructions
systématiques pratiquées par un ennemi impitoyable et acharné à la ruine de
la France.
C'est encore la sidérurgie qui souffrira le plus durement de la haine de
l'ennemi. Son action deviendra de plus en plus exterminatrice, au fur et à
mesure qu'il sentira davantage que la victoire lui échappe.
Pendant la première période, qui est celle de la guerre « fraîche et joyeuse
», l'ennemi se limitera aux prélèvements de matières premières et de
marchandises, soit pour satisfaire aux besoins de ses armées, soit pour
garnir les magasins et ateliers de ses industriels.
Cette période prend fin peu après la bataille de la Marne.
La deuxième période coïncide avec la guerre de tranchées. C'est la période
du pillage systématique, enlèvement des stocks, enlèvement des outillages de
remplacement pour les usines allemandes, transport même d'installations
complètes pour créer des usines entières nouvelles en Allemagne.
Des organisations complètes sont créées de toutes pièces pour assurer une
importation méthodique des installations des usines françaises.
La comptabilité du vol est parfaitement organisée: c'est d'ailleurs grâce à
elle qu'il sera possible de faire réintégrer une partie du matériel enlevé
(plus de 300.000 tonnes), et Dieu Sait dans quel état il sera rendu dans
quelle faible proportion !
La troisième période est marquée par l'arrivée des Américains en France, qui
sont le dernier avertissement du glas de la défaite.
Dès lors, il ne s'agit plus de piller, il s'agit de démolir. Ne pouvant
vaincre la France par les armes, elle la terrassera au point de vue
industriel et commercial en détruisant ses usines.
C'est par le pilonnage, le dynamitage et par les mines qu'elle aura raison
des installations modernes qui restent en France occupée.
Une rage insensée souffle chez l'occupant.
Le bilan, à l'armistice, de cette œuvre sinistre, se résume ainsi :
764 industriels sont sinistrés ;
Leurs dommages évalués administrativement s'élèvent à 385 millions, valeur
1914, sur lesquels plus de 300 millions sont imputés à la métallurgie.
Mais si 391 sinistrés, représentant une perte subie de 58 millions environ,
soit le 18 % du total du dommage de la Meurthe-et-Moselle, l'ont été parce
que se trouvant dans la zone des combats, par contre, les autres sinistrés,
avec un dommage total de 327 millions, représentent l'œuvre de destruction
systématique, inutile et contraire aux lois de la guerre et constituent le
bilan de honte de l'Allemagne.
Reconstitution
Par ce qui précède, on ne peut avoir qu'une faible idée de l'importance de
la tâche qui incombe aux industriels de la Meurthe-et-Moselle et à l'Etat
français pour assurer la reconstitution des industries dévastées.
Pour s'en faire une idée complète, il convient de se reporter à l'aspect du
pays à l'armistice;
4.300 kilomètres de routes sont à reconstruire ;
55 ouvrages d'art de plus de 3 mètres à refaire ;
Les canaux et les chemins de fer inutilisables dans des proportions
semblables.
En ce qui concerne la main-d'œuvre, la situation n'est pas plus brillante,
outre les pertes définitives résultant des tués et des mutilés, la
main-d'œuvre reste mobilisée encore en grande partie ou ne peut revenir sur
place, faute de logements et de moyens d'alimentation et il importe de noter
qu'en 1914 la Meurthe-et-Moselle utilise 110.000 ouvriers.
L'eau potable elle-même fait défaut ; plus de 5.600 puits sont à curer.
La première tâche de l'Etat va être d'assurer des logements et de mobiliser
des crédits.
En ce qui concerne les industriels, ils ont dû constater la ruine de leurs
installations, reconstituer leurs bureaux d'études, recruter de la
main-d'œuvre, établir des programmes de reconstitution, pendant que se
discute au Parlement français la loi sur les dommages de guerre qui leur
donnera la mesure dans laquelle ils pourront être assistés par l'Etat, en
attendant que l'Allemagne paie.
Ces difficultés vaincues, c'est encore du côté de la sidérurgie que les
premières manifestations de reconstitution sont constatées.
Elle est suivie immédiatement après par la Société de la Providence, et
chaque jour voit une manifestation nouvelle dans .la reprise de l'activité.
Effort financier. - Il eût été impossible aux industriels d'établir un plan
de reconstitution; il leur eût été non moins impossible d'en poursuivre la
réalisation s'ils n'avaient eu des indications au moins approximatives sur
l'importance des sommes dont ils étaient créditeurs vis-à-vis de l'Etat,
dans les conditions fixées par la loi de réparation des dommages de guerre
du 17 avril 1919.
Cette loi a consacré un principe nouveau : celui de la réparation et celui
de l'égale répartition des charges de la guerre sur tous les Français.
Ce n'est plus une indemnité que l'Etat français concède au sinistré, c'est
la consécration d'un droit à réparation qui est accordé par la loi.
Mais les réclamations des sinistrés, présentées dans des formes déterminées,
doivent être examinées par des services compétents, organisés et contrôlés
techniquement, de sorte que toute demande d'indemnité déposée entre les
mains des représentants de l'Etat, fera l'objet d'un examen minutieux, ayant
pour but de redresser les erreurs et de fixer d'une façon exacte, en partant
de documents probants, la réalité du dommage.
Parallèlement à ces services d'évaluation, ont été étendues les attributions
d'un tiers mandataire, connu sous le nom de Comptoir central d'achats
industriels pour les régions envahies, d'ailleurs créé par une loi en date
du 10 août 1917.
Etant donnée l'importance considérable, inconnue jusqu'à ce jour, des achats
à effectuer, il était de sage administration de couper court aux
spéculations, aux exagérations de prix, résultats de l'absence de
concurrence qui devait caractériser une période comme celle qui suivrait
l'armistice, durant laquelle les industries productrices étaient en nombre
limité, alors que les besoins de la reconstitution atteignaient des sommes
qu'aucun esprit pondéré n'eût osé envisager en 1914.
Le Comptoir Central d'Achats (C.C.A.), fonctionnant d'ailleurs sous le
contrôle de l'Etat, devait être l'intermédiaire normal entre les sinistrés
et les producteurs, tant de la France que de l'étranger, pour la discussion
des prix. Il a satisfait largement à sa mission, puisque, à la date de ce
jour, il a passé pour plus de 7 milliards de commandes.
Le concours financier de l'Etat ne s'est pas limité à fournir aux
industriels du matériel dont la dépense était portée à valoir sur leur
compte. Toutes les mesures financières nécessaires pour couvrir en espèces
les dépenses de reconstitution qui ne sont réglables par les sinistrés qu'en
espèces ont été prises.
Tous les travaux de reconstitution d'immeuble, tous les travaux de
réparation de matériel, toutes les dépenses d'acquisition de petit outillage
ou autres étaient réglables, d'abord au moyen de chèques, puis au moyen de
Bons de la Défense Nationale.
Enfin, devant les besoins croissants de l'industrie, des dispositions
spéciales ont été prises pour permettre la délivrance aux sinistrés de
Certificats Provisoires de dommages de guerre, basés sur une évaluation
rapide et susceptibles d'être négociés par les intéressés, ou d'être
transformés en Conventions de Paiement par Annuités à passer avec le
Ministre des Finances.
L'effort financier de l'Etat se résume ainsi qu'il suit, pour la
Meurthe-et-Moselle :
Au 1er septembre 1922 :
Avances en espèces et acomptes, environ 400 millions
Avances en nature (C. C. A.) et délégations diverses, environ 680 millions
Conventions de paiement, environ 332 millions
Soit, au total, environ 1.412 millions
Effort financier du sinistré
L'effort financier personnel du sinistré est venu heureusement compléter
l'effort financier de l'Etat, grâce aux établissements bancaires et, en
particulier, aux banques régionales.
Il a réalisé sous forme d'augmentation de capital, d'émissions
d'obligations, d'ouvertures de crédit en banque, des sommes considérables
qui n'ont été que progressivement et partiellement remboursées, de sorte
qu'en moins de trois ans la Lorraine a payé plus de trois fois le montant de
la perte subie en 1914.
Résultats
Après avoir exposé les efforts accomplis dans l'œuvre
de reconstitution, il est indiqué de montrer ce que sont les résultats
obtenus.
Ils sont consacrés dans le tableau ci-dessous :
Sidérurgie
Nombre de hauts fourneaux existant en 1914 : 83
Nombre de hauts fourneaux reconstruits en 1922 : 63
Nombre de hauts fourneaux en construction : 7
Nombre de hauts fourneaux en action : 37
Electricité.
27.000 kilowatts en 1914; 58.000 kilowatts en 1922.
Industries diverses.
En ce qui concerne les industries diverses, produits céramiques,
constructions mécaniques, cartonneries, papeteries de luxe, art, on peut
considérer que toutes ces industries sont reconstituées et ont repris leur
capacité de production dans la proportion de 60 à 90 % de la production en
1914.
L'ensemble des industries occupe environ les deux tiers du personnel
qu'elles avaient en 1914, effectif qui est en proportion avec le degré
d'avancement de l'exploitation actuelle.
Avant la guerre l'ensemble des industries de Meurthe-et-Moselle possédait un
beau domaine de logements ouvriers.
Détruits ou détériorés en même temps que les immeubles industriels, ils ont
été soit reconstruits, soit réparés, et l'on peut constater le souci qu'ont
eu les industriels de procurer à l'ouvrier un « chez-soi » assez confortable
et vaste pour qu'il s'y plaise.
Plus de casernes, plus de corons se développant en rues interminables, avec
l'aspect triste et monotone qu'on leur connaît.
Quelques chiffres montrent l'effort de reconstitution:
En 1914, on recensait 6.223 logements; à la paix, il n'en restait plus que
1.054 habitables.
Aujourd'hui, ce nombre doit être relevé de plus de 4.200 unités, de sorte
que l'on approche à l'heure actuelle du nombre de logements de 1914.
L'effort n'a pas été limité à ceci.
Sur l'inspiration de l'Office de Reconstitution industrielle, une Société
particulière à forme commerciale, au capital de 5 millions, a été créée sous
le nom de « Société Lorraine d'Habitations industrielles à bon marché » pour
faciliter l'œuvre de reconstitution des logements ouvriers industriels.
Apprentissage.
La guerre, par sa durée et par sa consommation d'hommes, a fait disparaître
un pourcentage considérable d'ouvriers spécialisés. D'autre part, pendant sa
durée, l'apprentissage a été inexistant, et si la situation s'était
prolongée, le développement normal de l'industrie aurait couru de graves
risques.
L'organisation de l'apprentissage était déjà rendue obligatoire avant la
guerre par la loi Astier ; de nombreuses institutions existaient donc.
Depuis l'armistice elles se sont développées, d'autres ont été créées.
L'enseignement technique est souvent donné à l'intérieur même de l'usine,
comme c'est le cas aux Aciéries de Longwy, aux Etablissements de Wendel, aux
cristalleries de Baccarat, aux Etablissements Perbal, à la Société des
Anciens Etablissements de Diétrich, etc.
La fondation de plusieurs institutions d'apprentissage remonte également à
plusieurs années.
Rentrent dans ce cadre : la Maison des Apprentis, le Cercle du Travail ou
encore les Cours de perfectionnement de l'Ecole primaire supérieure, qui
sont suivis chaque année par environ 400 ou 500 apprentis particulièrement
destinés aux usines de fonderies et de constructions mécaniques ou
électriques.
L'Association des Textiles, la Chambre syndicale des Maîtres imprimeurs,
auxquelles se joint le Syndicat de la Chaussure, ont également institué en
1920-1921 des cours d'apprentissage où sont donnés l'enseignement technique
et l'enseignement général.
Sur l'initiative de son président, M. Cayotte, le Syndicat des Entrepreneurs
a fondé, en novembre 1914, une école d'apprentissage du bâtiment qui n'a
cessé de fonctionner depuis lors.
Sous la pression des besoins, en novembre 1919, et à l'instigation du
ministre des Régions libérées et sur la demande de M. le Préfet de
Meurthe-et-Moselle, la direction de l'Ecole d'apprentissage du bâtiment a
organisé des cours de formation rapide dont le but était de former des
ouvriers habiles susceptibles de rendre de réels services dans les
entreprises de construction.
Mentionnons également l'Ecole de Rééducation professionnelle des mutilés de
guerre, destinée à fournir un nouveau métier aux ouvriers que des infirmités
de guerre rendent incapables de continuer celui qu'ils exerçaient avant la
guerre.
Grâce aux efforts accomplis, le nombre des apprentis s'est élevé
successivement, d'année en année, à :
950 apprentis en 1914,
706 apprentis en 1919,
1.109 apprentis en 1920,
2.017 apprentis en 1921, sans compter ceux directement et individuellement
formés par les usines.
Conclusions.
De ce qui précède, il résulte bien que la tâche de la reconstitution était
formidable.
Dès le début de la guerre, elle a préoccupé les industriels et l'Etat, mais
l'armistice et la paix révolus, elle ne pouvait être résolue que par leur
collaboration étroite.
Cette collaboration a été activement recherchée de toutes parts ; on peut
dire qu'elle a été réalisée.
Les efforts accomplis ont bien été à hauteur de la lâche: d'une part, du
côté des industriels gênés pourtant par le manque d'argent, par les effets
d'une crise néfaste et sans précédent, par le manquement des Allemands aux
engagements qu'ils avaient pris en ce qui concerne les payements en espèces
et la livraison des cokes; d'autre part, du côté de l'Etat qui a multiplié
les moyens financiers au maximum pour permettre à la France de faire honneur
à l'engagement qu'elle a solennellement pris le 17 avril 1919 vis-à-vis du
sinistré.
L'oeuvre approche de son terme.
Mais l'état de 1914 rétabli, nous serons encore en retard vis-à-vis de nos
anciens ennemis, qui possédaient à l'armistice tous leurs moyens de
production intacts, qui les ont accrus et perfectionnés, non seulement
pendant la guerre, mais encore depuis la paix.
Le chef du 66 Secteur de la Reconstitution industrielle
LIRON.
La Reconstitution des Immeubles
bâtis
En l'année 1919, les deux buts principaux de la
reconstitution ont été de réparer les immeubles susceptibles de l'être et
d'élever un certain nombre de baraquements de façon à pouvoir faire rentrer
dans les communes sinistrées le plus possible de leurs habitants qui
étaient, pendant la guerre, disséminés aux quatre coins de la France. Le but
poursuivi fut largement atteint, car à la fin de l'année 1919 les trois
quarts de la population de Meurthe-et-Moselle, chassée par la guerre, avait
pu réintégrer son ancien territoire et avait retrouvé, sinon son foyer
entièrement reconstitué, tout au moins un toit lui permettant de revivre sur
le territoire de ses ancêtres.
En 1921, la plupart des réparations étant déjà effectuées, le gros effort de
la reconstitution porta sur la reconstruction proprement dite et le
département de Meurthe-et-Moselle étant favorisé par la facilité de trouver
à Nancy et dans les sous-préfectures un noyau compétent d'architectes et
d'entrepreneurs, le nombre des immeubles édifiés à la fin de 1921 fut de
2.200, chiffre qui représentait environ 40 % de la reconstitution
définitive.
Dans l'année 1922, l'effort fut plus considérable encore, et nous estimons
qu'à la fin de décembre il ne restera plus en Meurthe-et-Moselle que
quelques immeubles agricoles à reconstituer et la partie moins pressante des
édifices urbains. L'année 1922 vit aussi se former deux coopératives fort
intéressantes, celle des mairies écoles et celle des églises, et dont les
effets dans la reconstruction de ce genre d'édifices furent immédiatement et
extrêmement précieux et efficaces.
Au point de vue spécial de la reconstruction, le Syndicat des Entrepreneurs
de Meurthe-et-Moselle, présidé par M. Simon, a procédé à l'étude de
nombreuses questions techniques et financières, en collaboration étroite
avec les services du Ministère des Régions libérées et l'Union des
Coopératives de reconstruction. L'œuvre entreprise a été féconde en
résultats pratiques (rapidité des paiements, élaboration de marchés types,
fixation périodique des coefficients, emploi de la main-d'œuvre étrangère,
etc., etc.).
A noter et à encourager l'école d'apprentissage du bâtiment, installée dans
l'immeuble du Syndicat, 24, rue du Haut-Bourgeois, et qui rend actuellement
à l'entreprise des services très appréciés.
Un hommage tout particulier doit être rendu à M. Bègue, le sympathique
préfet de la Meuse, pour le labeur intense qu'il a fourni à la
reconstruction de notre cher département, et ajoutons qu'il a trouvé en M.
Martelli notre nouveau secrétaire général à la reconstitution, un successeur
extrêmement aimable, lequel mènera sûrement à bonne fin l'œuvre immense de
restauration de notre beau département, œuvre dirigée de main de maître par
notre aimé et distingué préfet, M. Duponteil.
Victor CHAIZE, Conseiller général.
La Reconstruction des Villages
Lorrains Dévastés
En travaillant à la reconstitution des
villages lorrains, on a voulu que, de leurs maux immenses, il puisse sortir
quelque bien : il ne suffit pas de refaire ce qui a été détruit, il faut
faire mieux qu'avant. La besogne était considérable : dans ces marches de
l'Est, où les guerres dévastatrices se sont succédées tout le long de
l'histoire, les villages avaient gardé en quelque sorte un aspect défensif,
resserré, d'une pauvreté sévère. Les maisons étaient privées d'air et de
lumière, dénuées de cours et de dégagements. La plupart des localités
manquaient d'eau en été. Dans l'ensemble des campagnes lorraines, on ne
disposait pas du courant électrique, qui fait les logis clairs et gais, qui
facilite tous les travaux et peut remplacer les bras manquants.
Partout, à l'heure actuelle, l'effort s'est dessiné et les résultats
apparaissent. Les plans des villages reconstruits ont été remaniés,
assouplis, dégagés. Les maisons nouvelles ont la même importance que les
anciennes (et c'est la base même de la loi de réparation des dommages) mais
elles sont mieux disposées, hygiéniques et avenantes, bien adaptées aux
besoins pratiques de la culture.
Dans tout le département de Meurthe-et-Moselle, les ressources en eau
potable ont été recensées, classées, distribuées.
En même temps, des réseaux électriques se dessinent pour alimenter tous les
villages dispersés dans les; plaines ou sur les plateaux lorrains.
Problème nouveau, d'une importance capitale, mais d'une solution difficile.
On ne peut plus se passer de l'électricité à la campagne. On a besoin de
cette lumière, la plus saine, la plus commode, la plus économique, pour
vivre convenablement les longues soirées d'hiver, pour travailler aisément
dans tous les locaux. On a besoin de cette force, la plus souple et la plus
rustique, pour actionner tous les appareils de la ferme et demain peut-être
tous les treuils de labourage dans les champs. Mais il faut construire des
lignes étendues, coûteuses, et la consommation d'électricité au village sera
toujours très faible en regard de celle que réalisent la ville et
l'industrie. Besoin urgent, disent les agriculteurs; mauvaise clientèle,
répondent les fournisseurs d'électricité : il faut accorder ces intérêts
divergents. Les Lorrains ont su résoudre déjà une grande partie du problème.
Des réseaux sont construits qui intéressent près de cent communes. D'autres
réseaux se préparent qui alimenteront encore quatre à cinq cents localités.
Les moyens financiers ont été fournis par un effort collectif digne de
remarque : tantôt c'est un emprunt couvert par l'ensemble des habitants
intéressés, tantôt il s'agit d'une maison détruite qui, pour divers motifs,
ne peut être reconstruite et dont on s'accorde l'indemnité pour affecter à
l'utilité de tous, conservant ainsi dans la localité un élément de sa
richesse d'autrefois.
Peu à peu les villages se transforment; les bâtiments communaux, les rues,
les carrefours sont maintenant éclairés à la lumière électrique. Toutes les
habitations s'illuminent le soir pour accueillir les travailleurs qui
reviennent des champs : peut-être y a-t-il là un élément susceptible de
maintenir ou de ramener à la terre certains de ceux qui cherchaient en ville
une existence moins rude. Tous les agriculteurs étudient les applications
utiles du moteur électrique : appareils de laiterie, appareils pour la
préparation des aliments du bétail, pour la conservation et le nettoyage des
grains, pompes, scies à bois, petits ateliers de réparation, appareils de
manutention mécanique des récoltes, etc... Les milieux agricoles se sont
très vivement intéressés aux démonstrations de labourage par treuil
électrique qui se sont effectuées, en 1921, à la ferme de Sébastopol, près
de Toul : la solution technique est désormais acquise à ce sujet, il reste à
en préparer l'application par l'association des cultivateurs et surtout par
le remembrement des champs.
R. PRÉAUD,
Ingénieur en chef du Génie rural.
L'Entreprise VALLY GROSJEAN & Cie
A NANCY
Succursales :
SOISSONS (Aisne) 39. Rue Mahieu. Tél.: 3-04
SARREBRUCK (Sarre) 24, Kanalstrasse. Tél.: 17-40
CHATTANCOURT (Meuse) Tél. N° 1
AUDUN-LE-ROMAN (Meurthe-et-Moselle) T. N° 3
LA PLACE DE L'ÉGLISE D'AUDUN-LE-ROMAN EN 1920. - AVANT LA RECONSTRUCTION
LA MÊME PLACE D'AUDUN-LE-ROMAN EN 1921
Société en nom collectif constituée en septembre 1919 au capital de 400.999
francs, ayant pour objet de continuer l'entreprise de M. Valli Louis, l'un
des associés.
A exécuté, depuis cette date, des travaux industriels et privés pour 35
millions environ et notamment :
1° Aux Fonderies de Pont-à-Mousson, aux Aciéries de Micheville, aux Aciéries
de Dieulouard, aux Aciéries de Pompey, aux Forges et Aciéries du Nord et de
l'Est, aux Laminoirs de Frouard, à la Cartonnerie de Nancy, à la Compagnie
Lorraine d'Electricité, aux Blanchisseries de Thaon, aux Mines de Sarre et
Moselle, aux Mines de la Houve, etc., où elle a construit des hauts
fourneaux, appareils Cooper, chaudières, cheminées, fours Martin, bâtiments
en maçonnerie et béton armé, des Cités ouvrières, d'employés et d'ingénieurs
(Entreprise générale).
2° Dans les régions libérées, la reconstruction des villages
d'Audun-le-Roman, en Meurthe-et-Moselle; de Marre, Chattancourt, Esnes,
Montzeville et Malancourt, dans la Meuse ; Beautor, Saint-Erme et
Mont-du-Croc, dans l'Aisne.
3° Dans la Sarre, la construction de 200 maisons d'ouvriers, d'employés,
d'ingénieurs de toutes espèces de bâtiments industriels, de routes, de
canalisations, etc., pour l'Administration des mines domaniales à Sarrebruck
(Ministère des Travaux publics).
4° A Nancy, Soissons et diverses localités, des maisons particulières
(Entreprise générale).
LA PLACE DE L'ÉGLISE D' AUDUN-LE-ROMAN EN 1922
FRANCE LANORD & BICHATON
Entreprise Générale de Constructions Industrielles el de Travaux Publics
5, Quai Isabey, à NANCY - SUCCURSALE à
BAR-LE-DUC : 55, Rue de Saint-Mihiel
La Maison France Lanord et Bichaton, fondée en 1865, après avoir édifié de
nombreuses grandes cheminées d'usines, chaudières à vapeur de tous systèmes,
massifs de machines, etc..., s'est rapidement spécialisée dans la
construction d'usines et de bâtiments industriels.
DERRICKS AMÉRICAINS DE 29 M. ET DE 23 M. DE PORTÉE
Son développement a suivi l'essor des différentes industries qui, depuis
1870, se sont agrandies ou installées dans l'Est de la France.
Enumérer les Etablissements qui ont été, soit transformés, soit construits
entièrement par les soins de MM. France Lanord et Bichaton, nous conduirait
à citer une grande partie des industries dont notre région s'enorgueillit à
juste titre ; nous indiquerons simplement ceux qui comportent des ouvrages
délicats pour lesquels une longue expérience, complétée par une
documentation exceptionnelle, s'ajoute à toutes les garanties offertes aux
industriels soucieux d'édifier rapidement des constructions bénéficiant des
derniers progrès connus dans l'art de bâtir.
LE CHATEAU VARIN-BERNIER A BAR-LE-DUC
Les architectes et ingénieurs de notre région ont toujours trouvé dans ces
entrepreneurs les collaborateurs les plus dévoués et les plus actifs.
CONSTRUCTION DE LA PRÉFECTURE DE LA MEUSE
Dans l'industrie du sel, une des plus anciennes de notre région, nous
pouvons citer en premier lieu : la construction à différentes époques, de la
Soudière de la Madeleine, appartenant à MM. Marchéville-Daguin et Cie; la
construction des Salines de Châtillon-le-Duc, des Salines de Maixe, des
Salines de Bosserville, des Salines de Tomblaine, ainsi que de très
importants travaux aux Soudières de la Compagnie de Saint-Gobain, Chauny et
Cirey de Varangeville.
L'industrie brassicole, qui groupe dans l'Est les plus belles et les plus
importantes brasseries de France, est représentée principalement par les
Brasseries et Malteries de Champigneulles, les Brasseries Réunies de
Maxéville, les Brasseries et Malteries Tourtel, de Tantonville; les
Brasseries et Malteries Moreau, à Vézelise; les Brasseries de la Meuse, à
Bar-le-Duc; la Brasserie de Xertigny; les Malteries de la
Croix-de-Bourgogne, à Nancy; les Malteries Adrien, à Nancy; Poirot. à
Pont-à-Mousson, etc.. etc... De nombreuses, industries annexes relevant de
la Brasserie pourraient s'y ajouter, telles que la Société des Glacières de
l'Est et Fabrique d'Acide carbonique, à Nancy.
DRAGUE A VAPEUR
PELLE A VAPEUR, GOD DE 1 m50
Dans la métallurgie lorraine, la Compagnie des Forges de Châtillon-Commentry
et Neuves-Maisons, la Société des Forges et Aciéries de Montataire à
Frouard, MM. les Petits-Fils de F. de Wendel, MM. Gouvy et Cie, maîtres de
forges à Dieulouard, ont confié à l'entreprise France Lanord et Bichaton la
construction de différentes parties de leurs établissements.
Les usines de constructions électriques et mécaniques de la région de Nancy
comptent parmi les plus modernes et les mieux outillées : La Compagnie
Générale Electrique de Nancy et Frouard, la Société des Constructions
Electriques de Nancy, les Anciennes usines de M. Fabius Henrion à Nancy,
Jarville, Pagny-sur-Moselle, Saint-Dié; la Société Mécanique Moderne, à
Nancy; la Société Strasbourgeoise de Constructions mécaniques, à Lunéville,
etc.. ont été édifiées pour la plus grande partie, sinon totalement, par la
grande Entreprise Nancéienne, ainsi que les Stations centrales pour la
Compagnie Générale d'Electricité, la Compagnie Lorraine d'Electricité, la
Compagnie Générale Française de Tramways suburbains, à Nancy; la Compagnie
des Tramways de Gérardmer, la Station Hydro-Electrique de Millery, etc...
LE CHATEAU D'EAU DE LA VILLE DE NANCY
BUREAUX DE L'ENTREPRISE A NANCY
Les mines de fer du bassin de Briey sont représentées par deux des sièges
les plus complets et les mieux agencés de Meurthe-et-Moselle ; la Société
des Mines d'Amermont et la Société des Mines de Sain t-Pie ri-e mont, qui
peuvent passer pour des installations modèles à différents points de vue.
Dans l'industrie textile, nous pouvons citer : la Société Cotonnière de
Mirecourt, les Etablissements Bechmann, à Val-et-Châtillon; les Filatures
Marchal, à Lunéville; MM. les Fils d'Emmanuel Lang, à Jarville; MM. Gauthier
et Cie, à Golbey; les Filatures de Saint-Nicolas-du-Port; M. Guinand, à
Nancy, etc...
Parmi les industries diverses, nous relevons : The Ook Extract Company à
Zupange (Yougo-Slavie), usine de distillation de bois; l'usine des Ciments
Portland, de Pagny-sur-Meuse, MM. Poliet et Chausson; les belles usines de
Pâtes alimentaires, de MM. Ferrand-Renaud, à Nancy; celles du Chocolat
Stanislas, à Nancy; les usines de MM. Majorelle frères, ainsi que leurs
nouveaux et superbes établissements de Nancy; une grande partie des Magasins
Réunis, a Nancy, malheureusement détruits pendant la guerre; les Magasins de
la Belle Jardinière, à Nancy, de très nombreuses maisons ouvrières et des
habitations à bon marché, etc., etc...
A côté de ces travaux industriels, pourrait se trouver placée une liste non
moins importante de constructions particulières ou municipales; nous
n'indiquerons que les Principales :
Théâtre Municipal de Nancy ;
Hôtel des Postes de Nancy ;
Hôtel des Postes de Poitiers (béton armé) ;
Hôtel de la Préfecture de la Meuse ;
Hôpital de Bar-le-Duc ;
Hôpital de Commercy ;
Château Varin-Bernier, à Bar-le-Duc ;
Banque de France à Nancy, Bar-le-Duc et Saint-Dizier ;
Société Nancéienne de Crédit Industriel et de Dépôts (Nancy, Pont-à-Mousson
et Longwy) ;
Crédit Lyonnais à Nancy et Bar-le-Duc ;
Banque d'Alsace et de Lorraine, etc.
Enfin, les travaux publics et les constructions du Génie militaire ajoutent
une série de travaux considérables à cette liste pourtant très incomplète;
mentionnons simplement :
Les casernes d'artillerie Brichambeau, à Nancy ;
Les nouvelles casernes d'Essey-lesNancy, de Bar-le-Duc, de Lérouville, de
Chevert et de Bevaux à Verdun, la nouvelle Manutention militaire de Verdun,
celle de Toul, les silos à grains de la place de Verdun, les centres
d'aviation de Nancy, Bar-le-Duc, Commercy, etc.
Parmi les travaux publics, citons, pour terminer : le Canal du Nord à Noyon
(Oise), la Digue de Champagney (Haute-Saône) et la Compagnie des Chemins de
fer de l'Est.
A côté de ces travaux, l'entreprise exploite près de Nancy une immense
ballastière, reliée au Canal et au Chemin de fer, qui fournit à la
construction les sables et graviers siliceux employés par grandes quantités.
L'Entreprise France Lanord et Bichaton a été une des premières en France à
généraliser l'emploi du béton armé. Ses références relatives à ce procédé de
construction sont innombrables, et les premières remontent à 1898. Citons en
passant, comme ouvrages remarquables : le château d'eau monumental de la
ville de Nancy (1.000 mètres cubes de capacité sur tour de 30 mètres de
hauteur) ; la cuve étanche sous la scène du théâtre de Nancy, vaste ouvrage
de 30 mètres de longueur, 19 mètres de largeur et fondé dans une nappe
liquide de 5 mètres de profondeur; le silo à soude de la Compagnie de
Saint-Gobain à Varangeville ; l'accumulateur à minerai de la Compagnie des
Forges et Aciéries du Nord et de l'Est, à Piennes; de nombreux ponts,
planchers et ouvrages les plus divers.
De plus, ce qui a caractérisé l'action le cette Maison importante, pendant
les vingt dernières années, est, sans contredit, l'exemple souvent audacieux
des applications des procédés de construction les plus modernes et les plus
perfectionnés, cela grâce à un outillage unique, en grande partie américain.
C'est, en effet, aux Etats-Unis que cette Entreprise a étudié les méthodes
et le matériel spécial employés pour l'édification rapide des grands
édifices américains.
Elle les a adaptés avec succès aux constructions de notre pays, et il faut
reconnaître qu'elle a fait réaliser ainsi un immense progrès à l'entreprise
française.
C'est elle qui a importé et généralisé en France l'emploi des pelles à
vapeur, des derricks à grande portée, les sonnettes à vapeur ou à air
comprimé ultrarapides, etc...
Enfin, pendant la guerre, elle a inventé et réalisé les charpentes
suspendues à très grandes portées, dont l'emploi s'est généralisé pour les
très grands hangars d'aviation et qu', dans le domaine industriel, par leur
légèreté et leur prix de revient économique, peuvent rendre les plus grands
services partout où les points d'appui doivent être aussi peu nombreux que
possible.
Depuis l'Armistice, l'activité de l'Entreprise s'est portée sur la
reconstruction de nos régions dévastées. Elle était probablement la seule à
avoir déjà fait, avant la guerre, l'expérience de la reconstruction d'un
village avec le concours d'une Société Coopérative ; nous voulons parler de
la reconstruction du village de Juvigny (Marne) dévasté par les inondations
de 1910.
A l'heure actuelle, elle termine la reconstruction de dix villages en
Meurthe-et-Moselle, de quinze autres dans la Meuse, et de trois communes
dans la Marne.
En octobre dernier, elle a édifié en quelques jours le monument du Carrefour
de l'Armistice, offert par le Matin et c'est sur cette glorieuse évocation
que nous terminerons cet exposé sommaire des principaux travaux dus à
l'activité de cette entreprise lorraine.
Les Coopératives de reconstruction
de Meurthe-et-Moselle
La plupart des villages lorrains dévastés
par la guerre et évacués pendant quatre ans reprirent vie aussitôt après
l'armistice.
Fidèle à sa promesse de rendre leur prospérité aux sillons sanctifiés par le
sang de nos héroïques défenseurs et de réparer les dommages causés par la
guerre, le Gouvernement français encouragea et facilita le retour des
évacués. Le service des travaux de première urgence installa des baraques
provisoires pour les habitants, les exploitations agricoles, le
rétablissement de la vie municipale, religieuse et scolaire. Sous l'égide de
la Croix-Rouge, des Comités alimentés par des subsides officiels et la
générosité américaine assurèrent le ravitaillement des malheureux que la
guerre avait privés de tout.
Pendant que le Parlement établissait la charte de réparation des dommages de
guerre, qui devint la loi du 17 avril 1919, les sinistrés, dont les épreuves
avaient galvanisé le courage, mesuraient l'immensité de l'œuvre de la
reconstitution.
Par l'opiniâtreté de son labeur et la seule force de ses bras, le paysan
pourrait remettre en état ses terres ravagées; grâce aux avances de l'Etat,
il reconstituerait son cheptel et son matériel, il se procurerait un
mobilier sommaire. Mais en face des villages en ruines, les plus hardis
étaient désemparés. Avant que les dommages fussent évalués et les indemnités
fixées, l'Etat offrait des avances pour les travaux les plus urgents. Assuré
des ressources nécessaires pour relever sa maison, où le sinistré allait-il
trouver la main-d'œuvre et les matériaux nécessaires ? Les entrepreneurs
hésitent à s'engager, à installer des chantiers et à faire des
approvisionnements sans savoir quelle sera l'importance des travaux et
surtout quand et de quelle façon ils seront payés. Ici plus que jamais «
l'union fera la force »; en donnant confiance aux sinistrés et en assurant
aux entrepreneurs une clientèle importante, les coopératives de
reconstruction auront accompli le miracle de relever les villages de
Meurthe-et-Moselle en moins de temps qu'il n'en aura fallu pour les
détruire.
Ce fut M. Lebrun, ministre du Blocus et des Régions libérées, qui, en
janvier 1919, envisagea le premier, dans un discours à la Chambre des
Députés, la coopérative de reconstruction pour le relèvement des immeubles
dévastés. La diffusion et la vulgarisation de cette idée sont encore l'œuvre
d'un Lorrain à qui son passé, sa puissance d'organisation, son expérience
des questions ouvrières et des habitations à bon marché donnaient le crédit
indispensable pour prêcher la socialisation du relèvement des maisons
détruites par la guerre. Avec les encouragements de ses supérieurs et le
haut appui de la Préfecture de Meurthe-et-Moselle, qui met une automobile à
sa disposition, M. le chanoine Thouvenin entre aussitôt en campagne; le 18
février 1919, il fonde la première coopérative de reconstruction à Norroy-les-Pont-à-Mousson
; pour le 30 avril suivant, il avait visité 45 villages et formé autant de
groupements. Les chefs du service préfectoral de la reconstruction
développent le mouvement. A la date du 31 décembre 1919, le département de
Meurthe-et-Moselle comptait 179 coopératives. Actuellement, elles sont au
nombre de 207, groupant 228 communes, c'est-à-dire tous les villages et
presque toutes les villes ayant des dévastations importantes. A ce nombre,
nous devons ajouter la coopérative de reconstruction des églises du diocèse
de Nancy et celle des mairies et écoles du département de Meurthe-et-Moselle
; leurs adhérents sont les communes, propriétaires légales des édifices
civils et cultuels. Grâce à l'esprit d'initiative et à l'activité de leurs
dirigeants, ces deux Sociétés sont en pleine réalisation et en moins de deux
ans elles auront terminé leur programme.
Les statuts adoptes partout sont ceux qui ont été proposés par le ministère
des Régions libérées et les coopératives reçurent à leur naissance la forme
de Sociétés civiles. L'expérience a vite démontré l'insuffisance légale de
ces organismes et deux lois successives des 15 août 1920 et 12 juillet 1921
ont donné aux coopératives de reconstruction l'armature robuste toute
spéciale qui leur était indispensable.
La coopérative prend en mains les intérêts de ses adhérents; elle a un
architecte pour faire l'évaluation des dommages, dresser les projets de
construction, surveiller les travaux et un entrepreneur pour les exécuter.
Moyennant un mandat de gestion, elle se substitue au sinistré pour toutes
les formalités et démarches. En centralisant tous les dossiers et en
groupant toutes les demandes dans un bordereau unique, la coopérative
simplifie aussi le travail des bureaux de la Préfecture, ainsi que des
Commissions cantonales et réduit à son minimum la tâche administrative et
contentieuse des architectes et des entrepreneurs.
Personne ne s'illusionnait sur les capacités limitées d'un certain nombre de
Conseils d'administration. C'est pourquoi, dès le mois de juin 1919, les
coopératives furent groupées en Union départementale, dont l'action a été de
tout premier ordre tant auprès des Sociétés adhérentes qu'à l'égard des
Pouvoirs publics. Maintes initiatives heureuses furent prises et des
améliorations opportunes, inspirées par l'expérience, obtenues par des
démarches du président de l'Union au ministère des Régions libérées.
Toujours en collaboration étroite et confiante avec les représentants
départementaux des services de la reconstitution, le Conseil
d'administration de l'Union des coopératives se plaît à louer leur
intelligente activité et leur patriotique dévouement à la cause des
sinistrés. C'est ce qu'affirmait, dans un langage expressif, M. Charles
Reibel, ministre des Régions libérées, présidant l'Assemblée générale de
l'Union des coopératives de Meurthe-et-Moselle : « La collaboration de la
préfecture et de l'Union est le symbole de la splendide cohésion qui a
permis l'accomplissement de votre œuvre. C'est d'un même cœur que vos
sénateurs et vos députés, le Conseil général et l'administration
préfectorale, le clergé et les municipalités, le Syndicat des entrepreneurs
et la Société centrale d'agriculture ont apporté leur concours à la tâche
sacrée de la reconstitution du pays. »
Tout commentaire du bilan magnifique des coopératives de reconstruction de
Meurthe-et-Moselle pâlirait en regard de l'éloquence des chiffres. Compte
fait des travaux en cours et virtuellement terminés, les coopératives ont
réparé 21.000 maisons plus ou moins endommagées, construit 3.500 bâtiments
agricoles,. 5.000 maisons d'habitation. Ces travaux représentent la somme de
600 millions. Pour couvrir ces dépenses, les coopératives ont reçu de l'Etat
550 millions, 10 millions de cessions en nature et 40 millions sur l'emprunt
de 90 millions contracté récemment par le Conseil général de
Meurthe-et-Moselle. Sur cet emprunt, la coopérative des mairies et écoles a
reçu 8 millions et celle des églises 10 millions; ce dernier groupement
avait déjà fait en 1921 un emprunt de 15 millions.
En résumé, les coopératives de Meurthe-et-Moselle ont actuellement accompli
les trois quarts de leur tâche et si les ressources de l'exercice prochain
sont en rapport avec celles de 1921 et 1922, leur œuvre sera finie en 1923.
80 ont déjà terminé. L'une d'elles, grâce à l'audace de ses dirigeants et à
l'activité de son architecte et de son entrepreneur, avait totalement
reconstruit en 1921 les 160 maisons d'un village dont la population compte
actuellement 50 habitants de plus qu'en 1914. Ce fut l'occasion d'une fête
magnifique, célébrée le 3o octobre 1921, sous la présidence de M. Duponteil,
préfet de Meurthe-et-Moselle, qui, en même temps, posa la première pierre de
l'église bénite par Mgr de la Celle, évêque de Nancy.
Est-il façon plus saisissante de réfuter les misérables qui ont accusé la
France de s'opposer au relèvement de ses ruines, afin d'exciter la pitié de
l'humanité.
Abbé P. FIEL,
Secrétaire général de l'Union des Coopératives de Reconstruction de
Meurthe-et-Moselle.
La Coopérative de Reconstruction des
Eglises du Diocèse de Nancy
La Coopérative de Reconstruction des
églises du diocèse de Nancy (qui a les mêmes limites que le département de
Meurthe-et-Moselle) fut constituée le 15 mars 1921. L'idée en avait été
lancée le 16 janvier précédent par Mgr de La Celle, évêque de Nancy, dans
une grande réunion publique, à la salle Poirel. Avec les encouragements de
son évêque, M. le chanoine Thouvenin, l'apôtre des coopératives de
reconstruction, démontra qu'il était de l'intérêt général que la
reconstruction des églises ne fût pas retardée. Assurément la sollicitude
des Pouvoirs publics devait avant tout rétablir la vie économique, en
reconstituant les exploitations agricoles et industrielles. La proposition
faite aux municipalités permettait précisément la reconstruction immédiate
des églises sans faire appel momentanément aux paiements de l'Etat : on
grouperait en coopérative diocésaine les communes des églises détruites;
chacune déléguerait à la Coopérative son indemnité cultuelle immobilière, et
moyennant une convention avec les ministres des Régions libérées et des
Finances, qui garantiraient le paiement de ces indemnités en trente annuités
et en paieraient les intérêts à 6 %, on ferait un emprunt. M. le Préfet de
Meurthe-et-Moselle approuva pleinement ce projet; les maires y adhérèrent à
l'unanimité, et le 19 juillet 1921 un emprunt de 15 millions était lancé par
les comptoirs financiers de Nancy en faveur de la reconstruction des églises
dévastées du diocèse de Nancy; il fut vite couvert par les seules
souscriptions de Meurthe-et-Moselle. Pour assurer les frais généraux de cet
emprunt l'évêque de Nancy faisait un appel à la générosité publique, qui
produisit 300.000 francs dont 25.000 de Sa Sainteté le Pape Benoit XV. Afin
d'augmenter ses disponibilités le Conseil d'administration de la Coopérative
a pris une participation de 10 millions dans l'emprunt de 90 millions
contracté en 1922 par le Conseil général pour hâter la, reconstitution
immobilière en Meurthe-et-Moselle.
Les résultats ne se sont pas fait attendre; tout d'abord le Bureau de la
coopérative organisa la procédure nécessaire pour arriver à la fixation de
l'indemnité, qui d'après l'art. 12 de la loi du 17 avril 1919 consiste dans
les sommes nécessaires à la reconstruction d'un édifice présentant le même
caractère, ayant la même destination, la même importance et offrant les
mêmes garanties de durée que l'immeuble détruit. Une Commission des
Monuments religieux et le Comité départemental des Bâtiments civils
veillèrent au respect de ces prescriptions en étudiant les projets et les
devis d'après lesquels devaient statuer les Commissions d'évaluation des
dommages.
L'activité de la coopérative ne tarda pas davantage à se manifester par des
travaux. Le 30 octobre 1921, au milieu de l'allégresse de la population d'Ancerviller,
qui fêtait la reconstruction de toutes les maisons du village, M. Duponteil,
préfet de Meurthe-et-Moselle, posait la première pierre de l'église de cette
commune que bénissait Mgr l'évêque de Nancy. Une cérémonie analogue avait
lieu le même jour à Halloville. L'année 1922 vit maintes fêtes du même
genre.
Le nombre des églises à reconstruire par la coopérative est de 83. Deux sont
déjà complètement restaurées, Clémery et Sainte-Geneviève. Au 31 décembre
1922 sept seront livrées au culte, 16 seront à hauteur de toiture ou
couvertes, 12 au niveau de l'appui des fenêtres ; sur 17 chantiers on n'a pu
faire que la maçonnerie des fondations. Les autres églises seront seulement
commencées au printemps prochain. A l'allure actuelle des travaux il n'est
pas téméraire de présumer que pour le 31 décembre 1923 la plupart des
églises de Meurthe-et-Moselle seront complètement reconstruites.
ENTREPRISE J. VERDIN
17, Rue de la Bienfaisance - PARIS
JAULNY - ASPECT DU VILLAGE RECONSTRUIT
Cette entreprise constituée par M. J. Verdin, aussitôt après les hostilités,
s'est attachée, depuis 1919, à la réalisation d'un large programme de
travaux publics et de travaux d'Etat.
Son effort s'est naturellement porté vers les Régions libérées où elle a eu
comme principaux clients : les Ponts-et-Chaussées, la Compagnie du Chemin de
fer du Nord, les Sociétés de Reconstruction et les Mines.
Grâce à son organisation et à son personnel technique. M. Verdin a ainsi
réuni les commandes principales suivantes :
Ponts-et-Chaussées :
travaux de routes, travaux de ponts, carrières Fr. 30.000.000
Compagnie du Chemin de fer du Nord :
Reconstruction du Dépôt principal d'Hirson, reconstruction de gares
20.000.000
Reconstruction de cités l0.000.000
Mines de Béthune et Cie de Fives-Lille :
Reconstruction de cités 7.000.000
Travaux de coopératives :
Dans la Somme, l'Aisne, la Meurthe-et-Moselle 40.000.000
Le montant actuellement exécuté est de Fr. 80.000.000
Le siège de l'entreprise dans le département de Meurthe-et-Moselle a été
Thiaucourt, ville rendue célèbre par les attaques des Américains en 1919.
L'activité s'est portée sur la reconstruction totale de cette ville, et sur
celle de deux villages annexes : Jaulny et Rembercourt.
Le montant total des travaux exécutés dans ces lieux s'élève, à l'heure
actuelle, à 7 millions de francs.
L'entreprise J. Verdin a actuellement en vue, pour l'année 1923, des
programmes très importants auprès des principaux services publics.
JAULNY LA PLACE COMMUNALE ET L'ÉGLISE RECONSTRUITES
LA RECONSTITUTION SCOLAIRE ET LA
COOPÉRATIVE DE RECONSTRUCTION DES ÉCOLES PUBLIQUES ET MAIRIES
Au lendemain de l'armistice, il y avait,
dans les régions dévastées du département de Meurthe-et-Moselle :
143 écoles assez sérieusement endommagées;
102 écoles ayant subi des dégâts très importants;
116 écoles complètement détruites ou pouvant être considérées comme telles.
Le première effort consista à faire fonctionner, dans le plus court délai
possible et partout où cela était désirable, les Services de l'enseignement
public. Ce fut l'oeuvre de 1919.
Des classes provisoires étaient installées soit dans des locaux qui
n'avaient pas été trop endommagés et purent être rapidement restaurés, soit
dans des baraquements en matériaux légers : briques, planches, carton
bitumé, tôles ondulées.
Pendant le même temps, la fabrication du mobilier scolaire était assurée par
les Services centraux de la Reconstitution. Le matériel d'enseignement était
fourni gratuitement par le Ministère de l'Instruction publique ou par les
écoliers des régions non dévastées, qui étaient heureux d'aider ainsi leurs
condisciples des « écoles filleules ».
Grâce à ces concours, des classes fonctionnaient partout à la fin de 1919.
LA NOUVELLE ÉCOLE DE GOGNEY. On répara, dès 1920, les écoles très sérieusement atteintes, et ces travaux,
qui équivalaient parfois à une reconstruction presque complète, furent
terminés, à peu près partout, au milieu de 1921.
Parallèlement, la reconstitution des locaux agricoles ou industriels et des
bâtiments d'habitation avait progressé à grands pas dans le département. Il
fut donc possible, dès septembre 1921, de penser à la réédification totale
de 116 écoles ou mairies-écoles.
C'est alors que M. le préfet suggéra aux municipalités des communes
intéressées de créer une « Coopérative de Reconstruction des Ecoles
publiques et Mairies de Meurthe-et-Moselle ». Ce qui fut fait à l'Assemblée
générale constitutive du 8 octobre 1921 : le Conseil d'administration était
composé de huit maires sinistrés, et la direction fut confiée à un
inspecteur de l'enseignement primaire.
Cette Coopérative avait mandat des municipalités pour agir en leur nom.
Alors que ces dernières étaient surmenées par les autres tâches de la
reconstitution locale, elle allait pouvoir centraliser et accélérer l'œuvre
de la restauration scolaire définitive.
En complet accord avec les services préfectoraux, une procédure spéciale,
rapide et simplifiée, fut étudiée et instituée pour l'évaluation des
dommages et l'approbation des plans. A l'Assemblée générale du 16 janvier
1922, les instructions nécessaires furent données en vue de la réalisation
immédiate du programme. Peu de temps après, toutes les communes qui devaient
reconstruire leurs locaux de classe ou de mairie avaient adhéré à la
Coopérative : celle-ci se voyait confier la réédification totale de 116
écoles ou mairies-écoles.
Les premiers mois de l'année furent consacrés à l'établissement des projets
et à l'accomplissement des formalités administratives. Aussitôt que
celles-ci étaient achevées, les travaux étaient commencés. Au mois d'août
1922, ce travail préparatoire était terminé pour l'ensemble du département :
les marchés avec les entrepreneurs étaient tous conclus.
La Coopérative, prévoyant qu'elle pourrait dépenser plus que les fonds
promis par l'Etat, participa à l'emprunt départemental, ce qui lui permit de
ne pas ralentir son œuvre.
En novembre 1922 :
Une douzaine des nouvelles écoles sont ouvertes et les enfants y sont reçus
;
Les quatre cinquièmes des autres bâtiments sont déjà couverts ou le seront
avant la fin de l'année; l'installation intérieure sera faite pendant
l'hiver et ils pourront être utilisés dès Pâques 1923; les derniers - moins
d'une vingtaine - retardés en raison de leur importance exceptionnelle ou de
difficultés spéciales, seront néanmoins terminés, selon toutes probabilités,
en octobre 1923.
Mais la Coopérative a voulu faire davantage. Elle a eu l'ambition de
profiter de la reconstruction des écoles pour les améliorer au double point
de vue de l'hygiène et de l'enseignement, d'installer des
lavabos-vestiaires, des bains-douches, des bibliothèques, des salles de
travaux ménagers et d'exercices manuels.
Dans ce but, elle a créé une œuvre qui porte le beau nom « Les Amis des
Ecoles de Meurthe-et-Moselle » et a déjà recueilli les sommes nécessaires.
Parmi les généreux donateurs, il faut citer le Comité Californien (Mrs. W.
Crocker et Miss Polke, devenue Mme de Buyer), le French Restoration Fund
(Mme Sartoris), le War Orphean Committee d'Indianapolis (Mme Swift) et les
Association-, françaises de « L'Ecole pour l'Ecole », de « L'Hygiène par
l'Exemple », de « L'Armoire Lorraine ».
L'oeuvre « Les Amis des Ecoles de Meurthe-et-Moselle » est dès maintenant
assurée d'apporter à toutes les écoles reconstruites les améliorations
projetées. Un programme spécial pour chaque bâtiment est à l'étude. Il sera
prêt à bref délai et incorporé aux travaux en cours. Le tout sera terminé en
1923. La Coopérative aura alors accompli sa tâche de reconstitution
scolaire, suivant la devise qu'elle a faite sienne : « Vite et Bien. » Et «
Les Amis des Ecoles de Meurthe-et-Moselle » lui survivront pour contribuer
pécuniairement au bon fonctionnement de ce qu'elle aura créé, grâce à la
meilleure volonté de tous.
C.-E. COULON,
Inspecteur de l'Enseignement Primaire, Directeur de la Coopérative des
Ecoles, Président des « Amis des Ecoles de M.-et-M. ».
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