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1869 - Condamnation en cours d’assises d’un dentiste blâmontais
 


Cette affaire ne peut normalement pas figurer dans la rubrique Histoires criminelles du Blâmontois, puisqu’elle s’est déroulée à Paris.

Joseph Bloch, né à Blâmont le 4 juin 1823, est le quatrième enfant des cinq enfants de Isaac Bloch, marchand, et Odile Coblentz (née à Blâmont en 1789, fille de Godchau Coblentz, chantre hébraïque), demeurant à Blâmont, mariés à Cirey en 1809. La famille comprend donc aussi Benjamin (Krautergersheim, 6 novembre 1813), Samuel (Blâmont, 31 décembre 1818), Elie (Blâmont, 5 décembre 1820), Joseph (Blâmont, 4 juin 1822), et Emilie (Blâmont, 13 janvier 1829).

On ne sait rien de la formation suivie par Joseph Bloch pour exercer la profession de dentiste. Car la profession de dentiste n’est pas réglementée à cette époque : il faudra attendre la loi du 30 novembre 1892, dont l’article 2 édicte que « Nul ne peut en France exercer la profession de dentiste s’il n’est muni d’un diplôme de docteur en médecine ou de chirurgien-dentiste. Le diplôme de chirurgien-dentiste sera délivré par le gouvernement français à la suite d’études organisées suivant un règlement rendu après avis du Conseil supérieur de l’Instruction publique, et d’examens subis devant un établissement supérieur médical de l’Etat », et le décret du 25 juillet 1893 qui fixe la durée des études à 3 ans.

On notera cependant dans le jugement ci-dessous une particulière clémence, et l’allusion à des « circonstances atténuantes » qui ne sont pas précisées : mais l’audience du 10 juillet 1869 s’étant tenue à huis-clos, il reste difficile d’en apprécier les motivations, et l’évolution de la législation en matière de viol est très lente au XIXème siècle, avec des analyses juridiques ambigües sur la « séduction », le consentement...

C’est cependant bien aux assises que Joseph Bloch est jugé, et non au tribunal correctionnel, la justice ayant donc bien retenu le crime. Le code pénal de 1791 prévoyait en son article 29 « Le viol sera puni de six année de fers », puis celui de1810, en son article 331, que « Quiconque aura commis le crime de viol, ou sera coupable de tout autre attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence contre des individus de l’un ou de l’autre sexe, sera puni de la réclusion. »
La loi du 28 avril 1832 a dissocié le viol de l'attentat à la pudeur avec violence, avec l’article 332 « Quiconque aura commis le crime de viol sera puni des travaux
forcés à temps. Si le crime a été commis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze ans accomplis, le coupable subira le maximum de la peine des travaux forcés à temps. Quiconque aura commis un attentat à .la pudeur, consommé ou tenté avec violence contre des individus de l'un, ou de l'autre sexe, sera puni de la réclusion. Si le crime a été commis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze ans accomplis, le coupable subira la peine des travaux forcés à temps.
»

On ignore si la peine a été exécutée, et pourquoi dès 1870, reparaissent des publicités pour un cabiner Bloch-Vouvray à la même adresse du 22 rue Mazagran. En 1884, la Cabinet Bloch-Vauvray déménage 17 rue d’Abbeville et 38 rue Baudin, et en 1899, 11 avenue de Clichy
 

Le Temps
11 juillet 1869

Joseph Bloch, dentiste à Paris, rue Mazagran, 22, est traduit devant le jury sous l'accusation d'attentat à la pudeur avec violences sur des jeunes femmes qui avaient recours à son art. C'est à l'aide du chloroforme qu'il les endormait, et qu'ensuite il abusait d'elles. Les chefs d'accusation sont au nombre de quatre.
Beaucoup d'autres victimes sont entendues à titre de renseignement sur sa moralité. L'acte d'accusation a été lu à huis-clos.
Me Emile Durier est chargé de la défense. L'affaire ne finira que fort tard dans la soirée.
L'accusé nie énergiquement; il prétend que sous l'empire du chloroforme, ces jeunes femmes ont eu des hallucinations érotiques.


Le Droit : journal des tribunaux
11 juillet 1869

COUR D’ASSISES DE LA SEINE.
Présidence de M. Camusat-Busserolles.
Audience du 10 juillet 1869.
ATTENTAT A LA PUDEUR AVEC VIOLENCES. - CHLOROFORMISATION. - DENTISTE. - AFFAIRE JOSEPH BLOCH.
C’est aujourd’hui que doit recevoir sa solution devant le jury une affaire dont l’opinion publique s’était émue avec raison.
Un homme marié, père de famille, dont les parents jouissent d’une légitime considération, était accusé de faits odieux.
C’est le nommé Joseph Bloch, dentiste à Paris, rue de Mazagran, 22. Il est âgé de quarante-six ans.
A l’ouverture de l’audience, nous remarquons un grand nombre de témoins, près de cinquante, cités tant à la requête du ministère public qu’à la requête de l’accusé.
Me DURIER est assis au banc de la défense.
L’accusé est introduit; c’est un homme jeune encore. Il ne semble pas le moins du monde intimidé.
Après que le jury a prêté serment, M. le greffier BLONDEAU se lève pour donner lecture de l'arrêt de renvoi et de l’acte d’accusation.
M. l’avocat général BERGOGNIÉ requiert que les débats de l’affaire, vu le danger qu’ils offrent pour les bonnes mœurs, aient lieu à huis clos.
La Cour fait droit à ces réquisitions et le public se retire.
Nous empruntons donc uniquement au résumé de l’honorable magistrat qui préside les débats le compte-rendu de cette affaire.
Joseph Bloch, qui appartient à une honnête famille, est depuis longtemps adonné au libertinage le plus honteux.
Sa clientèle n’était guère composée que de femmes aux mœurs légères. Il faisait ses galeries des bals publics : Bullier, Mabille, le Casino, où il passait toutes ses soirées, où il avait sa place attitrée, le coin Bloch.
Prêteur sur gages, entremetteur, car il procurait des femmes aux étrangers riches, en relations continuelles avec les femmes galantes, il ne s’est pas contenté de ses conquêtes faciles, il a voulu, sans doute pour changer, porter ses ardeurs coupables sur des femmes honnêtes, et il a appelé à son secours le chloroforme, cet auxiliaire mystérieux qui a déjà amené d’autres dentistes sur les bancs de la Cour d’assises.
Désarmées, anéanties, incapables de résistance, plusieurs femmes avaient déjà subi ses impures caressés, lorsqu’on fin, au mois de février dernier, la justice fut informée.
Une jeune fille était venue le 26 février 1869, pour la première fois, chez Bloch avec une de ses tantes pour une opération. Elle se présenta de nouveau chez lui; il la fit entrer dans son cabinet, et, après examen de sa bouche, il lui déclara qu’il fallait lui brûler le nerf d’une dent malade. Il fit chauffer un fer jusqu'à blanc; la peur s’empara de la malheureuse et sa respiration se troubla.
Bloch alors l’aida à desserrer ses vêtements, et sans la prévenir, il lui plaça sous le nez un tampon de coton imbibé de chloroforme. La jeune fille se sentit endormir. Bloch lui prit la main, lui ouvrit la bouche, et elle sentit les lèvres de l’accusé s’appliquer sur les siennes.
Elle sentit d’autres infâmes attouchements ; elle avait conscience de ce qui se passait, mais, sous l’empire du puissant anesthésique, elle était dans l’impuissance de faire un mouvement. Elle y parvint cependant; ses mains cherchèrent à repousser Bloch. Celui-ci lui fit alors respirer de nouveau le flacon, et elle perdit entièrement connaissance. Lorsqu’elle sortit du sommeil où le chloroforme l’avait plongée, elle vit devant elle l’accusé, dans une attitude qui ne pouvait laisser de doute sur l’attentat qu’il venait de commettre.
Cette pauvre fille, en proie à un état d’exaltation facile à comprendre, fit à sa tante ses confidences, et c’est ainsi que l’instruction a été appelée à découvrir une série de faits semblables. Nous croyons inutile de les rappeler les uns après les autres.
Quatre chefs d’accusation étaient relevés contre Bloch. A l’égard de deux, il aurait employé le chloroforme ; pour les deux autres, il aurait seulement abusé des facilités que lui donnaient sa profession de dentiste et la qualité de médecin qu’il invoquait.
L’organe du ministère public, après avoir fait un tableau saisissant de la vie de débauches de l’accusé, après avoir dessiné à grands traits le portrait de cet homme, dont l’occupation journalière est le libertinage, dont la passion est la luxure, s’est attaché à démontrer que les attentats à la pudeur étaient établis par la multiplicité de témoins honnêtes et désintéressés, et que l’emploi du chloroforme, qui anéantit toute résistance, doit être considéré comme une violence véritable. Est-il possible de ne pas croire aux accents émus de cette pauvre fille s’écriant : « Malheureux, vous m’avez déshonorée. »
La défense a placé le terrain de la discussion sur les effets que produisent les inhalations du chloroforme.
Les témoins peuvent être de bonne foi ; mais, sous l’empire de cet anesthésique, ils ont pris pour des réalités des hallucinations. Ils ont eu des rêves érotiques, ce n’est pas impossible; mais il n’y a pas eu d’attentat à la pudeur commis par l’accusé.
Quant aux autres faits qualifiés par l’accusation d’attentats à la pudeur avec violence, il est certain que la violence n’a jamais existé.
M. le président a demandé au jury d’examiner au fond de leur conscience jusqu’où peuvent aller les ruses et les moyens de séduction, et si le chloroforme peut figurer comme une espièglerie innocente au Code du libertinage.
L’honorable magistrat a nettement reproduit les observations de la science sur les effets produits par le chloroforme. Trois périodes se succèdent après son inhalation; la première période est une période d’agitation où les facultés subsistent; la deuxième est une période d’immobilité, les facultés s’éteignent, la mémoire disparaît la dernière ; on perçoit, on entend, on sent, mais on est incapable du moindre mouvement, enfin, la troisième est un sommeil, une espèce de mort, quelquefois même c’est la mort. Or, les faits dont un témoin dépose se sont passés dans la première période; il est
impossible de douter de sa véracité.
A neuf heures et demie du soir, le jury se retire dans la chambre de ses délibérations pour répondre aux questions qui lui sont soumises.
Après une assez courte délibération, le jury rentre à l’audience.
Le verdict est négatif sur deux des questions ; affirmatif sur les deux autres questions (celles des attentats pour lesquels le chloroforme a été employé). Des circonstances atténuantes sont accordées à l’accusé.
La Cour, après en avoir délibéré, rend un arrêt qui condamne Joseph Bloch à cinq années d'emprisonnement. Il ordonne qu’il sera, pendant dix ans, privé des droits mentionnés en l’art. 42 du Code pénal.
L’audience est levée à dix heures du soir.


La Presse
13 juillet 1869

Nouvelles judiciaires
Joseph Bloch, dentiste à Paris rue Mazagran, 22, était traduit devant le jury sous l'accusation d'attentat à la pudeur avec violences sur des jeunes femmes qui avaient recours à sen art. C'est à l'aide du chloroforme qu'il les endormait, et qu'ensuite il abusait d'elles. Les chefs d'accusation sont au nombre de quatre.
Beaucoup d'autres victimes sont entendues à titre de renseignement sur sa moralité. L'acte d'accusation a été lu à huis-clos
Me Emile Durier était chargé de la défense. L'accusé a nié énergiquement; il prétendait que, sous l'empire du chloroforme, ces jeunes femmes ont eu des hallucinations.
La déposition de la jeune fille qui a tout révélé a été faite avec une vive émotion « Malheureux ! s'est-elle écriée, c'est vous qui m'avez déshonorée »
Dans son résumé, M. le président a nettement reproduit les observations de la science sur les effets produits par le chloroforme. Trois périodes se succèdent après son inhalation la première période est une période d'agitation où les facultés subsistent; la deuxième est une période d'immobilité, les facultés s'éteignent, la mémoire disparaît la dernière; on perçoit, on entend, on sent, mais on est incapable du moindre mouvement enfin, la troisième est un sommeil, une espèce de mort, quelquefois même c'est la mort. Or, les faits dont la jeune fille a déposé se sont passés dans la première période il est impossible de douter de sa véracité.
Le verdict a été affirmatif sur deux chefs relatifs à des attentats commis à l'aide du chloroforme. La cour, ayant égard aux circonstances atténuantes, a condamné Joseph Bloch à cinq ans de prison.


Le Guetteur : journal de Saint-Quentin
15 juillet 1869

La cour d’assises de la Seine s’est occupée, hier samedi, de l’affaire du nommé Joseph Bloch, dentiste, né à Blamont, arrondissement de Lunéville (Meurthe) le 4 juin 1823 et demeurant à Paris, rue Mazagran no 22. Cet homme, dit le résumé de l’acte d’accusation fait par M. le président des assises, est marié, père de famille ; ses amis ce sont les prostituées qu’il fréquente. Il est débauché, prêteur sur gages, proxénète à ses heures. Il est accusé d’avoir, dans l’exercice de sa profession, commis quatre attentats à la pudeur avec violences. Le premier attentat a été commis sur la fille C... ; le second sur la fille P... ; cette dernière est venue à l’audience entourée des témoignages les plus honorables, de l’estime, de quelque chose de plus, du respect de tous ceux qui la connaissent. Quand elle se rend chez le dentiste Bloch, pour se faire extraire une dent, il lui persuade qu’elle porte peut-être en elle un germe de maladie qui doit lui faire perdre ses dents bientôt ; il la visite, et elle se laisse examiner, candide comme elle était à son âge et dans sa situation. Bloch commet alors un odieux outrage, il attente à sa pudeur avec violences ; il fait à cette jeune fille une blessure véritable, il y a effusion de sang. C’est elle qui a révélé le fait, et son témoignage est corroboré ; la sage- femme l'a vue accourir chez elle le jour même, affolée, éperdue, pleurant et demandant à se faire inspecter par elle. Cette sage-femme a constaté qu’elle était déflorée. Quant aux deux autres attentats, ils ont été commis par Bloch sur la fille I..., et sur la fille M... lorsqu’elles avaient été préalablement chloroformées par lui. La fille I... déclare n’avoir pas perdu la conscience des actes qui se passaient pendant qu’elle était engourdie ; elle déclare que pendant ce temps, elle s’est trouvée paralysée seulement dans sa résistance. La fille M... a été chloroformée par Bloch sans même avoir été consultée. Il y a eu une phase pendant laquelle elle s’est parfaitement rendu compte de sa situation : elle a commencé à se réveiller, mais Bloch lui a fait subir aussitôt une nouvelle inhalation et lorsqu’elle est revenue de cette anesthésie elle a eu comme le souvenir d’un rêve... - Le défenseur de Bloch a terminé sa plaidoirie par ces mots : En résumé, Bloch a pu être coupable aux yeux de la morale ; on ne peut faire rentrer ses actes dans la catégorie des attentats à la pudeur prévus par la loi. Il a expié durement ses torts par la ruine de sa maison, la désolation de sa famille, sa détention préventive et la honte de sa comparution.
Le jury a rendu un verdict affirmatif seulement sur les faits concernant les deux jeunes filles chloroformées, négatif sur les autres. Le jury a admis en outre les circonstances atténuantes. En conséquence la cour a condamné Joseph Bloch en cinq années d'emprisonnement, dix ans d’interdiction des droits mentionnés en l’art. 42 du Code pénal, et aux frais du procès.


Le Temps
16 juillet 1889

Nous sommes priés d'annoncer que M. Ernest Bloch, qui, depuis longtemps, exerce la profession de dentiste, actuellement rue de Bondy, 22, près le Château-d'Eau, précédemment boulevard Saint-Martin, 3, ne doit pas être confondu avec Jules Bloch, dentiste, rue Mazagran, 22, qui vient d'être condamné par la cour d'assises de la Seine.

 

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