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Usines De Dietrich
- Lunéville (2)
Voir aussi Usine De Dietrich - Lunéville
La Vie au
grand air : revue illustrée de tous les sports
1er juillet 1900
Promenades dans les grandes
Usines d'Automobiles
IV. - LES USINES DE DIETRICH
Le hasard de nos promenades nous amène aujourd'hui dans une des plus
importantes fabriques d'automobiles, la maison de Dietrich et Cie.
QUELQUES MOTS D'HISTOIRE
Si la plupart des usines automobiles sont nées d'hier, en même temps
que l'objet même de leur industrie, c'est à plus de deux siècles en
arrière qu'il faut reculer pour trouver les origines de celle qui
nous occupe aujourd'hui. C'est, en effet, en 1684, que Jean Dietrich
fonda l'usine de Jaegerthal que lui et ses descendants exploitèrent
jusqu'en 1776. A cette époque, le propriétaire était Jean de
Dietrich, qui avait été créé baron de l'Empire, en 1762, par
l'empereur François Ier. Il acquit les usines de Tirexwelle et de
Groses-waser et fit construire les forges de Reichshoffen, l'usine
de Rauschendwasser, où furent fabriquées les premières tôles de fer
de France, et enfin, en 1769, l'usine de Niederbronn. Louis XV
l'investit en 1771 du fief du Ban de la Roche et son successeur lui
conféra en 1783 le titre de comte du Ban de la Roche pour lui et ses
héritiers.
Il mourut en 1795, après avoir eu la: douleur de voir périr sur la
guillotine, deux ans auparavant, son fils Philippe-Frédé-fic de
Dietrich, le célèbre maire de Strasbourg, dans les salons duquel se
passa cette immortelle première de la Marseillaise par Rouget de
l'Isle.
La salle des machines
motrices.
Mais la Révolution avait ruiné
les Dietrich. Le fils du malheureux maire, Jean-Albert-Frédéric de
Dietrich, fut créé par Napoléon Ier inspecteur forestier des îles et
des rives du Rhin pour la haute et basse Alsace. Il mourut en 1806,
à l'âge de trente- trois ans, laissant quatre enfants. Sa veuve,
Amélie-Louise, née baronne de Berckeim, ses deux fils, le baron
Maximilien-Frédéric-Albert et Eugène-Sigismond de Dietrich et son
gendre Guillaume de Tierckeim se mirent à l'œuvre. En 1815, une
Société par actions sous le nom de Forges du Bas-Rhin fut constituée
et subsista jusqu'en 1827. Elle fut remplacée par une Société en nom
collectif sous la raison sociale Veuve de Dietrich et fils, qui fut
changée en 1856 en de Dietrich et Cie, Pendant ce temps, les usines
de Niederbronn et Reichshoffen se transformaient, et le groupe des
établissements s'accroissait par l'adjonction des forges et aciéries
de Monterhouse et de Metzviller.
Un nouvel acte passé en 1873 prorogea la Société jusqu'en 1898.
C'est pendant cette période que furent établis les ateliers de
Lunéville pour la construction du matériel des chemins de fer
français.
LES USINES ACTUELLES
En 1898, la Société de Dietrich et Cie, se transforme : deux
Sociétés en commandite simple furent créées : l'une, française,
exploitant les ateliers de Lunéville; l'autre, alsacienne,
comprenant les cinq forges et ateliers de construction d'Alsace; en
tout 5.000 hectares de forêts et de nombreuses scieries, fermes,
concessions de mines, etc., etc. La Société alsacienne occupe plus
de 3.000 ouvriers et employés, celle de Lunéville environ 1.500. La
vente annuelle des fonderies s'élève à environ 10 millions de
kilogrammes de fontes moulées ordinaires et inoxydées.
Vue générale des
usines de Lunéville.
LES AUTOMOBILES
C'est au mois de septembre 1896, à la suite de la course Paris-
Marseille et retour, que la maison de Dietrich entra en pourparlers
avec Amédée Bollée, de cette autre fameuse dynastie des Bollée, les
inventeurs du Mans.
Une nouvelle expérience, le trajet du Mans à Paris, Lyon, Marseille,
Monte-Carlo et retour à Lunéville par les mauvaises routes d'Italie,
sous la neige et dans la boue, et dont la voiture sortit à son
honneur, décida la conclusion de l'affaire.
Depuis, en 1898, la Société acheta à M. Amédée Bollée fils ses
brevets allemands qui sont exploités maintenant dans les ateliers de
Reichshoffen et les brevets autrichiens, suisses, belges et anglais.
Dans des usines comme celle de Lunéville, avec un personnel spécial
aussi entraîné, avec des traditions de travail et d'organisation
vieilles de plus de deux siècles, un problème entamé est bien près
d'être résolu. Aussi, dès leur première apparition, les voitures de
Dietrich rencontrèrent-elles le plus vif succès.
L'atelier des tours et
machines à percer.
C'est avec une de ces voitures
qu'à l'automne 1899 MM. Thevin et Houry effectuèrent le trajet de
Paris à Saint-Pétersbourg et retour par les chemins épouvantables de
la Russie sans avoir eu à regretter une avarie.
Ce sont encore les camions Dietrich qui seuls ont pu être utilisés
au Soudan où la traction automobile est venue apporter un élément de
civilisation dans des contrées inaccessibles.
Les ateliers de Lunéville produisent à eux seuls maintenant environ
ZiO voitures et camions automobiles par mois. Les nouveaux types
1900 très perfectionnés de 6, 9, li et 18 chevaux sont appelés cette
année aux plus grands succès.
Nous donnons ci-contre trois photographies qui permettront de se
donner une idée de l'importance des usines de Lunéville.
LES VOITURES DE 1900
Une particularité des voitures de Dietrich, c'est le châssis unique
qui peut recevoir toutes les caisses les plus variées : Victoria,
break, spider, le châssis est le même. Cet avantage est obtenu par
le fait que tous les organes du moteur et de la transmission sont
situés au-dessus du châssis. Donnons une description succincte de la
voiture de 1900. Le moteur est situé à l'avant, dans l'axe du
châssis. C'est un moteur horizontal, à deux cylindres fondus d'un
seul jet avec leur enveloppe d'eau. Les bielles attaquent le
vilebrequin sur un seul coude et, l'échappement étant commandé
alternativement, il se produit une explosion à chaque tour du
moteur. L'allumage se fait par incandescence.
Le refroidissement des cylindres est obtenu par l'eau contenue dans
une bâche spéciale où elle est froide jusqu'à complet épuisement.
Elle parvient aux cylindres par un seul tuyau de petit diamètre et
sans le secours de pompe. Ainsi est supprimé un organe délicat et
cause de la plupart des pannes dans les autres systèmes.
La vapeur de l'eau de refroidissement des cylindres passe dans un
conducteur à ailettes placé à l'avant de la voiture où elle se
refroidit et revient à l'enveloppe du moteur.
Le mouvement est transmis aux organes moteurs au moyen d'une
courroie. L'embrayage se produit par le déplacement de la courroie
au moyen d'une fourche manœuvrée par une manette placée à portée de
la main du conducteur. Il y a quatre vitesses et une marche arrière.
Le carburateur est à niveau constant, la direction se fait au moyen
d'un volant irréversible.
Nous donnons ci-contre la photographie des différents types de
voitures les plus répandus.
Voici d'abord le duc de course. C'est la voiture de course
d'amateur. Certes, ses 12 chevaux n'ont pas la prétention de tenir
la tête dans les grandes épreuves de professionnels. Mais les
vitesses qu'elle est capable d'atteindre en font la voiture toute
désignée pour les buveurs d'air que n'effrayent pas les 50
kilomètres à l'heure.
Le duc de course.
La voiture de course 1900 est
d'un type nouveau. Elle est munie d'un moteur de 18 chevaux, capable
de dépasser 90 kilomètres à l'heure.
La voiture de course
de 18 chevaux.
La victoria est un modèle très
pratique. La capote peut s'enlever complètement, ce qui permet de
transformer la voiture d'hiver en voiture d'été.
La Victoria.
Quant au break, c'est le véhicule
rêvé pour grandes familles.
Il peut transporter six personnes fort à l'aise et le dais qui le
surmonte garantit les voyageurs de la pluie et des ardeurs du
soleil.
Le break.
Ces quelques lignes suffisent à
donner aux lecteurs de la Vie au grand air une idée des nouvelles
voitures de Dietrich. Ils s'en rendront compte par eux-mêmes en
visitant les magasins de la Société commerciale d'automobiles, 77,
bis, avenue de la Grande-Armée, où ils trouveront un choix aussi
complet que varié des meilleurs types sortis des usines de
Lunéville.
C. TAMPIER
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