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Houblonnières et oseraies de Lorraine - 1912
 


Journal d'agriculture pratique
Octobre 1912

REGIONS AGRICOLES
HOUBLONNIERES ET OSERAIES DE LORRAINE


Les dernières perches chargées de houblon viennent d'être abattues, j'en ai aperçu quelques-unes encore en parcourant la vallée de la Mortagne, à la fin de septembre, mais ces îlots étaient bien rares; collines et fonds de vallées ont perdu les hauts thyrses parfumés qui donnaient tant de grâce au paysage.

J'ai décrit jadis les contrées à houblon du Nord, en Flandre et Cambrésis, je dirai quelque jour l'aspect de celles de Bourgogne. Fort différente des deux autres est la troisième grande zone du houblon dans notre pays, celle de Lorraine. On n'y trouve ni la grâce un peu mélancolique des houblonnières flamandes étendues au flanc et au pied des petits monts de Bailleul, ni l'allure plantureuse des champs de houblon épars sur les rives de la Sambre entre les grandes forêts de hêtres, ni la gaîté des houblonnières de Bourgogne dressant leurs perches ou leurs réseaux de fils de fer sous un ciel lumineux, presque méridional déjà.
En Lorraine, le houblon croît entre les vignobles qui donnent le vin gris et les vergers de quetsch et de mirabelles qui fournissent les éléments de confitures si parfumées, et d'eaux-de-vie que les Lorrains préfèrent souvent au kirsch des Vosges. Les cultures sont sur les pentes les plus molles de ces collines hautes et boisées, aux formes raides se dressant sous un ciel souvent chargé de vapeurs.
Les plantations ne sont pas aussi continues et rapprochées que dans les autres régions. En Meurthe-et-Moselle, elles s'étendent sur moins de 800 hectares, réparties entre les arrondissements de Nancy, de Lunéville et de Toul, c'est-à-dire une surface autrement considérable que celle des pays à houblon du Nord et de la Côte-d'Or, qui consacrent cependant plus d'espace à cette plante. En Flandre, en Cambrésis et en Bourgogne, les champs houblonniers seraient continus si l'on ne devait interrompre la culture après vingt ou trente ans et la remplacer temporairement par d'autres cultures. En Lorraine, au contraire, les houblonnières sont de petits ilots dont la présence contribue à la diversité du paysage.
Toutefois, certains cantons offrent des groupes assez considérables de plantations de houblon, dans la vallée de la Mortagne, notamment autour de la petite ville de Gerbéviller qu'un chemin de fer relie à Lunéville d'un côté, aux Vosges de l'autre en allant se souder à Bruyères, à la ligne centrale du massif vosgien.
Déjà on a rencontré le houblon près de Blainville-la-Grande, autour de l'importante gare où se séparent les lignes de Strasbourg et d'Epinal. Plus au sud, entre la Moselle et la Mortagne, la plupart des villages sont des centres producteurs.
Dans la partie inférieure de sa vallée, la Mortagne, allant doubler la Meurthe, ne reflète pas de houblonnières, elle coule au sein de prairies très amples, bien irriguées, d'un caractère extrêmement placide, à travers lesquelles les arbres bordiers dessinent capricieusement le cours de la rivière. Le tableau, assez mélancolique parfois, s'anime pendant la fenaison: alors se répandent par les prés les paysans qui habitent les villages aux constructions régulières et énormes. Ces villages occupent les bords de la Mortagne que franchissent de vieux ponts en ogive.
Les collines, d'abord lointaines, nues, fuyantes, se rapprochent, leurs crêtes se revêtent de bois, les pentes offrent des plantations de pruniers et, entre elles, les rectangles ou les carrés de houblon. Peu à peu, ceux-ci se rapprochent et deviennent maîtres du paysage. Partout se dressent les hautes perches enveloppées de pampres sombres qu'égaient, à la fin de l'été, les lambrusques de cônes blonds.
Dans cette région, il est très peu de plantations établies avec le système des supports en fils de fer qui devient prépondérant en Flandre. On peut l'expliquer par le voisinage presqu'immédiat des sapinières vosgiennes, fournissant abondamment et à bas prix les troncs minces et élancés des jeunes arbres.
Gerbeviller, à en juger par l'étendue des cultures et, à l'automne et en hiver, le nombre des tas de perches, doit être le principal centre de production du houblon. Ces perches, par leur disposition en groupes coniques rappelant la charpente de certaines huttes rondes de pays exotiques, donnent une apparence singulière aux abords de la menue ville. Le paysage est d'ailleurs fort varié, le houblon, les vergers de mirabelles, les vignes alternent avec les cultures. La vigne ne croit que sur les versants ensoleillés, mais pruniers et houblon se rencontrent partout, surtout aux abords des fermes et des villages. De la Mortagne à la Moselle, c'est-à-dire vers l'Ouest, dans ce qu'on appelle le Vermois, il est peu de communes sans houblonnières.
En amont de Gerbeviller, les deux versants de la vallée de la Mortagne sont particulièrement riches en houblon; sur la rive gauche les plantations sont parfois continues en face du pittoresque village de Moyen, assis en amphithéâtre sous une forteresse ruinée. Ici le val, très creux, est charmant par ses productions variées, ses grasses prairies, les hétraies couvrant le sommet des collines.
Les champs de houblon diminuent peu à peu en nombre, il en est encore beaucoup autour de Vallois et de Magnières, ils se font rares au delà, dans le département des Vosges: la prairie désormais domine, le fond de la vallée étant large et plat, propre aux irrigations. Pourtant on trouve encore quelques houblonnières près des villages et jusqu'aux abords de la petite ville vosgienne de Rambervillers. Passé ce centre actif et vivant, aucun champ hérissé de perches ne frappe le regard.
J'ai choisi la vallée de la Mortagne comme type de « paysages houblonniers » parce que c'est le coin de Lorraine où la production des cônes tient la plus grande place. Le houblon se cultive encore à l'Est, dans la vallée de la Meurthe, où Laronxe est un centre assez important pour ce commerce ; à la frontière même, les campagnes de Blamont s'y livrent également.
Tous les villages des environs immédiats de Lunéville entre la Meurthe, le Vezouze et le Sanon, ceux de la vallée de la Seille dans les cantons d'Arracourt et de Nomeny se consacrent aussi à cette culture, importante encore dans la banlieue de Nancy et sur chaque rive de la Moselle, jusqu'au point où la rivière pénètre en Lorraine annexée. Même dans la plaine de Woëvre, coupée de bois, criblée d'étangs, aux terres fortes, on retrouve le houblon. Depuis Remenouville, village situé à hauteur de Pont-à-Mousson, à Domèvre-en-Haye et Toul, puis de cette ville à Colombey-les-Belles, Vézelise et Haroué, il y a des plantations assez nombreuses. Les villages que maîtrisent les forts du camp retranché de Toul ont pour la plupart des houblonnières.
Si la Lorraine n'est pas au premier rang des trois principales régions productrices, elle mérite d'être signalée, car c'est dans cette partie de la France que fut implantée, pour la première fois, la culture du

houblon. On fait remonter son apparition aux premières années du XIXe siècle, en 1800, dit-on. Elle n'apparut en Bourgogne qu'en 1836.
L'étendue consacrée à cette culture est très variable. En 1875, on recensait en Meurthe-et-Moselle 799 hectares, 783 en 1876. Six ans après, un accroissement considérable se manifestait : 919 hectares, mais la surface descendait à 878 en 1887, 611 en 1892, 606 en 1898. Depuis lors il y a amélioration ; 730 hectares en 1903 ; puis de nouvelle baisse, 520 en 1910.
La production moyenne pour le département est évaluée à 6 000 quintaux métriques. C'est une quantité bien inférieure aux besoins locaux. On sait combien est importante la production de la bière dans ce pays. Maxéville, Tantonville, Vézelise sont parmi les plus grandes brasseries de France. Ces établissements, très nombreux jadis, ont diminué de plus de 30 %, en trente ans. Mais la production est autrement considérable, elle a plus que triplé. C'est dire que la fabrication industrielle a remplacé la petite brasserie. Il sort environ 630 000 hectolitres par an des usines à bière de Meurthe-et-Moselle; si l'on considère que, dans la Meuse. Bar-le-Duc possède de vastes établissements, on reconnaîtra que les 6 000 quintaux de houblon récoltés en Meurthe-et-Moselle n'empêchent pas les brasseurs de s'adresser pour une forte part aux autres pays producteurs, notamment à l'Alsace et à l'Allemagne.

Au milieu de la région du houblon, dans la vallée de la Mortagne, on aperçoit souvent de belles plantations d'osier, notamment près de Magnières; en allant de ce point vers l'Est, les oseraies sont de plus eu plus nombreuses, elles couvrent de vastes étendues aux bords de la Meurthe et de la Vezouze, mais surtout dans le joli vallon de la Verdurette, autour du village d'Ogéviller, centre principal pour le commerce de l'osier. Tous les vallons affluant à la Vezouze : ruisseaux d'Albe et du Gué de Convey, Blette, etc., offrent des terrains favorables à l'oseraie. Dans une trentaine de communes des cantons de Lunéville, Blamont, Badonviller, Baccarat et Gerbéviller, cette culture a une réelle importance, mais elle ne couvre que des champs exigus, et demeure le lot des petits cultivateurs et des ouvriers agricoles. La rareté de la main-d'œuvre n'a pas permis à la grande propriété de s'y adonner.
D'après les renseignements recueillis par la Chambre de commerce de Nancy, les oseraies de la région de Lunéville couvrent environ 400 hectares. Le premier établissement est coûteux : 1 000 fr. par hectare, et l'exploitation demande un travail intense. C'est pourquoi les petites exploitations paraissent seules possibles. La production, en 1905, atteignait 160 000 kilogr. d'osier sec valant de 700 000 à 800 000 fr. Un quart de ces quantités est employé sur place à confectionner des objets de vannerie commune, en osier gris, c'est-à-dire non pelé, qui se vendent en France, dans les pays annexés, et jusqu'en Angleterre. Les villages occupent à cette fabrication de 100 à 500 personnes. Une partie rougie par une certaine cuisson, est vendue à des vanniers du Luxembourg.
Plus importante est la préparation de l'osier blanchi, obtenu par la séparation de l'écorce. Il n'y a pas moins de 1 300 hommes, femmes ou enfants employés au pelage des brins. Les 1 200 000 kilogr. d'osier blanchi ne se vendent pas seulement en France; la Suisse, l'Angleterre, l'Amérique, en demandent de grandes quantités.
Après les Ardennes, dont les oseraies de Vouziers sont fameuses et alimentent la vannerie de la Thiérache, après l'Aisne qui a les mêmes débouchés, la Haute-Marne qui a Fayl-Billot pour centre de transformation, et la Gironde, Meurthe-et-Moselle tient la tête de l'industrie agricole de l'osier. Comme on l'a vu, les plantations sont concentrées dans une zone fort restreinte à laquelle elles procurent le bien-être.

La banlieue de Lunéville a une autre production agricole considérable, celle des légumes en culture maraîchère ; plus de 100 établissements occupant 400 ouvriers et couvrant 120 hectares, alimentent toutes les villes populeuses de la région qui possèdent de si nombreux ouvriers et de grosses garnisons. Lunéville envoie ses légumes à Nancy, à Saint-Dié, à Remiremont, à Bruyères, à Gérardmer, à Epinal, même en Alsace, à Strasbourg. La Chambre de commerce de Nancy estime qu'un hectare de jardin maraîcher donne un revenu brut de 13 000 à 20000 fr. Et l'on pourrait obtenir davantage en étendant la culture à d'autres variétés de légume.

Ce petit coin de France, qui paraît assez morose au voyageur allant de Nancy à Avricourt, est donc fort intéressant au point de vue agricole. Il mérite d'autant plus d'être signalé qu'à ses limites sont des villages illustres dans les fastes agronomiques : Roville, Tomblaine et Dombasle.

Ardouin-Dumazet.

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