La presse,
Montréal
11 juin 1954
Ecrouée pour recel de bijoux
La pittoresque Parisienne M. Richard impliquée dans une affaire
de 1943.
Paris, 11 (AFP) - Mme Marthe Richard, qui vient de faire l’objet
d’une inculpation pour « recel qualifié » de bijoux volés, a été
placée sous mandat de dépôt et est actuellement détenue.
Marthe Richard était connue pour ses activités d’espionnage
pendant la guerre de 1914-1918 et plus récemment pour ses
campagnes contre la prostitution qui ont abouti à l’interdiction
des maisons closes en France.
Il s’agit d’une affaire remontant à l’occupation. En 1943 des
faux policiers s’étaient emparés sous prétexte de
perquisitionner chez un particulier de bijoux dont la valeur
était estimée à plus de $87,500. L’enquête aurait été rouverte
récemment à la suite d’éléments nouveaux. On avait découvert que
Marthe Richard portait deux bijoux provenant de ce vol et elle
n’a pu en justifier la provenance.
Auteur d'une autobiographie
Mme Richard est l'un des personnages les plus en vue dc la
chronique parisienne. Elle a conté elle-même les péripéties
d’une partie de sa vie dans un livre intitule “Ma vie
d’espionne".
Elle est née en 1889 à Blamont en Meurthe-et-Moselle. Marthe
Richard, de son nom de jeune fille Bettenfeld, fut tout d’abord
culottière mais, toute jeune, songea à des activités plus
aventureuses. Après s’être intéressée à l’automobile, elle se
tourna vers l’aviation et passa son brevet de pilote.
Son premier mari, Henri Richer, ayant été tué au début de la
guerre 1914-1918, Marthe Richard devint agent de renseignements
et fut envoyé à ce titre en Espagne par le capitaine Ledoux du
2ème bureau. C’est là qu’elle eut, notamment avec l’attaché
naval allemand von Krohn, quelques-unes des aventures qui,
diversement commentées par ses contemporains, se prolongèrent en
plusieurs procès dont l’un en diffamation, qu'elle devait gagner
en 1948 contre un hebdomadaire parisien.
Quelques années après la guerre, Marthe Richard convolait avec
un Anglais, Thomas Crompton, directeur de la fondation
Rockefeller. Veuve une fois encore, elle recevait alors la
Légion d'honneur, en reconnaissance des services rendus à la
cause alliée par son premier mari, disent les uns, par elle-même
disent les autres.
Après la seconde guerre mondiale, élue conseillère municipale à
Paris sur une liste MPR, elle se signalait de nouveau à
l’opinion publique en engageant une vigoureuse campagne qui
devait aboutir à la fermeture des maisons closes. Par la suite,
elle devait publier un “appel des sexes ”(prix tabou 1951) dans
lequel elle apparaissait douter du bien-fondé, en fait, de la
dite fermeture.
L’affaire dans laquelle elle est-Impliquée aujourd'hui remonte à
1943. Mme Cardot, son amie à l'époque, se vit un matin délestée
de plusieurs millions de francs de bijoux par de soi-disant
policiers allemands opérant une perquisition.
Comme auteur, Marthe Richard a ces dernières années, retenu
l’attention du public par un second essai, pour un dessein
ambitieux, puisqu’il s’agissait de rien moins qu’une “histoire
universelle de l’amour”
International
herald tribune
11 juin 1954
French Feminine Leader
Marthe Richard Is Arrested As Recipient of Stolen Jewels
Mme. Marthe Richard, post-war feminine leader who led the drive
to close Paris houses of prostitution, was arrested yesterday on
charges of receiving stolen jewels and held for questioning by
the Surete Nationale.
A police search of Mme. Richard’s home, 14 Avenue du General-
Claverie, where she was known as Mme. Besenfeld, produced
evidence on which M. Baures, examining magistrate, decided to
issue the charge.
The charge against Mme. Richard, the French news agency said,
arose from a complaint made in 1943 by a Mme. Cardot, 25
Boulevard Gouvion-Saint-Cyr, which said that false police
entered her home during the occupation and made off with jewelry
then valued at 35,- 000.000 francs. A police investigation
produced no result at that time.
Some months ago, the French news agency said, a new inquiry was
started when authorities received information that Mme.
Besenfeld was wearing two pieces of jewelry belonging to Mme.
Cardot.
Mme. Richard, on being questioned, said the jewels were acquired
legally and named the jewelers. The latter failed to confirm her
statement.
Yesterday Mme. Richard was questioned again and as a result the
police made a search of her home.
An airplane pilot in 1913, a spy in both the first and second
World Wars and twice a widow, Mme. Richard, 64, led a crusade
against the Paris “maisons de tolerance” immediately after the
Liberation in 1944.
As a member of the Paris Municipal Council, she sponsored a law
which on Oct. 7, 1946, closed all of the capital city’s 177
houses. The measure was eventually extended to all of France by
action of the then Constituent Assembly.
In 1952, Mme. Richard won 50,000 francs damages in a libel suit
heard in a Paris court against a publisher who said in a Paris
magazine that 30 years ago she “practiced the same trade in
Madrid which later she wanted to forbid to thousands of
unfortunate women.”
The publisher was Jean Galtier-Boissiere of “Le Crapouillot.”
Mme. Richard had asked 1,000,000 francs damages, but the court
said “she herself, in her writings, has dwelt complacently on
the circumstances which compelled her to submit to what she
calls the inevitable, and part of the duties of her spy’s job,
thereby exposing herself imprudently to the malicious comments
of M. Galtier-Boissiere.
Combat : organe du
Mouvement de libération française
21 juin 1954
Rebondissement dans l’affaire
Marthe Richard qui serait remise en liberté
POURSUIVANT l’information judiciaire dont la réouverture a
provoqué le 10 juin dernier l’arrestation de Marthe Richard,
inculpée de recel de bijoux volés en 1942, M. Baurès, juge
d’instruction, a entendu samedi après-midi Mme Cardot,
propriétaire des joyaux. Cette dernière, contrairement aux
déclarations qu’on lui avait primitivement attribuées, n’a pas
affirmé avoir vu l’ancienne conseillère municipale porter le
bracelet-montre en brillants qui lui a été dérobé. Mme Cardot
n’a pu, d'autre part, reconnaître formellement le bracelet en
diamants saisi chez Marthe Richard que le magistrat lui a
présenté et dont l’accusation lui attribuait la propriété. Elle
n’a pas été en mesure enfin d’indiquer l’origine du bracelet qui
avait été volé, l’ami que le lui avait donné étant maintenant
décédé.
Les enquêteurs ont, d’autre part retrouvé chez un bijoutier de
l’avenue Lowendal deux chèques de 20.000 fr et 40.900 fr. tirés
par Marthe Richard en 1938, en règlement, affirme-t-elle du
bracelet en brillants trouvé à son domicile. Interrogé, le
joaillier a toutefois déclaré que ces chèques étaient destinés à
payer l’achat d’une bague et non d’un bracelet.
Quoi qu’il en soit, étant donné les faibles charges qui pèsent
sur elle, à moins d’événements nouveaux résultant de la
confrontation générale qui doit se dérouler aujourd’hui dans le
cabinet de M. Baurès, il est probable que Marthe Richard sera
prochainement remise en liberté.
Est-Républicain
3 juin 1955
Inculpée de recel Mme Marthe
RICHARD bénéficie d’une ordonnance de non-lieu
Paris. M. Baurès, juge d’instruction, a rendu hier une
ordonnance de non lieu en faveur de Mme Marthe Crompton, née
Bettenfeld, plus connue sous le nom de Marthe Richard, qui était
inculpée de recel qualifié depuis le 11 juin 1954.
Au mois de mai 1942, Mme Louise Cardot avait été victime de faux
policiers qui avaient dérobé des bijoux estimés alors à 35
millions. Une information contre X avait été ouverte par le
Parquet. Faute d'éléments, elle avait abouti à un non lieu.
Une affirmation impossible à contrôler
Or, le 23 mars 1953, Mme Cardot déposait une nouvelle plainte
contre l’une de ses anciennes amies, Mme Crompton, au poignet de
laquelle elle prétendit avoir reconnu l'un des bracelets qui lui
avaient été dérobés. Une nouvelle information fut alors ouverte.
Elle fut confiée à M. Baurès, à qui Mme Crompton déclara avoir
acheté le bijou, avant la guerre, à un bijoutier. Ce fait ne put
malheureusement pas être vérifié, car le bijoutier en question
était mort depuis longtemps. Sa veuve, il est vrai, affirma qu’à
sa connaissance son mari n’avait jamais eu dans sa boutique
aucun bracelet de ce genre.
Le 11 juin dernier, Mme Crompton était inculpée de recel
qualifié et placée sous mandat de dépôt. Elle devait être mise
en liberté provisoire quelques jours après, le 26 juin.
« Ressemblance étrange »
Le juge d’instruction poursuivit son information. Interrogée à
nouveau, Mme Cardot fut moins catégorique, elle se borna à
déclarer que le bracelet de son ancienne amie « ressemblait
étrangement à celui qui lui avait été volé. » Aucun fait nouveau
n’ayant pu être relevé à la charge de Mme Crompton, le juge
d'instruction vient de conclure au non lieu en précisant dans
les attendus de son ordonnance que les éléments du recel
qualifié ne sont pas réunis et que, d’autre part, les délais de
prescription légale en matière de recel simple sont désormais
écoulés.
Le bracelet, qui avait été placé sous scellé, a été restitue à
Mme Crompton.
|