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Documents sur Blâmont (54) et le Blâmontois

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Texte figurant au dos de la gravure de Hoefnagel (1542-1600)

extraite de Braun & Hogenberg, Civitates orbis terrarum, Köln, 1572-1617

Gravure de Hoefnagel (1542-1600)


BLANMONT.
BLANMONT, ville assise au milieu du pays de Lorreine, à six lieues loin de Nanci & à dix de la très puissante ville de Strasbourg, recognoist aujourd'huy la mère du Duc de Lorreine pour Dame, à laquelle cette ville est parvenue par droict de viduité & dot après le décès de son mari le Duc de Lorreine, vray est qu'elle n'est pas grande mais belle & plaisante. De laquelle beauté néanmoins elle décheut grandement & perdit beaucoup l'an de nostre Seigneur MCCCCLVII la veille S. Laurent. Car pourtant qu'elle s'estoit jointe avecques les villes & Princes confédérés contre Charles Duc de Bourgoigne, elle fut assiégée & pressée d'un long siège par les Suisses et gendarmerie du Duc Sigismond d'Autriche, lesquels ayans finalement pris d'assault cette ville, & après que les souldats eurent assouvi leur convoitise & rage insatiable & furieuse des rapines & despouilles des misérables bourgeoys, ayans emporté huit caques de poudre à canon, qu'ils y trouvèrent, plusieurs pièces d'artillerie & toutes les victuailles de la ville, autant qu'il en eust fallu pour l'entretenir deux ans ils bruslèrent toute la ville. Mais autant de misères & calamités que le Duc de Bourgoigne feit en ce temps souffrir à la Lorreine, & à cette ville plus qu'aux autres, autant & beaucoup plus de détriment souffrit il depuis en ce pays là, quand il y fut mis à mort comme simple souldat. Car combattant devant Nanci contre les lignes des Suisses, qui estoyent à la soude du Roy de France, cette bataille téméraire eut pour lui malheureuse yssue : pour autant qu'avec une bien petite armée affronta les ennemis, qui estoyent en grand nombre, car à peine avoit il en tout son ost deux mille hommes qui fussent gens de guerre, avecques lesquels il marcha par un jour qu'il neigeot fort, contre deux bataillons de ses ennemis, dont l'un venoit le long de la rivière, & l'autre du costé de la ville Neuve. Les Suisses estoyent dix mille en nombre, & les Lorrenoys d'avantage, les Alemans fort bien équipés & tous frais, tellement que les forces de Charles estoyent foibles & minces pour faire teste à une telle armée. Il combatit toutes foys sans s'effroyer faisant devoir de chef & de vaillant souldat, comme si par destin inévitable il se fust fourré en sa ruine : mais après qu'il eut apperceu ses troupes disconfites, on dict qu'il fut tué entre la foule des gens de pied, comme estant incognu, & fut le troisième jour d'après trouvé nud entre les morts, la face gelée & couverte de la glace d'un marest. Ce Prince de si grand courage ayma mieux mourir en tel point, comme il est à croire, que tomber prisonnier entre les mains du Roy. Il fut premièrement recognu par un sien serviteur ou gojac, Baptiste Colonne & par Mathieu son Médecin qui estoit Portugues de nation. Il fut cognu par les ongles de ses mains, qu'il portoit plus longs que touls le autres, & par une playe qu'il avoit receue au col à la bataille de Mont le Héry, par les dents de la machoiere de dessous qu'il avoit perdues, & par autres certaines marques de son corps. Entre les autres playes il en avoit une mortelle à la temple de la teste. Ainsi par le vouloir de Dieu fut humilié l'orgueil d'un si grand Prince, sa bombance desmesurée & sa convoitise insatiable de régner. Il fut un long temps que le peuple disoit qu'il n'estoit point mort, ains disoyent & vouloyent estre creuz qu'il vivoit encores. Ainsi mourut Charles en la terre de ses ennemis, & lui, que nul Roy pouoit vaincre, fut vaincu & occis par sa témérité aveuglée. Il est enseveli à Nanci en la grande Eglise, près l'autel S. Georges à qui il avoit tousjours eu dévotion. Quant au surplus cette ville de Blanmont est anoblie & recommendable à cause de troys ornemens qui sont en elle, sçavoir, un ancien chasteau spacieux & magnifique, auquel est joinct le nouveau palays du Duc, d'une fabrique très gentile & insigne, ornement très excellent de la ville, Et le troisième, a mon advis, & selon le jugement de tous, est, que presque tous habitans d'icelle sont adonés au labourage, à cause de quoy ils sont gens de bien et d'honneur. Car les anciens, comme tesmoigne Cato personage de grande prudence & entendant l'agriculture, voulans louer quelqu'un de bonté & prud'homie, disoyent, qu'il estoit bon laboureur, comme si cela estoit le comble de louange, comme celui qui s'appliquoit & mettoit les mains à un négoce qui selon le tesmoignage non seulement des hommes, mais aussi du très bon Dieu, est le plus honeste moyen, q le peut imaginer entre tous ceux, par lesquels on acquiert quelque bien, le plus delectable, & le plus digne d'un homme de franche condition. Les sainctes lettres nous monstrent l'agriculture estre ancienne sur toutes autres arts & qu'elle a eu son commancement avec la génération des humains, Et n'ont estre Osiris ou Denis les inventeurs de cette discipline, mais telle manière de vivre a esté establie du très bon Dieu. Et de faict Adam & ses fils ont esté laboureurs, Noé planta la vigne, Abraham & Isaac ont esté pasteurs, Saul gardant les asnes & David les ouailles furent appelés au royaume d'Israël, Elizée et Amos furent faicts de pasteurs prophètes, nous lisons que Ozias fut adonné à l'Agriculture. Sirach louant l'agriculture enseigne les offices d'icelle, comme mettre la main à la charrue, picquer les boeufs, engresser vaches, &c. Quoy plus ? Christ se glorifie, que son père est laboureur, mettant souvent en avant les paraboles de la vigne, des ouailles, & des pasteurs. Car ce mestier estant plpein d'innocence & sans lequel les hommes ne pourroyent vivre, les meilleurs et plus saincts personages, s'y sont adonnés voulontiers, & ont les anciens dict qu'elle est prochaine & quasi cousine de sagesse. Cicero l'appelle maistresse de justice, de diligence & espargne, aucuns la nomment mère & nourice de tous arts. Mais peut estre avons nous ici traicté de l'agriculture plus, qu'il n'affiert à la qualité de la matière que nous tractions.
 

 

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