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                 Revue médicale de 
				Nancy. v.37 1905. 
				Histoire de la médecine légale en Lorraine 
				En général, le chirurgien 
				expert de cette époque n'était requis pour examiner les «  corps 
				morts », que lorsqu'on ignorait la cause du décès. C'était à lui 
				de décider s'il y avait eu crime, suicide ou accident. Lorsque 
				la cause de la mort paraissait évidente, on ne jugeait pas utile 
				de procéder à une expertise médicale; lorsqu'on savait, par 
				exemple, qu'elle était le résultat d'un meurtre, peu importait 
				de connaître les lésions qui l'avaient entraînée. Avec une 
				législation qui voulait qu'à tel crime correspondît tel 
				châtiment déterminé, sans l'admission de circonstances 
				atténuantes, un rapport médical n'était pas indispensable; 
				d'ailleurs qu'eût-il appris de plus? Peu de chose, si l'on songe 
				que l'expert se bornait en général a faire simplement l'examen 
				extérieur du cadavre et ne pratiquait que rarement, sinon 
				jamais, l'autopsie de la victime. 
				Le suicide dans les prisons n'était point rare autrefois ; la 
				mort par suite des privations, du défaut d'hygiène et de la 
				malpropreté y survenait non moins fréquemment. Les deux rapports 
				suivants en font foi. 
				 
				«  Nous, René le Cerf, Jean Mareschal et Bastien Diez, 
				chirurgiens demeurant à Blâmont, certifions. par l'ordonnance de 
				Messieurs de justice, d'avoir veu et visité ung corps mort, en 
				la prison dudit lieu sur lequel avons trouvé aucunes 
				excoriations de cuir simplement, en divers endroicts aulx 
				parties environ le nombril, reins, espaules et. aulx environs 
				des vertèbres des lumbes, et par tout le corps une lividité de 
				cuir provenant plustost par faulte de changer l'accoustrement 
				ordinaire qu'a la grande quantité et abondance de vermine qu'aultrement. 
				Ainsy l'avons visité extérieurement. Tel est nostre rapport, en 
				foy de quo; avons signé le présent rappor; faict à Blûmont le 
				21e aoust 1599. 
				René le Cerf, Jean Mareschal Bastien Diez (1). » 
  
				Les trois experts reçurent pour «  leurs peines et salaires » la 
				somme de dix francs, qui leur fut payée par le receveur du 
				domaine de Blâmont (2). 
				En 1613, une femme détenue dans les prisons de Blâmont sous 
				l'inculpation de sortilège, voulant échapper au supplice auquel 
				elle se savait destinée, se précipita d'une fenêtre du donjon. 
				Le chirurgien Damien, appelé à lui prodiguer ses soins, en 
				dressa le rapport suivant (3) : 
				 
				«  Je soubsigné, chirurgien demeurant à Blâmont, certifie à tous 
				qu'il appartiendra, que de l'ordonnance verbal de Monsieur le 
				prévôt dudit lieu de me transporter derrière le donjon du 
				château dudit Blâmont pour veoir et visiter la personne de
				Jehanne, femme à 
				Demenge Mercier, d'Aultrepierre, atteinte et convaincue de 
				sortillège, gisant illec à la Barbeguaine, entre la muraille 
				closse de la ville et celle dudict donjon, pour s'estre 
				précipitée d'une fenestre dudict donjon en bas ; et apres avoir 
				esté transportée dudict lieu au corps de garde de la porte d'en 
				bas, environ un quart d'heure après, elle a rendu l'âme. Et peu 
				après, il m'a de rechef esté enjoingt par ledict sieur prévost 
				de veoir et visiter le corps d'icelle, sur lequel je n'ay trouvé 
				aucun accident, plaie, ni contusion causée par icelle chute, 
				sinon une dislocation du gros phemoris à la hanche dextre avec 
				quelque portion de sang issu par les parties honteuses ; 
				acertevant le contenu du présent rapport estre vray, tesmoing 
				mon seing manuel cy mis ce septieme septembre 1613. 
				Damien de Maion » 
				 
				[...] 
				Pour terminer ce chapitre, nous donnerons un exemple de 
				réquisitoire convoquant les experts et quelques rapports des 
				chirurgiens. 
				Le premier est extrait du compte du receveur du domaine du comte 
				de Blâmont (4) pour l'année 1621. 
				 
				Les maître eschevin et eschevins qui ont veu de rechef le procès 
				extraordinairement instruit à request du sieur procureur 
				fiscalle contre Claude 
				Henry d'Aultrepierre détenu ès prisons à Blâmont pour crime 
				de sortilaige, les conclusions dudict sieur procureur de 
				Louzière de jullet 1621, de l'avys de Messieurs les maître 
				eschevin et eschevins de Nancy du troizième jour dudit moys, 
				disons que pour scavoir la vérité dudit crime, iceluy Claude 
				Hanry sera mys entre les mains des chirorgiens qui feront 
				expressément appellés et adiurez, scavoir Me Damyen de Maion et 
				Me Claude, sirorgien dudit lieu, recongnoistre des troys marque 
				prétendues et emprainctes sur la teste dudit prévenu en présence 
				de Nos de Justice par lesd. chirorgien et seront lesd. marques 
				sondées avec une espeingle ou éguille pour voire sy lesd. 
				marques sont insensibles et diaboliques et rapport sera faict; 
				du tout estant dressé acte et procès-verbal et de la forme, figure 
				et estat d'iceluy et led. prévenu sur le tout ouy au cas 
				qu'elles se trouveront insensibles et diaboliques estre le tout 
				renvoyé au sieur procureur pour en avoir communiquation et 
				besongne, y dire et en requérir ou conclure ce qu'il trouvera à 
				dire par raison. Faict ce jourdhuy 16 juillet 1621. 
				DEMONNET, VAULTHIER, JEAN DE METREY. 
				Prononcé au lieu accoustumé à donner la question aux délinquants 
				en présence de Mres Damien de Maion et Claude Collenat, 
				chirurgiens à Blâmont, en l'absence du prévenu, ledit jour 16 
				juillet 1621. 
				 
				Ce jourdhuy seizieme juillet 1621 pour execution de la sentence 
				rendue à cest instant contre Claude Henry d'Autrepierre, prevenu 
				de sortilege et prisonnier ès prisons de ceans, avons fait 
				comparoistre par devant nous ledit prevenu comme aussi maistres 
				Damien de Maion et Claude Collenat chirurgiens demeurant en ce 
				lieu, entre les mains desquels (préallablement adiurés de 
				procéder à l'exécution de ladicte sentence, fidellement et 
				methodiquement ainsy qu'en tel cas est requis) ledit prevenu a 
				esté delivré par Demenge de Bourdeney sergent en ceste justice, 
				puis en notre présence y ont vacqué par de leur exploit leur a 
				esté enioint de dresser rapport par escrit, pendant quoy nousdt 
				de justice n'avons apperçu qu'il ait esté touché sans en avoir 
				demonstré du sentiment ; de ce que dessus a esté dressé le 
				present acte et proces verbal en la forme prescrite. 
				VAULTHIER, 
				 
				Pour tres humblement satisfaire à l'ordonnance cy dessus nous 
				soubscrits chirurgiens à Blâmont certiffions à qui il 
				appartiendra, avoir heu, veu, visité, Claude Henry d'Autrepierre, 
				presantement prisonnier ez prisons dudict Blâmont, prevenu et 
				accusé du crime de sortilège, sur lequel avons recongneu 
				plusieurs marcques tant cicatrices, à la teste, cause de quelque 
				playe, que lantille, tant illec qu'aileurs sur les espaules et 
				dos, lesquelles touchées avec eguilles n'avons sceu nous 
				apercevoir estre aucun signe ou marcque diabolicque, pour avoir 
				ledict preveneu en aparance le santiment fort prompt et excquis 
				à la touche sans que pour ce nous ayons aperceu aucun sang issir 
				des picqueures ; ce que nous certifions soulz nos seings sy mis 
				le seiziesme jullet mil six cent vingt un. 
				DAMIEN DE MAION, C. COLLENAT. 
				 
				En conséquence de ce rapport, l'inculpé fut «  renvoyé jusques à 
				rappel », c'est-à-dire acquitté. 
				(1) Archives de 
				Meurthe-et-Moselle. B3317, liasse. 
				(2) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 3316, fo CXLII, vo. 
				(3) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 3353, liasse. 
				(4) Archives de Meurthe-et-Moselle, B. 3358.  |